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Revue de Médecine Orthopédique 1994;38:xx-xx

Physiothérapie du vertige paroxystique positionnel bénin

Michel TOUPET, Centre d'Explorations Fonctionnelles Oto-Neurologiques, 10 rue Falguière, 75015 Paris

Le vertige paroxystique positionnel bénin est le vertige le plus fréquent en ORL, il atteint un tiers des patients vertigineux. Ce vertige vrai, rotatoire, bref (20 secondes en moyenne) est déclenché par l'orientation de la tête selon un certain plan. Typiquement, le patient allongé dans son lit constate qu'il déclenche un grand vertige en se tournant d'un côté, et le reproduit en se remettant sur le dos, mais pas en se tournant de l'autre côté. En position debout, d'autres mouvements peuvent aussi déclencher ce vertige, par exemple regarder en l'air ou se pencher.

Une seule manoeuvre de physiothérapie permet de guérir 84 % des patients. Après avoir installé le patient dans la position déclenchante, on le retourne vivement de l'autre côté.

 
Otolithes
 

Ce vertige est classiquement la conséquence d'un déplacement d'otolithes dans le vestibule, venues alourdir la cupule du canal postérieur semi-circulaire.

Les otolithes (littéralement pierres d'oreille) ou statoconies (poussières d'équilibre) ou otoconies (poussières d'oreille) sont des petits cristaux de carbonate de calcium de forme oblongue. Ce sont des constituants normaux de l'oreille interne. Ils s'associent à l'épithélium sensoriel des macules utriculaire pour permettre une estimation des accélérations linéaires perçues par notre tête.

Elles sont situées dans la membrane otoconiale. Cette membrane repose sur un épithélium constitué de cellules sensorielles. Chaque cellule présente, sur sa face apicale, un plateau cilié.

Les cils forment un bouquet ciliaire organisé en une série de stéréocils rangés en tuyaux d'orgues, terminés par un kinocil. Les cils pénètrent dans la membrane otoconiale. Une accélération en ligne droite produite par un mouvement de la tête, ou l'accélération de la pesanteur, s'exercent sur la masse constituée par ces otoconies. Comme les cils sont solidaires de la tête, un mouvement de la membrane otoconiale, par rapport à l'épithélium cilié, se produit donc lors d'une accélération, et une force de cisaillement fléchit alors les cils sensoriels des cellules réceptrices. Lorsque cette force incline l'ensemble du bouquet ciliaire vers le kinocil, la cellule est excitée, dépolarisée, et son activité augmente. Quand le mouvement s'inverse, l'activité spontanée de la cellule diminue. Chaque cellule est donc sensible aux mouvements de la membrane effectués dans une direction particulière.

La mesure de l'accélération par les cellules otolithiques nous permet de ressentit à tout moment la position de notre tête par rapport à la direction verticale. Des voies nerveuses utilisent cette information pour stabiliser le regard et déclencher des réflexes posturaux adaptés. A chaque freinage ou à chaque accélération, dans quelque direction que ce soit, les otolithes sont stimulés, ce qui permet l'orientation du regard et l'adaptation de la posture du corps. Le maintien de l'équilibre est ainsi assuré.

 
Notion de cupulolithiase
 

Il a été constaté dans les oreilles humaines examinées post-mortem un dépôt calcaire sur la cupule du canal semi-circulaire postérieur. Cette observation est à l'origine de la notion de «cupulolithiase» (lithiase sur la cupule). Quand le patient s'incline d'un côté, la cupule du canal semi-circulaire postérieur situé de ce côté subit l'action de la pesanteur et se déforme un peu ; son centre «s'enfonce» (en fait, le déplacement est très petit).

La déformation de la cupule stimule les cellules réceptrices du canal semi-circulaire postérieur, ce qui provoque un vertige durant 20 secondes, accompagné d'un nystagmus qui bat dans le plan de ce canal semi-circulaire. C'est un nystagmus rotatoire, dont la phase rapide est dirigée vers l'oreille la plus basse. Lorsque le patient se rassoit sur le divan, un vertige survient et s'accompagne d'un nystagmus, parfois rotatoire inverse, parfois vertical inférieur, durant encore quelques 20 secondes. Généralement, les explorations de la fonction vestibulaire, de l'oculomotricité, de la posture et de l'audition sont parfaitement normales.

 
Approche thérapeutique
 

Depuis 1945, Cawthorne et Coocksey ont proposé des exercices de rééducation des vertiges. Rétrospectivement, il apparaît que cette rééducation s'adressait aux vertiges chroniques. Deux types d'affections entraînant des vertiges durables peuvent bénéficier de ce genre de pratique : les vertiges paroxystiques positionnels bénins et la névrite vestibulaire.

HABITUATION VESTIBULAIRE. L'habituation est un phénomène de plasticité neuronale qui permet, grâce à la modulation de la connectivité synaptique et du contrôle inhibiteur qu'exerce le cervelet sur les réflexes vestibulo-oculaires, une modification des réflexes. A force de déclencher ce vertige paroxystique positionnel bénin, la réponse nystagmique et la sensation de vertige diminuent régulièrement. Il s'agit bien d'un phénomène mémorisé. UNE SEULE MANŒUVRE CURATRICE SUFFIT PARFOIS.

TECHNIQUE MANUELLE. Le patient est allongé sur un divan d'examen dans la position déclenchante du vertige. Le thérapeute se place devant le patient et le bascule vivement du côté opposé (fig. 1), en tâchant de retourner la cupule du canal postérieur, pour que ce coup sec détache les otolithes que l'on pense incrustées sur la cupule du canal postérieur. Si le geste est réussi, il s'accompagne, dans la grande majorité des cas, d'un nystagmus rotatoire agéotropique, le nystagmus libérateur. La latence de cette réponse est généralement d'une dizaine de secondes, mais parfois elle peut atteindre 5 minutes : il faut savoir attendre.

Figure 1 : Manoeuvre curatrice du vertige paroxystique bénin. Le praticien s'installe pour traiter ce vertige paroxystique bénin droit. La main gauche tient le cou du patient prenant la tête comme un ballon de hand-ball. Les deux mains du patient agrippe son avant-bras gauche. La main droite du praticien tient le coude du bras gauche du patient. On explique au patient qu'on va le retourner rapidement de l'autre côté.
Figure 2 :

 

EN CAS D'ÉCHEC ON RECOMMENCE

Ces techniques d'habituation ou de manoeuvre curatrice ne s'excluent pas l'une l'autre. En cas d'échec, la manoeuvre curatrice est déjà une habituation débutante et parfois une position un peu vive d'habituation est immédiatement curative.

Aucune thérapeutique médicamenteuse ne semble aujourd'hui efficace, ni dans le traitement aigu de ce vertige, ni dans la prévention de son éventuelle récidive. Le pronostic est de toute façon toujours bon, d'où l'appellation de vertige paroxystique positionnel bénin. En moyenne, l'évolution spontanée de chaque crise est de 3 semaines.

La moitié des patients fait une seule crise de vertiges dans sa vie, tandis que l'autre moitié présente une 2ème crise.
 



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