MAL DE DOS AU
FEMININ
par le Dr Jean-Yves
Maigne
Première partie |
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I
Une introduction au mal de dos
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Connaissez-vous
le mage Bambara, authentique médium africain ? Il exerce son art dans le 18ème
arrondissement de Paris et, pour se faire connaître, fait un peu de publicité
dans les journaux gratuits distribués presque chaque jour dans les boites aux
lettres. Sa photographie laisse deviner un véritable sage, fin connaisseur de
l'humain. Ses pouvoirs, d'après le texte de l'annonce, sont étonnants : outre
des prestations classiques comme la réussite en affaires et en amour, les
retours d'affection, la chance au loto, il propose des choses plus originales,
telles ces techniques de désenvoûtement ou ce pouvoir de "chasser les ennemis du
pays". Brefs, d'importantes possibilités qui doivent lui valoir une belle
clientèle. Mais justement, comme l'un de mes amis, professeur de Rééducation à
Toulouse, me le faisait remarquer, il se garde bien de promettre de guérir le
mal de dos. Autrement dit, voilà un homme qui peut presque tout. Presque tout
sauf soulager les douleurs vertébrales... A l'impossible nul n'est tenu ; mais
s'agit-il vraiment d'une mission impossible ?
Le mal de dos est
pourtant aujourd’hui l’une des affections les plus répandues et les plus banales
qui soient. Si ce n'est au sein de votre famille, vous trouverez sûrement parmi
vos amies, vos relations, une victime du mal de dos. Les statistiques
considèrent que près des deux-tiers des adultes souffrent, ont souffert ou
souffriront un jour de leur dos. Ce chiffre parait énorme, mais il en a
probablement toujours été ainsi, bien qu’autrefois, le mal de dos ait pu prendre
des formes différentes. Partout, des articles de journaux ou de magazines, des
émissions de télévision, des livres lui sont consacrés. Ce livre aussi. Un de
plus, direz-vous ? Peut-être pas : je l'ai voulu différent des autres.
D'abord, il
s'adresse aux femmes. Plus souvent que les hommes, elles sont frappées par le
mal de dos, pour des raisons qui relèvent tant de l'anatomie et de la
physiologie de leur colonne vertébrale que des activités qu'elles exercent plus
spécifiquement. D'autres facteurs jouent aussi, physiques, psychologiques,
hormonaux.
Maladie de tous les âges, le mal de dos peut commencer dès l'adolescence. Il
continue pendant les grossesses et quand elles s'occupent de leur bébé, se
poursuit quand elles travaillent, revient en force lorsqu'elles se livrent à des
tâches ménagères fatigantes, et les atteint encore après la ménopause lorsque
les vertèbres se déminéralisent. Il se glisse dans votre vie, s'y installe peu à
peu et vous gâche, à lui seul, quelques semaines, quelques mois ou de longues
années. Le mal de dos bloque quand il est aigu, use quand il est chronique. Le
mal de dos est un problème sérieux.
Médecin
spécialiste du mal de dos, j'ai pensé et écrit ce livre comme un commentaire
simple et (je l'espère) facile à lire sur les différents aspects du mal de dos.
Une promenade entre les vertèbres, avec visite guidée. En fait, j'ai considéré
ma lectrice comme l'une de mes patientes, et j'ai écrit très précisément ce que
je lui aurait dit de vive voix si elle était venue me consulter. J'ai donné les
conseils que je donne à chacune, expliqué les diagnostics, les causes, les
conséquences. J'ai répondu aux questions que vous auriez pu vous-même me poser,
et que l'on me pose le plus souvent. J'ai également répondu à celles que vous ne
m'avez pas posées, car il y a toujours quelque chose que l'on oublie de demander
à son médecin. Autant dire que j'ai préféré les mots simples, les anecdotes
parlantes et les explications compréhensibles aux longues digressions
hermétiques.
De l’histoire ancienne
L'histoire du mal
de dos a commencé il y a bien longtemps. Probablement est-il aussi ancien que
l’humanité, mais, serait-on tenté d’ajouter, pas plus. Ceci n’est pas une
boutade. Aucun animal ne souffre du dos. Soutenue par quatre membres, en
situation horizontale, leur colonne n’est soumise qu’à de faibles contraintes :
pas de hernie discale, ni d'arthrose vertébrale chez les quadrupèdes. Pas de
lumbago non plus. La nuque souple, le dos solide, ainsi vont les animaux. Une
seule exception connue, celle des bassets, courts sur pattes et longs du dos.
Ils souffrent parfois, l'âge venant, d’une maladie particulière de la colonne,
le rétrécissement du canal vertébral.
Chez l'être humain, tout change : la colonne se redresse, devient verticale et
soutient, seule, le tronc, la tête et les bras. Les ennuis commencent.
Le mal de dos n'aurait en effet jamais existé si un jour, l'un de ces animaux,
plus ambitieux que les autres, n'avait décidé de se tenir debout sur ses deux
pattes arrières. La Science a retrouvé celui qui, ce faisant, inventa peut-être
d'un coup l'Humanité et le mal de dos. Celui ou plutôt celle, car c'était une
femme, justement : Lucy.
Lucy vécut il y a trois millions d’année, à l’aube de l’humanité, à l’est de
l’Afrique. D’elle, nous ne connaissons que 52 os dont 7 vertèbres, découverts en
Ethiopie par une équipe de paléontologues en 1974. La découverte de ce squelette
fit grand bruit. Les examens auxquels il fut soumis aboutirent à la conclusion
qu’il s’agissait du plus ancien bipède jamais trouvé. Bien qu’elle grimpât aux
arbres et que ses jambes fussent courtes et incapables de longues marches, Lucy
n’était déjà plus un singe. Ce n’était pas encore tout à fait un être humain.
Elle mesurait à peine plus d’un mètre pour une trentaine de kilos. En se
redressant sur ses deux jambes, en verticalisant sa colonne, Lucy ouvrait l’ère
du mal de dos.
Le mal de dos est donc spécifiquement humain. Et l’Homme va ainsi, le dos droit
mais fragile. Bipède pensant, ses pattes de devant sont devenues des bras et des
mains. Sa colonne subit de ce fait la contrainte de la verticalisation, qui fait
reposer le poids du dos et des charges que nous pouvons soulever sur la région
lombaire.
L’effort, la peine et la contrainte allaient marquer notre corps. Cette fois-ci,
le mal de dos était bel et bien né.
De l’histoire récente
Il n’y a pourtant
guère plus de vingt ans que l’on parle du mal de dos. Auparavant ignoré du grand
public en tant que problème de santé publique, il ne fut considéré par les
médecins comme une vraie maladie qu’à partir des années soixante, voire
soixante-dix. Ce n’est pas qu’il n’existait pas, bien au contraire ! Mais sans
doute était-il différent de ce que l’on connaît aujourd’hui. La vie était plus
dure, l’effort physique quotidien et indispensable malmenait le dos. C'était
l'époque du fameux "tour de rein", expression qui rendait parfaitement compte de
ce qu'est le lumbago aigu, lié à des travaux de force, surtout masculin et
guérissant de lui-même assez rapidement.
Heureusement, car les traitements n'étaient pas à la hauteur. Une ceinture de
flanelle pour tenir chaud et beaucoup de fatalisme, autant dire pas grand-chose.
Certains guérisseurs faisaient porter un oignon dans la poche. La baronne Staffe
recommandait dans son célèbre guide "La maîtresse de maison" des frictions à
l'alcool camphré ou au "baume tranquille". Un ouvrage médical du début du
siècle, "Le médecin des pauvres" conseillait la graisse de marmotte en
onguent... Lorsqu’il fallait vraiment aller voir quelqu’un, c’était souvent au
rebouteux que l’on s’adressait. Celui-ci avait tôt fait de remettre en place le
“petit os qui s’était déplacé”, la vertèbre ou le tendon “qui avait sauté”, ou
le muscle “froissé”. Et le succès était parfois au rendez-vous ! Le mal de dos
était ainsi largement tenu à l’écart des circuits médicaux.
De l’actualité
Aujourd’hui, tout
a changé. Le recul des travaux de force, la part écrasante des emplois assis,
l'absence d'effort physique, l'arrivée du stress ont fait du mal de dos le mal
majeur de notre temps. Certes, et fort heureusement, l'on ne meurt pas de mal de
dos mais il faut bien constater qu'il est devenu, en raison de sa fréquence même,
de son coût social, de sa gravité parfois, un des grands sujets de santé
publique en cette fin de siècle. Qui n’a pas mal au dos ?
A cette question, les médecins répondent, nous l'avons vu, qu'un tiers des
adultes seulement sont épargnés. Les autres, un jour ou l’autre, en souffriront.
Mais son visage a changé. Le mal de dos n’est pas neutre : aujourd'hui, il
touche globalement un peu plus les femmes que les hommes. Championnes toutes
catégories de la prédominance féminine, les douleurs qui viennent du cou et du
haut du dos (deux femmes pour un homme) : cervicalgies, maux de tête (car
certains maux de tête viennent de votre colonne cervicale, sinon la majorité),
névralgies cervico-brachiales et dorsalgies (douleurs entre les omoplates). On
ajoutera qu'après le sexe féminin, au titre des facteurs de risque, le stress
arrive bon deuxième. Puis viennent les lombalgies chroniques, où les femmes sont
aussi en légère majorité, l'ostéoporose, quasi exclusivement féminine, et, tout
en bas de la colonne, les douleurs du coccyx (pratiquement cinq femmes pour un
homme). En revanche, et ce sont les seules exceptions, le lumbago et la
sciatique, résultants d'efforts physiques violents, frappent plus souvent
l’homme (trois hommes pour deux femmes).
Mais il ne s’agit pas seulement d’une plus grande fréquence. La douleur n’est
pas vécue chez la femme comme elle est vécue chez l’homme et le mal de dos de
l’un n’est pas celui de l’autre. Certains problèmes spécifiques, tels que les
douleurs de dos pendant la grossesse, leur recrudescence avant les règles,
l'ostéoporose et ses conséquences, n'appartiennent qu'à la femme. La prévention
aussi a sa propre spécificité : qui fait le ménage ? Qui s'occupe des enfants ?
Qui mène souvent, de front, une double journée de travail ? Autant dire qu'à ces
questions spécifiques, il faut des réponses spécifiques.
C’est pourquoi,
chapitre après chapitre, nous tenterons de déméler l’écheveau des causes et des
conséquences, de cerner les particularités et la spécificité du mal de dos au
féminin. Nous voici dans le vif de notre sujet.
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Le mal de
dos en chiffres
- A un moment
donné, les six derniers mois par exemple, 30 à 45% des gens interrogés
déclarent souffrir ou avoir souffert du dos.
- Sur une vie,
ce chiffre monte à 80 voire 90% selon les études.
- La
cervicalgie est deux à trois fois moins fréquente que les douleurs lombaires.
- Chaque
lombalgie nouvelle coûte de 4000 à 20.000 francs à la collectivité.
- Le coût
direct du mal de dos (consultations médicales, examens, traitements...)
était de 9 milliards de francs en France en 1990. Aux Etats-Unis, pour la
même période, ce coût a été évalué, sur des bases un peu différentes
(interventions chirurgicales beaucoup plus fréquentes) à 120 milliards de
francs.
- 13% des
accidents du travail sont liés à des problèmes lombaires, faisant perdre 3,6
millions de journées de travail, soit un coût de 3,5 milliards de francs à
la charge de la collectivité. 12% des accidentés du travail pour lombalgie
sont arrêtés de deux mois à un an.
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II
Comment votre dos est il fait ?
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S'il est une
structure du corps qui mérite l'admiration, c'est bien la colonne vertébrale.
Capable en même temps de rigidité et de force lorsqu'elle ne bouge pas, de
souplesse et de précision dans ses mouvements, supportant la tête mais aussi le
corps, la colonne vertébrale est la poutre maîtresse de notre organisme. Plus
encore, les zoologues en font le pivot autour duquel s'articulent les deux
grandes classes d'êtres vivants, invertébrés d'un côté, primitifs et mous,
pratiquement dépourvus de cerveau, et vertébrés de l'autre, nettement plus
séduisants et prêts à tous les développements que l'évolution apporte.
La colonne vertébrale est également désignée sous le nom de rachis (dans la
littérature médicale) ou d'épine dorsale. Ou encore, comme dans certaines
expressions, par le mot échine (se rompre l'échine, avoir l'échine souple...).
Elle contient et protège la moelle épinière et un accident ou un traumatisme
grave d'une vertèbre peut rendre paralysé. Bref, comme le coeur et le cerveau,
la colonne fait partie des structures vitales de notre organisme.
1. - A quoi ressemble la colonne vertébrale ?
La colonne se
compose de vingt quatre vertèbres mobiles réparties en trois segments : cervical
pour le cou, dorsal pour le haut et le milieu du dos et lombaire pour la région
dite des reins, d'où les trois grandes catégories de douleurs vertébrales :
cervicalgies, dorsalgies et lombalgies. Cette partie mobile repose sur un socle
fixe, le sacrum, sous lequel vient se fixer le coccyx. Le sacrum est encastré
entre les deux ailes iliaques du bassin auxquelles il est relié par de très
épais ligaments, ce qui assure une solidité parfaite aux "fondations"
vertébrales. L'ensemble, vu de face, est bien droit. Pas de doute, c'est une
colonne, au sens architectural du terme. Faite pour tenir et soutenir. Vue de
profil, la colonne est sinueuse, en S italique. Voilà qui annonce de la
souplesse (Fig. 1).
Chaque vertèbre
s'identifie au moyen d'une lettre et d'un chiffre. La lettre représente
l'initiale de son segment : C pour les cervicales, D pour les dorsales (on dit
aussi, de façon plus moderne, T pour "thoracique") et L pour les lombaires. Le
chiffre est la position en hauteur de la vertèbre; la première lombaire, L1, est
tout en haut du segment lombaire. Puis viennent L2, L3, jusqu'à L5. Même chose
pour les dorsales, de D1 à D12 (ou T1 à T12) et les cervicales, de C1 à C7.
Voyons celà plus en détail.
Sept
cervicales
C1 et C2, les
premières et deuxièmes cervicales, portent un nom. C1 est l'atlas, géant de la
mythologie greque condamné par Zeus à porter sur ses épaules la voûte céleste (ici
la tête) et C2 est l'axis, d'un mot latin qui veut dire axe, car quand on fait
"non" avec la tête, C2 sert de pivot au mouvement. Les cinq autres cervicales
n'ont pas de nom, pas plus que les dorsales et les lombaires.
Notons en passant qu'il n'y a également que sept vertèbres cervicales chez les
mammifères, quelle que soit la longueur de leur cou. Même chez la girafe. C'est
d'ailleurs, le saviez-vous, de ce long cou qu'elle meure. En effet, lorsqu'elle
boit, elle rapproche la tête du sol, là où se trouve l'eau. Pour éviter que tout
le sang contenu dans son cou ne descende brutalement dans son cerveau quand elle
se penche en avant, les artères du cou se contractent pour rétrécir leur calibre.
C'est précisément à ce moment qu'arrive le lion rugissant. La girafe, effrayée,
relève brusquement la tête mais, phénomène inverse, le sang tend à redescendre
vers la base du cou, privant son cerveau d'oxygène. Il faudra quelques secondes
pour que le sang revienne à la tête. La girafe se trouve ainsi momentanément
étourdie, sans réaction, ne sachant plus ni où elle est, ni qui elle est. A ce
moment précis, le lion, fin connaisseur de ces subtilités physiologiques, bondit,
l'attrape et la dévore.
Il existe également dans la lointaine Birmanie une ethnie où l'on trouve des
"femmes girafes", ce nom venant de ce qu'elles s'allongent le cou par des
anneaux de cuivre empilés. En fait, leurs vertèbres gardent la même taille, les
disques aussi. Cet allongement est obtenu par un écrasement et un refoulement
vers le bas des clavicules à la base du cou et non par un étirement du cou
lui-même. C'est le tronc qui s'abaisse. Les muscles sont tellement affaiblis que
sans leurs anneaux, elles ne pourraient plus tenir la tête droite. Elles en sont
donc prisonnières leur vie durant.
Douze
dorsales
Les vertèbres
dorsales sont plus anonymes. Le langage familier y fait allusion dans des
expressions comme "dos à dos", "faire le gros dos", "être le dos au mur" ou "se
mettre à dos", sans oublier "en avoir plein le dos", expression qui dit bien ce
qu'elle veut dire. Assez semblables les unes aux autres, elles forment le "vrai"
dos, au sens strict du terme, celui qui commence aux épaules et se termine en
haut des reins. Il est cependant de coutume, quand on parle du dos, d'y ajouter
la région lombaire. La cage thoracique rigidifie cette partie de la colonne.
Cette fixité relative la met à l'abri de beaucoup d'ennuis et, paradoxalement,
peu de douleurs de dos viennent de la région dorsale.
Cinq
lombaires
Les lombaires
correspondent au creux des reins, et certaines personnes disent "J'ai mal aux
reins" pour j'ai mal au dos. Ces reins là n'ont rien à voir avec les voies
urinaires, quoique la colique néphrétique (due à la présence d'un calcul dans le
rein ou l'uretère) puisse parfois être confondue avec une douleur aiguë du dos.
Elles sont au nombre de cinq. Rarement, on en compte une de plus ou une de moins.
Il s'agit cependant d'une fausse anomalie. En fait, la dernière lombaire (L5)
peut se souder au sacrum (on dit qu'elle est sacralisée et l'on ne compte plus
que quatre lombaires) et inversement, la première sacrée peut prendre la forme
d'une lombaire, et la voilà lombalisée. Mais dans ces deux cas, le nombre total
des lombaires et des sacrées reste le même.
Il n'y a que les peintres qui prennent la liberté d'ajouter des vertèbres
lombaires à leur modèle. Cela leur fait le dos plus beau... Le cas le plus connu
est celui d'une toile célèbre d'Ingres, la "Grande Odalisque ", femme dont
l'interminable chute de rein est au moins soutenue par huit vertèbres lombaires.
Les publicitaires d'aujourd'hui font de même avec des logiciels de traitement
d'image et allongent à volonté dos ou jambes, pour rendre les mannequins plus
conformes aux critères de séduction.
Dans certaines cultures d'Afrique noire, la région lombaire représente chez la
femme le centre de la fécondité et chez l'homme celui de la puissance sexuelle.
Voilà pourquoi nombre d'Africains, lorsqu'ils ont mal au dos, se plaignent aussi
d'impuissance (d'origine psychologique) et pourquoi des douleurs lombaires
chroniques se traduisent chez la femme de même origine par une peur d'être
stérile.
Un sacrum
Sous L5 se trouve
le sacrum, fait de cinq vertèbres (S1 à S5) soudées entre elles dès la
naissance. Le nom même de sacrum (os saint) vient probablement d'anciennes
croyances égyptiennes selon lesquelles le "sacrum" était l'os le plus sacré du
corps, peut-être du fait qu'il protégeait les organes génitaux. Il était
considéré comme indestructible, même après la mort. Il devait être intact pour
garantir la résurrection du corps. Cette croyance fut reprise par les Grecs puis
par les Romains qui l'utilisaient dans divers rites et sacrifices.
Le sacrum est uni au bassin par les articulations sacro-iliaques dont l'aspect
varie selon le sexe. Chez l'homme, les surfaces articulaires sont irrégulières
et bien engrenées, d'où une grande stabilité. Il n'en est pas de même chez la
femme, chez qui les surfaces articulaires sont beaucoup plus lisses. Cette
disposition permet au sacrum de basculer légèrement lors de l'accouchement. pour
laisser plus de place à l'enfant. Il y a donc une moindre stabilité de
l'articulation sacro-iliaque chez la femme, et une source de douleurs
potentielle, en particulier après l'accouchement.
Un petit
coccyx
Enfin, appendu au
bas du sacrum, se trouve le coccyx, constitué de deux ou trois minuscules
vertèbres (en fait, de petites boules osseuses). Le coccyx est ce qui reste de
la queue des mammifères. Il tire son nom de sa ressemblance avec le bec du
coucou (coccyx = coucou en grec ancien) quand on le regarde de profil. Chez
l'être humain, il ne sert pas à grand chose, sinon à être cause de douleurs
parfois fort gênantes quand on s'assoit, joliment appelées coccygodynies.
