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Traité de Thérapeutique Clinique. 1950
Traitement des névralgies sciatiques
Paul SAVY, 1950
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Depuis
l'époque (1764) où Cotugno isola la sciatique, les travaux sur la maladie se
sont multipliés. Mais la période moderne est marquée essentiellement par les
travaux de Sicard, qui situe la cause de la maladie vers les trous de
conjugaison, et par ceux des Écoles américaine et française au sujet de
l'origine traumatique et discale de l'irritation des racines du nerf
sciatique.
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Bases cliniques du traitement
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Aspect clinique. - Avec plus ou moins de
netteté et de persistance, les signes habituels de la sciatique se apparaissent
ainsi :
La douleur représente le symptôme capital de la maladie: elle
siège sur le trajet du nerf que jalonnent les points de Valleix, s'exagère dans
les mouvements et les efforts, et surtout dans l'élongation du cordon nerveux
qu'on provoque par la recherche des signes de Lasègue et de Bonnet. Elle a pour
conséquences des troubles particuliers de la démarche et des attitudes
antalgiques spéciales, le sujet fixant sa colonne dans la position qui s'oppose
aux tiraillements du nerf malade (1). Un lumbago la précède souvent de quelques
jours.
L'hypotonie musculaire doit être soigneusement recherchée.
Elle est tardive à la période d'atrophie, et son intérêt est alors moindre parce
qu'elle s'observe également dans la plupart des affections chroniques, surtout
articulaires, du membre inférieur. Elle est précoce, sans atrophie, simplement
en rapport avec le trouble d'innervation du plexus sacré : le sujet étant couché
à plat ventre et dans le relâchement complet, on constate, du côté malade et par
la palpation large des muscles de la fesse, de la cuisse et du mollet, une
sensation de mollesse et de diminution de consistance des masses musculaires.
Cette hypotonie peut entraîner l'abaissement du pli fessier, une diminution du
réflexe rotulien, etc.
L'abolition du réflexe achilléen existe dans près de la moitié
des cas, semble-t-il ; elle peut être définitive dans les formes graves, mais
précoce et passagère dans les variétés bénignes.
D'autres signes complètent la symptomatologie : sensation de
fourmillements déclenchés par la station debout, retentissement douloureux de la
toux et de l'éternuement, troubles discrets de la sensibilité objective dans les
territoires de L5-S1 ou S1-S2 douloureux à la pression, sur L4 et L5, limitation
de certains mouvements du rachis lombaire, etc.
Formes évolutives. - Les formes évolutives
sont extrêmement variées, et la thérapeutique doit en tenir compte. Elle ne fait
pas appel aux mêmes méthodes dans les sciatiques légères qui n'incommodent que
fort peu le malade, ou dans les crises aiguës très douloureuses, ou dans les
variétés récidivantes, ou dans les formes chroniques qui, avec leurs troubles
trophiques et leurs attitudes antalgiques, représentent une véritable infirmité.
Causes d'erreurs de diagnostic. - En dehors
de la simulation qu'on éliminera par la recherche de l'hypotonie musculaire, il
importe d'éviter la confusion avec toutes les maladies ostéo-articulaires du
bassin et de la hanche, et surtout la coxarthrie et l'arthrite sacro-iliaque,
avec la cellulite, la myalgie rhumatismale, une ancienne fracture méconnue du
rachis.
(1) L'attitude antalgique est celle qui entr'ouvre au maximum
le trou de conjugaison, disent les partisans (le l'origine rhumatismale de la
sciatique ; c'est celle qui reporte le poids du corps le plus loin possible de
la partie postéro-latérale du disque hernié qui comprime les racines du
sciatique, affirme de Sèze, qui soutient la fréquence de la sciatique
traumatique.
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Bases anatomiques du traitement
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Siège des lésions. - On ne parle plus guère
actuellement de sciatiques hautes,
moyennes ou basses. La formule généralement adoptée est celle de Sicard : le
nerf est touché dans la zone qui s'étend du canal rachidien à la sortie du trou
de conjugaison (1), alors qu'il est en contact intime avec les éléments
ostéo-fibreux du squelette vertébral. L'étranglement du tronc nerveux provient
soit de sa tuméfaction et de sa congestion au
sein de cette zone inextensible, soit de l'altération des tissus environnants
qui l'enserrent et le compriment, soit d'une combinaison des deux facteurs.
Lésions ostéo-fibreuses. - C'est à elles que
revient le rôle principal, dans la majorité des cas. Elles siègent sur le disque
intervertébral ou sur l'appareil ostéo-ligamentaire du voisinage.
