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Histoire de la sciatique
Stanislas de SEZE
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Tout
le monde sait que l'histoire de la sciatique commence avec Domenico Cotugno, un
anatomiste italien qui, en 1764 dans un travail intitulé « De Ischiatis Nervosum
», rapporte à la souffrance du nerf sciatique les douleurs qui partent de la
fesse, descendent derrière la cuisse et la jambe pour aller jusqu'au pied. Dans
les textes français, les douleurs ischiatiques de Cotugno vont changer de nom :
elles s'appelleront douleurs sciatiques, goutte sciatique, névralgie sciatique,
et pour finir sciatique tout court.
Jusqu'à la fin du dix-neuvième siècle, la sciatique est donc une douleur du nerf
sciatique, une névralgie comme beaucoup d'autres, névralgie faciale ou névralgie
intercostale par exemple.
Peut-être faut-il plutôt dire névrite sciatique ? Pour Trousseau, Landouzy,
Lasègue, c'est une question de degré. Si la douleur est intense, s'il y a
hypoesthésie, atrophie musculaire abolition du réflexe achilléen, le nerf est
sérieusement atteint, c'est une névrite. S'il y a seulement douleur sans
troubles neurologiques, l'atteinte du nerf est plus légère c'est une névralgie.
Mais, névrite ou névralgie, c'est toujours du nerf qu'il s'agit. Quant à la
cause de cette souffrance du nerf sciatique, personne dans ce dix-neuvième
siècle ne paraît s'en soucier. On se contente d'en décrire les symptômes.
Charles Lasègue, un philosophe entraîné vers la médecine par Claude Bernard,
laisse à la postérité le signe qui portera son nom, mais sur lequel il n'a
jamais rien écrit. Ses études médicales ne font pas mention du « signe ». Ce
sont ses élèves qui, bien après sa mort, dans des articles de revues ou des
articles de traités, décrivent « le signe observé maintes fois par Monsieur
Lasègue chez les malades souffrant de névralgie sciatique ». Les points
douloureux décrits vers la même époque par François Valleix, ont immortalisé le
nom de leur descripteur.
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Charles Lasègue
(1816-1883)
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Recherche du
signe de Lasègue (1)
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Recherche du
signe de Lasègue (2)
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Édouard Brissaud, lui aussi, aurait mérité d'attacher son nom
aux attitudes anormales du rachis, dites scolioses sciatiques, provoquées par le
sciatiques intenses car il les a décrites avec précision en distinguant : des
scolioses croisées, où l'inclinaison latérale du tronc se fait vers le côté
opposé à la sciatique, et des scolioses directes ou « homologues », où
l'inflexion latérale de la colonne se fait vers le côté même de la sciatique.
Pour Brissaud, la scoliose croisée se comprend bien, puisque, dit-il « c'est la
position que prend d'instinct le malade atteint de sciatique pour soulager le
membre douloureux, en déplaçant le tronc du côté opposé». Par contre, il ne
comprend pas la scoliose homologue, qui lui semble « paradoxale » puisqu'elle
fait porter tout le poids du corps sur le membre douloureux. Brissaud n'a pas
pensé que cette inflexion latérale directe pouvait avoir pour effet de relâcher,
de détendre le nerf sciatique ou ses racines...
Avec Brissaud, qui est mort en 1909, on entre déjà dans les
premières années du vingtième siècle et c'est alors qu'une sorte de révolution
va se faire dans la compréhension de la sciatique : un véritable pas de géant va
faire passer l'origine de la sciatique du nerf sciatique aux racines du nerf
sciatique. Et cette révolution va se faire en 2 étapes, qu'on peut appeler : la
première, étape Dejerine, et la seconde, étape Sicard.