2. - Les vertèbres une par une
Chaque vertèbre
est formée de deux parties : un corps, en avant, qui ressemble à un segment de
cylindre, et un anneau en arrière, hérissé de saillies osseuses (Fig. 2). Il y a
d'abord une saillie de chaque côté, étendue comme l'aile d'un avion : ce sont
les apophyses transverses, qui donnent attache à des muscles. Une autre se
dirige vers l'arrière, jusqu'à soulever légèrement la peau du dos, c'est
l'apophyse épineuse dont l'alignement bien visible sous la peau a donné le nom
d'épine dorsale. C'est la seule partie de la colonne qui soit facilement
palpable. Sur ces apophyses aussi s'attachent des muscles puissants qui étendent
le dos et nous font tenir droit. Enfin, de chaque côté, vers le haut et vers le
bas, une paire de petites articulations qui s'unissent à celles des vertèbres
sus et sous jacentes. Ce sont les articulations postérieures. Leur nom
scientifique, zygapophyses, ferait merveille au jeu de Scrabble, s'il n'était
aussi long. Ces articulations sont recouvertes de cartilage, une substance
extrêmement lisse et lubrifiée, qui les fait glisser l'une sur l'autre sans la
moindre friction. Verrouillant les vertèbres entre elles, elles servent de guide
aux mouvements vertébraux.
Ce système
articulaire, précis au millimètre, fonctionne parfaitement. Mais si le cartilage
s'use, s'il se fissure ou devient rugueux, le glissement ne se fait plus si
bien: c'est l'arthrose articulaire, qui peut être source de douleurs du dos. Or,
il semble bien que le cartilage féminin soit plus mince que celui de l'homme et
que sa composition chimique soit légèrement différente, ce qui expliquerait la
plus grande fréquence de l'arthrose chez la femme.
Souvent, certains
patients pensent avoir de l'arthrose parce qu'ils entendent de petits
crissements lorsqu'ils tournent la tête. "Je fais du sable " disent ils
parfois... Fort heureusement, il s'agit d'un phénomène beaucoup plus banal,
probablement lié à la circulation du lubrifiant articulaire au travers de
petites irrégularités de surface du cartilage. Ces petits crissements existent
dans toutes les articulations, mais ils sont particulièrement audibles au rachis
cervical. Ceci est dû au phénomène de conduction osseuse des sons, l'oreille
percevant mieux les sons véhiculés à travers des solides (l'onde sonore passe
directement de la colonne cervicale au crâne puis au tympan) que ceux transmis
par l'air, chemin obligé d'un son né d'un genou ou du bas du dos.
L'anneau osseux
qui s'attache sur le corps vertébral limite avec lui un canal, le canal
vertébral. Dans ce canal se trouve la moelle épinière qui descend jusqu'à la
première lombaire, c'est à dire le milieu du dos, puis les racines nerveuses qui
lui font suite (que l'on nomme queue de cheval). Le diamètre de ce canal peut
être rétréci si le disque bombe en arrière ou si de l'arthrose - encore elle -
se développe dedans.
3. - Les disques : maillons faibles de la colonne
Entre les
vertèbres se trouvent les disques qui les attachent entre elles et servent
d'amortisseurs. Chaque disque est nommé en fonction des deux vertèbres entre
lesquelles il se trouve. Le disque L4-L5 relie la quatrième à la cinquième
lombaire, le disque C7-D1 la septième cervicale et la première dorsale. Le
disque le plus bas situé est L5-S1, quoiqu'il y ait aussi de minuscules disques
entre les vertèbres coccygiennes. Ce système de numérotation s'avère simple et
pratique. Le disque doit sa célébrité au fait que ses altérations sont les
grandes responsables des douleurs vertébrales.
Comment
est fait un disque ?
Les disques sont
formés de deux parties : l'anulus ou anneau et le nucleus ou noyau (Fig. 3).
L'anneau est fait de fibres qui ressemblent exactement à un gros ligament dont
le rôle est d'attacher les vertèbres les unes aux autres. Si vous pouviez
regarder l'intérieur d'un disque, vous découvririez que ces fibres
s'entrecroisent et forment un maillage serré qui résiste à l'étirement dans
toutes les directions. Ce maillage emprisonne le noyau du disque, une substance
hydratée (pleine d'eau) et gélatineuse. Interposée entre deux vertèbres, cette
substance joue le rôle d'un coussinet qui absorbe les chocs et qui rend la
colonne souple.
Comment
fonctionne-t'il ?
Ainsi se trouvent
conciliés deux impératifs en apparence contradictoires : la solidité et la
souplesse. Notons aussi que l'épaisseur des disques est proportionnelle aux
charges qu'ils subissent (ils sont très épais au niveau lombaire, surtout les
deux derniers) et à l'amplitude des mouvements qu'ils autorisent (ils sont assez
épais au cou, qui bouge beaucoup, mais minces aux étages dorsaux ou les
mouvements sont très faibles). L'eau contenue dans le noyau du disque n'est pas
de l'eau stagnante. Elle est constamment échangée avec l'eau du milieu
environnant, en particulier celle des vertèbres. En effet, le gel qui constitue
le noyau est très hydrophile. Comme le coton du même nom, comme l'éponge ou le
buvard, il attire l'eau. Inversement, le poids du corps qui comprime le disque
tend à en chasser l'eau. Ce processus est assisté et amplifié par les mouvements
du dos, exactement comme quand on presse une éponge, pour en extraire l'eau,
puis qu'on la relâche, pour qu'elle en réaspire. Quand vous bougez le dos
d'avant en arrière ou de droite à gauche, vous nourrissez vos disques. Quand
vous restez de longues heures immobile, ils se déshydratent sans pouvoir se
réhydrater. Alors ménagez-les, aidez-les à s'hydrater correctement en ne restant
pas trop longtemps dans la même position (en particulier assise). Bougez
régulièrement, levez vous et marchez un peu. Vous aurez moins mal au dos.
Panne de
disque
Le disque est
donc à la fois un ligament qui unit et un amortisseur qui amortit. Ces deux
fonctions relativement indépendantes peuvent s'altérer. Les fibres de l'anneau
peuvent parfois se déchirer partiellement (comme dans une entorse). Dans
d'autres cas, le noyau peut se déshydrater plus vite qu'il ne le devrait.
Incapable d'assurer correctement l'une de ses fonctions, le disque s'use et
tombe en panne. Cette usure, appelée encore dégénérescence discale, constitue
une source importante de douleurs vertébrales. Le disque est bien le principal
point faible de la colonne.
4. - Des muscles et des ligaments essentiels pour la solidité du dos
Pour attacher les
vertèbres les unes aux autres, outre le disque, il y a des ligaments solides,
des muscles disposés tout autour de la colonne, comme un manchon, et d'autres
muscles attachant la colonne aux épaules et au bassin (Fig. 4).
Les premiers relient les vertèbres entre elles. Ils sont épais. Ceux du boeuf
constituent des morceaux de choix sous le nom de filet (muscles situés en avant
de la colonne) et de faux-filet (muscles situés en arrière).
Les seconds attachent les vertèbres aux ceintures. Plus fins que les premiers,
leur action est en tout point comparable au haubanage du mât d'un navire. Ils
contribuent à la verticalisation du dos. En cas d'anomalie vertébrale, ces
muscles peuvent se contracturer tout autour de la colonne et devenir spasmés et
douloureux. Ils peuvent aussi, lorsque l'on conserve trop longtemps une position
mal équilibrée (assis, tête penchée en avant par exemple), se fatiguer et être
le siège de contractures. Et là, la femme est défavorisée car ses muscles sont
moins puissants que ceux de l'homme.
5. - Les courbures
Si le mât des
bateaux était courbe ou tordu, il serait moins solide qu'il ne l'est. En ce qui
concerne la colonne, c'est l'inverse. Ce sont justement ses courbes, ou
courbures, au nombre de trois, qui la rendent plus solide. Leur rôle est
d'augmenter le bras de levier des muscles vertébraux et d'accroître la
souplesse.
La courbe
du cou
La première
courbure, tout en haut, est la lordose cervicale. Lordose signifie une concavité
qui regarde vers l'arrière. Si nous nous tenons le cou bien droit, si nous
relevons le menton et si nous regardons droit devant nous, ainsi qu'il est
conseillé dans les bons livres de maintien, nous accentuons cette lordose. Si au
contraire nous marchons la tête penchée en avant, les yeux fixés sur nos
chaussures, nous la diminuons.
La courbe
du dos
En dessous
apparaît la cyphose dorsale. Une cyphose est le contraire d'une lordose : la
concavité regarde vers l'avant. Si notre dos est musclé, si nous tirons
légèrement les épaules en arrière, nous limitons cette cyphose. Mais si notre
dos est faible, si nous voûtons les épaules, la cyphose augmente. Il en est de
même si l'on travaille assis, penché en avant sur son bureau. De longues heures
dans cette position étirent les muscles du cou et du dos et est source de
douleurs. Elle augmente aussi chez les femmes qui souffrent d'une hypertrophie
mammaire, en raison du poids de leur poitrine (et l'on comprend qu'il s'agisse
là d'une cause inattendue de douleur dorsale), et chez celles, plus âgées, qui
ont des tassements vertébraux dus à l'ostéoporose.
Le creux
des reins
Enfin, tout en
bas se trouve la lordose lombaire, qui correspond à ce que l'on nomme le creux
ou la chute des reins, quoique les reins, organes profonds et inapparents,
n'aient rien à voir avec. Cette courbure est très variable selon les individus,
parfois prononcée ("J'ai le dos trop creusé"), parfois minime ("J'ai le dos
plat"). Les Africaines sont réputées avoir le bas du dos très cambré. Des
scientifiques très sérieux et, n'en doutons pas, très austères, se sont penchés
sur ce problème important. Preuves radiographiques à l'appui, ils ont montré que
cette cambrure du dos n'était pas du tout due à une hyperlordose, mais à une
répartition particulière des graisses dans le haut des fesses.
Le degré de lordose lombaire est, comme pour les autres courbures, fixé
génétiquement. Elle peut cependant augmenter sous l'effet du relâchement des
muscles abdominaux (en particulier chez la femme ayant eu plusieurs grossesses)
ou diminuer lorsque survient un lumbago aigu ou certaines sciatiques qui
entraînent une attitude en flexion lombaire. Chose amusante, si l'on en croit
les mesures de mobilité faites sur le plus grand nombre, il semble bien que
globalement les hommes soient un peu plus souples que les femmes en flexion et
qu'au contraire, les femmes aient plus d'extension lombaire (se pencher en
arrière) que les hommes. En clair, les hommes touchent plus facilement leurs
pieds (ou toucheraient, si leurs muscles ischio-jambiers n'étaient pas si
raides) et les femmes creusent plus facilement les reins, mais à quelques degrès
près seulement. Globalement, la colonne de la femme apparait plus mobile que la
colonne masculine, et globalement moins résistante.
On notera au passage que l'entretien d'une bonne musculature dorsale est
essentiel pour maintenir les courbures vertébrales. Contrairement à une idée
reçue, être cambré du bas du dos n'est pas forcément mauvais. Il y a plus de
douleurs dues à une absence de cambrure lombaire (position qui augmente le
travail des disques) que de douleurs dues à trop de cambrure. Bien plus, nous
verrons que certains traitements du mal de dos ont justement pour but
d'augmenter la cambrure lombaire, ce qui agit favorablement sur les disques.
Au total, vue de
profil, la colonne adopte un air souple et sinueux. Vue de face, au contraire,
elle est complètement droite, de haut en bas. La présence de courbures dans ce
plan est pathologique, c'est à dire anormale. Elle témoigne d'une maladie
particulière, la scoliose, qui donne à la colonne un aspect de S. Dix fois plus
fréquente chez la femme que chez l'homme, elle sera étudiée plus loin.
6. - Les charnières vertébrales
La transition
entre colonne cervicale et dorsale, dorsale et lombaire, lombaire et sacrée
n'est pas brusque mais se fait sur une ou deux vertèbres intermédiaires. Ces
zones transitionnelles sont au nombre de quatre (Fig. 5). La charnière
crânio-cervicale unit le crâne à la colonne cervicale. La charnière
cervico-dorsale unit cette dernière à la colonne dorsale et ainsi de suite pour
les charnières dorso-lombaires et lombo-sacrées. L'intérêt de ces charnières
tient à ce qu'à leur niveau se concentre le maximum de la mobilité vertébrale,
un peu comme ces chapelets de saucisses qui pendent aux plafonds des boucheries
: une zone fixe, la saucisse, une zone mobile, la ficelle. C'est la ficelle qui
bouge, pas la saucisse. Les charnières vertébrales sont dessinées et taillées
sur mesure pour assurer cette fonction. Ainsi, lorsque vous vous penchez en
avant ou en arrière, c'est la charnière lombo-sacrée qui bouge le plus. Si vous
pivotez sur vous-même, pour faire un créneau par exemple ou vous retourner, tout
se passe (ou presque tout) au sein de la charnière dorso-lombaire. Penchez le
cou : vous faites travailler votre charnière cervico-thoracique. Et enfin,
faites "non" avec la tête: vous venez d'utiliser votre charnière
cranio-cervicale. Pas un mouvement de votre corps qui ne fasse bouger l'une de
ces zones cruciales, bien plus que le reste de la colonne. Pas un geste qui ne
les laisse au repos. Voilà pourquoi elles s'usent plus facilement que le reste
de la colonne et qu'au bout de 20, 30 ou 40 ans de bons et loyaux services,
elles donnent parfois les premiers signes de défaillance avec, comme on
l'imagine, de la douleur, de la raideur, voire une gène plus franche. Ainsi,
l'essentiel de la pathologie douloureuse vertébrale vient de ces zones
charnières. Quelle machine, quelle construction humaine aussi perfectionnée
pourrait tenir aussi longtemps en parfait état de marche ?
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III
La douleur est elle sexuée ?
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"Douleur, tu n'es
qu'un mot"... Une patiente m'a raconté avoir connu dans sa jeunesse un oncle
médecin qui, souvent, citait cette maxime. Douloureuses en tous genre, passez
votre chemin et voyez quelqu'un d'autre. Cette façon de considérer la douleur
n'est plus. Les animaux, les nourrissons peuvent souffrir, contrairement à ce
qui fut crû à différentes époques. Enfants, adultes, tous, nous pouvons un jour
faire l'expérience d'une vraie douleur, de celles qui font mal. La douleur n'est
pas qu'un mot, c'est une sensation, accompagnée de différentes réactions de
l'organisme, sensation complexe, modulée par divers centres nerveux. Elle est
aussi un comportement face à l'agression qu'elle représente. Elle peut même
devenir, à un degré extrême et coupée de sa cause, une véritable maladie. Cette
sensation, ce comportement, voire cette maladie ont-elles un visage différent
chez l'homme de chez la femme, comme en ont certaines maladies ? La douleur
peut-elle être mâle ou femelle ? La douleur est-elle sexuée ?
Le mal de dos de
la femme n’est pas tout à fait celui de l’homme. Les lésions responsables sont
pourtant globalement les mêmes (quoiqu'en proportion différente selon le sexe)
comme le sont les causes déclenchantes. Mais les mots pour le dire sont parfois
différents. Et pas seulement les mots, mais aussi ce qui est ressenti, vécu au
fond de soi. Oui, certaines douleurs ont un sexe, en particulier celles qui
durent et qui, parfois, blessent l’âme. Le mal de dos en fait partie, lui aussi.
1. - Quatre constatations et un avertissement
Pour étayer cette
idée, voici quatre exemples de différences de comportement homme-femme face à
certaines douleurs. Il est utile de les faire précéder d'un avertissement
explicatif.
Un
avertissement
Sans doute
n'êtes-vous pas familière des statistiques, sinon celles qui ont trait aux
sondages d'opinion ou aux hausses régulières de prélèvements fiscaux. Les
différences dont nous allons parler sont aussi des différences d'ordre
statistique. Elles s'appliquent à des moyennes, non à des cas particuliers. Il
s'agit de tendances, non de règles absolues. Elles ne sont donc pas valables
pour une patiente précise. Il y a, et c'est fort heureux, une très grande
variabilité de comportements face à une situation ou une douleur donnée, tant
pour les hommes que pour les femmes. Le jeu consiste à ramener cette diversité à
un comportement unique, moyen et représentatif. Et à comparer ce comportement
"idéal" d'un sexe à l'autre. C'est seulement ainsi que l'on peut espérer faire
apparaître des différences voire des contrastes. Et encore ces différences entre
hommes et femmes sont-elles assez faibles, peut-être de l'ordre de 10%, comme
vous le verrez. Dix pour cent, c'est peu mais suffisamment intéressant pour le
sujet qui nous concerne.
Première
constatation, une consultation hospitalière
Il y a quelques
années, nous avions entrepris à l’Hôtel-Dieu de Paris, dans mon service, une
étude sur les dorsalgies. Patients et patientes étaient invités à chiffrer sur
une réglette ad hoc l'intensité moyenne de leur douleur entre zéro et dix, selon
ce qu'ils ressentaient. Zéro en cas d’absence de douleur, dix si elle était très
forte, cinq si elle était moyenne, etc. Cette petite réglette, utilisée avant
puis après le traitement, permettait d'apprécier l'efficacité de ce dernier. Il
s’agissait de dorsalgies simples dont la cause était la même chez tous les
patients. Dans tous les cas de figures (douleur avant traitement, au cours ou
après traitement), les femmes avaient chiffré leur douleur un peu plus fortement
que les hommes, d'environ 10% en moyenne. Le même écart se retrouvait lorsqu'il
s'agissait de quantifier la gène fonctionnelle, toujours entre zéro et dix. Les
femmes disaient être plus gênées que les hommes. Le même test a été fait chez
des cervicalgiques, pour arriver au même résultat : un écart de 10%. Plus
récemment, nous avons repris le même type d'étude pour les lombalgies. Là
encore, les femmes disaient être plus gênées que les hommes, avec un écart
encore plus important : 15% de douleur en plus, et 15% de gène fonctionnelle en
plus. S'agit-il bien de la même maladie ? Si l'on s'en tient aux lésions
vertébrales, apparemment oui. Il faut donc remarquer qu'à lésion égale, la femme
pourrait ressentir un peu plus la douleur que l'homme et la trouver plus
"douloureuse". Sa gène est plus forte. Telle pourrait être la première
constatation.
Deuxième
constatation, l'expérience des centres anti-douleur
Les centres anti-douleur
traitent la douleur non comme le symptôme d'une affection sous-jacente, mais
comme une maladie à part entière. Il s'agit de douleurs très chroniques et
rebelles qui nécessitent une prise en charge différente. Pour aider les patients
à mieux les décrire, les médecins utilisent parfois des "aides" sous forme de
questionnaires ou de liste de qualificatifs s'appliquant à la douleur. Le
patient doit alors choisir une réponse parmi celles qui sont proposées qui
corresponde à ce qu'il ressent, cocher les mots et les phrases qui s'appliquent
le mieux à son propre cas. Or que constate t'on ? Hommes et femmes n'utilisent
pas tout à fait les mêmes mots. Les premiers parlent en termes de handicap,
alors que le retentissement affectif et émotionnel est plus marqué chez la
femme. L'homme parle plus facilement de la gène que lui occasionne sa douleur
pour tel ou tel geste, telle ou telle activité, que de la douleur elle-même.
C'est le contraire chez la femme.
Troisième
constatation : la petite souris
Si, petite souris
cachée derrière un meuble, vous pouviez assister à une consultation de patients
souffrant du dos, certaines différences vous apparaîtraient peu à peu entre
hommes et femmes, minimes certes, mais bien présentes, surtout dans les cas
chroniques. Il y a tout d'abord la façon d'expliquer ce qui ne va pas. Chez
l’homme, la description de la douleur est sobre, objective : localisation (“J’ai
mal là”), irradiations (“ça me lance ici”), tonalité (“ça me tire”),
circonstances de déclenchement sont décrites de façon presque détachée en un
discours d’où l'émotion est absente. Il y a à l'évidence un laconisme masculin
qui estompe la douleur. Parfois, les mots sont pauvres, sortent mal. Et le
patient, muet, offre son dos au médecin, l’air de dire: “Faites votre
travail”... De même, il n'est pas exceptionnel que l'homme consulte en couple et
que ce soit l'épouse qui parle et qui décrive les symptômes de son mari.
L'inverse est rarement vrai. Il arrive que des maris accompagnent leurs femmes,
mais c'est souvent pour ne rien dire ou lire le journal en attendant. Certains
sont là pour canaliser le récit de leur épouse, ou lui faire remarquer qu'elle
ne répond pas à la question posée par le médecin... D'autres semblent se dire
"Ma femme est vraiment bavarde..."
C'est vrai, d'ailleurs, qu'elles sont bavardes, et qu'elles savent exprimer
leurs sentiments avec simplicité. Souffrance, affectivité et émotion se mèlent.