LE DISQUE. - Les interventions chirurgicales que l'on pratique
dans certaines sciatiques rebelles ont révélé les faits suivants. Dans les cas
les plus typiques, le disque intervertébral est projeté en arrière, - sous
l'influence d'un traumatisme plus ou moins apparent, - sa capsule éclate et le
noyau gélatineux qu'il renferme, faisant hernie dans le canal rachidien, vient
comprimer les racines du sciatique au point où elles pénètrent dans le trou de
conjugaison. D'après les 500 cas opérés par Love et Walsh, la lésion intéresse
pratiquement toujours les deux derniers disques lombaires. Mais tous les degrés
peuvent s'observer entre cette modification pathologique profonde, entre cette
hernie nucléaire volumineuse et irréductible, et des altérations plus discrètes
: le disque est rompu, mais le noyau hernié peut se réduire spontanément ou,
moins encore, le disque se déplace légèrement, traumatisant les ligaments
voisins, réalisant une simple entorse lombo-sacrée (G. Hue).
LES LIGAMENTS. - H. et J. Forestier, Putti, comme d'ailleurs
Sicard, ont attiré justement l'attention sur les modifications pathologiques non
plus de la partie antérieure du trou de conjugaison qui est en rapport direct
avec le disque, mais de sa partie postérieure, c'est-à-dire des ligaments
interapophysaires et du ligamnent jaune. Aussi bien ce dernier peut être déchiré
ou tordu dans les mêmes mouvements de flexion du tronc qui provoquent
l'expulsion du nucléus ; et l'association des deux lésions s'explique ainsi
aisément. Il existe même des cas où, le disque étant normal, on ne note qu'un
épaississement du ligament jaune, - conséquence vraisemblable d'altérations
microtraumatiques, - réalisant à lui seul la compression de la racine nerveuse
et nécessitant la résection libératrice.
LÉSIONS ASSOCIÉES. - L'exploration radiographique ou
chirurgicale montre, en outre, soit des lésions d'arthrose vertébrale ou des
ostéophytes qui témoignent d'un état dyscrasique capable de retentir à son tour
directement sur le nerf. Ou bien il existe des malformation congénitales -
sacralisation et lombalisation, spina-bifida occulta, rétrécissement des trous
de conjugaison, hyperlordose, etc. : il semble que leur rôle soit plutôt
indirect - elles fragilisent la charnière lombo-sacrée - ou bien il ne s'agit
que de coïncidences.
ALTÉRATIONS MÉNINGÉES. - Des lésions d'arachnitis peuvent être
en cause dans certaines sciatiques syphilitiques. Lorsqu'il s'agit de sciatique
discale, le liquide céphalo-rachidien est normal, ou bien hyperalbumineux comme
dans les cas de compression médullaire ; parfois, cependant, des adhérences
méningées sont constatées anatomiquement (2).
Lésions du nerf. - On peut imaginer que sous l'influence de
processus divers – froid, poussées rhumatismales, goutte, réaction allergique,
toxique, infectieuse, etc. – se produit d'emblée un état congestif et oedémateux
du nerf qui s'étrangle dans le canal fibro-osseux rigide, sans qu'il existe
aucune lésion discale, osseuse ou ligamentaire : c'est la justification du
maintien, dans le domaine étiologique, de la sciatique dite rhumatismale on
inflammatoire primitive (Sicard, Coste, Decourt, etc.). Aussi bien, lésions
nerveuses et ostéo-articulaires existent souvent en association : manifestations
parallèles d'un même état pathologique - diathèse rhumatismale, par exemple -
touchant à la fois les tissus osseux et nerveux ; ou bien, plus généralement,
résultats d'une atteinte secondaire du tronc nerveux sous l'influence de lésions
discales ou ligamentaires, habituellement d'origine traumatique.
(1) Mis à part les cas de piqûre du nerf à la suite
d'injections médicamenteuses (bismuth, etc) ou d'une atteinte traumatique en un
point quelconque de son trajet, ou encore d'un englobement par des adhérences
aponévrotiques de la région fessière qu'on traite par l'aponévrotomie d'Ober.
(2) La pachyméningite primitive peut parfois être en cause.