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L'étape Déjerine : la sciatique, de maladie
tronculaire, devient radiculaire
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C'est en effet Jules Dejerine, Professeur titulaire de la
Chaire de Clinique des Maladies du Système Nerveux à la Salpétrière, qui dans
les premières années du siècle va transférer l'origine de la sciatique du nerf à
ses racines. Ayant observé que certaines sciatiques s'accompagnent de zones
d'hypoesthésie ou d'anesthésie cutanée, Dejerine, qui depuis longtemps
s'intéresse à la topographie sensitive des nerfs et des racines nerveuses,
remarque que, dans les sciatiques, la distribution des zones d'insensibilité
cutanée ne correspond pas à des territoires dépendant des branches du nerf
sciatique : elles correspondent par contre aux territoires dépendant des racines
du nerf. Ces anesthésies cutanées en effet ne se disposent pas en nappes, comme
le font les anesthésies d'origine tronculaire. Elles se disposent en bandes
longitudinales, caractéristiques comme il l'a montré, des anesthésies
radiculaires. Ces anesthésies dessinent les territoires des racines de la 5e
lombaire et de la 1re sacrée, tels qu'il les a dessinés dans ses schémas de la
sensibilité radiculaire.
Dès lors le pas est franchi : la sciatique n'est pas une
névralgie, ni une névrite, c'est une radiculite. La ponction lombaire, technique
alors toute nouvelle, permet à Dejerine de trouver dans quelques cas une
hyperalbuminose du liquide céphalo-rachidien. Il y voit, très justement. la
preuve biologique de la radiculite.
Mais sur la cause de cette radiculite, Dejerine, fut moins
heureux. Suivant une tendance fréquente à cette époque où la syphilis hantait
les esprits, Dejerine attribue l'inflammation des racines sciatiques à la
syphilis... et l'augmentation de l'albuminose rachidienne lui apparaît comme à
la plupart des neurologues de son époque, comme une signature de la syphilis
nerveuse... Il fallait donc aller plus loin.
Ce sera l'honneur de Jean-Anselme Sicard. un neurologue lui
aussi, qui n'était pas médecin de la Salpétrière, mais de l'hôpital Necker,
d'avoir pensé le premier que l'atteinte de la racine sciatique pouvait se faire,
non pas dans le sac dural, mais en dehors du dural a la sortie du trou de
conjugaison. A cette partie extra-durale de la racine nerveuse, Sicard donne le
nom de funicule. La radiculite devient une funiculite. Et la cause de cette
funiculite, Sicard (et c'est là sa grande découverte), le premier a l'idée de la
rechercher dans les éléments osseux et ligamentaires de la colonne vertébrale
qui entourent le funicule et qui le serrent de près. Ce double déplacement des
responsabilités d'abord de la racine intra-durale vers la racine extradurale et
de là vers la colonne vertébrale, qui se fait en quelques années de 1915 à 1925,
est l'oeuvre conjointe d'un neurologue, Sicard, qui observe les sciatiques à
l'hôpital Necker, et d'un médecin thermaliste, le Docteur Henri Forestier, qui
les observe à Aix-les-Bains. C'est avec Sicard, en effet, que la sciatique est
présentée pour la première fois en 1918, comme une affection de cause vertébrale.
J. A. Sicard avait été frappé par le fait que les grosses racines du nerf
sciatique, qui sont les plus grosses racines nerveuses de l'organisme cheminent,
pour sortir de la colonne vertébrale, dans des canaux ostéo-ligamentaires
particulièrement étroits, Il pense particulièrement à La 5e racine lombaire,
très volumineuse, qui passe par le canal de conjugaison lombaire, qui est très
resserré. Et dans un article de la Presse Médicale (1918) intitulé :
Névrodocites et Funiculites vertébrales, il expose son idée, selon laquelle,
dans la sciatique, la racine L5 est irritée par des modifications congestives ou
inflammatoires, intéressant le « neurodoque », autrement dit le canal osseux
qu'elle emprunte pour sortir du rachis. Deux ans plus tard, en 1920, Henri
Forestier, avec Sicard, suggère que cette inflammation de la racine à
l'intérieur du canal de conjugaison pourrait provenir d'une arthrite (entendez
d'une arthrose), de l'articulation inter-apophysaire postérieure qui constitue
la paroi postérieure du canal de conjugaison.