Pour s’en convaincre, il n’est que d'écouter. Dès lors que la douleur devient
chronique, qu’elle semble devoir s’installer et prendre ses aises, les mêmes
mots reviennent de l'une à l'autre : “Je ne peux plus rien faire, ça me casse le
moral, ça m'use”, “La douleur me gâche l’existence, me donne mauvais caractère”,
“Cette crise me décourage : j’ai mal partout, je ne me reconnais plus” ou encore
: “Pourquoi ai-je tous ces problèmes alors que je n’ai aucun souci par ailleurs
? ”. On sent la patiente atteinte dans sa vie personnelle, inquiète des
conséquences possibles sur son moral. La douleur, comme une inondation d’abord
contenue qui risque de rompre les digues, est ressentie comme quelque chose qui
ne demande qu’à s’étendre, à diffuser le long de la colonne, vers le haut, vers
le bas, à gagner les jambes, les bras, les épaules...
Est-ce caricatural ? Sans doute trouvera t’on sans peine des femmes peu
loquaces, à la sobriété de langage marquée et des hommes plus bavards. Il ne
s’agit ici que d’une simplification et d’une schématisation des comportements
face à la douleur chronique, les différences étant beaucoup moins tranchées,
c’est vrai, devant une douleur récente ou aiguë.
Quatrième
et dernière constatation
Enfin, et c'est
l'objet de ce livre, il est clair que le mal de dos de la femme n'est pas tout à
fait celui de l'homme. Si l'on considère chacun des chapitres du mal de dos,
cervicalgies, dorsalgies, lombalgies, sciatiques, etc. , l'homme est plus
représenté dans les catégories "sciatique et lumbago", affections à caractère
aigu. Chez la femme, ce sont les douleurs chroniques qui sont plus fréquentes,
celles où ligne de démarcation entre souffrance physique et morale est moins
nette. L'explication ne tient pas seulement au psychisme (voire pas du tout). Il
se pourrait, à l'instar de ce qui se passe pour la dépression nerveuse, que la
fréquence et la durée des premières attaques de mal de dos soit similaire dans
les deux sexes, mais que les femmes rechutent un peu plus souvent. En fait, ces
différences sont nettes à l'âge moyen de la vie. Au delà de soixante cinq ans,
elles s’estompent un peu.
2. - Un contre-exemple
A tout ce qui
vient d'être dit, beaucoup seraient tentés d'opposer un contre-exemple. Il a
trait au sexe que l'on disait faible, nommé sans doute ainsi par antiphrase. Les
hommes sont plus douillets que les femmes, dit la sagesse populaire qui se
trompe rarement. Les douleurs de l'accouchement sont là pour le prouver. Le
médecin le constate : si quelqu'un a peur d'une prise de sang ou des piqûres en
général, c'est (souvent) un homme. Mais ni l'accouchement, ni les piqûres, ni
d'autres traumatismes physiques n'ont à voir quoique ce soit avec le mal de dos.
Il s'agit de douleurs qui s'annoncent d'emblée comme limités dans le temps. Leur
fin est connue d'avance. Ce n'est pas le cas de certaines formes chroniques de
mal de dos qui semblent ne jamais devoir se terminer.
En somme, il est
bien difficile de mettre le comportement humain en équations et de lui trouver
des règles explicatives simples. Il reste cependant possible que, d'une façon
schématique, la femme supporte mieux que l'homme des douleurs qu'elle sait
devoir se terminer bientôt, mais que, devant une douleur dont elle n'entrevoit
pas la fin, elle soit moins résistante.
3. - D'autres explications
Il ne s’agit pas
ici de dire pourquoi le mal de dos est un peu plus fréquent chez la femme, mais
de comprendre pourquoi, à “lésion égale”, la douleur chronique est souvent
ressentie plus fortement chez elle. On peut imaginer trois ordres
d’explications. La femme parle plus facilement, vit différemment sa douleur et
en ressent plus les conséquences dans sa vie de tous les jours.
Une
première cause : la femme parle plus facilement
Nous l'avons vu,
la femme verbalise plus facilement que l'homme. Elle exprime plus intensément
ses peines, et, d'une façon générale, les sentiments négatifs qu'elle éprouve :
peur, anxiété, tristesse par exemple. A titre d'illustration, il est connu que
les femmes consultent plus facilement un médecin, même pour des ennuis mineurs,
qu'un homme.
Faut-il incriminer les hormones féminines, le contexte culturel, le statut
social de la femme ? Sans doute un peu de tout cela. Alain Braconnier, dans "Le
sexe des émotions" (Odile Jacob éditeur) nous rappelle que la testostérone,
hormone mâle, émousse l'expression émotionnelle alors que les estrogènes et la
progestérone (hormones féminines) favorisent les facultés de communication et
d'expression (qui sont à leur maximum au milieu du cycle menstruel), et, plus
accessoirement, des sentiments comme l'anxiété et la dépression. Le contexte
culturel joue aussi son rôle. Il y a sûrement une pression éducative et
culturelle qui pousse les hommes à moins dévoiler leurs sentiments, leurs petits
ou leurs gros ennuis.
Une
deuxième cause : la femme vit différemment sa douleur
L’intrication des
plaintes somatiques avec le psychisme et les émotions est plus nette chez la
femme. En particulier, certaines dépressions s'expriment avant tout par des
plaintes somatiques où les douleurs sont au premier plan (les dépressions sont
d'ailleurs beaucoup plus fréquentes chez la femme, du moins dans leur forme
bénigne). Le vécu de la douleur féminine est différent. Nous avons vu que là où
l'homme s'exprimait en termes de handicap, la femme parlait d'émotion et
d'affectivité. Les neuro-physiologistes ont récemment mis en évidence des
différences hommes-femmes dans les zones cérébrales dévolues à l'expression des
émotions. C'est dans l'hémisphère droit du cerveau qu'elles se situeraient chez
l'homme. Chez la femme, il y aurait une répartition plus harmonieuse entre les
hémisphères droits et gauches.
Comment ne pas citer ici ce que disait une patiente lombalgique : "On n'est pas
compris par son entourage quand on a mal au dos". Inutile de souligner que
l'entourage se réduisait probablement à son mari, dont on imagine facilement le
comportement face à la douleur de sa femme ("Qu'est-ce que tu attend pour aller
te faire soigner ?"). A contrario, a t'on jamais vu un homme se plaindre de ne
pas être compris par ses proches lorsqu'il souffre ? La femme-infirmière,
consolatrice, rassurante et maternelle n'est pas un vain mot.
Ainsi, peut-être par manque de confiance en elles, par un sentiment très exagéré
de “vulnérabilité”, certaines femmes capitulent plus vite que l’homme devant la
douleur et se laisse conquérir par elle. "Tout est fatiguant quand on a mal au
dos" disait l'une d'elles. L'homme refusera inconsciemment de s'avouer vaincu.
Les femmes supportent mieux la douleur aiguë et moins bien la douleur chronique.
Une
troisième cause : la double journée
Mais il serait
hasardeux et faux de ne faire intervenir que la psychologie ou les hormones. Le
physique a aussi son mot à dire. La femme sait que sa douleur, si elle dure, va
constituer un redoutable handicap dans la vie quotidienne. Quand il faut
concilier les activités domestiques et professionnelles, s’occuper des enfants,
du ménage et des courses, le mal de dos devient un obstacle considérable. Cette
double journée que ne connaissent pas les hommes, est facteur d’aggravation.
Nous verrons que les soins aux petits enfants mettent le dos à rude épreuve.
Dès lors, comment pourrait-elle ne pas s'inquiéter de son dos douloureux, plus
qu'un homme ?
Vous avez mal au
dos ? Vous avez décidé d'aller consulter ? Voici comment votre médecin va vous
examiner, quelles questions il va vous poser et pourquoi. Vous serez ainsi prête
à y répondre plus clairement et sans hésitation.
Chaque médecin a sa propre façon de procéder. Il y en a de mauvaises, comme
celle qui consiste à se précipiter sur les radios, puis sur l'ordonnancier pour
prescrire un anti-inflammatoire et vingt séances de rééducation. Ou encore,
comme certains "illégaux" à tripoter vaguement la colonne à travers les
vêtements et à vous faire allonger pour vous "craquer" le dos. Durée de la
consultation, tout compris : quatre minutes.
Il y a de meilleures façons. Ainsi de la description que vous allez lire,
typique d'un examen "normal" du dos. Il se fait en quatre temps : questions,
palpation, réflexion et décision de traitement.
1. - Où avez-vous mal ?
Mais prenez
d'abord le temps de vous asseoir. Il faut savoir avant tout où vous avez mal. En
ce qui me concerne, je demande à mes patients de tourner le dos et de montrer
avec le doigt le trajet de la douleur dans sa totalité, en soulignant les zones
les plus atteintes. Il ne faut pas se contenter d'un simple et expéditif "J'ai
mal dans le dos". En effet, ce trajet est un guide simple et efficace qui
oriente souvent sur le mécanisme ou la cause de cette dernière.
Douleurs
lombaires
Ainsi, une
douleur qui descend le long de la cuisse et du mollet pour se terminer dans le
pied s'appelle une sciatique. Mais certaines sciatiques se terminent dans le
gros orteil, d'autres dans le petit. Ce n'est pas la même racine nerveuse qui
est concernée dans un cas ou dans l'autre. Plus encore, il y a des sciatiques
avec douleur lombaire et d'autres sans. Elles ne sont pas causées par le même
type de hernie discale.
Lorsque la douleur est purement lombaire, sans irradiation à la jambe, elle peut
être ressentie de diverses manières : en barre plus ou moins étendue
latéralement, localisée à tel ou tel endroit, avec des irradiations vers la
fesse, l'aine, le côté de la cuisse, etc. Toutes ces irradiations sont
importantes à connaître, car une douleur qui irradie dans l'aine n'a pas la même
origine qu'une douleur au niveau du sacrum par exemple. Autant de patients,
autant de douleurs.
Un conseil :
étudiez bien votre douleur, et le ou les endroits où vous la sentez. Faites un
schéma au besoin, vous aiderez votre médecin (Fig. 6).
Douleurs
cervicales
Là aussi, les
endroits douloureux sont importants à connaître. Il y a des douleurs qui restent
dans le cou, d'autres qui descendent vers l'épaule, voire le bras et les doigts
(névralgie cervico-brachiale), d'autres encore qui remontent derrière le crâne
ou descendent entre les omoplates. Sachez tenir compte de toutes ces
projections, sans les négliger lorsque vous décrirez votre douleur (Fig. 7).
2. - Qu'est ce qui déclenche la douleur ?
Un faux
mouvement ?
Vient ensuite le
temps des questions. Il y a des questions importantes, comme savoir depuis
combien de temps vous souffrez et sur quel mode, c'est à dire si la douleur est
continue ou par crises, si elle a commencé insidieusement, sans cause apparente
ou brusquement après un traumatisme ou un faux mouvement par exemple. Mais
sachez que les troubles peuvent survenir quelques heures voire quelques jours
après, alors que l'on a oublié le mauvais geste causal.
Une
posture longtemps maintenue ?
Il faut également
attacher beaucoup d'importance aux mouvements ou postures qui déclenchent ou
aggravent la douleur. Certains lombalgiques supportent mal de rester assis
longtemps. Dans cette position, la colonne lombaire est fléchie en avant, ce qui
comprime fortement les disques lombaires, beaucoup plus que lorsqu'on se tient
debout. Cette augmentation maintenue de pression empêche les fluides de circuler
en leur sein.
D'autres voient leur gène s'aggraver à la marche, ce qui peut témoigner, entre
autre, d'un rétrécissement arthrosique du canal lombaire, mais c'est un cas de
figure assez rare. Le plus souvent, la marche soulage les douleurs lombaires
chroniques. En effet, les mouvements souples du bassin lors de la succession des
pas exercent une alternance de pressions et de décompressions sur les disques,
ce qui leur permet de capter de l'eau et de se regonfler. Ils récupèrent ainsi
leur souplesse et leur capacité d'amortisseur, d'où le soulagement ressenti.
C'est là un cas de figure inverse de celui de la station assise prolongée.
Celles qui ont mal au cou ont un peu les mêmes problèmes. Certaines supportent
mal de rester de longues heures penchés en avant sur leur bureau ou sur leur
clavier d'ordinateur, d'autres ont surtout mal en tournant la tête.
Le fait
que ce soit la nuit ?
Il y a aussi
celles qui souffrent la nuit. La literie peut être en cause, si le matelas ou le
sommier sont mauvais. Il peut aussi s'agir d'une inflammation au sein d'un
disque ou d'un nerf, et l'inflammation se développe surtout la nuit, quand notre
taux de cortisone naturelle est au plus bas. Dans d'autres cas, il y a un excès
de pression dans le disque, du fait de la station allongée plusieurs heures de
suite. Une seule solution : se lever... Enfin, certains patients sont réveillés
lors des changements de position. Beaucoup de douleurs ne s'endorment jamais
complètement, et il suffit parfois d'un geste un peu brusque pour les provoquer.
Mais il faut être prudent. Certaines douleurs de nuit peuvent aussi traduire une
maladie plus grave (comme une infection ou une tumeur) et il est impéartif de
voir un médecin.
Ou
peut-être rien du tout ?
Certaines crises
s'installent progressivement, sans que rien ne semble les avoir déclenchées. Ou
encore, la douleur, absente la veille, apparaît au lever du lit. Faux mouvement
oublié ou passé incognito ? Petits riens négligés qui s'accumulent et se
rappellent un jour à votre bon souvenir, fatigue, stress, qui sait ? Les
douleurs sans cause font mal comme les autres.
3. - Quelle personne êtes-vous ?
Une question
aussi directe et vague n'attirerait qu'une réponse floue ou gênée. Mais elle est
importante, surtout si vous souffrez de douleurs chroniques. Ne croyez pas à de
l'indiscrétion. Connaître son ou sa patiente, c'est aussi connaître sa gène
voire sa souffrance, ou du moins mieux la comprendre.
C'est au médecin d'essayer de reconstituer la façon dont vous vivez votre
douleur, comme un puzzle, à partir de diverses indications que vous aurez pu me
fournir au cours de la ou des consultations. Savoir si vous êtes fatiguée, si la
douleur vous déprime, si elle vous gène dans votre vie familiale ou
professionnelle, tout cela ne peut être appréhendé en une seule fois. Peu à peu
cependant, les choses se précisent, l'image se dessine. C'est vous.
Au terme de cet
interrogatoire, il n'est pas exagéré de dire que la moitié du travail est fait.
Le médecin sait où vous avez mal et devine ce qui vous fait mal. Il n'y a
pourtant là nulle trace de technique avancée, d'imagerie moderne ou
d'investigation sophistiquée. Plus encore, ces paroles échangées permettent de
se rendre compte de quelle façon la douleur affecte votre vie quotidienne,
d'apprécier son retentissement sur vos activités sociales, professionnelles ou
personnelles, sur votre psychisme enfin. Nombre de douleurs chroniques non ou
mal traitées sont à l'origine d'états dépressifs qui, à leur tour, entretiennent
et pérennisent les douleurs, créant ainsi un cercle vicieux dont on ne s'échappe
qu'avec difficulté.
Nous abordons
maintenant la deuxième partie de la consultation. Pour cela, il faut vous
déshabiller et vous mettre en sous-vêtements. Méfiez-vous de ceux qui, trop
pressés, vous examinent toute habillée. Mais il y a des exceptions. En Chine, il
est traditionnel qu'une femme ne se déshabille pas devant son médecin. Elle
montre les endroits où elle a mal sur une petite statuette d'ivoire. J'ai eu
moi-même l'occasion de soigner à mon cabinet de jeunes chinoises. J'ai vite
compris à leurs rires gênés qu'il me fallait les examiner à travers chandail et
chemisier. Dans certains pays musulmans rigoristes, la pudeur est plus forte
encore. L'un de mes amis chirurgien, parti y travailler six mois, raconta sa
mésaventure survenue dès les tout premiers jours. Un homme vient le consulter et
lui explique qu'il s'agit d'une douleur de dos comme ceci et comme cela. Voulant
l'examiner, il s'entend répondre qu'il ne s'agit pas de son cas personnel. Où
est le patient, alors ? "C'est ma femme, elle attend dans la voiture la fin de
la consultation"...
4. - L'examen de la région lombaire
Il me faut
maintenant tester l'hypothèse que j'ai pu faire sur l'origine de vos douleurs,
la mettre à l'épreuve des faits en appréciant la souplesse générale de votre
colonne (c'est le classique "penchez vous en avant, en arrière, sur les cotés"
ou encore "tournez la tête à droite, à gauche, penchez la sur les côtés), et
surtout en cherchant, par la palpation les différents points ou zones
douloureuses.
Palpation
des tissus
Examiner un dos
(ou un cou), c'est d'abord apprécier la tension des différents groupes
musculaires. Il faut pour cela des doigts exercés qui palpent sans agressivité.
Ce "doigté" là ne s'acquière pas facilement. Les étudiants en médecine ne
reçoivent malheureusement plus aucune éducation palpatoire au cours de leurs
études. Le tact devient chez eux un sens atrophié. Ce que perçoit la pulpe des
doigts est pourtant plus important que ce que montrent les radios. Fibres
musculaires contracturées ou simplement tendues, "noeuds" de douleur, rien ne
doit leur échapper. Le temps passé à palper est autant de temps gagné pour le
diagnostic. Mais il n'y a pas que les muscles. Il faut également s'attacher à
l'examen de la sensibilité de la peau et de différents points qui correspondent
au passage d'un nerf particulier, à l'attache d'un tendon ou d'un ligament. Plus
encore, il est essentiel de palper longuement la colonne, à la recherche du
point dont la pression reproduit votre douleur.
Palpation
de la colonne
Il s'agit
malheureusement d'une structure profonde. Savez vous que la partie avant des
disques est plus proche du ventre que du dos ? Même chose pour la colonne
cervicale, plus près de la partie avant du cou que de la nuque. Les disques ne
peuvent donc être palpés. On n'approche qu'une toute petite partie des vertèbres,
celle qui, précisément, est la plus en arrière, à savoir les articulations
vertébrales postérieures et les apophyses épineuses (la saillie osseuse palpable
dans le dos).
Il est cependant possible de mobiliser les vertèbres les unes par rapport aux
autres en pressant vers l'avant ou latéralement sur l'apophyse épineuse et
d'identifier ainsi le ou les segments douloureux. Là encore, le but de cet
examen est de chercher quel est le niveau le plus sensible, étant entendu que la
palpation d'une colonne normale doit être indolore.
C'est donc un temps très important que celui de chercher la source réelle du
mal. Le meilleur médecin est celui qui mettra le plus vite le doigt dessus.
Examen
des jambes
Puisque les nerfs
issus de la colonne lombaire vont aux jambes et ceux du cou aux bras, il est
nécessaire de les examiner aussi, qu'il y ait une sciatique ou qu'il n'y en ait
pas.
Pour ce qui est des jambes, le test le plus connu est celui de Lasègue (on parle
de la "Manoeuvre de Lasègue"), du nom d'un médecin du XIXème siècle, qui la
décrivit. Elle consiste à soulever la jambe tendue et de noter le degré
d'élévation à partir duquel apparaît la douleur. Cette valeur est grossièrement
proportionnelle à la gravité de la sciatique. Ainsi, dans certaines sciatiques
graves, l'on ne peut soulever la jambe de plus de 20 ou 30 degrés. Mais il y a
aussi des sciatiques très douloureuses sans Lasègue.
La recherche des réflexes est également importante, ceux des chevilles (réflexe
achilléen, car l'on percute le tendon d'Achille, qui explore le fonctionnement
du nerf sciatique) et des genoux (réflexe rotulien, qui correspond au nerf
crural, en avant de la cuisse). En cas de diminution ou de disparition d'un
réflexe, on peut être sûr d'un dysfonctionnement du nerf ou de sa racine.
Il y a encore toute une série de petits tests essentiels pour dépister un
mauvais fonctionnement du nerf sciatique, comme par exemple d'étudier la
sensibilité des orteils, la force des muscles de la jambes et du pied, voire la
présence de zones hypersensibles dans les muscles de la cuisse ou du mollet.
5. - Examen du cou et de la partie supérieure du dos
L'examen du cou
et du haut du dos doit toujours être couplé car ces deux régions sont
étroitement intriquées, tant du point de vue de l'innervation, les nerfs du cou
descendant vers les épaules avant de gagner les bras, que de celui des muscles,
la plupart des gros muscles de la nuque prenant insertion sur la partie
supérieure de la colonne dorsale. Il se pratique sur une patiente assise au bord
de la table d'examen, dans une position relaxée, tête penchée en avant.
L'examen des muscles cervico-dorsaux est capital car une douleur du cou peut
suivre le trajet de ces muscles et être ressentie là où ils s'attachent, entre
les omoplates ou plus latéralement pour d'autres. Il s'agit là d'une notion très
importante qui permet d'expliquer nombre de douleurs d'allure "bizarre". Comme
pour la région lombaire, il faut ensuite examiner les tendons, le passage de
certains nerfs et la sensibilité de la peau, ainsi que, au minimum, les réflexes
du coude et du poignet pour détecter un nerf comprimé.