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Bases étiologiques du traitement
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Sciatique rhumatismale. -Vieillie, démodée,
usée, traquée par la jeune et brillante sciatique traumatique, celle qui fut
tout risque de n'être plus rien : sa mise au tombeau (A. Mouchet) a été
envisagée. Mais elle ne peut pas mourir parce qu'elle porte en elle un élément
de vitalité incessante qu'elle puise dans sa source étymologique : xxxxx
signifie fluxion. »
SA LÉGITIMITÉ. - On hésite évidemment à parler de sciatique
rhumatismale. Le qualificatif étiologique apparaît singulièrement vague, et plus
populaire que scientifique. On s'excuse habituellement de l'employer. Il est
cependant difficile de s'en passer; aucune épithète n'est à la fois aussi
synthétique et aussi évocatrice. Dire d'une affection qu'elle est rhumatismale,
c'est - comme chacun sait - faire intervenir dans son étiologie l'action du
froid ou d'un état diathésique ; c'est se représenter son substratum
physio-pathologique comme un état fluxionnaire, congestif, oedémateux, réalisé
en dehors de toute infection microbienne ; c'est envisager son évolution dans le
sens habituel d'une résolution plus ou moins rapide ou de récidives fréquentes,
parfois aussi d'un passage à l'état chronique lorsque, dans les tissus, se
déposent les alluvions qu'apportent des poussées successives ou la prolongation
du processus. Par contre, on invoque un élément pathogénique dont on imagine
bien les effets, mais dont on ne sait guère déterminer la nature; peut-on
toutefois reprocher à une épithète d'être trop imprécise lorsqu'elle laisse
logiquement dans l'ombre ce qui doit y rester, en attendant le jour où la
lumière sera projetée sur les points obscurs. En réalité, c'est plutôt au point
de vue de la thérapeutique que le terme "rhumatismal" présente un inconvénient ;
encore n'en est-il pas responsable: on l'a dévié de son sens primitif lorsqu'on
l'a appliqué à la maladie de Bouillaud, manifestation infectieuse et nullement
humorale; et une même dénomination pour des états d'essence différente a conduit
à user et à abuser du salicylate de soude dans le traitement d'affections qui,
contrairement au rhumatisme articulaire aigu, n'en bénéficient d'aucune façon.
SES BASES ANATOMIQUES ET ÉTIOLOGIQUES. - Elles reposent sur
des faits d'observation cliniques et anatomiques.
Certaines causes se retrouvent fréquemment à l'origine de
l'affection. Comme pour toutes les névralgies - cervico-brachiales,
intercostales, faciales, etc. - le rôle du froid humide, de tout temps admis par
la croyance populaire et constaté en particulier aux armées (F. Coste, J.
Decourt, etc.), ne laisse aucun doute sur l'existence d'une sciatique a frigore.
D'autre part, le terrain goutteux, arthritique, allergique, intervient
manifestement dans un nombre important de cas ; on ne peut que constater le
fait. en regrettant, dans ce domaine, l'imprécision des détails pathogéniques,
Au point de vue anatomique, c'est l'appareil
ostéo-fibro-ligamentaire du trou de conjugaison qui, tuméfié, comprime le nerf ;
ou bien, mais plus rarement semble-t-il, le cordon nerveux touché primitivement
par le processus rhumatismal s'étrangle (1) dans un appareil ostéo-ligamentaire
intact. Coste a justement insisté sur l'arthrose vertébrale associée, sur la
sclérose du disque et l'induration du nucléus qui préparent le terrain à
l'action d'un traumatisme souvent minime.
CONSÉQUENCES THÉRAPEUTIQUES. - On conçoit que le traitement
doive être ici essentiellement médical - le repos au lit évitera la compression
du nerf dans les trous de conjugaison qui se ferment davantage dans la station
verticale; tous les procédés anti-algiques habituels pourront être utilisés ;
quant à la thérapeutique étiologique, ce n'est pas avec le salicylate de soude
qu'elle pourra être réalisée puisque la sciatique rhumatismale n'a rien de
commun avec la maladie de Bouillaud, et c'est au traitement de la goutte ou d'un
état de sensibilisation allergique qu'on pourra éventuellement recourir.
Sciatique traumatique. - Dès 1928 et 1930,
Alajouaninc et Petit-Dutaillis rapportaient l'observation de sciatiques dues à
une hernie discale, guéries par l'opération. En 1933, Mauric, dans sa thèse,
signale des observations analogues de Dandy, Robineau, Elsberg, Haguenau, etc.
Depuis, les travaux se sont multipliés qui tendent à. donner à la sciatique
traumatique une place prépondérante et à réduire de plus en plus le domaine de
la sciatique dite rhumatismale ou essentielle. Avec Glorieux, en Belgique, avec
les auteurs américains (J. S. Bau, J. Mister, G. Love, etc.) qui apportent leurs
immenses statistiques opératoires, de Sèze, en France, insiste sur l'importance
de cette conception étiologique nouvelle (2).
