Une chute sur les fesses
est la cause habituelle des coccygodynies traumatiques qui représentent
selon les auteurs 60 à 70 % des cas. La douleur coccygienne est généralement
immédiate, mais il peut y avoir dans certains cas un temps de latence de un
mois à deux ans entre la chute et l'installation de la coccygodynie ; dans
l'intervalle, une légère douleur en position assise prolongée ou au contact
est généralement notée.
Certaines
surviennent au cours d'un accouchement. Quelques unes semblent être liées à
un problème lombosacré ; elles font suite à une lombalgie et peuvent
disparaître après des manipulations lombo-sacrées ou des infiltrations
épidurales.
Celles qui
sont la conséquence d'infections anorectales sont surtout vues par les
proctologues. Nous avons observé un cas de chordome qui ne se manifesta
pendant deux ans que par une douleur coccygienne. Pour d'autres enfin,
aucune cause n'est retrouvée.
Les causes
psychiques sont classiques ; elles sont parfois très évidentes : apparition
de la coccygodynie après décès d'un être proche, divorce, etc. Une de nos
patientes ressentit il subitement une douleur coccygienne en apprenant au
téléphone le décès de son père. Quatre ans plus tard, malgré de nombreux
essais thérapeutiques (y compris les nôtres et l'intervention des
psychiatres), elle n'était pas soulagée.
Les traitements
traditionnels de la coccygodynie consistent essentiellement en infiltrations
épidurales par voie interépineuse ou mieux par le hiatus sacro-coccygien, ou
en infiltrations péri coccygiennes ou péri articulaires.
Diverses
techniques manuelles ont été proposées pour traiter la coccygodynie :
massages des releveurs, manipulation du coccyx, manipulation sacro-iliaque
et enfin la technique personnelle décrite ici.
1) Les
massages des releveurs
Les massages des releveurs de l'anus avaient été proposés par
Ely (1910) et
repris par
Thiele (1936) et Desse (1950) puis Françon (1951) qui les ont faits
connaître en France. Ils apportent des succès assez réguliers. Ils
sont pénibles pour le doigt de l'opérateur, et entre nos mains, ne nous ont
pas donné des résultats aussi rapides et aussi fréquents que la technique
que nous avons mise au point.
2) La
manipulation coccygienne ostéopathique
La manipulation coccygienne ostéopathique,
reprise par Mennell (fig. 1). Elle consiste à saisir le coccyx entre pouce
et index et à mobiliser l'articulation sacro-coccygienne, selon des
mouvements de flexion, de rotation, afin de restaurer sa mobilité ! C'est la
manoeuvre que nous avons utilisée au début de notre pratique avec des succès
certains mais restreints. Cette manoeuvre dans la pratique ostéopathique est
pratiquement toujours associée à des manipulations lombo-sacrées ou
sacro-iliaques.
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Fig 1.
Technique ostéopathique. L'opérateur introduit son index droit dans
le rectum et pince entre pouce et index le coccyx qu'il mobilise en
extension ou en latéroflexion et rotation. C'est aussi la technique
proposée par J.B. Mennell. |
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Fig 2.
Technique de l'auteur (description dans le texte). |
Renoult considère la
coccygodynie comme le résultat d'un "blocage sacro-iliaque en sacrum
postérieur" (en contre nutation ), la traite par manipulation sacro-iliaque.
Sans revenir sur le problème controversé de la réalité de ces « blocages »
sacro-iliaques, et surtout sur la validité des signes proposés pour leur
diagnostic, cette conception entraîne un traitement par manipulations qui
tendent à faire faire à l'aile iliaque, une rotation postérieure. Ces
manipulations entraînent le soulagement de certaines coccygodynies mais les
résultats sont très irréguliers.
3) Technique
personnelle
Nous avons proposé
cette technique originale en 1960. Le malade étant couché sur le ventre, le
médecin introduit son index droit dans le rectum la face palmaire du doigt
est plaquée contre la partie inférieure de la face antérieure du sacrum
(fig. 2). Il ne faut pas tirer fortement sur le coccyx, mais maintenir celui
ci en hyperextension. Le médecin prend alors appui avec le "talon" de la
main gauche sur la partie haute de la face postérieure du sacrum, et fait
progressivement et fortement pression sur celuici. Il maintient cette
pression pendant 20 à 30 secondes, tandis que l'index droit maintient
toujours le coccyx en hyperextension. Sans jamais tirer à lui, l'opérateur
à un moment donné, a l'impression d'un brusque relâchement qui est sans
doute celui des releveurs. La manoeuvre est terminée. L'appui sur la pointe
du coccyx n'est plus, ou est beaucoup moins, douloureux. Le malade peut
alors s'asseoir sans gêne. Il est parfois nécessaire de recommencer deux ou
trois fois à quelques jours d'intervalle pour obtenir un résultat durable.
Ce sont les
résultats de cette technique qui sont présentés ici. Ils sont excellents
dans les coccygodynies traumatiques et moins bons dans celles où il n'y a
aucune notion de traumatisme (ou de cause mécanique) initial. Ils nous ont
paru mauvais dans les coccygodynies liées à des infections ano-rectales.
Mais ces derniers cas sont rares dans notre recrutement et ne seront pas
analysés dans la statistique présentée.
Notre étude a porté sur
172 cas de coccygodynies qui ont pu être revus au moins une fois à plus de
trois mois après le traitement. Les causes étaient : soit traumatique, soit
après un accouchement, soit après une station assise prolongée sur un
mauvais siège.
Il s'agissait
de 88 femmes et de 40 hommes âgés de 13 à 77 ans (la plupart entre 30 et 50
ans). Dans 44 cas, il n'existait aucune origine traumatique ou mécanique
dans l'anamnèse et il n'existait aucune lésion ano-rectale. Il s'agissait de
32 femmes et de 12 hommes âgés de 17 à 70 ans (la plupart entre 30 et 50 ans).
Ces patients
ont été traités par une à quatre séances de manipulations selon la technique
décrite. Tous ont été revus au moins une fois, trois mois après le
traitement.
Les résultats sont les
suivants :
1) Coccygodynies traumatiques
Sur les 128
cas, 98 eurent un soulagement complet: 40 en une séance, 28 en deux séances,
19 en trois séances, 11 en quatre séances. Quinze eurent une nette
amélioration. Quinze n’eurent aucun résultat ou un soulagement mineur. Il
est intéressant de noter que parmi les patients complètement soulagés figure
une femme qui avait subi sans succès une coccygectomie.
2)
Coccygodynies non traumatiques
Sur les 44 cas
traités, 14 eurent un soulagement complet, dont 5 en une séance, 4 en deux
séances, 3 en trois séances et 2 en quatre séances ; huit eurent une nette
amélioration ; vingt-deux n'eurent aucun soulagement ou un soulagement
mineur.
La manœuvre que nous
proposons paraît être avant tout un étirement des muscles releveurs qui
relâchent leur contracture, élément essentiel de la coccygodynie. En effet,
la « corde » des releveurs disparaît aussitôt la manœuvre réussie.
On peut aussi
penser que cette manœuvre a une action d'étirement sur les articulations
sacro-iliaques, action lente et progressive qui est bien différente de la
manipulation avec impulsion.
Les résultats
rapides et fréquents que permet la manœuvre que nous avons proposée dans les
coccygodynies traumatiques doivent en faire, dans cette indication, le
traitement de base. Mais elle doit être bien appliquée et bien dosée, ce qui
demande une certaine habitude. Elle ne doit en aucun casêtre douloureuse.
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