Enfin, il faut palper la colonne. Pour ce faire, la patiente doit être allongée
sur le dos. Le médecin saisit la tête et applique ses mains sur la colonne
cervicale, où les vertèbres sont assez bien palpables par en arrière et sur les
côtés. Comme pour la région lombaire, il faut rechercher d'où provient la
douleur, et le meilleur médecin est le plus rapide à mettre le doigt dessus.
6. - Troisième temps de l'examen, celui de la réflexion
Après la
palpation vient la réflexion, éventuellement aidée par des explorations
complémentaires, en particulier des radios et parfois un scanner. Il faut être
capable de répondre clairement aux questions de la patiente. D'où vient ma
douleur, traduit-elle quelque chose de sérieux et surtout que faire pour la
soigner : le médecin doit anticiper ces demandes et essayer d'expliquer avec des
mots simples ce qui se passe. Il doit monter les radios, commenter le scanner
et, au besoin, disposer de vertèbres en plastique pour mieux décrire le problème
ou expliquer le traitement.
Dans certains cas difficiles, il peut être nécessaire de proposer d'autres tests
simples. L'un de ces tests est de pratiquer à l'aide d'un piqûre, l'anesthésie
sélective d'une structure anatomique que l'on pense être responsable de la
douleur. Il suffit d'injecter quelques gouttes d'un anesthésique local (en
général celui que les dentistes utilisent pour des soins dentaires douloureux) à
l'aide d'une aiguille fine au contact de la structure anatomique présumée
coupable. Il peut s'agir d'une articulation postérieure, d'un point douloureux
dans un muscle, de l'orifice de passage d'un nerf, de l'attache d'un ligament ou
de bien d'autres choses encore. L'injection est à peine désagréable, ne dure que
quelques secondes, et le résultat est immédiat (ou presque). Si après avoir
endormi une petite articulation, vous pouvez bouger sans douleur, on en déduis
que là est l'origine de vos troubles. S'il ne se passe rien, il faut trouver
autre chose. Un autre de ces tests ("test manipulatif") consiste à pratiquer une
manipulation légère de la zone incriminée -un petit clic- et d'observer le
résultat. S'il est bon, diminution ou disparition de la douleur, l'hypothèse de
petit blocage mécanique vertébral se confirme et l'on peut faire d'autres
manoeuvres plus poussées.
Mais le bon
diagnostic n'est pas toujours posé lors de la première consultation. Il arrive
parfois, partant sur de mauvaises bases, de se trouvé confronté à un échec au
bout d'une ou deux séances. On doit alors reconsidérer le diagnostic, formuler
d'autres hypothèses et chercher ailleurs. Dans d'autres cas, c'est le ou la
patiente qui peu à peu se dévoile, révélant au fil des consultations des
difficultés personnelles ou un état pré-dépressif qui fait une caisse de
résonance considérable aux douleurs de toutes sortes. Ce sont aussi les jours
qui passent, faisant prendre forme à une douleur bien vague au début; ainsi le
cas classique de cette femme lombalgique depuis peu, chez qui est apparue au
bout de quinze jours une douleur de la jambe témoignant d'une sciatique. Il
s'agissait en fait d'une hernie discale qui avait mis deux semaines à "sortir".
C'est pourquoi
l'examen du dos n'est pas toujours suffisant. Il faut parfois des examens
complémentaires pour y voir plus clair. Voyons cela au chapitre suivant. Alors
seront réunis tous les éléments pour un diagnostic exact de votre problème et,
quatrième temps de la consultation, pour un traitement adapté.
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V
Scanner, radios et IRM : les examens complémentaires
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En matière de mal
de dos, les examens complémentaires, radiologiques pour la plupart
(radiographies, scanner, résonance magnétique) jouissent chez les patients d'une
excellente renommée. Indolores, remboursés, beaux à voir (une vue de votre
colonne vertébrale en IRM est plus belle qu'un banal tracé
électrocardiographique...) et gratifiants, ils sont toujours volontiers acceptés,
presque avec reconnaissance, car les patients se disent enfin pris au sérieux.
Ils sont même parfois réclamés avec insistance : "Docteur, faites moi passer un
scanner, que l'on sache enfin ce que j'ai..." Ce jugement mérite d'être nuancé.
Il est bon de connaître les règles qui président à leur réalisation et de savoir
en quoi ils peuvent être utiles ou inutiles.
1. - Les radiographies
Les rayons X émis
par un tube traversent le corps. Ils sont arrêtés par les structures osseuses
dont ils dessinent l'image sur un film, à la façon d'une ombre chinoise. Ces
rayons furent découverts par Roentgen à la fin du siècle dernier, qui prit la
première radio de l'histoire, la main de sa femme.
Pourquoi
faire des radios ?
Une radiographie
du dos ne montre que vos vertèbres. Or, la plupart des douleurs vertébrales ne
proviennent pas des vertèbres, mais des disques qui les unissent, des
articulations postérieures ou des muscles, tendons ou ligaments qui les
entourent. Paradoxe, car rien de tout cela ne se voit sur la radio ! Alors
pourquoi faire des radios ? Il y a globalement trois raisons à cela.
La première est
la nécessité de s'assurer de l'absence de maladies de l'os lui-même, qui n'ont
rien à voir avec les douleurs dites communes. On pense tout de suite au cancer
des os, mais c'est en fait une cause très rare de douleurs lombaires. Il s'agit
en général d'affections moins graves, mais qui nécessitent une prise en charge
spécifique, telles l'ostéoporose avec tassement de vertèbre, les inflammations
et infections vertébrales, les fractures, les kystes osseux, les tumeurs
bénignes, d'autres maladies osseuses encore.
La deuxième
raison est la recherche d'anomalies de structure ou de forme des vertèbres qui
pourraient expliquer les douleurs. Ainsi la scoliose, déformation en "S", dont
seule la radio permet de mesurer l'angle et d'apprécier son évolution. Ou encore
le spondylolisthésis. Sous ce nom grec se cache une anomalie de la cinquième
lombaire (parfois de la quatrième) ; son corps vertébral est séparé de la partie
arrière du fait d'une fissuration de l'os. Dès lors, la vertèbre qui n'est plus
attachée solidement au sacrum tend à glisser vers l'avant. Les tiraillements qui
s'ensuivent entraînent des douleurs lombaires et des sciatiques parfois
difficiles à traiter. Mais cette anomalie est relativement rare. Ainsi encore
les côtes cervicales, côtes surnuméraires en bas du cou, qui peuvent comprimer
les nerfs du bras. Il existe ainsi de nombreuses "malfaçons", comme par exemple
la présence d'une anomalie transitionnelle (une vertèbre lombaire en plus ou en
moins) qui sont le plus souvent sans rapport avec la douleur. L'ostéoporose,
quant à elle, n'est jamais douloureuse en l'absence de tassement vertébral. Il
faut donc chercher une autre cause à vos douleurs. Enfin, il existe une maladie
qui touche les vertèbres au cours de la croissance, la maladie de Scheuerman.
Elle peut être responsable de douleurs du dos chez l'adolescent ou le jeune
adulte et il existe des formes graves avec forte cyphose qui peuvent justifier
le port d'un corset.
La troisième
raison est la plus importante de toutes. La radio, si elle ne montre pas les
disques, permet tout de même d'évaluer leur épaisseur, c'est à dire la distance
comprise entre deux vertèbres voisines et les signes d'arthrose associés
(ostéophytes ou "becs de perroquet", condensation osseuse). Lorsque cette
épaisseur est diminuée, on parle de discopathie (et de discarthrose s'il y a des
becs de perroquet), mais attention ! La présence d'une discopathie ne signifie
pas qu'elle est responsable de votre douleur. Il s'agit en effet d'une anomalie
fréquente à partir de 40 ans (et même plus tôt au niveau du cou) qui n'a de
valeur que confrontée aux données de l'examen clinique. Il faut aussi tenir
compte de la rapidité de constitution de ce pincement. Lorsqu'il s'agit d'un
simple vieillissement physiologique du disque, il se constitue en plusieurs
années (parfois plus de dix ans, ce qui témoigne de la lenteur du processus) et,
une fois pincé, ne change pratiquement plus d'aspect. Mais parfois, il se
constitue beaucoup plus vite (par exemple en un, deux ou trois ans. Cette
rapidité relative (il ne faut pas oublier que le disque est un organe qui vit au
ralentit, du fait, entre autre, de sa très faible vascularisation) témoigne
d'une sorte d'arthrose destructrice responsable de douleurs sévères. Ceci se
voit très bien si l'on prend la peine de comparer des radios d'il y a un ou deux
ans avec les clichés actuels. D'ou la règle d'or de toujours conserver ses
anciens clichés et de toujours les apporter à chaque consultation.
Faut-il
refaire des radios à chaque nouvelle crise ?
Voilà une
question importante que se posent souvent les patients : "Dois-je refaire des
radios ? Les miennes sont vieilles". En fait, la vieillesse d'une radio est une
notion très relative. Des radios de moins de cinq ans suffisent généralement,
étant donné la lenteur d'évolution de la plupart des anomalies vertébrales. Bien
entendu, si la douleur s'est modifiée récemment, est devenue plus intense, il
faut en redemander de nouvelles. Mais on accorde souvent plus d'importance à
l'examen clinique proprement dit. Ainsi, par exemple, une hernie discale ne se
voit pas sur un cliché simple, alors que son diagnostic est le plus souvent
évident sur le simple examen clinique.
Sauf exception, trois clichés suffisent pour le bas du dos : la colonne lombaire
de face et de profil et le bassin de face, ce qui permet d'observer le sacrum et
les deux hanches. Mais il peut être nécessaire d'obtenir des incidences
particulières sur telle ou telle zone, selon la cause de la douleur (clichés de
trois-quart, clichés centrés sur un disque précis...). En ce qui concerne le
cou, il en faut quatre (face, profil et trois-quarts droit et gauche) voire un
cinquième (C1 et C2 de face). L'irradiation subie est assez forte pour les
radios lombaires et porte de plus sur la région génitale. Elle est plus faible
pour les radios cervicales.
Le
compte-rendu radiologique
Il y aurait
beaucoup à dire sur les compte-rendus qui accompagnent les radios. Ils sont
souvent rédigés de telle façon que les patientes les trouvent soit
incompréhensibles, soit alarmants. Le vocabulaire est parfois hermétique (spondylarthrose,
rétrolisthésis, scoliose dextroconvexe...). Quelques angliscismes (lipping,
scalloping... ) ne font qu'ajouter à leur perplexité. Les mots font peur :
déminéralisation, affaissement, dégénérescence... On pense irrésistiblement aux
médecins de Molière qui parlaient latin pour ne pas qu'on les comprenne.
D'autant que certains radiologues ajoutent un commentaire très personnel : "Vous
avez la colonne d'une femme de 80 ans" ou "Vous avez de l'ostéoporose ! Rentrez
vite chez vous, votre colonne va casser comme du verre...", ou encore, sur un
ton miséricordieux : "Bon courage, gardez le moral ! "... Que penser aussi de ce
"Vos vertèbres s'effritent..." d'un ton profond et inspiré devant les radios
quasiment normales d'une femme de quarante ans ? Et du fameux "Vous allez finir
dans une chaise roulante", classique mais frappant ? Ces exemples,
malheureusement authentiques, sont tirés de l'exercice quotidien. Ils sont
d'autant plus étonnants qu'ils sont souvent appliqués à des anomalies minimes ou
banales, sans aucune gravité.
En fait, le radiologue doit décrire avec un vocabulaire technique adéquat ce
qu'il voit, en tentant de séparer ce qui est lié à l'âge (donc normal) de ce qui
est pathologique. Un pincement, une arthrose n'ont de valeur que si l'examen
clinique détecte que la douleur vient bien de là. De plus, nombreux sont ceux ou
celles qui souffrent sans avoir de disque pincé ou d'arthrose visible, et plus
nombreux encore ceux dont les disques sont affaissés et qui ne souffrent pas.
D'autres mots, d'allure ésotérique mais simplement techniques décrivent en fait
de bien banales réalités. Ainsi les ostéophytes, petites collerettes osseuses
qui en ceinturant les vertèbres, élargissent leur surface de contact. Ils ne
sont jamais douloureux par eux-mêmes et ont plus souvent un rôle bénéfique (en
stabilisant l'articulation arthrosique) que nocif. Ces fameux "becs de
perroquet" ne mordent pas, ou bien peu.
____________________________________________________________________________
Les mots pour le dire : quelques mots du vocabulaire
radiologique de base traduits en français courant
-
Antélisthésis : Décalage vers l'avant d'une vertèbre. Lié à l'arthrose des
articulations postérieures
-
Dextroconvexe : Scoliose convexe à droite (tourne à gauche)
- Discarthrose
:Arthrose du disque intervertébral
- Discopathie
: Pincement du disque intervertébral, sans autre manifestation arthrosique
- Lyse
isthmique : Séparation en deux de l'isthme, qui unit l'avant et l'arrière de
la 5ème lombaire. C'est l'une des causes du spondylolisthésis
-
Lombalisation : Variante de la normale. La première vertèbre sacrée a la
forme d'une lombaire
-
Mégatransverse : Variante de la normale. Les apophyses transverses sont
hypertrophiées
- Ostéophytose
: Manifestation arthrosique. Un ostéophyte n'est jamais douloureux, mais à
certains endroits, ils peuvent toucher un nerf
-
Rétrolisthésis : Décalage vers l'arrière d'une vertèbre. Lié à l'arthrose
des articulations postérieures
-
Sacralisation : Variante de la normale. La dernière vertèbre lombaire a la
forme d'une sacrée
-
Sinistroconvexe : Scoliose convexe à gauche (tourne à droite)
- Spina bifida
de S1: Défaut d'ossification de la partie postérieure de la première
vertèbre sacrée. C'est une variante de la normale
-
Spondylarhrose : Synonyme d'arthrose vertébrale
-
Spondylolisthésis : Glissement vers l'avant d'une vertèbre lié soit à une
arthrose des articulations postérieures (synonyme d'antélisthésis), soit à
une lyse isthmique (voir ce mot)
- Uncarthrose
: Arthrose située sur les côtés des disques du cou
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2. - Le
scanner
Peu d'appareils
médicaux sont aussi célèbres dans le grand public que le fameux "scanner", dont
on a essayé naguère de franciser le mot en "tomodensitométrie", plus long et
moins commode. Scandeur eut été préférable. En effet, scanner, mot anglais,
vient du latin scandere, qui marque l'action de couper un tout en unités. Ainsi
de l'escalier (mot de même origine) qui fractionne une montée continue en
éléments discontinus, les marches, ou de scander, qui désigne le fait de marquer
le rythme d'un discours ou la mesure des vers d'un poème. Comme le font chacun
dans leur domaine l'escalier ou la scanssion, le scanner coupe votre colonne (ou
tout autre organe que vous lui confierez) en tranches (Fig. 8). La comparaison
avec les tranches de saucisson, souvent utilisée, est parfaite. Voyez votre
colonne hachée menue sur de grands films glacés, livrant ses secrets en format
géant : qui n'a pas été émerveillé par de telles images ?
Malheureusement,
et bien que depuis vingt ans, le scanner n'ait cessé de se perfectionner en
qualité, en rapidité et en fiabilité, il est beaucoup moins intéressant en
matière de douleurs vertébrales que ne le laisserait supposer sa réputation
flatteuse. Il ne faut pas se laisser abuser par la fréquence avec laquelle cet
appareil découvre des bombements de disques, des protrusions voire des hernies
ou de l'arthrose. Il s'agit souvent de modifications très minimes sans grande
valeur, et quand bien même seraient-elles notables, il est établi que près d'une
personne "normale" (n'ayant jamais souffert du dos) sur trois présente de telles
anomalies, qui sont rigoureusement asymptomatiques. Une plus grande rigueur dans
les compte-rendus et une harmonisation des termes permettraient de faire
disparaître ces arthroses si minimes qu'elles sont presque physiologiques et ces
hernies qui n'en sont pas. Il serait judicieux que sur tout rapport d'imagerie
(radios, scanner ou IRM) figure obligatoirement la mention : "Anomalies
fréquentes et banales n'ayant pas forcément valeur pathologique", comme figure
sur les notices de médicaments la phrase "Attention, ceci est un médicament,
etc."
Le scanner n'est
réellement utile que dans le cas ou existent des douleurs dans les jambes (ou
dans les bras), surtout lorsque ces douleurs pourraient justifier une opération.
Sauf exception, il n'apporte rien, ou si peu de choses, au diagnostic d'une
lombalgie commune, le mal de dos de monsieur ou madame tout le monde, ou d'une
douleur du cou. Il y a là une formidable "désinformation" car tant de patients
dont les douleurs lombaires persistent malgré les différents traitements sont
persuadés qu'avec un scanner, "on saurait enfin ce qu'ils ont". Rien n'est plus
faux. Avec un scanner, on ne saura pas ce qu'ils ont. On ne verra rien de plus
que ce que montre la radiographie. Et l'on aura fait un examen pour rien. Donc,
grande règle, pas de sciatique, pas de scanner, sauf avis contraire et motivé du
spécialiste.
3. - L'IRM
L'IRM (Imagerie
par Résonance Magnétique) est aussi connue sous son ancien nom, la RMN
(Résonance Magnétique Nucléaire). Le changement de nom a tenu à la supposée
crainte du public de ce qui est "nucléaire". En fait, cet examen n'a rien à voir
avec la radioactivité, le mot nucléaire désignant seulement un noyau. Et c'est
bien les noyaux des atomes d'hydrogène que l'appareil, un énorme aimant, met en
"résonance", en l'absence de tout rayon X.
Passer
une IRM n'est pas agréable
L'appareil d'IRM
ressemble un peu à celui du scanner, une table et un gros anneau autour, dans
une pièce isolée. Mais ici, l'orifice central de l'anneau (le tunnel) est
beaucoup plus étroit et profond que celui du scanner. La tête et le tronc dans
ce tunnel, les anxieuses sont mal à l'aise, d'autant que les prises de vue
s'accompagnent d'un bruit évoquant un marteau-piqueur en pleine action. Qui plus
est, l'acquisition des images est longue (au moins vingt minutes, parfois trente
voire quarante) et nécessite une immobilité totale, même si vous avez mal.
Quelques explications rassurantes, un léger tranquillisant avant l'examen sont
parfois suffisants, mais pas toujours. Malgré toutes ces précautions, les
claustrophobes ne le supportent pas du tout. Si vous craignez de l'être (et il y
en a plus qu'on ne le croit), parlez-en avec votre médecin avant qu'il ne vous
le prescrive. Il est également contre-indiqué si vous portez un stimulateur
cardiaque ou si, suite à une blessure, vous avez gardé des éclats métalliques
dans l'oeil.
Plus de
renseignements que le scanner
Les
renseignements obtenus sont non seulement d'ordre morphologique, mais aussi
fonctionnel. Ainsi, l'IRM renseigne sur le degré d'hydratation des disques
intervertébraux, c'est à dire sur leur degré de dégénérescence (un disque
dégénéré étant moins hydraté). Elle précise, mieux que le scanner, les contours
d'une hernie et l'inflammation qu'il y a autour. Plus encore, elle autorise des
coupes verticales (comme si vous épluchiez une carotte pour regarder
l'intérieur), ce qui permet une meilleure visualisation de certaines anomalies.
Et là, les images sont réellement magnifiques, d'autant plus frappantes que les
contours du dos, de la tête ou du cou sont immédiatement reconnaissables. L'IRM
est donc supérieure au scanner, si ce n'est son coût, qui en fait un examen
pratiquement trois fois plus cher. Elle est intéressante non seulement pour les
douleurs sciatiques, comme le scanner, mais aussi lorsque l'on veut évaluer
l'état des disques chez un lombalgique. Mais il faut bien comprendre que dans ce
dernier cas, cette évaluation ne débouche sur aucun traitement pratique.
Elle est utile dans le cadre d'un bilan avant opération, mais, pas plus que le
scanner, elle n'a d'intérêt en cas de mal de dos ordinaire.
4. - L'électromyogramme ou EMG
L'électromyogramme permet l'enregistrement de l'activité d'un muscle, donc du ou
des nerfs qui le commande. Cet enregistrement se fait par des électrodes que
l'on pique dans le muscle ou que l'on colle sur la peau (électrodes de surface).
Il autorise aussi la mesure des vitesses de conduction nerveuse. Dans le domaine
du mal de dos, cet examen n'est utilisé que dans de rares cas de sciatique ou de
névralgie cervico-brachiale, où il renseigne sur l'atteinte éventuelle du nerf
et sur la sévérité de cette dernière. Il peut aussi être utile si, en plus de
votre sciatique, vous souffrez d'un diabète, maladie qui peut parfois fragiliser
les nerfs.