SA LÉGITIMITÉ. - Dans plus de la moitié des cas, dit de Sèze,
auquel on doit une série de remarquables articles sur la question, on retrouve,
à l'interrogatoire des sujets atteints de sciatique un traumatisme antérieur :
le plus habituel, et le plus efficace, c'est le lever d'un poids lourd en
position penchée en avant, ou bien un mouvement brusque du tronc, ou plus
rarement une chute sur le siège. Un lumbago apparaît d'abord ; puis se déclare
la sciatique, un on deux jours ou quelques semaines après. Il se peut toutefois
que le malade ait perdu le souvenir de l'accident antérieur. Il se peut aussi
qu'il ne s'agisse que de microtraumatismes minimes, mais souvent répétés, à
l'occasion d'attitudes professionnelles surmenant la charnière lombo-sacrée,
particulièrement sensible dans la race humaine qui a choisi l'" orgueilleuse
position verticale".
SES BASES ANATOMIQUES ET CLINIQUES. - Le traumatisme agit soit
par la hernie discale, soit par un tiraillement de l'appareil ligamentaire
réalisant une véritable entorse lombosacrée, accompagnée ou non d'hématome (p.
1968).
Dans le premier cas, l'exploration radiologique permet de
constater deux faits : d'une part le pincement radiologique d'un disque lombaire,
c'est-à-dire son amincissement (3), mais le signe peut manquer dans la sciatique
traumatique et s'observer en dehors d'elle; d'autre part, l'épreuve du lipiodol,
qui révèle un arrêt au niveau du disque ou une encoche; mais là encore les
causes d'erreur existent.
Cliniquement, la sciatique par hernie discale, non réductible,
- dont la symptomatologie ne présente rien de spécial, - est souvent rebelle à
tous les traitements médicaux (4). Ce caractère essentiel, joint à la notion
nette d'un accident antérieur et à certaines modifications radiologiques,
représente le meilleur élément de diagnostic de la sciatique traumatique qui
peut conduire à l'intervention (5).
(1) Chez un malade de G. Decourt, Petit-Dutaillis constata à
l'opération uniquement une hyperhémie intense des deux dernières racines
lombaires et de la première sacrée dans la portion funiculaire (qui s'étend de
la dure-mère au trou de conjugaison). La laminectomie et l'incision de la
dure-mère amenèrent une sédation rapide de douleurs persistantes.
(2) D'ailleurs, la sciatique s'observe surtout chez l'adulte,
exposé à un travail plus pénible que l'enfant ou le vieillard.
3) Le pincement se différencie de celui du mal de Pott par
l'intégrité habituelle des corps vertébraux. Il peut être réalisé par la simple
attitude antalgique, et, s'il apparaît sur plusieurs disques, il petit signifier
une dégénération due simplement à l'âge. Le signe prend toute sa valeur s'il est
associé avec un résultat positif de l'épreuve au lipiodol. Or celle-ci peut ne
montrer aucun arrêt dans le cas de hernie discale, et inversement (technique
imparfaite avec trop de liplodol on pas assez, hyperlordose, hypertrophie du
ligament jaune, etc.). En principe, cependant, un arrêt net et constant possède
une réelle valeur. Mais l'épreuve n'est pas sans inconvénient pour le malade
(fièvre, douleurs) et ne doit guère être tentée que pour les sciatiques rebelles
dont la radiographie simple a montré un pincement du disque (de Sèze).
L'injection d'air intrarachidienne est plus simple, niais l'interprétation des
clichés est très difficile.
4) Elle peut provoquer l'apparition de troubles sphinctériens
et génitaux, de douleurs bilatérales et même de paraplégies d'origine discale,
parfois à la suite de manoeuvres orthopédiques forcées, paraplégies qui peuvent
d'ailleurs guérir spontanément à l'aide du repos.
(5) La question médico-légale peut se poser (CLAUDE et De
Sèze, Revue du rhumatisme, n° 1, 1941 ; De Sèze, Presse méd., 25 février 1942).
CONSEQUENCES THERAPEUTIQUES. - Une sciatique traumatique peut
guérir par le traitement habituel de toutes les entorses - le repos en constitue
la base - lorsque la distorsion des ligaments est en cause, et même dans le cas
de hernie modérée du disque, spontanément réductible. Par contre, - mais il
s'agit plutôt de cas exceptionnels si l'on envisage l'ensemble des sciatiques, -
une intervention peut être nécessaire : ablation du noyau hernié ou laminectomie
décompressive (p. 1975).
Sciatiques infectieuses. - La syphilis est
parfois en cause, - par le mécanisme d'une
méningo-radiculite dont l'examen du liquide céphalo-rachidien révèle l'existence
; de même l'encéphalite épidémique ou le zona, et plus rarement la mélitococcie.