Cette conception sera largement exposée dans la thèse de
Jacques Forestier, fils d'Henri Forestier, et interne de Sicard. Dans cette
étude la sciatique est officiellement présentée comme une maladie d'origine
vertébrale, liée à la compression de la racine sciatique par les productions
arthrosiques provenant de l'articulation intervertébrale postérieure. Cette
conception recevra l'appui des travaux de l'orthopédiste italien Putti, qui de
1920 à 1927, pour défendre cette nouvelle pathogénie de la douleur sciatique,
s'attachera inlassablement à préciser l'anatomie, la physiologie et les lésions
pathologiques des articulations intervertébrales postérieures.
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Jacques
FORESTIER
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Restait donc à franchir une dernière étape: celle qui
consisterait à montrer que si le rôle des articulaires postérieures dans la
pathogénie des sciatiques ne doit pas être négligé, un rôle encore plus
important revient aux lésions d'un organe encore inconnu des médecins, voire des
anatomistes, le disque intervertébral qui forme la paroi antérieure des défilés
resserrés où cheminent les racines principales du sciatique. Le cheminement des
idées qui ont conduit à cette découverte s'étend sur près d'une vingtaine
d'années et peut-être divisé en plusieurs étapes.
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Du chondrome à la hernie discale
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Première étape: celle qu'on peut appeler
l'étape des paralysies de la queue de cheval par chondrome du disque
intervertébral. Entre 1920 et 1928, des neurochirurgiens parmi lesquels on
retiendra les noms de Ott et Anderson (deux chondromes du disque lombaire), et
de Elsberg (sept chondromes cervicaux), en opérant des patients atteints de
paralysie de la queue de cheval, trouvent une lésion extradurale, adhérant au
disque intervertébral, de consistance fibro-cartilagineuse, qu'ils interprètent
comme une tumeur bénigne du cartilage: un chondrome.
Deuxième
étape: celle de la reconnaissance de la hernie du disque intervertébral.
En 1928, deux auteurs français, un neurologiste, Alajouanine, de la Chaire de
Clinique des Maladies du Système Nerveux à la Salpétrière et un neurochirurgien
Petit-Dutaillis reconnaissent, dans le prétendu chondrome, la hernie du disque
intervertébral telle que l'on décrite sur le cadavre les anatomistes de l'École
de Dresde, Schmorl, et son élève Androe. Alajouanine et Petit-Dutaillis ont lu
les travaux anatomiques de Schmorl. Chez deux de leurs opérés ils ont trouvé le
prétendu chondrome ; ils remarquent la ressemblance étroite qui existe entre ces
nodules blanchâtres faisant corps avec le disque, et les images de hernies
postérieures du disque intervertébral telles qu'elles sont reproduites dans le
livre de Schmorl.
Dès ce moment ils remplacent le terme de tumeur du disque par
le terme de nodule fibreux de la face postérieure du disque. Deux ans après en
1930, groupant autour de 3 cas personnels 21 cas glanés dans la littérature ils
établissent sur des preuves irréfutables que ces prétendus chondromes du disque
opérés par les neurochirurgiens et les hernies postérieures du disque
intervertébral trouvées par Schmort et Androë sur les cadavres de leur institut
anatomique ne sont qu'une seule et même lésion. Ce n'est pas une tumeur du
disque mais une partie de la substance même du disque, prolabée dans le canal
rachidien. Cette partie herniée c'est le nucléus pulposus. C'est donc à
Alajouanine et Petit-Dutaillis que revient l'honneur d'avoir, pour la première
fois, fait entrer la hernie du disque intervertébral dans la pathologie du
système nerveux, Mais en s'appuyant sur l'une de leurs observations, ces mêmes
auteurs font encore une autre découverte au moins aussi importante que la
première. Un de leurs malades, en effet, ne présentait pas comme les autres une
paraplégie par compression globale des nerfs de la queue de cheval. Il souffrait
essentiellement d'une sciatique, qui ressemblait à une sciatique banale, à cette
différence près qu'une analyse neurologique extrêmement fine permettait de
découvrir, en plus de la sciatique, une légère note motrice, sensitive et
sphinctérienne, ce qui permettait de parler d'un hémi-syndrome de la queue de
cheval. Mais en fait c'était malgré tout une sciatique.