L'examen est un peu déplaisant (aiguilles piquées dans le muscle, picotements
électriques, petites décharges lorsque l'on mesure la vitesse de conduction des
nerfs) mais très supportable.
5. - La discographie
La discographie
consiste à introduire une aiguille dans le centre d'un disque lombaire, sous
contrôle radioscopique, c'est à dire en suivant la progression de l'aiguille sur
un écran vidéo, puis à injecter dans le disque lui-même une substance opaque aux
rayons X. On prend alors des clichés où se trouve visualisé l'aspect interne du
disque. On peut en particulier observer de façon parfaite certaines fissures de
l'anneau fibreux. Un autre intéret de l'examen est de voir si l'injection du
contraste (une substance à base d'iode) déclenche la douleur lombaire ou non. Si
c'est le cas, c'est un argument de plus pour penser que le disque examiné est
bien responsable des douleurs. Enfin, dans certains cas rares, il est possible
d'injecter un médicament anti-inflammatoire dans le disque lui-même au décours
de l'examen.
L'anesthésie locale rend cet examen, du point de vue de la douleur, comparable à
une séance de soins dentaire. Il est globalement très peu douloureux, avec
parfois une sensation électrique si l'aiguille touche un petit nerf.
6. - La scintigraphie osseuse
La scintigraphie
osseuse consiste à injecter par voie intra-veineuse une substance très
faiblement radio-active qui va passer dans le sang et venir se fixer, deux à
trois heures plus tard, sur les os et les articulations. Une prise de vue du
squelette par une gamma caméra peut alors être obtenue. En cas d'inflammation
articulaire, d'origine arthrosique ou rhumatismale, en cas
d'hyper-vascularisation osseuse (conséquence d'une fissure ou fracture osseuse,
d'un tassement de vertèbre, d'une tumeur), l'isotope vient s'accumuler
localement, ce qui se traduit, sur la "photo", par une tache noire. Cet examen
ne permet pas de préciser la nature exacte de la "tache noire", mais sa présence
est évidement anormale. Cet examen permet donc la détection de diverses
affections qui ne peuvent ne pas être vues sur des radiographies standards.
7. - Les tests sanguins
Une prise de sang
peut apporter des renseignements utiles au médecin dans certaines circonstances.
Il en est ainsi de la vitesse de sédimentation (ou VS), voire de
l'électrophorèse qui renseignent sur un état inflammatoire éventuel, du taux de
calcium (dans le sang mais aussi dans les urines) et de phosphore, indispensable
à connaître lorsqu'existe une déminéralisation osseuse. Chez une jeune patiente,
le médecin pourra parfois demander la recherche de l'antigène HLA B27, dont la
présence est un argument pour certaines atteintes inflammatoires de la colonne.
Vous voilà maintenant renseignée sur ce que peuvent apporter les explorations
complémentaires. Nous pouvons maintenant aborder l'étude des principales
douleurs vertébrales, celles de la femme jeune d'abord, celles en rapport avec
la grossesse et la maternité, puis celles de la ménopause et de l'âge mûr enfin.
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VI
Le mal de cou de la femme jeune
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Nous avons vu que
le cou était, avec le bas du dos, l'une des régions les plus vulnérables de la
colonne. Pas pour les mêmes raisons, puisque le cou souffre de son excès de
mobilité, alors que le port de charge et les contraintes mécaniques statiques
menacent plus particulièrement la région lombaire. Ni avec les mêmes
conséquences, puisque la femme, en partie du fait d'une relative faiblesse de sa
musculature, mais aussi pour d'autres raisons que nous analyserons plus loin, se
plaint de son cou beaucoup plus souvent que l'homme. Plus de deux femmes pour un
homme dans une consultation de cervicalgiques...
L'une des
particularités des douleurs du cou, dites encore douleurs cervicales (mot à ne
pas confondre avec cérébral, qui se rapporte au cerveau), est leur capacité à
diffuser à distance, parfois même sans que l'on ne puisse suspecter l'origine
réelle des douleurs.
Bien sûr, le cou fait d'abord mal... au cou. Toujours derrière, sur la nuque,
jamais devant. Mais les irradiations sont fréquentes, qui suivent soit le trajet
des nerfs, soit celui des muscles. Dans le premier cas, l'exemple type est celui
de la névralgie cervico-brachiale. Dans le second, celui de la dorsalgie
commune, affection qui menace toutes celles qui passent de longues heures devant
un bureau.
1. - Les grands types de douleur cervicale
Irradiations le long des nerfs : la névralgie cervico-brachiale
Les nerfs qui
partent du cou se dirigent vers les épaules puis les bras et se terminent au
bout des doigts. Ils innervent la peau et les muscles. Lorsque la douleur part
du cou et irradie le long d'un de ces nerfs, se dirigeant vers le bras, on parle
de névralgie cervico-brachiale (NCB). Elle peut s'arrêter au coude ou au
poignet, mais lorsqu'elle est typique, elle va jusqu'à l'un des doigts, en
fonction du nerf concerné (Fig. 9). Le mécanisme est en tous points similaire à
celui des sciatiques, et l'on dit volontiers de la NCB qu'elle est la sciatique
du bras.
La douleur des NCB est souvent très intense, surtout au début, traçante,
insomniante avec une forte sensation de blocage ou de contracture sur la nuque.
Peu à peu, la douleur s'atténue pour laisser la place à des fourmillements très
caractéristiques au bout d'un ou de deux doigts. Très souvent, ces
fourmillements s'accompagnent d'un engourdissement plus ou moins marqué de la
pulpe du doigt atteint. Cette petite altération de la sensibilité traduit la
souffrance du nerf comprimé. Enfin, dans les formes les plus sévères s'y associe
une perte de force musculaire du bras ou de la main.
La
symptomatologie bruyante de la NCB ne passe pas inaperçue. C'est d'ailleurs une
des premières douleurs vertébrales enregistrée par l'histoire de la médecine
puisqu'elle avait été remarquée il y a près de deux mille ans par Galien, un
médecin romain fort connu dans la société de son temps. Un jour, il fut appelé
en consultation par une célébrité de l'époque, un historien grec nommé
Pausanias. Ce dernier avait été victime d'un accident : une chute de son char.
Il s'était d'abord plaint de cervicalgies puis de douleurs du bras et
d'insensibilité des deux derniers doigts. Aucun des médecins consultés,
appliquant leurs traitements sur la main du patient, n'avait pu le soulager.
Rien n'y faisait. Galien arriva, l'examina, et décréta que la douleur venait du
cou. C'est là qu'il fit porter son traitement et la guérison s'en suivit. Comme
il le rapporte : "J'obtins ainsi ce magnifique et étonnant résultat, bien que
j'eusse soigné le cou et non pas les doigts". Galien venait de décrire le
premier cas de névralgie cervico-brachiale.
Les causes en
sont dominées par la hernie discale et l'arthrose, deux lésions qui peuvent
comprimer le nerf à sa sortie de la colonne. La première survient souvent suite
à un traumatisme violent, mais parfois simplement après un faux mouvement du cou.
Son mécanisme précis sera envisagé lorsque nous parlerons de la sciatique. La
seconde ne s'installe pas en un jour. Elle vient peu à peu rétrécir le canal par
où sort le nerf, sans jamais l'obturer complètement cependant. En général, le
nerf arrive à trouver sa place car il est souple et déformable. Mais que
survienne là aussi un mouvement brusque du bras ou du cou, il va alors frotter
sur les petites aspérités osseuses. Le nerf s'enflamme, se gonfle d'oedème et,
passant dans un canal inextensible, il se trouve encore plus comprimé. Le sang
circule moins bien, le nerf s'asphyxie plus ou moins (les médecins parlent
d'ischémie) : la douleur est là.
Irradiation le long des muscles : des douleurs vers les épaules ou les omoplates
Les muscles du
cou ont non seulement pour fonction de stabiliser le rachis cervical mais aussi
d'assurer la stabilité et la mobilité de la tête. Le crâne humain est une grosse
boule de plus de cinq kilos, posée en équilibre sur la première vertèbre
cervicale, l'atlas. Or, cette grosse boule est capable de mouvements très fins -
songez que certains handicapés sont capables de peindre et d'écrire en tenant un
pinceau ou un stylo dans la bouche - en même temps que de mouvements très
puissants. Ainsi les femmes africaines qui portent sans fatigue apparente de
lourdes charges sur leur tête, et les joueurs de football, qui renvoient le
ballon d'un coup de tête. Vous voyez l'importance des muscles de la nuque : les
plus puissants stabilisent les vertèbres tandis que de petits muscles situés en
haut du cou assurent à la tête des mouvements rapides d'ajustement, en
particulier pour suivre les mouvements des yeux.
Ces gros muscles qui s'attachent en haut sur les vertèbres cervicales descendent
souvent très bas vers le dos et s'étendent latéralement jusqu'aux épaules.
Ainsi, le muscle trapèze, celui que l'on pince de chaque coté du cou quand on
veut faire sursauter quelqu'un, prend-il son insertion sur la partie supérieure
de l'omoplate. C'est par lui que passent certaines douleurs qui vont vers les
épaules. Un deuxième groupe est formé par le muscle "angulaire de l'omoplate",
ainsi nommé parce qu'il s'insère justement sur l'angle supérieur et interne de
l'omoplate. C'est ce muscle qui est responsable du mouvement de hausser les
épaules, et par lui passent les douleurs de cou qui irradient vers l'arrière,
vers l'omoplate. Enfin, un troisième groupe est représenté par les muscles
splénius qui s'attachent sur la colonne dorsale. L'un d'eux descend même assez
bas, puisque son insertion se trouve sur les quatrièmes et cinquièmes dorsales,
entre les deux omoplates. Très souvent, les cervicalgiques se plaignent
justement d'une irradiation entre les omoplates ou même d'un point très
douloureux à ce niveau dans le cas de la dorsalgie commune. Ce point correspond
justement à l'attache de ce muscle (Fig. 9).
Comme vous le
voyez, beaucoup de douleurs du haut du dos ou des épaules sont en fait des
douleurs provenant du cou. Bien sûr, certaines douleurs viennent réellement de
l'articulation de l'épaule. Il y a un test très simple que vous pouvez faire
vous-même pour savoir ce qu'il en est. Posez la main sur la zone douloureuse.
S'il s'agit de la partie antérieure de l'épaule, ou encore de sa partie externe,
en haut du bras, votre douleur vient probablement de votre épaule. Si, au
contraire, vous placez la main légèrement en arrière de l'épaule, il y a toutes
les chances qu'il s'agisse d'une douleur cervicale.
Irradiation mixte : nerfs et muscles. Le cas des maux de tête
Beaucoup de maux
de tête (ou céphalées) viennent de la colonne, et plus précisément des premières
cervicales. Nombre d'entre eux seront soulagés par un traitement portant sur ces
vertèbres. La projection de la douleur suit ici deux chemins différents. Le
premier est celui des nerfs sensitifs du cuir chevelu, encore dénommés nerfs
d'Arnold, du nom de l'anatomiste qui les décrivit le premier. Ces nerfs partent
de la partie supérieure de la nuque et se dirigent vers le haut du crane. La
douleur prend alors le nom de Névralgie d'Arnold. Le second chemin part des
petits muscles du haut du cou, dont nous avons parlé plus haut. Ils ajustent
sans cesse, au millimètre près, la position de la tête et sont souvent
contracturés et douloureux (Fig. 9).
Douleurs
de cou sans irradiation
Beaucoup de
douleurs du cou n'irradient pas, la douleur restant localisée près de sa source,
en général le milieu ou le bas du cou. Mais même dans ce cas, les muscles de la
nuque sont très sensibles. Témoin ce geste familier du (ou de la) cervicalgique
qui serre sa nuque avec sa main pour tenter de calmer sa douleur. Témoin encore
le soulagement passager que l'on ressent en tournant doucement sa tête à fond
pour tirer sur les muscles du cou. Témoin toujours la sensation de fatigue si
particulière qui accompagne la plupart des douleurs cervicales lorsqu'elles sont
un tant soit peu chroniques. La fatigue, on le sait, est due à la tension
anormale et prolongée qui peut exister dans les muscles du cou et du visage,
particulièrement ceux situés autour des yeux. Cette même tension, présente dans
les cervicalgies chroniques, engendre les mêmes effets. Mais attention,
l'inverse est vrai aussi ! La fatigue excessive est parfois cause de douleurs du
cou comme nous n'allons pas tarder à le voir.
2. - Pourquoi la femme souffre t'elle plus souvent que l'homme de son
cou ?
La plus grande
fréquence des douleurs cervico-dorsales chez la femme est une réalité bien
tangible : environ deux femmes pour un homme. Les raisons de ce déséquilibre
sont cependant mal connues. Il y en a trois principales.
Première
raison : la musculature grêle de la femme
Il y a tout
d'abord la relative faiblesse des muscles de la femme. Une tête d'homme et une
tête de femme ont, à peu de chose près, le même poids. Malheureusement, et il
s'agit d'une donnée physiologique de base, la musculature qui la soutient est
bien moins volumineuse et bien moins puissante chez la femme. Lors d'une tâche
où la tête est légèrement penchée en avant pendant longtemps, elle va fournir un
travail bien plus important pour la maintenir. Cette donnée joue aussi pour la
stabilisation des vertèbres cervicales, qui tiennent surtout grâce aux muscles.
Elle joue encore pour le maintient du haut du dos, déséquilibré par le poids de
la poitrine. Nous verrons plus avant que l'hypertrophie mammaire est une cause
non exceptionnelle de cervico-dorsalgies. Mais même le poids d'une poitrine
normale doit être contrebalancé par l'action des muscles du dos, et ce en
permanence.
Deuxième
raison : les femmes en font plus
La "double
journée" des femmes n'est pas un mythe. Si le travail de bureau peut parfois
surmener la musculature et la colonne cervicale, les travaux ménagers sont tout
aussi nocifs. Ils se font très souvent le dos un peu vouté et la tête en avant,
qu'il s'agisse de travail au dessus d'un évier, de repassage, de couture, de
soins aux petits enfants). En conséquence, elles en font plus que les hommes,
avec des muscles plus faibles.
Une
troisième raison : le stress. Les femmes y seraient-elles plus sensibles ?
Un troisième
facteur favorisant la douleur cervicale de la femme pourrait être le rôle du
stress. Le stress, considéré comme une trop forte sensibilité aux agressions
diverses de la vie, et comme une incapacité à leur faire face, est un facteur de
grande importance dans la survenue des douleurs cervicales. Il est même, dans
certaines études scientifiques, l'un des deux grands facteurs de risque de
cervicalgies (le premier étant bien sûr l'appartenance au sexe féminin).
Autrement dit, si vous êtes une femme stressée, vous avez toutes les chances
d'avoir mal au cou un jour ou l'autre. Le stress est à l'origine de contractures
et de tensions musculaires. Il entraîne aussi un abaissement du seuil de la
douleur, qui rend la patiente plus sensible à une lésion vertébrale
pré-existante. En clair, à lésion égale, une femme stressée souffrira plus et
plus longtemps qu'une femme calme et détendue. De plus, l'état de stress
s'accompagne souvent de troubles du sommeil (difficultés à s'endormir, réveils
fréquents, sommeil non réparateur) qui empêchent une bonne récupération.
L'anxiété, l'angoisse lui sont souvent associées. Ainsi se crée un véritable
cercle vicieux de la douleur qui peut retentir sur les conduites sociales.
D'autres manifestations peuvent encore lui être associées (voir tableau).
Le stress aggrave les douleurs, les rends plus dures à supporter, plus longues à
guérir. Mais il ne les crée pas de toutes pièces. Et il est possible que les
femmes y soient plus sensibles que les hommes.
__________________________________________________________________________
Les manifestations pathologiques du stress
-
Manifestations psychiques
Hyper-réactivité à l'environnement avec irritabilité, tension psychique,
fatigabilité intellectuelle, impossibilité à se détendre
Perturbations du sommeil : difficultés à s'endormir, réveils fréquents,
sommeil non réparateur
Anxiété plus ou moins manifeste, voire survenue de crises d'angoisses
pouvant déboucher sur de véritables phobies
-
Manifestations corporelles
Sensation de fatigue, et parfois d'épuisement
Tension musculaire diffuse, douleurs vertébrales, en particulier au cou.
Maux de tête
Palpitations, sueurs, hypertension artérielle modérée et variable d'un jour
à l'autre
Troubles digestifs : alternance de diarrhées et de constipation
- Troubles du
comportement
Modification de la personnalité, perte de la maîtrise de soi, impulsivité
Difficultés relationnelles dans son milieu personnel ou professionnel
Attitude de retrait et d'évitement des relations sociales
-
Complications graves possibles
Abus de tranquillisants (la France détient le record mondial de consommation
d'anxiolytiques)
Etats dépressifs lorsque des situations de conflits ou de frustrations sont
associées à un état permanent de stress
Abus d'alcool pouvant conduire dans les cas extrêmes à l'alcoolisation
progressive
D'après "Le
stress, de la psychopathologie à l'approche thérapeutique", M Ferreri, édité par
les laboratoires Roche Nicholas SA
__________________________________________________________________________
3. -
Pourquoi avez vous mal au cou ?
Si vous avez mal
au cou, et quelles que soient les irradiations, on vous a probablement dit que
c'était "de l'arthrose". Vous avez fait des radios du cou et le radiologue a
confirmé : vous avez bien "de l'arthrose"... Ce n'est pas impossible, mais
l'explication est un peu courte. L'arthrose vertébrale est en général une chose
aussi banale que les petites rides de la peau. Elle est en cela bien différente
de l'arthrose de la hanche ou du genou (qui, elles, sont plus ennuyeuses).
Alors, qu'en est-il ? Pour simplifier, disons qu'il existe :
- Des causes
vertébrales, liées à l'état anatomique de votre colonne,
- Des causes extérieures, liées à l'environnement dans lequel vous vivez et à ce
qu'il impose à votre dos.
Expliquons nous.
Par cause vertébrale, on entend toutes les anomalies qui peuvent concerner votre
cou, et, plus précisément vos disques ou les petites articulations en arrière de
chaque vertèbre (articulaires postérieures). Il s'agit le plus souvent
d'anomalies de type arthrosique, mais pas toujours.
Par cause extérieure, on inclus tout ce qui revient aux mauvaises postures, faux
mouvements, petits (ou gros) traumatismes de la vie courante.
Ces causes peuvent bien sûr s'associer à des degrés divers, comme vont nous le
montrer les trois exemples qui suivent
Premier
exemple
Imaginons d'abord
que vous ayez une petite arthrose entre deux vertèbres cervicales. En elle-même,
cette arthrose est trop minime pour provoquer des douleurs. Mais elle constitue
le point faible de votre cou. Que survienne un traumatisme, que votre cou ait à
supporter un effort musculaire trop important, un coup de froid sur la nuque,
que des mauvaises postures se répètent et voilà la douleur qui apparaît. Le même
traumatisme, le même effort chez une personne au cou indemne aurait été sans
suite. Mais chez vous, non. La présence d'une arthrose légère fragilise un peu
le cou et favorise la survenue de petits blocages, de contractures ou de légères
poussées d'inflammation.
Deuxième
exemple
Deuxième
possibilité, imaginons maintenant que votre cou soit parfait. Pas la moindre
trace d'arthrose : un cou d'enfant, la solidité en plus. Vous êtes au volant de
votre voiture, à l'arrêt au feu rouge. Un véhicule vous percute violemment par
l'arrière. Votre tête effectue un brusque mouvement d'extension (elle part en
arrière), suivi, du fait du rebond, d'une flexion tout aussi violente (le "coup
du lapin"). Malgré l'absence de toute lésion pré-existante, la puissance du
traumatisme est telle qu'il va léser un disque, un ligament ou un muscle ; vous
en souffrirez peut-être longtemps. Ici, la violence du choc a blessé un cou
auparavant normal.
Troisième
exemple
Troisième
possibilité, de très sévères lésions dégénératives se sont développées entre,
par exemple, C5 et C6. Ici, nul besoin de traumatisme ou de mauvaise posture. La
lésion est suffisamment importante pour faire mal de façon spontanée, sans cause
traumatique extérieure, par poussées successives d'inflammation ou de
fissurations dans le disque (par exemple).
On imagine
facilement toutes les combinaisons possibles selon l'importance respective des
causes vertébrales et extérieures. Les choses se compliquent encore un peu si
l'on fait intervenir un troisième facteur : les nerfs et la moelle épinière qui
transmettent et modulent les sensations douloureuses (ce que l'on nomme les
"voies de la douleur") et le cerveau qui leur donne un retentissement
psychologique et affectif variable selon les personnes.