Mais il est souvent difficile de pouvoir affirmer que la névralgie est
tuberculeuse - en dehors naturellement du mal de Pott, - alcoolique, goutteuse,
diabétique, paludéenne, blennorragique grippale parce qu'elle est survenue chez
un sujet qui présente, dans ses antécédents, l'une ou l'autre de ces diverses
infections ou intoxications. Il peut d'ailleurs s'agir de spondylite
inflammatoire.
Sciatiques néoplasiques. - Ce sont des
sciatiques par compression : tumeur bénigne, assez rarement, telle que fibrome
utérin, etc. ; cancer plus habituellement, primitif et radiculo-médullaire (1)
ou secondaire à une métastase rachidienne d'un néoplasme du sein, ou des organes
du petit bassin - utérus, prostate, ovaire, rectum. La nécessité du toucher
rectal et vaginal s'impose dans les formes de la sciatique que leurs caractères
bilatéralité, apparition progressive - rendent suspectes.
La sciatique traumatique - par hernie discale ou entorse
ostéo-ligamentaire - existe manifestement ; de sa connaissance ont découlé des
conceptions thérapeutiques nouvelles. Doit-elle englober la plupart des
sciatiques rhumatismales ou essentielles, en admettant l'influence de
microtraumatismes occultes ? En fait, il faut conserver la sciatique
rhumatismale, à condition de ne pas la considérer comme une manifestation
nerveuse du rhumatisme articulaire aigu et même du rhumatisme articulaire
chronique - auquel cependant elle peut s'apparenter - mais comme le résultat
d'une poussée fluxionnaire d'origine humorale ou allergique ou afrigore, pouvant
s'exercer sur la charnière lombo-sacrée - d'ailleurs d'autant plus facilement
qu'elle est soumise à des microtraumatismes incessants - ou directement sur les
racines nerveuses.
(1) L'intervention doit être naturellement plus précoce pour
une tumeur médullaire que pour une hernie nucléaire. Mais la première
éventualité est notablement plus rare. Bradford et Spurling opèrent 35
protrusions du disque pour 3 tumeurs de la queue de cheval.
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Eléments du traitement de la sciatique
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Repos. - Il s'impose de lui-même dans les
formes très douloureuses même lorsque les souffrances sont tolérables, le
décubitus horizontal est nécessaire pour éviter la fermeture des trous de
conjugaison plus marquée dans la station verticale, et l'augmentation de la
pression du liquide céphalo-rachidien au point déclive (Coste). Il l'est encore
plus lorsqu'il s'agit d'obtenir la réduction spontanée (2) d'une hernie discale
probable ; la position de « surrepos » (de Sèze) est alors ainsi réalisée :
jambes fléchies reposant sur un gros traversin, tête et épaules soulevées par
des oreillers de façon à placer la colonne lombaire en cyphose. L'immobilisation
sera de deux à trois semaines en moyenne, tandis qu'interviendront les
injections locales sédatives pour faire cesser la contracture. -Dans les formes
chroniques ou récidivantes, on peut, après la cure de repos au lit, réaliser une
courte immobilisation plâtrée (de Sèze) et surtout conseiller au malade le port
d'une ceinture orthopédique, du type lombostat (1).
(2) La réduction par manipulation a été préconisée par
Ducroquet. Lorsqu'elle est maladroitement réalisée, elle peut entrainer des
complications paralytiques.
Médication interne de la sciatique. - Calmer la douleur, modifier le
terrain, atteindre la cause, infectieuse ou toxique dont dépend la maladie, ces
trois préoccupations entraînent à prescrire divers médicaments.
THÉRAPEUTIQUE ANALGÉSIQUE. - Elle utilisera les
antinévralgiques classiques : aspirine, antipyrine, pyramidon selon les formules
variables (p. 58), aconit (p. 53), gelsémium, belladone et atropine, certains
composés barbituriques comme l'allonal, etc. L'opium peut être prescrit en
suppositoires, en lavements où le laudanum s'associera à l'antipyrine et au
chloral, en potion ou sous forme de gouttes blanches de Callard, par exemple ;
l'injection de morphine, qu'il faut rejeter dans les formes prolongées, peut
trouver son indication au cours d'un paroxysme exceptionnellement douloureux.
MODIFICATEURS DU TERRAIN. - Assez rarement d'ailleurs, car la
méthode ne semble pas particulièrement efficace, on pratiquera, dans les formes
traînantes, soit l'autohémothérapie, soit la médication pyrétogène à l'aide de
l'huile soufrée, du dmelcos intraveineux ou des ondes courtes. Si la diathèse
urique paraît en cause, l'atophan, l'atoquinol, la pipérazine seront utiles.