C'était une importante découverte: il était prouvé par cette
observation princeps (Alajouanine et Petit-Dutaillis) qu'une hernie postérieure
du disque intervertébral peut certes réaliser une paraplégie mais aussi être la
cause d'une sciatique qui ressemble à la sciatique banale.
Mais attention ! disent les auteurs: si elle peut simuler une
sciatique banale. elle n'en est pas une et il est même très important de les
distinguer, car son pronostic, d'après eux, est infiniment plus grave: si on ne
l'opère pas rapidement, la compression (d'après Alajouanine et Petit-Dutaillis)
va immanquablement s'aggraver progressivement, ou par poussées entrecoupées de
fausses rémissions et elle aboutira fatalement en fin de compte à une paralysie
sévère avec troubles sphinctériens irréversibles.
La thèse de Mauric en 1933, écrite elle aussi à la Salpêtrière
sur l'inspiration de son maître Alajouanine, fait le point sur la question. La
sciatique par hernie discale postérieure y est présentée comme une cause
nouvelle et plutôt rare de sciatique symptomatique par compression
intravertébrale. C'est une fausse sciatique que le médecin doit reconnaître pour
ne pas la confondre avec une sciatique ordinaire car il faut l'opérer rapidement
avant qu'elle ne provoque de graves désordres moteurs et sphinctériens.
Les publications d'Alajouanine et Petit-Dutaillis ont retenu l'attention de
neurochirurgiens des États-Unis qui vont se lancer dans la voie ainsi ouverte
avec le dynamisme et l'efficacité habituels des Américains. De 1930 à 1939 ils
vont faire faire à la notion de sciatique par hernie discale un progrès
surprenant. En s'aidant du lipiodolo-diagnostic, inventé par Sicard, mais dont
Hampton a modifié la technique pour l'adapter à la recherche des hernies
discales, les neurochirurgiens américains, Barr, Mixter, Spurway, Lowe, Camp et
d'autres découvrent que la sciatique par hernie discale postérieure, loin d'être
une affection rare est au contraire fréquente, de telle sorte que le nombre de
leurs opérés augmente d'année en année de façon vertigineuse : 500 cas opérés
par le seul Lowe en 1940.
Cependant tout comme Alajouanine et Petit-Dutaillis, ces
neurochirurgiens américains insistent sur le fait que ces douleurs sciatiques
résultant d'une compression par hernie discale ne doivent pas être confondues
avec la sciatique commune et avec la névralgie sciatique ordinaire, laquelle
continue d'appartenir pour eux à la pathologie rhumatismale.
Dans le traité de Lewin, classique aux États-Unis, intitulé «
Backache and sciatic neuritis » on trouve encore dans l'édition de 1944, étudiée
tout à fait à part. la hernie discale au chapitre XXIX et la sciatique au
chapitre XXI où l'on cite parmi ses causes des infections, des intoxications,
des avitaminoses, le diabète, des arthrites postérieures, le refroidissement
mais pas la hernie discale postérieure.
Restait donc à franchir la troisième étape:
celle qui consisterait à reconnaître que sciatique discale et sciatique tout
court ne sont qu'une seule et même maladie ; que l'une et l'autre ne sont que
l'expression commune de ce que nous avons appelé le conflit disco-radiculaire ;
c'est-à-dire à montrer que la compression ou simplement l'irritation des racines
L5 ou S1 par le disque intervertébral n'est pas seulement la cause d'un certain
nombre de sciatiques sévères, d'un pronostic particulièrement grave et qu'il
faut obligatoirement opérer sous peine de paralysie grave, mais que ce mécanisme
intervient aussi de façon, non pas constante mais habituelle, à l'origine de la
sciatique primitive, ou essentielle ou rhumatismale.