C'est l'étude
détaillée de ces trois causes de douleur, souvent imbriquées à des degrés
divers, que nous allons maintenant envisager.
__________________________________________________________________________
Trois facteurs s'associent dans les douleurs de cou :
- L'état
anatomique de votre colonne
- Les
contraintes extérieures auxquelles elle est exposée
- La
modulation des influx douloureux par les centres nerveux
__________________________________________________________________
4. -
Première cause : les causes vertébrales
Dysfonctionnements et blocages
Le cou est un
ensemble fragile. Avez-vous remarqué que, contrairement au dos, nous bougeons
sans cesse la tête ? C'est qu'elle porte les organes les plus vitaux : les yeux,
la bouche, les oreilles... Les sept disques cervicaux travaillent sans relâche.
Et s'usent. Cette usure apparaît sur des radiographies dès l'âge de trente ans
sous forme d'un pincement et de petits ostéophytes. Le pincement du disque se
matérialise par un rapprochement des deux vertèbres situées de part et d'autre
de ce dernier. Quant aux ostéophytes, il s'agit simplement d'une collerette
osseuse entourant la vertèbre mais qui, vue de profil, prend l'aspect d'un
éperon ou d'un bec. De là naquit l'expression imagée et populaire du bec de
perroquet qui fut pendant quelques décennies l'explication magique de toutes les
souffrances du dos : "J'ai des becs de perroquet", sous-entendu j'ai enfin
compris pourquoi j'ai mal.
J'en fis moi-même
l'expérience lorsque, interne dans un service de neurologie, je m'ouvris à mon
patron de mon intérêt pour la rhumatologie en général et la pathologie
vertébrale en particulier. "Ah bon, vous allez devenir spécialiste en becs de
perroquet ?" fut sa seule réponse, pleine de sous-entendus sur l'intérêt qu'il
portait aux douleurs vertébrales. Autant le dire tout de suite : les becs de
perroquet sont très rarement douloureux, sauf s'ils croisent le trajet d'un
nerf. On peut même aller plus loin : l'arthrose cervicale est une donnée
naturelle, normale et physiologique, au même titre que les rides de la peau.
C'est l'absence d'arthrose qui n'est pas "normale" (la normalité étant ici
définie par la fréquence) à partir de 45 à 50 ans. Mais, du fait des moins
bonnes capacités d'amortisseur du disque arthrosique, moins hydraté, moins
souple, le segment cervical concerné absorbe moins bien les petits traumatismes
et chocs de la vie quotidienne, d'où risque accru de dysfonctionnements et de
blocages. Ce risque se retrouve aussi au niveau des petites articulations
postérieures situées en arrière de la vertèbre. Là aussi, blocage et
inflammation sont possibles.
Ces petits
blocages paraissent ainsi être une cause fréquente de cervicalgies, l'arthrose
jouant plus ici le rôle d'un facteur favorisant que d'un responsable direct de
douleurs.
Entorses
du disque
Le disque peut
aussi se fissurer sur quelques millimètres, lors d'un faux mouvement ou d'un
accident plus violent comme le coup du lapin. La déchirure des fibres réalise
une entorse discale, de même nature qu'une entorse de cheville par exemple. Ces
entorses guérissent assez rapidement lorsqu'elles sont bénignes, les fibres
rompues cicatrisant comme n'importe quel tissu du corps, quoique plus lentement
(car, ne l'oublions pas, le disque n'est pas vascularisé). Lorsque la déchirure
est plus importante, elle se répare mal et risque d'être à l'origine de la
survenue d'une arthrose, ou encore d'une instabilité du disque, sa fonction
ligamentaire étant fortement compromise. D'où des douleurs plus chroniques et
plus difficiles à traiter.
Une
complication de l'entorse discale, la hernie discale
La déchirure du
disque cervical peut aussi être complète, traversant tout l'anneau fibreux du
centre à la périphérie. Le noyau fait alors issue à l'extérieur, car il s'agit
d'un gel souple sous pression, et c'est la hernie discale. Cette petite boule
rencontre sur son trajet le nerf et le comprime. Cette compression, jointe à
l'inflammation, est responsable de la névralgie cervico-brachiale. Ce sont les
disques de la partie basse de la colonne cervicale qui sont concernés.
Une question qui
est souvent posée est de savoir ce que devient une hernie discale cervicale dans
les mois qui suivent sa survenue. Beaucoup de gens s'imaginent qu'elle va
persister toute la vie. C'est heureusement faux. Au début, elle entraîne des
phénomènes inflammatoires extrêmement douloureux que seule la cortisone peut
juguler efficacement. Puis ces phénomènes s'atténuent et disparaissent. Mais la
hernie est encore là pour quelques temps. En refaisant passer des scanners à des
patients guéris de leur névralgie cervico-brachiale, j'ai pu démontrer que peu à
peu, son volume diminuait et qu'au bout de quelques mois, elle disparaissait
complètement. Le mécanisme de cette disparition commence maintenant à être mieux
connu. Il associe une déshydratation progressive et une véritable digestion de
la hernie par des globules blancs spécialisés, les macrophages, qui s'accumulent
autour d'elle, l'englobent et la colonise peu à peu. Ces phénomènes prennent en
moyenne six mois, mais peuvent être beaucoup plus rapides. Enfin, il est des cas
ou la hernie, trop dure pour se déshydrater, ou trop indigeste, persiste et,
lentement, se calcifie et se transforme en nodule arthrosique.
Douleurs
musculaires
Une des grandes
particularités des lésions cervicales, nous l'avons vu, est l'importance de la
participation musculaire. En cas de cervicalgie, les muscles sont fréquemment
tendus, douloureux, contracturés et celà se palpe très bien. C'est souvent à
leur niveau que la douleur est ressentie. D'où la règle d'éviter de prendre
froid à la nuque lorsque l'on souffre, et le soulagement que peut apporter un
bain ou une douche chaude sur un cou douloureux.
5. - Deuxième cause : les causes extérieures
Positions
décalées, cous en porte-à-faux, têtes longtemps tournées, les mauvaises postures
sont au premier plan des facteurs de risques de cervicalgies. Elles ne sont pas
toujours faciles à identifier, car la douleur ne survient pas forcément au
moment précis où l'on place mal son cou mais parfois de façon retardée et celui
ou celle qui en est victime ne sait pas toujours qu'il se place mal. Et c'est
souvent l'accumulation de mauvaises habitudes posturales qui fait les cous
douloureux.
Un cou averti en vaut deux ; méditez donc les exemples suivants.
Au
travail
C'est assis sur
une chaise devant son plan de travail que débutent nombre de cervicalgies.
Parfois, c'est un détail auquel on ne prête pas attention : l'écran de votre
ordinateur n'est pas de face, vous téléphonez toujours en bloquant le combiné
entre épaule et cou, vous vous penchez sur le coté pour ouvrir un tiroir qui "coince"
un peu, ou vous vous retournez sans cesse pour attraper des dossier derrière
vous.
Dans d'autres cas, on a bien conscience du problème, mais on n'a pas le temps ou
on ne sait pas comment y remédier : chaise trop haute, trop basse ou
inconfortable, travaux répétitifs de frappe sur clavier...
Des médecins
Anglo-Saxons ont décrit une "maladie des emballeuses" ou, en termes médicaux, un
"syndrome postural cervico-scapulaire". Il frappe celles qui sont soumises à des
gestes monotones et répétitifs à cadence ultra-rapide : conditionneuses en
usine, secrétaires (ou écrivains) rivées à leur clavier, travailleuses à la
chaîne, caissières dans les grandes surfaces, liste non limitative bien sûr, car
il faudrait y ajouter les musiciens (harpe, violon en particulier). Comme son
nom l'indique, ce syndrome (un syndrome désigne en médecine une association de
plusieurs symptômes, sans préjuger de la cause) se caractérise par des douleurs
dans la nuque et les épaules, le haut des bras, parfois même jusqu'aux mains,
avec sensation de crampe ou de brûlure. Il s'agit de personnes jeunes, et l'on
ne trouve que peu ou pas de lésions vertébrales arthrosiques. Ce sont des
douleurs posturales à l'état pur.
Arrêtons nous
quelques instants pour comprendre leur mécanisme, c'est en fait celui de toutes
les douleurs cervicales posturales. Il y a d'abord les mouvements répétitifs du
cou, qui peuvent être à l'origine de petits blocages, entorses, ou surmenage de
vertèbres un peu fragiles. Il y a ensuite (et dans ce cas, surtout) la
sur-utilisation des muscles à qui l'on demande trop. Produisant trop d'acide
lactique, ils deviennent douloureux, soit de façon diffuse, soit de façon
localisée, en des points précis que l'on nomme "points-gâchette" parce que, si
l'on appuie dessus, on déclenche la douleur aussi automatiquement qu'une
pression sur une gâchette. Ces points correspondent à de petites zones de
crampes très localisées et durables. Plus encore, la contraction et le spasme
musculaire sont à même de comprimer les vaisseaux sanguins et nerfs qui passent
au sein ou entre deux muscles. Il s'ensuit une baisse de vascularisation du
muscle (aggravant la douleur) et même du membre supérieur si les artères et
veines de ce dernier sont concernées, d'ou la sensation de fatigue et de perte
de force ressentie dans le bras ou les mains.
A la
maison
Le "bricolage du
dimanche" est une source inépuisable de douleurs cervicales, et de consultations
du lundi matin. Il y a celui, ou celle, qui repeint son plafond, geste ô combien
pénible, celui qui s'essaye à fixer une tringle à rideau ou qui manie une
perceuse trop lourde ; les occasions ne manquent pas. Ne préjugez ni de votre
force, ni de votre habileté : mieux vaut faire appel à un professionnel.
Les travaux ménagers sont également source de douleurs cervicales. En
particulier le travail devant un évier (vaisselle, épluchage de légumes, etc.),
la couture, le repassage (surtout si le fer est lourd à manier) et d'une façon
générale, tout ce qui demande attention et fixité de la tête. Les soins aux
enfants en bas âge aussi.
Il se peut enfin que vous vous fassiez mal au cou en dormant sur le ventre, ce
qui vous oblige à garder la tête tournée sur le côté toute la nuit. Il faut
surtout éviter de prendre froid sur la nuque et les épaules, en particulier
lorsque l'on dort. Ceux qui laissent la fenètre ouverte, ceux dont la tête de
lit jouxte un mur glacé, ceux qui dorment cou et épaules découvertes sont
particulièrement exposés. Le froid tétanise les muscles et les rend douloureux.
Il peut, à lui seul, déclencher une cervicalgie.
Enfin, attention aux soirées "télévision" lorsque vous êtes mal assise ou que
votre poste est décalé par rapport à vous, vous obligeant à tourner légèrement
la tête. Mettez vous bien en face de l'écran, et n'hésitez pas à vous étirer
dans tous les sens lorsque vous sentez vos muscles se tendre un peu. Cette
simple manoeuvre détend les muscles du cou.
Le cas
particulier des cervico-dorsalgies dues à l'hypertrophie mammaire
Une cause non
exceptionnelle et souvent non diagnostiquée de cervico-dorsalgies de la jeune
femme est la présence d'une hypertrophie de la poitrine. Que se passe t'il
lorsque les seins sont trop gros ? Le poids d'un sein normal est de 300 grammes
au plus. A partir de 500 grammes, l'hypertrophie devient importante, et
considérable au dessus d'un kilo. Cette masse, qu'il convient de multiplier par
deux, se trouve en porte à faux en haut de la colonne, ce qui tend à la faire
pencher en avant. Les muscles du dos vont tenter de contrebalancer cette
attitude en cyphose en se contracturant en permanence, d'où la survenue de
douleurs de tension. Un deuxième facteur, venant aggraver cette cyphose dorsale
est la fait que la malheureuse jeune fille affublée de cette disgrâce va tenter
de la dissimuler en projetant ses épaules en avant et en voûtant encore plus son
dos. Cette attitude de compensation ne fait qu'augmenter la gène et les
douleurs.
La solution à ce problème est pourtant simple : dès lors que les douleurs
peuvent être rapportées à l'hypertrophie mammaire (c'est le rôle du médecin d'en
faire la preuve, en éliminant toutes les autres causes possibles), la chirurgie
plastique de réduction est indiquée. Les résultats sont en règle excellents sur
les douleurs, sans parler du résultat esthétique.
6. - Troisième cause : le système nerveux
Souvent, des
patientes posent la question : "Est-ce nerveux ?", ce qui sous-entend : "la
douleur est-elle dans ma colonne ou dans ma tête ?" Il faudrait d'abord
s'entendre sur la signification du mot "nerveux". Je ne crois pas aux douleurs
imaginaires. Du moins sont-elles très exceptionnelles, curiosités de
consultation comme on en voit une ou deux fois l'an. Autrement dit, la douleur
provient toujours, à un degré ou à un autre, du cou. Mais le facteur "nerveux"
(je préfèrerais "neurologique", plus précis) peut intervenir de deux façons.
La première est
liée au stress, dont nous avons vu qu'il est fréquent chez la femme et qu'il
aggrave les douleurs cervicales. Il peut même, lorsqu'il est important ou qu'il
s'accompagne, de surmenage, d'anxiété être le seul facteur en cause, le seul
responsable des douleurs. La fatigue, le manque de sommeil ne font qu'aggraver
les choses.
La seconde est
liée au trajet complexe qu'empruntent les influx douloureux avant d'atteindre le
cerveau. C'est au cours de ce trajet qu'il peut y avoir des pannes.
Une lésion vertébrale ne peut faire mal que s'il existe des nerfs sensitifs qui,
de la colonne, gagnent le cerveau. Mais il ne s'agit pas d'une "ligne directe"
vertébro-cérébrale, pas plus qu'il n'y a qu'un simple fil électrique entre la
centrale nucléaire la plus proche de votre domicile et votre lampe de chevet. Au
contraire, tout un ensemble d'installations complexes vise à stabiliser le
courant, à assurer la régularité et la sécurité de son transport, à le
transformer pour le rendre apte à une utilisation domestique avant qu'il
n'arrive à votre prise.
Il en est de même pour la transmission des influx nerveux. Des filtres, des
centres relais, des zones de contrôle assurent, en de nombreux points du système
nerveux (moelle épinière, tronc cérébral, cerveau), une modulation permanente de
ces influx. D'une façon schématique, l'organisme veille à ce que leur intensité
ne soit ni trop forte ni trop durable. Lorsqu'une lésion survient, la douleur
est contrôlée. Elle reste confinée à la zone atteinte. Lorsque la lésion rentre
en phase de cicatrisation, la douleur diminue et disparaît peu à peu. Et lorsque
tout est rentré en ordre, la douleur disparaît totalement.
Or, il arrive que ce système puisse se dérégler. Toute douleur un tant soit peu
durable peut être à l'origine d'un dérèglement de ce système de contrôle. La
conséquence en est une diffusion, un étalement de la douleur et une intensité
croissante. On n'a plus seulement mal au cou, mais aussi aux épaules, à la tête,
au dos. Non seulement une diffusion, mais aussi une persistance de la sensation
douloureuse, alors même que la lésion causale a souvent disparu à ce stade. Un
exemple simple lorsque vous mettez une chaussette ; vous la sentez physiquement
autour de votre pied. Vous percevez distinctement le contact du tissu sur la
peau. Maintenant, attendez quelques secondes et constatez. Vous ne sentez plus
rien. Les capteurs sensitifs ont été activés par le frottement du tissu puis se
sont mis au repos et n'ont plus envoyé que de très faibles messages à votre
moelle épinière, qui, filtrés à leur tour, ne sont pas parvenus à votre
conscience.
Imaginez
maintenant un dérèglement de cette machinerie neurologique compliquée. Vous ôtez
votre chaussette. Eh bien, non seulement vous la sentez toujours sur vous, mais
vous avez l'impression qu'elle remonte sur toute la jambe. Et qu'en plus, elle
vous gratte.
C'est un peu la même chose pour certaines douleurs cervicales, qui continuent à
faire mal sans répit ni rémission, alors que les examens répétés ne montrent
rien. La lésion primitive a disparu, mais la douleur persiste, plus diffuse
qu'au début et souvent plus désagréable.
Liés à cet état douloureux chronique apparaissent souvent de petits troubles
psychiques : sommeil difficile ou de mauvaise qualité, fatigue, nervosité,
réaction dépressive. La lésion vertébrale n'est dès lors plus qu'un tout petit
élément au sein d'un tableau bien plus complexe dont le traitement est long et
difficile. A l'extrême, ces troubles réalisent ce que l'on appelle la
"fibromyalgie" (ce qui signifie à peu près douleur dans les tissus fibreux et
musculaires) ou le SPID, acronyme de syndrome polyalgique idiopathique diffus
(idiopathique : sans cause connue), affection presque exclusivement féminine où
des douleurs diffuses, prédominant dans la région cervicale, s'associent à une
fatigabilité accrue et à des troubles du sommeil. La normalité des examens
(radios et scanner en particulier), l'inefficacité des médicaments usuels
(anti-inflammatoires) et le fait que souvent le diagnostic n'est pas porté ne
font que renforcer la chronicité de ce syndrome dont on ne sait pas encore très
bien s'il est apparenté à certaines formes de dépression nerveuse ou s'il en est
indépendant.
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VII
Les douleurs lombaires de la femme jeune
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Les douleurs du
bas du dos représentent, en termes de fréquence et de coûts de santé, le plus
grand chapitre de la pathologie vertébrale. Lumbagos, sciatiques, lombalgies,
autant de mots connus de tous, synonymes de "mal de dos", mais qui recouvrent
chacun une réalité différente. Au delà du vocabulaire, la distinction entre ces
différentes formes est d'importance. Ni les causes, ni les douleurs, ni les
traitements ne sont les mêmes. Plus encore, la fréquence selon le sexe est
différente d'une forme à l'autre. Si la sciatique, le lumbago et les lombalgies
aiguës touchent davantage les hommes, jusqu'à deux contre un, en revanche, les
lombalgies chroniques sont plus fréquentes dans le sexe féminin.
1. - Les différents types de douleurs lombaire : où avez-vous mal?
Comme les
douleurs cervicales, les douleurs lombaires peuvent irradier dans différentes
structures anatomiques, nerfs ou muscles, ou ne faire mal que localement, au
niveau de la colonne.
Les
douleurs qui irradient dans les nerfs
La sciatique
La plus connue des douleurs irradiant la long d'un nerf est la sciatique.
Beaucoup de gens la confondent avec la lombalgie. Pourtant, ces deux mots ne
veulent pas dire la même chose, loin de là. La lombalgie est une douleur qui
siège en gros en bas du dos ou dans la fesse. La sciatique suit le trajet du
nerf sciatique à partir de la fesse, le long de la cuisse et de la jambe
jusqu'au gros ou au petit orteil, selon le cas.
Il existe en
effet deux types de sciatiques. Les unes sont dues à une compression de la
cinquième racine lombaire (l'une des deux racines qui forment le nerf sciatique,
et dont les fibres se continuent jusqu'à son extrémité). La douleur gagne alors
le dessus du pied et le gros orteil. Elles sont dites sciatiques L5. Les autres,
en rapport avec la compression de la première racine sacrée sont dites S1. La
douleur gagne le bord extérieur ou le dessous du pied pour se terminer dans le
petit orteil. C'est donc par les orteils que l'on classe les sciatiques. Une
sciatique peut s'accompagner d'une douleur lombaire, et l'on parle alors de
lombo-sciatique. A l'inverse, une lombalgie peut également s'accompagner d'une
irradiation vers la cuisse, au dessus du genou, sans qu'il ne s'agisse d'une
sciatique : c'est une lombo-sciatalgie, la sciatalgie tout court étant une
sciatique bâtarde. Au delà du genou, nous retrouverions notre lombo-sciatique...
Ce vocabulaire médical a son importance : il est compliqué mais précis.
La sciatique
aiguë est une affection fort douloureuse. Shakespeare fut le premier à l'évoquer
en faisant dire à l'un des personnages de Timon d'Athènes : "Toi, froide
sciatique, estropie nos sénateurs, que leurs membres perclus clochent comme
leurs moeurs..." MF Kahn, auteur d'un texte intitulé : "Les rhumatismes dans la
littérature française non médicale" (dans "Les affections rhumatismales dans
l'art et l'histoire", R Malherbe éd., 1988 Bruxelles), découvre quelques cas de
sciatique et de lumbago dans l'oeuvre de Balzac, de Maupassant, de Jules Verne
et de Gide. Cette affection est toutefois bien moins présente que la goutte dans
la production littéraire classique. Seuls les hommes en semblent atteints. Une
seule exception, celle d'une femme âgée, dans "L'oeuvre au noir" de Marguerite
Yourcenar, un écrivain femme, justement !