L'hyposulfite de soude et les peptones magnésiées pourront intervenir en temps
qu'agents de désensibilisation. Enfin la vitamine B a été préconisée.
MÉDICATION ANTI-INFECTIEUSE. - Dans la sciatique syphilitique,
le traitement spécifique est naturellement indiqué, mais, dans les autres
formes, le salicylate de soude jouit d'une réelle faveur qu'il emprunte à la
conception rhumatismale de la sciatique ; en fait, comme la maladie de Bouillaud
n'est pas en cause, les inconvénients de la médication salicylée à hautes doses
paraissent supérieures à ses avantages. Le cas est différent lorsque la
névralgie semble relever d'une localisation basse d'un virus neurotrope, celui
de l'encéphalite épidémique par exemple - dans ces conditions, le salicylate de
soude intraveineux, l'urotropine et l'iodure de sodium (p. 1870) doivent
intervenir; l'action anti-infectieuse de ce dernier médicament se double de
propriétés analgésiques, lorsqu'il est injecté dans les veines ou loco dolenti.
(1) Le régime alimentaire n'a pas l'importance qu'on lui
attribue généralement: la crainte des méfaits de l'acide urique conduit à
imposer la rigueur d'un régime lacto-végétarien strict à certains malades dont
l'alimentation gagnerait à demeurer normale, à l'exclusion cependant du vin pur,
de l'alcool et de tout excès. Toutefois, chez les obèses, les diabétiques et les
goutteux, il y aura toujours intérêt à utiliser l'apparition de la sciatique
pour s'opposer aux fantaisies alimentaires d'un sujet indocile. Il se peut aussi
que l'allergie digestive entre en cause pour une part, et que la suppression des
oeufs, du chocolat, etc., soit justifiée.
Révulsion dans la sciatique. - En dehors des
procédés physiothérapiques plus compliqués, et dont il sera fait mention
ultérieurement, il existe beaucoup de petits moyens auxquels le malade a
d'ailleurs recours de lui-même : application de baumes analgésiques, de
cataplasmes de farine de lin, de compresses éleeriques, d'air chaud, etc. On
rejette les pointes de feu dont l'action analgésique modeste ne compense
nullement les inconvénients des cicatrices indélébiles. Le vésicatoire, qu'on
enlève après une nuit d'application, ne fait souvent qu'augmenter les douleurs,
comme d'ailleurs toutes les méthodes précédentes dans certaines sciatiques
suraiguës,où la moindre application ne saurait être tolérée. On utilisait
beaucoup autrefois le siphonage au chlorure de méthyle avec le siphon de Debove.
La technique était simple, mais il fallait éviter les brûlures. Néanmoins, on
obtenait des résultats intéressants dans les formes persistantes, avant que ne
fût connu le traitement radiothérapique.
Injections locales dans la névralgie sciatique.
- Elles se pratiquent dans le derme, sous la peau, ou profondément au voisinage
du nerf.
INJECTIONS INTRADERMIQUES. - On a recours de préférence
actuellement aux injections d'histamine, selon la technique indiquée.
INJECTIONS PROFONDES PARANERVEUSES. - Elles ont pour but de
porter au voisinage du nerf des liquides modificateurs et analgésiants. Le
liquide employé varie. On n'utilise plus guère actuellement les produits
lytiques dont l'injection, si elle atteignait directement le nerf, provoquerait
une paralysie définitive, bien que l'alcool, correctement injecté à distance du
sciatique, par un opérateur exercé, puisse, au prix d'une violente sensation de
brûlure d'une demi-minute de durée, donner d'excellents résultats dans la
sciatique aiguë (Haguenau). On injecte habituellement du sérum novocaïné à 1 p.
100 (5 centimètres cubes), ou une solution d'iodure de sodium au vingtième, ou
du lipiodol (2 à 3 centimètres cubes), ou 1 à 3 centimètres cubes d'une solution
d'acide salicylique à 1 p. 1 000, ou des solutions spécialisées (thiodocaïne,
etc.).
L'injection paravertébrale se pratique selon la technique de
Barré: l'aiguille est enfoncée dans l'espace iléo-sacro-vertébro-transversaire,
à 4 centimètres en dehors de l'apophyse épineuse de la cinquième lombaire. On
accroche l'apophyse transverse de cette vertèbre, et on continue à pénétrer de 2
à 3 centimètres, en inclinant légèrement l'aiguille en bas et en dedans. Barré
utilise comme liquide 4 à 5 centimètres cubes de novocaïne à 1 p. 100 et répète
l'injection à quatre ou cinq reprises.