Instruit par une longue expérience de l'incertitude des
enquêtes bibliographiques et de la vanité des querelles de priorité, nous dirons
ici seulement que jusqu'à preuve du contraire nous pensons avoir été
personnellement l'artisan, peut-être même le principal artisan, de cette
dernière étape. Dans un travail préparé à la Salpétrière où nous étions
assistant de Lévy-Valensi et terminé aux Armées pendant la « drôle de guerre »,
nous avons fourni les preuves de l'identité essentielle de la sciatique discale
et de la sciatique commune. Ces deux articles étaient intitulés: le premier « La
sciatique dite banale essentielle ou rhumatismale et le disque lombosacré » (il
a paru dans la Revue du Rhumatisme de décembre 1939), le second intitulé «
Sciatique banale et disques lombosacrés » (cette fois au pluriel) est paru dans
la Presse médicale le 10 juin 1940. Deux dates évidemment mal choisies pour
faciliter la diffusion internationale d'un travail français. Dans ces deux
articles il était démontré pour la première fois, je pense, que sur aucun plan
qu'il soit clinique, radiologique, évolutif ou autre on ne pouvait trouver
d'élément permettant d'opposer sciatique commune et sciatique discale comme deux
maladies d'essence différente, et que tout, au contraire, incitait à les
rapprocher, voire à les confondre dans le cadre de ce que nous avons appelé
alors le conflit disco-radiculaire.
Cette
conception, en dépit de quelques résistances fut généralement acceptée par
l'ensemble des rhumatologues et des neurologues. Et l'habitude se prit assez
rapidement dans les années de guerre et d'après-guerre de considérer le conflit
disco-radiculaire comme étant la cause la plus fréquente de la sciatique.
Celui-ci comporte généralement deux éléments. une irritation mécanique d'origine
discale et une réaction inflammatoire de la racine irritée. Le conflit peut se
situer, selon les cas, soit sur le dernier disque lombaire le disque L5-S1
intéressant alors la première racine sacrée dite S1, soit sur l'avant-dernier
disque L4-L5. intéressant alors la cinquième racine lombaire. C'est un conflit
de gravité variable selon l'importance respective de l'agression discale et de
l'inflammation radiculaire La solution de ce conflit est habituellement médicale,
mais nécessite l'intervention du chirurgien dans les sciatiques rebelles qui
résistent pendant plusieurs mois à un traitement médical bien conduit
Bien entendu les études et les progrès ne s'arrêtent pas là.
Au cours des décennies suivantes, une sémiologie clinique et radiologique de
plus en plus précise, enrichie de quelques signes nouveaux tels que ceux que
nous avons décrits sous le nom de signe de la sonnette et signe du bâillement
discal électif, simple ou provoqué, va permettre de faire aisément dans la
plupart des cas, sur les seules données de la clinique et de la radiographie
vertébrale, le diagnostic de sciatique disco-radiculaire et la localisation du
conflit.
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Les sciatiques non discales
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Cependant, pour le diagnostic des cas difficiles, ceux dont la
localisation est incertaine, ceux dont l'origine discale est douteuse, le
progrès des techniques d'opacification propose des moyens de contraste de plus
en plus maniables et de mieux en mieux tolérés ; au lipiodol, au discolipiodol.
au méthiodal, au dimer succède enfin l'amipaque actuellement en usage. Des
techniques d'opacification nouvelles sont proposées, discographie, nucléographie
avec plus ou moins de succès.
Mais l'avenir semble bien appartenir à la tomodensitométrie,
autrement dit au scanner, en attendant que cette merveilleuse invention cède
elle-même le pas à la résonance magnétique nucléaire. Deux merveilleuses
inventions non seulement parce que ces méthodes « non invasives » qui ne
comportent aucune introduction de substance étrangère dans le sac dural, se
recommandent par leur totale innocuité, n'entraînent ni douleur ni complication,
mais elles permettent aussi une exploration globale de la région explorée en
donnant une image précise à la fois des racines nerveuses du sciatique, de
l'espace péridural dans lequel elles cheminent du disque intervertébral qui les
menace en avant et des articulations vertébrales postérieures qui les menacent
en arrière.