Les remèdes proposés sont pour le moins variés : massages et manipulations par
un rebouteux, repos au lit, révulsifs mais aussi régime (Balzac, dans "le curé
de Tours" : un petit pain chaque jour, sans boire...), voire, plus original,
conversion religieuse (Gide dans les "Caves du Vatican"). Dans ce dernier cas,
il y eu malheureusement rechute...
La cause la plus
fréquente, et de loin, de la sciatique est la hernie discale, mais il en est
d'autres, plus rares (arthrose, canal lombaire étroit, spondylolisthésis, etc.).
Nous en examinerons plus loin le mécanisme.
Les autres
radiculalgies lombaires
Une radiculalgie est une douleur qui irradie le long d'une racine nerveuse. Il
n'y a pas que les sciatiques. Peut-être avez-vous entendu parler de la névralgie
crurale, ou cruralgie, dont la douleur part de l'aine et descend sur le devant
de la cuisse pour s'arrêter au genou ou à la cheville ? La cruralgie est
globalement dix fois moins fréquente que la sciatique.
Citons aussi la névralgie fémoro-cutanée, du nerf du même nom, douleur qui
chemine le long de la face externe de la cuisse pour s'arréter un peu au dessus
du genou. Elle porte également le nom de "méralgie parésthésique". La petite
histoire veut qu'elle ait été décrite par un médecin militaire prussien au cours
de la guerre de 1870 chez des cavaliers dont la cuirasse, trop ajustée, pour
faire la taille fine et avantageuse, comprimait l'origine du nerf en haut de la
cuisse. Après de longues heures en selle, ils se plaignaient justement de
fourmillements et d'insensibilité sur le côté de la cuisse.
Certaines
douleurs de la fesse
Les douleurs qui parcourent la fesse de haut en bas sont souvent des douleurs
qui irradient le long des nerfs sensitifs du dos. Ces nerfs trouvent leur
origine beaucoup plus haut, au niveau des dernières vertèbres thoraciques ou des
premières lombaires (charnière thoraco-lombaire), pour se terminer un peu au
dessus du pli fessier. Ce type de douleur peut aussi irradier vers l'aine,
parfois jusqu'au pubis.
Les
douleurs qui irradient dans les muscles
L'irradiation le
long des muscles est une autre façon d'avoir mal. Elle peut d'ailleurs
s'associer à une irradiation le long des nerfs, rendant la douleur plus complexe
à déchiffrer. Premiers concernés, les muscles lombaires, grosses masses
musculaires de chaque côté des vertèbres. S'il sont le siège d'une tension
douloureuse, celle-ci peut remonter le long de la colonne, parfois sur plus de
vingt centimètres. C'est l'impression d'avoir "tout le dos contracturé".
D'autres lombalgies s'accompagnent de tension ou de contracture dans les muscles
de la fesse. Parfois même, la douleur n'est ressentie qu'en un point, qui
correspond justement à un point de contracture, comme une petite crampe très
localisée. Cette tension peut être détectée par la palpation en pressant
doucement sur les masses musculaires.
Les
douleurs qui n'irradient pas
Mais souvent, la
douleur lombaire n'est perçue que localement, sous forme d'une barre dans le bas
du dos ou d'un point douloureux précis sur une vertèbre. Elle provient alors
directement de la structure vertébrale malade, disque ou articulation
postérieure, sans descendre le long d'un nerf ou d'un muscle. Il en est de même
des douleurs provenant de l'articulation sacro-iliaque.
Un autre type de douleur qui n'irradie pas est le lumbago. Il est beaucoup plus
rare chez la femme que chez l'homme, mais son diagnostic est facile. La douleur
survient en général après un effort de soulèvement ou un faux mouvement, de
façon assez brutale. Elle devient rapidement si intense qu'elle interdit tout
mouvement un peu vif. Surtout, elle s'accompagne d'une attitude caractéristique
du tronc, penché en avant et légèrement sur le côté, toute tentative de
redressement étant impossible. Le dos est totalement bloqué. Tout cela dure
quelques jours et s'atténue peu à peu sous l'effet du repos. Le risque est que
ce lumbago se transforme en sciatique, car son mécanisme en est proche (voir
plus loin).
Telles sont les
différentes douleurs qui partent de la partie basse de la colonne. Mais pourquoi
votre dos vous fait-il parfois si mal ? Comme pour le cou, nous allons retrouver
les causes extérieures et les causes vertébrales. Les premières groupent
mauvaises positions et faux mouvements, les secondes toutes les lésions de vos
disques et de vos vertèbres.
2. - Pourquoi avez-vous mal au dos ? Mauvaises positions, faux
mouvements
Les mauvaises positions en cyphose
Debout penché en
avant
Il existe au moins une mauvaise position pour le dos que chacun connaît, c'est
de se pencher en avant (c'est-à-dire se mettre en cyphose) pour soulever ou
ramasser quelque chose, sans plier les genoux. Beaucoup le font cependant...
Mais pourquoi est-ce si mauvais ? Simplement parce que les derniers disques
lombaires, bloqués entre la colonne vertébrale au dessus et le bassin en
dessous, se trouvent comme la noix entre les deux branches du casse-noix. La
flexion du tronc vers l'avant multiplie à elle seule par deux ou trois la
pression interne du disque. Le noyau est chassé vers l'arrière et risque
d'occasionner une déchirure interne. Ce qui signifie que vous n'avez pas besoin
de soulever quelque chose de lourd pour vous faire mal. Le simple fait de se
pencher en avant peut suffire à déclencher une hernie si le disque est
fragilisé.
On ne répétera
jamais assez que la colonne doit rester droite pour ne pas être blessée. Ne vous
penchez pas en avant pour soulever une charge, mais pliez les genoux en gardant
votre tronc vertical. Au besoin mettez un genou à terre si la position doit être
maintenue plus longtemps.
La manutention de
charges a des conséquences équivalentes sur les disques. Des médecins anglais
ont montré que lorsque leur poids dépassait 10 kilos, le risque de lombalgie
augmentait notablement. Le risque était multiplié par 1,2 chez l'homme (une
faible augmentation en vérité) et 2,3 chez la femme. Près du double ! Il est
vrai que le squelette féminin n'est pas adapté au port de charges lourdes.
Assis longtemps
La station assise prolongée, dont nous avons vu qu'elle n'était pas bonne pour
le haut du dos et le cou, ne semble pas trop mauvaise pour la région lombaire.
Au contraire, s'il faut en croire certaines études, ceux ou celles qui
travaillent assis ont moins de risques d'avoir mal en bas du dos. En revanche,
il est fréquent que des personnes déjà lombalgiques la supportent mal ou
souffrent tout particulièrement en se relevant de leur siège. C'est qu'assis,
les cuisses font un angle de 90 degrés avec le tronc et la colonne lombaire se
cyphose. Comme lorsque, debout, l'on se penche en avant, le noyau du disque est
repoussé vers l'arrière. Les pressions mises ici en jeu sont cependant beaucoup
plus faibles qu'en position debout et donc moins dangereuses. C'est l'immobilité
du bas du dos qui est probablement à l'origine d'une recrudescence des douleurs.
En effet, les lombalgiques supportent mal de rester sans bouger. L'amortisseur
discal étant abîmé, les pressions se répartissent mal dans le disque et se
concentrent sur des zones sensibles d'où l'apparition ou l'exacerbation de
douleurs.
En revanche, la
présence de vibrations (siège de camion par exemple) fragilise davantage les
disques et accentue le risque d'une façon importante. C'est le cas des
conducteurs de poids-lourds ou d'autobus, dont le dos est soumis à rude épreuve.
Des petits trucs
pour moins souffrir
Si vous avez mal lorsque vous êtes assise, voici deux "trucs" de base. Le
premier : pratiquez la bascule du bassin. Toutes les cinq à dix minutes, tout en
restant assise, sortez le ventre et creusez le dos au maximum, comme si vous
vouliez toucher votre bureau avec le nombril. Maintenez quelques secondes cette
position. Relâchez-vous et recommencez trois à quatre fois cet exercice. Le
second : levez vous et marchez un peu pour détendre vos muscles. Si rien n'y
fait, voyez si votre siège est bien adapté. Essayez-en d'autres au besoin. Il
existe même un modèle de tabouret ergonomique où l'on est assis en partie sur
les genoux. Le dos prend automatiquement une bonne courbure, beaucoup moins
cyphosée que sur une chaise normale.
Les
mauvaises positions en lordose
Rester debout à
piétiner sur place n'est pas bon non plus, sans doute même pire que de rester
assis. Dans cette position, on a tendance à sortir le ventre et à cambrer le
dos. Le disque est donc comprimé non plus en avant, comme lors de la station
assise, mais en arrière. Les conséquences sur la pression intra-discale restent
les mêmes. Une étude récente a mis en évidence le fait que deux heures par jours
de station debout à son travail constituait un seuil critique au delà duquel le
risque de douleurs lombaires augmentait notablement, d'un facteur 2,1 chez
l'homme et 3,5 chez la femme.
Vous avez
maintenant compris le rôle nocif des postures extrêmes. Trop de flexion comme
sur une chaise, ou trop d'extension, lorsque l'on est debout immobile, sont
également nocives. Trop de cyphose dans un cas, de lordose dans l'autre, aucune
des deux n'est mauvaise en soit, mais leur maintien prolongé fatigue
dangereusement le dos. C'est l'une des notions de base les plus importantes à
connaître pour le dos.
L'alternance est ici le bon remède : changez souvent de position.
En fait, la
meilleure activité pour la région lombaire est la marche à pied. Les bons
marcheurs ont souvent moins de problèmes de dos que les autres. Au cours de la
marche, le tronc bascule légèrement de gauche à droite et de droite à gauche sur
le bassin, à chaque pas, réalisant une succession de pressions-décompressions
sur les disques. Ces mouvements de pressage-pompage empêchent que le disque ne
perde trop d'eau et favorisent même sa réhydratation progressive. Les métiers ou
l'on marche beaucoup entraînent moins de dégénérescence discale que les autres
et, partant, moins de lombalgies.
Les faux
mouvements
A la différence
d'une mauvaise posture, le faux mouvement est quelque chose de rapide mais
d'irréfléchi. Mais au fait, qu'est-ce qu'un faux mouvement ? Qu'est-ce qui
différentie le faux du vrai ?
Répondre à cette
question nécessite de réfléchir à ce qu'est un mouvement "normal". Avant même de
commencer, le geste est déjà programmé dans notre cerveau. Les muscles savent
dans quel ordre et avec quelle force ils vont se contracter, en prévision de
l'effort à fournir. Les capteurs de tension musculaire, les récepteurs sensitifs
sont mis en éveil en quelques centièmes de secondes. Supposons que vous
souhaitiez soulever quelque chose. Les muscles de votre dos vont se contracter
pour vérouiller la colonne avant toute ébauche de mouvement. Si elle est bien
bloquée, vous ne courrez aucun risque.
Dans le faux
mouvement, rien n'est préparé à l'avance. Le geste se décide trop vite pour que
le cerveau ait le temps de le préparer. Tout est laissé au hasard. Les muscles
n'étant pas mis en état d'alerte et de vigilance particulière, la colonne ne se
bloque pas solidement lorsque commence l'effort. Sollicitée trop brutalement, il
y a risque de lésion.
Un autre exemple : vous jouez au tennis et vous voulez attraper une balle qui
arrive un peu loin de vous. Ne pensant qu'à la balle, vous allez vous
précipiter, faire un mouvement de torsion brusque du tronc, non préparé bien
sûr. Ce type de traumatisme atteint le disque. Un geste trop puissant et non
contrôlé risque d'entraîner une déchirure ou une fissure.
C'est exactement le mécanisme de l'entorse de cheville. Un accident de terrain,
la cheville bascule, se tord et le ligament se déchire. Le lumbago est une sorte
d'entorse vertébrale.
3. - Les causes vertébrales de douleurs lombaires
Une mauvaise
posture, un faux mouvement d'intensité modérée ne suffisent pas toujours à
déclencher une douleur lombaire. Il faut aussi une lésion du disque ou des
structures voisines qui le fragilise et le rende plus sensible aux traumatismes
extérieurs.
Ces lésions ont la particularité d'être très fréquentes, comme au niveau
cervical, et de ne pas toujours être symptomatiques. Force est d'admettre que
l'on ignore pourquoi un disque abîmé devient, un beau jour douloureux.
Les
entorses discales
Chez la femme
jeune (comme chez l'homme d'ailleurs), la lésion de base semble bien être
l'apparition d'une fissure dans le disque, suite à un faux mouvement comme nous
venons de le voir, mais parfois aussi de façon apparemment spontanée (Fig. 10).
Cette fissure correspond à une déchirure de quelques fibres discales sous
l'effet conjugué de la brusque mise en tension des fibres et de l'augmentation
de pression interne lors du faux mouvement. Si les fibres sont déjà fragilisées,
il suffit d'un faux mouvement minime pour aboutir au même résultat.
Cette lésion est en tout point semblable à celle de l'entorse ligamentaire, qui
est aussi une déchirure ou une élongation des fibres du ligament, comme
l'entorse de cheville par exemple, elle aussi due à un manque de vigilance des
muscles qui stabilisent la cheville. Or le disque n'est rien d'autre qu'un gros
ligament entre deux vertèbres. Ce mécanisme d'entorse explique bon nombre de
douleurs vertébrales et permet d'en comprendre mieux l'évolution. Elles vont
être très douloureuses pendant quelques jours ou semaines, d'autant
qu'apparaissent et persistent autour du disque lésé des contractures
musculaires. Puis la douleur s'atténue peu à peu pour disparaître en deux à
trois mois, au fur et à mesure de la cicatrisation. Une fois celle-ci acquise,
le disque sera tout de même un petit peu moins solide qu'il ne l'était
auparavant. Divers traitements peuvent raccourcir cette évolution, dont des
manipulations vertébrales, du fait de leur action très favorable sur les
contractures musculaires péri-discales.
La récidive de ces fissures apporte de profondes modifications au sein du
disque. Fragilisé, le disque devient un amortisseur "fatigué" qui tolère moins
bien les contraintes. Les lésions de l'anneau discal mènent à la déshydratation
progressive du noyau discal et à la discarthrose.
En fait, il s'agit d'un phénomène très lent, qui peut prendre dix ans ou plus et
qui se manifeste surtout après cinquante ans.
La
complication de l'entorse discale : la hernie discale
Si la fissure de
l'anneau fibreux est assez large, un peu de noyau discal (le nucleus) va
s'engager dedans, s'y bloquer et repousser les bords de cette fissure avec une
pression plus ou moins forte (Fig. 10). C'est le mécanisme du lumbago.
Mais, si cette fissure se prolonge jusqu'à la périphérie du disque, ce qui est
le cas le plus fréquent, le noyau va faire issue à l'extérieur, en général vers
l'arrière : c'est la hernie discale. Il faut donc que le noyau soit suffisamment
volumineux pour qu'une partie puisse en être ainsi expulsée. Autrement dit, la
hernie n'est possible que sur un disque jeune, non dégénéré. Et de fait, la
majorité des hernies discales survient entre 30 et 45 ans. La hernie discale est
presque un signe de jeunesse, contrairement à ce que pensent beaucoup de gens.
Ce n'est cependant pas la hernie en tant que telle qui est responsable de la
douleur si particulière de sciatique. Il est des hernies parfaitement indolores.
Le malheur est que les hernies sortent du disque à peu près toujours au même
endroit, en arrière et latéralement. Et justement, face à cette zone passe le
nerf sciatique, ou du moins l'une de ses deux racines. C'est la compression de
la racine par la hernie, que l'on nomme conflit disco-radiculaire, qui est
responsable de la sciatique. Si la hernie vient du disque L4-L5, l'on aura
affaire à une sciatique L5 et si elle provient du disque L5-S1, il s'agira d'une
sciatique S1.
En fait, la
compression n'est que l'un des facteurs douloureux. L'inflammation qui apparaît
autour de la hernie joue un rôle au moins aussi important. Et certaines hernies
entraînent plus d'inflammation que d'autres. C'est ainsi qu'un des secrets de la
sciatique vient récemment d'être percé : il n'y a pas une mais des sciatiques,
fonction du type de hernie discale qui en est responsable. Détaillons un peu ces
notions nouvelles.
Si le noyau sort
complètement du disque, on dit que la hernie est "exclue" (Fig. 10 D). Au
contraire, si l'anneau fibreux n'est pas complètement déchiré, on parle de
"protrusion" (mot anglais que l'on peut traduire par bombement localisé) ou de
"hernie contenue" (Fig. 10 C).
La différence est de taille. La hernie dite exclue est souvent plus volumineuse,
plus hydratée. La symptomatologie est plus bruyante car la hernie déclenche une
inflammation intense : douleur insomniante, raideur vertébrale, grande
impotence. Au contraire, la protrusion est en général de plus faible volume. La
douleur est moins intense car l'inflammation est moindre. L'évolution de ces
deux types de hernies n'est pas la même. Les hernies exclues régressent vite (en
quelques semaines ou quelques mois). La sciatique suit évidement le même chemin.
Au contraire, les protrusions régressent plus lentement, et persistent parfois.
Du reste, la plupart des sciatiques qui virent à la chronicité sont dues à des
hernies contenues.
Pourquoi tant de
différences ? La réponse tient vraissemblement au contact ou à l'absence de
contact entre le noyau hernié et les vaisseaux sanguins situés à l'intérieur de
la colonne. S'il y a contact (hernie exclue), la hernie va être reconnue par le
système immunitaire comme un corps étranger qui n'a rien à faire là où il est.
Des cellules spécialisées, lymphocytes, macrophages, rapidement mobilisées, vont
affluer, entourer la hernie, et, tout en déclenchant une intense inflammation,
vont peu à peu la déshydrater et la digérer. Cette réaction est d'autant plus
intense que la hernie est volumineuse.
Dans le cas d'une protrusion, tout est différent. La hernie est protégée du
système immunitaire par la lame d'anneau fibreux qui la recouvre. L'inflammation
est donc beaucoup plus réduite. La hernie peut disparaétre, mais plus lentement
et inconstamment. Elle sera parfois remplacée par une arthrose.
Actuellement, seule l'IRM permet de faire la différence entre une hernie exclue
et une protrusion avec fiabilité.
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Vivre avec une sciatique : faire et ne pas faire
- Ne forcez
pas sur la douleur. Dès que vous avez mal, trouvez une position non
douloureuse qui vous soulage.
- Les
antalgiques sont utiles mais ils diminuent ce signal d'alarme qu'est la
douleur.
- Changez
radicalement vos habitudes dès le début de la crise. S'habiller, se
déshabiller, monter en voiture, se mettre au lit : étudiez chaque geste.
Tout doit être fait en fonction du mal pour ne plus avoir mal.
- Dès que vous
irez mieux, restez très prudente, la douleur ne demande qu'à revenir.
Continuez à prendre les mêmes précautions, même si vous ne souffrez
quasiment plus. et ceci pendant au moins deux à trois semaines.
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Les
autres causes de lombalgie de la jeune femme
Les déchirures
discales ne sont pas seules en cause dans la genèse du mal de dos de la femme
jeune. L'expérience clinique montre la fréquence de petits blocages
intervertébraux, invisibles à la radio, mais capable de durer longtemps s'ils ne
sont pas traités. Ils ont reçu le nom de dérangements intervertébraux mineurs.
Ils sont évidement favorisés par la présence d'une fragilité discale
pré-éxistante.
4. - Les causes psychiques
Comme au niveau
du cou, il serait vain de négliger l'intervention du système nerveux dans la
modulation de la douleur et dans son retentissement sur l'humeur et le
comportement. Un état douloureux prolongé peut mener à la dépression.
Inversement, une dépression peut s'accompagner de douleurs en particulier
lombaires. Les mécanismes par les quels le psychisme peut intervenir dans la
douleur ont été détaillés au chapitre sur les cervicalgies. Deux remarques
s'imposent.