L'injection épidurale convient aux sciatiques persistantes.
Imaginée par Sicard et Cathelin, elle a pour but de faire pénétrer l'injection
analgésiante dans l'espace épidural avant la sortie des racines du canal sacré.
La méthode un peu plus compliquée que les précédentes, est parfois efficace et
toujours inoffensive. Elle fait parfois appel au lipiodol, qui complète l'action
plus immédiate de la novocaïne; cette association guérit la majorité des
sciatiques chroniques (J. Decourt).
INSTRUMENTS. - Une aiguille, une seringue et la solution
représentent, avec le matériel habituel pour l'asepsie, toute l'instrumentation
nécessaire. On emploie l'aiguille à ponction lombaire, ou une aiguille spéciale
en acier longue de 6 centimètres. A cette aiguille on adapte une seringue de 5
centimètres cubes. Les solutions utilisées sont : la novocaïne ou ses succédanés
dont on injecte 2 à 4 centimètres cubes, ou le sérum artificiel (5 à 20
centimètres cubes).
RECHERCHE DES POINTS DE REPÈRE. - On pénètre dans le canal
sacré par l'hiatus sacro-coccygien. Cet hiatus correspond à la base du coccyx et
se trouve délimité par trois tubercules formant un triangle ; le tubercule
médian supérieur qui termine la crête sacrée et les deux tubercules sacrés
postéro-inférieurs. On se place à gauche du malade, qui se met dans le décubitus
latéral en chien de fusil. A un travers de doigt au-dessus du pli interfessier,
on perçoit très facilement avec l'index les deux tubercules sacrés inférieurs :
entre les deux se trouve une dépression au niveau et un peu au-dessus de
laquelle on pratiquera la piqûre. On peut encore rechercher la pointe du coccyx
et enfoncer l'aiguille à 7 centimètres au-dessus.
Physiothérapie de la sciatique. - Elle
convient aux formes prolongée la terminaison de la crise aiguë permettant le
transport du malade (1).
RADIOTHÉRAPIE. - Elle représente incontestablement le procédé
le plus actif. Préconisée en 1911 par Babinski, Charpentier et Delherm, elle
agit dans toutes les formes, même anciennes de la sciatique, mais il est
préférable de ne pas trop tarder et de l'appliquer dès que la douleur semble se
maintenir. Zimmern et Cottenot irradient l'articulation sacro-iliaque, et toute
la zone qui s'étend en hauteur de la quatrième vertèbre lombaire à la deuxième
sacrée, avec des rayons semi-pénétrants et obliquement dirigés. On pratique
quatre à cinq séances, à raison d'une tous les deux jours ; et, après un repos
d'une dizaine de jours, on peut recommencer en augmentant la dose de 50 ou 100
p. 100 ; on pourrait d'ailleurs utiliser d'emblée ces doses fortes (Zimmern et
Chavany). Les précautions nécessaires seront prises pour protéger les glandes
génitales contre l'irradiation. D'une manière générale, et même si la méthode
provoque une exacerbation des douleurs après quelques séances, les résultats -
je l'ai souvent constaté - sont excellents. On obtient une guérison totale ou
presque totale dans près de 75 p. 100 des cas (2).
GALVANISATION ET IONISATION. - La galvanisation simple tend à
faire place à l'ionisation au chlorure de calcium en solution à 1 p. 100, ou à
l'acide salicylique. Bourguignon utilise la technique suivante: des deux
électrodes, taillées spécialement pour chaque malade, l'active est placée sur la
cinquième vertèbre lombaire et l'autre sur le triangle de Scarpa. L'intensité du
courant ne dépasse pas 3 à 4 milliampères. Les séances sont de vingt minutes: on
les répète quotidiennement pendant la première semaine, tous les deux jours
pendant les trois semaines suivantes. Les résultats n'apparaissent en général
qu'à la fin de la série, et une poussée douloureuse peut même survenir vers la
quatrième séance.
DIATHERMIE ET ACTINOTHÉRAPIE. - Personnellement, je considère
ces méthodes comme très inférieures à la radiothérapie. La diathermie agit de
préférence dans les pseudo-sciatiques d'origine musculaire (Mollaret). Les ondes
courtes ont donné quelques succès. Les rayons infra-rouges ont été conseillés
par Delherm et Nilus dans les premiers jours de la névralgie. Quant aux rayons
ultra-violets, ils n'agissent guère que comme méthode révulsive, aux doses
érythémateuses suivant la technique de Dausset (p. 81).
INJECTION. - On ponctionne d'abord presque perpendiculairement
pour traverser les ligaments, que l'on crève à la manière d'une peau de tambour.