Par ces techniques d'exploration nouvelles va donc se trouver
facilitée la solution du vieux problème consistant à mesurer exactement, dans
chaque cas de sciatique, la responsabilité qui revient au disque intervertébral
en avant et aux anomalies intervertébrales postérieures en arrière.
Dans les années d'après-guerre en effet l'importance des
découvertes sur le rôle du disque intervertébral dans la pathogénie des
sciatiques avait rejeté à l'arrière-plan le rôle qui pouvait revenir dans
certaines sciatiques aux formations arthrosiques provenant des articulations
intervertébrales postérieures. Non pas qu'elles fussent inconnues, puisque dans
les années 20, Henri et Jacques Forestier, Sicard, en France, et Putti, en
Italie, en avaient souligné l'importance. Nous-même les avions étudiées à
plusieurs reprises dans le cadre d'un travail sur l'arthrose postérieure
provoquée par des hyperlordoses féminines de la post-ménopause. Mais pour que
les médecins français s'y intéressent à nouveau, il a fallu que ces sciatiques
par arthrose postérieure nous reviennent d'Angleterre et d'Amérique, soit sous
le nom de facet-syndrome, soit sous le nom de rétrécissement du canal rachidien
lombaire ou même de canal lombaire étroit.
Disons tout de suite que nous ne reconnaissons aucune importance, ni même aucune
réalité comme cause de sciatique, sinon peut-être comme une vague et incertaine
cause prédisposante, à ces étroitesses congénitales du canal lombaire auxquelles
Verbiest a consacré de nombreux travaux. Il faut, par contre faire une place à
ces rétrécissements acquis des défilés inter-disco-articulaire L4-L5 et L5-S1 de
Latarjet et Magnin, défilés qui à l'étage L4-L5 et L5-S1, sont toujours, à
l'état normal, relativement étroits, mais dont l'étroitesse peut augmenter sous
l'influence habituellement conjointe de l'âge et de l'hyperlordose, du fait de
l'hypertrophie arthrosique des massifs articulaires postérieurs, tantôt isolés
tantôt associés à des protrusions disco-ostéophytiques d'origine disco-arthrosique,
Ces rétrécissements acquis, dus à une lésion de la paroi postérieure d'origine
articulaire et à une lésion de la partie antérieure d'origine discale, peuvent
eux-mêmes n'intéresser qu'un seul étage disco-articulaire, mais peuvent
s'étendre à plusieurs étages lombaires - en ce cas on a parfois une évolution
clinique particulière réalisant l'aspect d'une véritable claudication
intermittente radiculaire. L'exploration au scanner prend ici une importance
particulière, car mieux que la disco-radiculographie opaque ou gazeuse, il
précise à la fois l'étendue en hauteur et en largeur des sténoses et il montre
ce qui revient au disque et ce qui revient aux lésions postérieures; le scanner
permet au chirurgien de prévoir du même coup l'importance des sacrifices osseux
qui
seront nécessaires pour rendre leur espace vital aux racines.
Ainsi complétées, nos connaissances sur la sciatique ont-elles
épuisé le sujet et faut-il refermer le dossier ? Certainement pas, ne serait-ce
qu'en raison des investigations radiologiques et des explorations chirurgicales
négatives qui restent relativement fréquentes malgré l'emploi des techniques les
plus avancées même entre les mains des radiologues et des neurochirurgiens les
plus exercés. Ce qui nous oblige à laisser ouvert le dossier des sciatiques non
discales, et qui ne relèvent pas non plus d'une arthrose hypertrophique des
articulations postérieures.
En conclusion, ici même, dans ces vieux bâtiments de l'hôpital
de la Salpêtrière, des neurologistes appartenant à quatre générations
successives ont fait ce qu'ils ont pu pour éclaircir le mystère des douleurs
sciatiques. Ils ont vu des choses intéressantes, mais ils n'ont certainement pas
tout vu. Nos collègues plus jeunes qui fêtent aujourd'hui, avec nous le
Centenaire de leur Clinique des Maladies du Système Nerveux ont encore des
choses à découvrir, nous leur souhaitons bon travail et bonne chance.
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