Stress et
dépression
La première est
que l'intervention du facteur psychique n'est pas tout à fait de même nature au
cou et au dos. On sait que la notion de stress est au premier plan des facteurs
de risque de cervicalgie. Les stressés ont plus souvent mal au cou que les
autres. Ce n'est pas vrai au niveau lombaire. Ici, la dépression est un facteur
de risque plus important, en particulier dans les douleurs chroniques
La poule
et l'oeuf
La deuxième
remarque concerne la question célèbre de la poule et de l'oeuf : des deux,
lequel vint en premier ? Est-ce la lombalgie chronique qui rend certaines
dépressives ou la dépression qui fait la lombalgie ? A cette question, deux
études récentes apportent des réponses contradictoires. Dans la première, 404
Danois ont subi des tests psychologiques, en répondant à un long questionnaire
évaluant leur personnalité à l'âge de 50, puis 60, puis 70 ans. On imagine la
difficulté d'un tel travail, étalé sur vingt ans. A 50 ans, il n'y avait pas de
différence psychologique entre les futurs lombalgiques et les autres, alors que
plus tard, les lombalgiques présentaient des traits dépressifs ou
hypochondriaques. Les auteurs concluent que c'ést la lombalgie qui rend
dépressif. Mais une autre étude aboutit à des conclusions inverses. Une équipe
de médecins anglais a envoyé à 4503 adultes un questionnaire évaluant leur état
dépressif. Imaginez au passage les difficultés de dépouillement et
d'interprétation ! Un an après, il y avait plus de lombalgiques chez les
dépressifs que chez les autres. Ici, ce serait plutôt la dépression qui rendrait
lombalgique... Ces deux exemples ne sont donnés que pour mieux faire comprendre
combien il est difficile d'aboutir à des conclusions solides et définitives dans
ce domaine. En fait, chaque cas individuel est différent de son voisin. C'est au
médecin de reconstituer le parcours de sa patiente.
Quoiqu'il en soit,
il ne s'agit que de statistiques. Ceci ne veut pas dire, loin de là, que tous
les lombalgiques sont déprimés. Ceci ne veut pas dire non plus qu'aucun
lombalgique n'est stressé. Il s'agit tout au plus de tendances : parmi les
lombalgies où un facteur psychique intervient (ce ne sont pas les plus
fréquentes), il s'agit plus souvent de dépression que de stress.
5. - Le facteur hormonal
Il est un élément,
évidement propre à la femme, dont le rôle n'est pas négligeable, c'est celui du
cycle menstruel. Combien de femmes lombalgiques se plaignent d'une recrudescence
régulière de leurs douleurs dans les jours qui précèdent l'arrivée des règles.
Chez d'autres, les douleurs n'existent qu'avant les règles et disparaissent dès
leur survenue, pour revenir vingt huit jours plus tard...
Il s'agit là de manifestations du syndrome "prémenstruel", qui est défini par
l'ensemble des signes psychologiques et physiques survenant électivement et
régulièrement avant les règles et cédant avec celles-ci. Sa fréquence est
diversement appréciée (il est présent en gros chez une femme sur trois, et
sévère dans 5% des cas). Bien entendu, les douleurs lombaires n'en sont pas le
seul symptôme. Elles ne sont notées comme gênantes que dans environ 25% des cas.
Les femmes concernées peuvent aussi se plaindre de douleurs articulaires,
musculaires, de migraines, et de très nombreux autres symptômes décrit dans le
tableau ci dessous.
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Les différentes manifestations du syndrome prémenstruel
- Signes
Psychologiques
Sensation de stress, d'anxiété
Tristesse, humeur dépressive, sensation d'abattement
Agressivité, sautes d'humeur
- Signes
Physiques
Seins douloureux, tendus
Prise de poids
Gonflement abdominal
Douleurs lombaires, articulaires, musculaires
Maux de tête, migraines
"28 jours de la
vie d'une femme", A Tamborini, éditions Robert Laffont, Paris, 1987
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Quelques explications
Les hormones
ovariennes (estrogènes, sécrétés tout au long du cycle et progestérone, sécrétée
dans la seconde partie du cycle, à partir de l'ovulation) n'agissent pas
seulement sur l'utérus, le vagin ou les seins, mais aussi sur d'autres organes :
système nerveux central, peau et probablement les tissus articulaires et
musculaires. Elles favorisent aussi la rétention d'eau. Estrogènes et
progestérone ont, vis à vis l'une de l'autre, des actions à la fois synergiques
(elles se renforcent mutuellement) et antagonistes (leurs effets sont inverses)
selon les tissus et le moment du cycle. Il s'agit donc d'un équilibre délicat
que la brusque modification de sécrétion hormonale en fin de cycle vient
perturber. Ce déséquilibre, plus ou moins marqué selon les femmes, pourrait être
une des causes principales du syndrome prémenstruel.
Ce n'est cependant pas le seul en cause. Des facteurs culturels, sociaux,
d'autres hormones joueraient aussi un rôle.
Quant au mécanisme des douleurs lombaires, seules des hypothèses peuvent être
évoquées : plus grande vulnérabilité à la douleur, modification des
concentrations d'eau dans certains tissus (ce qui pourrait rendre des disques
fragiles plus sensibles), tension musculaire..., tout cela étant probablement
associé.
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VIII Grossesses et maternités : le dos à rude épreuve
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La grossesse, la
maternité, les soins aux petits enfants sont des causes classiques et fréquentes
de douleurs du dos. Certaines femmes même, souffrant de leur dos, hésitent à
débuter une grossesse qu'elles souhaitent pourtant, par crainte de voir leurs
douleurs s'exacerber et ces mois d'attente gâchés. Il faut dire que traiter une
femme enceinte pour un mal de dos est parfois difficile. Si possible pas de
médicaments, en tout cas pas d'anti-inflammatoires ni d'aspirine, pas de radios
évidement (à cause de l'irradiation que subirait l'embryon ou le foetus), les
techniques classiques de rééducation contre-indiquées dès le quatrième mois...
On comprend l'appréhension de certaines.
Des
douleurs fréquentes mais le plus souvent bénignes
Pourtant, à la
lecture des revues médicales spécialisées, les chiffres ne sont guère alarmants.
Des quelques études épidémiologiques consacrées à la question, en particulier
dans les pays nordiques, il apparaît schématiquement qu'une moitié des femmes
enceintes vont se plaindre de leur dos au cours de leur grossesse, surtout
pendant les derniers mois. Ce chiffre parait important, mais il comprend les
grandes et les petites douleurs, les petits bobos comme les gros lumbagos. Seule
une moitié d'entre elles se souviendra d'avoir eu mal. Les autres oublieront
vite. Et sur cette moitié de moitié, une petite moitié encore (exactement 10%)
sera réellement et durablement gênée au cours de la vie quotidienne, soit un
chiffre non négligeable, mais que l'on retrouve dans beaucoup d'autres
activités. En Suède, les problèmes de dos sont cependant la cause numéro un
d'arrêt de travail pendant la grossesse. En France, faute d'étude spécifique, on
ne sait pas. Mais il est probable qu'il en va de même.
Quels
types de douleurs ?
Mais de quoi
souffrent-elles ? Les douleurs de dos d'une femme enceinte ne sont pas
spécifiquement différentes de celles d'une femme "non-enceinte". Cervicalgies,
dorsalgies, lombalgies, elles sont toutes là, mais leur fréquence respective se
trouve profondément modifiée. C'est ainsi que les vraies sciatiques par hernie
discales sont rares. Les lumbagos aigus encore plus, liés à des efforts de
soulèvement ou au port de lourdes charges, sport que les femmes enceintes ne
pratiquent guère. La grossesse favorise plutôt la survenue de douleurs du haut
du dos et, surtout, de douleurs au niveau de la fesse qui, quoique pouvant
irradier derrière la cuisse, ne sont pas des sciatiques (Fig. 11). Les auteurs
scandinaves parlent de "douleurs pelviennes postérieures" pour les différentier
des lombalgies habituelles, qui proviennent de la colonne lombaire. Nous en
verrons bientôt la cause.
1. - Pourquoi la grossesse fait-elle mal au dos ?
Voilà la question
clé. Les femmes enceintes n'ont pas mal pour les mêmes raisons que tout un
chacun. Il y a des causes propres à la grossesse, cet état si particulier du
point de vue mécanique et hormonal (pour ce qui nous intéresse, car il y a bien
d'autres particularités, en particulier immunologiques et psychologiques qui
débordent notre sujet). Deux grands facteurs, donc, augmentent le risque de
douleurs vertébrales durant la grossesse. Le premier est évidement lié au
développement du bébé, le second au relâchement des ligaments articulaires et
vertébraux qui prépare à l'accouchement.
Première
cause de mal de dos : les conséquences du développement de l'enfant
Un surcroît de
charge.
Au fur et à mesure qu'il grossit, l'abdomen s'arrondit et "tire" de plus en plus
sur la colonne. On a calculé qu'en moyenne, la grossesse, à partir du cinquième
mois, imposait à la colonne lombaire un surcroît de charge équivalent à celui
que subirait une femme non enceinte si elle devait continuellement se tenir
penchée en avant de 22 degrés. Et nous avons vu que se tenir penchée en avant
n'est assurément pas bon pour le dos. En revanche, si l'augmentation du
périmètre abdominal augmente le risque de douleur vertébral, il n'en est pas de
même de la prise de poids, très variable d'une femme à l'autre. Celles qui
prennent "beaucoup" de kilos n'ont pas plus de risque que les autres.
Des difficultés à
positionner son dos.
Une autre conséquence de la présence du bébé est la difficulté qu'éprouvent
certaines femmes à trouver une bonne position lorsqu'elles veulent s'endormir.
Leur colonne se plaçant mal, elles ressentent souvent des douleurs au réveil.
Cette difficulté à positionner le dos se retrouve dans d'autres positions
(station assise par exemple).
La distension des
abdominaux.
Il y a une troisième conséquence à long terme, liée à la distension de la paroi
abdominale, donc des muscles abdominaux. Après l'accouchement, ces muscles
récupèrent une anatomie normale en deux à trois mois, parfois un peu plus. Mais
si les grossesses se répètent, ou s'il s'agit d'une grossesse gémellaire, la
distension de ces muscles va persister au delà de l'accouchement et devenir
définitive. Ce relâchement du ventre peut avoir à la longue des conséquences
défavorables sur la statique vertébrale à long terme, en entraînant un certain
affaissement de la colonne lombaire, avec l'apparition progressive d'une hyper-lordose,
d'où une arthrose des articulations postérieures de la colonne.
Deuxième
cause de mal de dos : le relâchement des ligaments articulaires et vertébraux
Le deuxième
facteur est lié au relâchement des ligaments, donc à l'apparition d'une
hyper-laxité articulaire. Ce relâchement est sous la dépendance de modifications
hormonales liées à l'état de grossesse. Il vise surtout les articulations
sacro-iliaques, qui peuvent ainsi s'écarter plus largement lors de
l'accouchement, mieux laisser passer la tête du bébé et faciliter la délivrance.
La contrepartie de cette hyper-laxité est une moindre stabilité de ces
articulations. Nous avons vu au chapitre consacré à l'anatomie que chez la
femme, les surfaces des articulations sacro-iliaques étaient presque plates et
lisses, contrairement à celles de l'homme, où elles sont parcourues
d'irrégularités et sont emboîtées l'une dans l'autre. Leur mobilité est donc
supérieure dans le premier cas, la laxité ligamentaire ne faisant que
l'accroître encore. Elles peuvent alors être plus facilement le siège d'entorses
ou de petits "coincements" douloureux connus sous le nom de douleurs pelviennes
postérieures, donc bien différents des douleurs proprement lombaires. Mais
toutes les articulations de l'organisme sont exposées, y compris la colonne.
Leur plus grande laxité peut accentuer l'effet nocif de certains faux mouvements
et être à l'origine du même type de problèmes, et les douleurs projetées ne sont
pas rares.
D'autres
facteurs ?
Il y a encore
d'autres facteurs qui, en dehors des modifications physiques et hormonales,
jouent également un rôle. Citons pêle-mêle le nombre de grossesses - il y a plus
de risque d'avoir mal au dos à la troisième grossesse qu'à la première -, la
présence de problèmes de dos avant d'être enceinte - là aussi, il y a plus de
risque de souffrir du dos pendant si vous souffriez déjà avant -, et, plus
intéressant car témoignant de la puissance du psychisme, l'idée que vous vous
faites de votre dos - si vous avez conscience d'avoir un "mauvais dos", vous
aurez sans doute mal au dos. Mais si, au contraire, vous jugez votre dos solide
ou même simplement normal, votre grossesse se passera bien et sans douleur.
Attention ! Il ne s'agit que de statistiques sur de très nombreux cas et ceci
n'est pas forcément vrai pour un cas particulier.
D'ailleurs, les statistiques ne sont pas infaillibles. Témoins ces études aux
résultats contradictoires sur d'autres facteurs de risque, appréciés très
diversement selon les publications. Ainsi de l'âge : dans les unes, les femmes
les plus jeunes ont le plus de risque, dans d'autres, c'est le contraire...
Comment savoir ? Il en est de même de la prise de pilule contraceptive dans les
mois qui ont précédé la grossesse, du fait que l'accouchement ait été ou non
pratiqué sous anesthésie péridurale, voire même d'avortements éventuels dans les
antécédents... Ne manque que la possession d'un raton laveur au domicile de la
parturiente !
Et
l'accouchement lui-même ?
La Bible le dit :
"Tu enfanteras dans la douleur". Il ne s'agit pas, bien sûr, de douleurs
vertébrales, mais celles ci sont ne sont pas rares. Les tables de travail sont
loin d'être confortables ; les efforts de l'accouchement malmènent le dos ; la
statique vertébrale, une fois l'enfant expulsé, est profondément et brusquement
modifiée ; les articulations sacro-iliaques effectuent, pendant l'accouchement,
des mouvement extrêmes qui leur sont tout à fait inhabituels... Bref, le dos est
malmené. Il n'est pas sans intérêt d'envisager le rôle de la péridurale dans ces
douleurs et de parler des douleurs du coccyx.
Péridurale et
douleurs lombaires
L'anesthésie péridurale est utilisée depuis plus de 35 ans pour soulager les
femmes qui accouchent. Il n'a pas fallu tant de temps pour que certains médecins
constatent une plus grande fréquence des douleurs lombaires chez celles qui y
eurent recours comparativement à celles qui accouchaient sans le secours d'un
anesthésiste. Ainsi, deux études similaires arrivèrent à la conclusion que près
de 20 pour cent des femmes ayant accouché sous péridurale souffraient de façon
chronique de leur dos contre 11 pour cent de celles qui n'y eurent pas recours.
Quoique ces résultats ne pouvaient évidemment remettre en cause l'intérêt de
cette technique, ils étaient pour le moins troublants, soulevant tant la
question du pourquoi que celle de la prévention. La péridurale entraîne une
décontraction musculaire et une insensibilité du bas du corps. Dès lors, les
mauvaises postures lors du travail pourraient être encore exagérées par la
relaxation musculaire et ne plus même être perçues comme telles. Mais comme
souvent en médecine, quand une étude dit "noir", une contre-étude parait
inévitablement quelques années plus tard, qui dit "blanc". Ainsi, des auteurs
canadiens ont très récemment souligné les erreurs de méthodologie de leurs
prédécesseurs et montré que le mal de dos était exactement aussi fréquent avec
ou sans péridurale. Le lendemain de l'accouchement, 50 pour cent des jeunes
mères se plaignaient de leur dos. Elles étaient encore 10 pour cent à en
souffrir à la sixième semaine, péridurale ou non.
Les douleurs du
coccyx
La plus anciennement connue des douleurs du post-partum (après l'accouchement)
est la douleur du coccyx, ou coccygodynie. Ce petit appendice osseux appendu à
l'extrémité du sacrum peut être bousculé lors du passage de la tête de l'enfant,
l'étirement brusque des ligaments qui le fixent réalisant une véritable entorse.
La conséquence : des douleurs locales qui sont considérablement majorées par la
station assise. Pourtant, les coccygodynies liées à un accouchement ne
représentent qu'à peine cinq pour cent du total, soit un faible pourcentage de
cette affection qui touche plutôt la femme entre 40 et 60 ans. Le plus souvent,
tout rentre dans l'ordre en moins d'un mois. Sinon, mieux vaut consulter.
Reportez-vous alors au chapitre X avant d'aller voir votre médecin.
2. - Que faire ?
Pendant
la grossesse
Les douleurs de
dos de la femme enceinte ne se traitent pas comme les autres douleurs
vertébrales. L'aspirine, comme les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont
contre indiqués de façon absolue au cours du dernier trimestre de la grossesse.
De toutes façons, il vaut mieux les éviter même au début. Seuls les antalgiques
(anti-douleurs) peuvent être utilisés sans risque. Mais ils ne sont pas très
efficaces. Les infiltrations (à base de dérivés de la cortisone) sont possibles,
à condition de les faire dans les règles, c'est à dire une ou deux, pas plus.
Les manipulations vertébrales représentent le meilleur traitement, à la fois
sans risque et efficace dans de nombreux cas. On ne peut donc que les
conseiller, à condition qu'elles soient effectuées par un médecin compétent
entraîné à leur pratique. Pour le reste, le repos autant que possible en cas de
douleur aiguë. Quant aux ceintures diverses, elles ont fait l'objet de quelques
études. Elles sont susceptibles, pour des douleurs lombaires chroniques, de
soulager un peu, en tout cas d'améliorer le confort personnel.
Avant :
la prévention
Que faire pour
éviter d'avoir mal au dos pendant votre grossesse ? D'abord et avant toute
chose, éviter d'en commencer une si vous avez des douleurs partout. Certes, il
n'est pas exceptionnel que de petites douleurs s'en aillent comme par miracle
dès les tout premiers mois de la grossesse, mais c'est un peu comme le loto, où
il n'est pas non plus exceptionnel de gagner (un peu). Il y a tout de même plus
de chance de voir vos douleurs persister. Mieux vaut donc vous faire traiter
avant, pour retrouver rapidement une colonne souple et indolore. Consultez votre
médecin. Reprenez un peu d'exercice régulier, le plus simple est le meilleur :
on conseille la marche à pied régulièrement pratiquée. Ses effets sont
excellents sur la colonne vertébrale et ses muscles. Toute autre activité
physique est également souhaitable : natation, musculation à un rythme modéré.
Et après
l'accouchement ?
C'est souvent
après l'accouchement que les choses sérieuses commencent. Les soins aux petits
enfants comptent parmi les contraintes les plus importantes pour le dos des
jeunes mères. Ce n'est pas tant de se pencher sur leur berceau pour les regarder
dormir, que de les en sortir, de les regarder jouer que de les soulever à
nouveau, de les aimer que de répondre à leurs demandes, eux qui réclament si
souvent "les bras", de leur donner le bain, de les nourrir... Faut-il alors
s'étonner de ce que le risque de mal de dos augmente avec le nombre d'enfants ?
Et pas seulement chez la mère, mais chez le père aussi, comme l'a montré une
récente étude. Le partage des tâches égalise les choses. Mais la mère reste en
première ligne.
C'est évidement
la région lombaire qui est la plus menacée par cette véritable manutention de
charge que représente l'élevage d'un tout-petit. Une manutention assimilable à
un travail de force, ou presque. Les douleurs de cou et du haut du dos sont
également fréquentes, à type de brûlures, de crampes du dos, de torsions,
souvent déclenchées par l'allaitement ou le fait de donner le biberon. Les faux
mouvements sont fréquents.
Ici, la prévention est reine. Les notions d'ergonomie vertébrale de base doivent
être connues pour chacun des gestes usuels.
Le
coucher et le soulever de son berceau
Attention en vous penchant en avant. Ne l'éloignez pas trop de votre corps, pour
ne pas augmenter le bras de levier. Même mouvement pour le soulever : calez le
bien contre vous. Agissez précautionneusement en préparant vos gestes, pas à la
hâte. Et préférez toujours plier les genoux plutôt que de plier le dos. Ils sont
faits pour ça. Pas votre dos.
La
toilette
Soulever un enfant de terre nécessite certaines précautions : garder le dos le
plus droit possible, plier les jambes. N'hésitez pas à vous mettre à genoux pour
lui donner son bain, vous serez à l'aise. S'il dispose d'une petite baignoire en
plastique, placez la à bonne hauteur, mais surveillez le pour prendre garde
qu'il ne tombe. Même chose pour le langer. Placez la table ou le matelas à
langer le plus haut possible pour être bien sans avoir à vous pencher en avant.
Et même chose encore pour l'habiller.
Le
biberon
Calez-vous bien dans votre siège (prenez le plus confortable, avec un bon
support pour le dos). Donnez-lui alternativement le biberon de la main droite
puis gauche pour éviter de fatiguer le cou de façon asymétrique.
Jouer
avec lui
Asseyez-vous ou mettez-vous à genoux. Au besoin, allongez-vous par terre pour
être à sa hauteur mais, encore et toujours, évitez de vous pencher en avant.
Même chose pour le soulever du sol. Posez d'abord un genou à terre.
Le
promener
Quoique la poussette soit préférable pour le dos, le porte-bébé ventral présente
l'avantage d'un moindre encombrement, en particulier pour faire les courses. En
le choisissant avec des bretelles larges et bien rembourrées, en vérifiant que
les sangles sont bien tendues et que le bébé est installé haut sur le buste, ses
jambes bien écartées, il ne doit pas y avoir de problème.
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