A ce moment, on baisse le pavillon de l'aiguille à angle assez aigu sur la ligne
interfessière, de façon à remonter dans le canal, dans un plan bien médian,
jusqu'à une profondeur de 3 à 5 centimètres. On pousse alors l'injection très
doucement, à la condition qu'aucune goutte de sang ne soit venue perler au
pavillon de l'aiguille. Puis on, retire, d'un coup, seringue et aiguille, et on
applique un peu de teinture d'iode sur l'orifice de la piqûre. Au moment où
pénètre le liquide, les malades accusent une sensation de fourmillements dans
les membres inférieurs ou de ruissellement d'eau dans les reins. Cette
impression disparaît, en général, au bout de quelques heures.
INCIDENTS. - Du liquide céphalo-rachidien s'écoule si le
cul-de-sac dural descend bas. On remet, l'intervention à une prochaine séance
lors de laquelle l'aiguille sera enfoncée à 1 ou 2 centimètres de moins (Paillard).
L'aiguille peut se rompre.
(1) Le massage ne se révèle vraiment efficace que lorsqu'il
s'agit d'une fausse sciatique par cellulalgie.
(2) DELHERM et NILUS (Presse médicale, 21 oct. 1933) utilisent
les irradiations rachidiennes, et, si le résultat obtenu n'est pas assez rapide,
les irradiations périphériques sur le trajet du nerf. La méthode agit en
décongestionnant les branches nerveuses enflammées et étranglées dans leurs
gaines conjonctives, et également le sympathique.
Traitement chirurgical. - C'est un chapitre
nouveau qu'ont écrit surtout les chirurgiens américains. Il est né de la
compression des racines du sciatique par le nucléus dont l'ablation a été
réalisée.
PRINCIPE. - La greffe d'Albee bloque la charnière lombo-sacrée.
La section des ligaments jaunes peut suffire lorsque seule leur hypertrophie
compressive est en cause. La laminectomie simple, opération sans gravité, dit
Tavernier libère le nerf comprimé : «tout au plus les malades gardent-ils
quelques douleurs irradiées quand ils inclinent fortement le tronc en avant».
Mais la résection du disque hernié constitue l'opération la plus complète (1).
INDICATIONS. - Même si l'on est certain du diagnostic de
sciatique discale, l'intervention n'est pas indiquée d'emblée : la réduction
spontanée de la hernie peut s'opérer et les phénomènes congestifs associés
s'apaisent. Il faut, pour poser l'indication opératoire, une sciatique rebelle
pendant les premiers mois à tous les traitements médicaux correctement appliqués
(de Sèze) ; elle nécessite alors - mais alors seulement - l'épreuve du lipiodol,
et, si celle-ci révèle une anomalie nette de la région lombo-sacrée la question
de l'intervention se pose, qui sera soit la laminectornie, soit l'exérèse du
nucléus hernié.
CURES THERMALES. - La cure thermale représente un adjuvant
important de la thérapeutique des sciatiques persistantes. Dans les formes
récentes, on dirige les malades sur Bourbonne, Lamalou, Néris, etc. ; les formes
subaiguës et chroniques relèvent des bains de boue de Dax et de Saint-Amand ;
enfin c'est sur les stations sulfureuses de Cauterets, de Luchon, et sur
Aix-les-Bains que seront envoyées les sciatiques chroniques.
(1) Elle nécessite une instrumentation spéciale et ne peut être
exécutée que par des neurochirurgiens. Relativement facile si la hernie est
récente, elle est parfois singulièrement laborieuse lorsque le nucléus est
ossifié et adhérent - les premiers opérateurs croyaient enlever des
fibrochondromesde larégion. Les résultats sont satisfaisants ; la mortalité
n'excéderait pas 0,4 p. 100 avec des chirurgiens exercés. Les récidives
apparaissent exceptionnelles.
Traitement de la sciatique aiguë. - Repos
absolu au lit ; applications ocales sédatives ; médication antalgique à l'aide
de l'aspirine, du pyramidon, de l'antipyrine, des analgésiques barbituriques,
l'intensité des douleurs pouvant obliger à utiliser passagèrement la morphine.
C'est alors qu'interviendront également les injections paranerveuses ou même
épidurales de novocaïne, de lipiodol, etc.
Traitement de la sciatique prolongée. - La
physiothérapie intervient, surtout la radiothérapie, et ultérieurement les cures
thermales. Si, malgré tout, es semaines et les mois s'écoulent sans amélioration
réelle, la question se posera d'une radiographie lipiodolée dont les résultas
peuvent conduire à l'intervention.
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