Douleurs lombaires myofasciales : examen et traitement
Hillel Sommer, MD, Winnipeg, Canada |
L'examen des
muscles est un point important de l'examen clinique des patients souffrant
des douleurs d'origine mécanique, Dans cet article, nous présenterons
l'examen et le traitement de quelques uns des syndromes myofasciaux
lombaires les plus communs, pouvant être à l'origine de lombalgies, tels que
nous les pratiquons au Canada.
Examen clinique et description des techniques de palpation
La recherche
d'une augmentation localisée du tonus musculaire est facile grâce à une
palpation légère faite à travers des plans superficiels. On aura eu le soin
d'examiner auparavant ces plans par la technique du pincé-roulé. On pourra
alors noter la présence d'une asymétrie de tonus musculaire d'un côté par
rapport à l'autre ou de la partie proximale par rapport à la partie distale
d'un même muscle. Lorsque la palpation est plus appuyée, intéressant la
partie profonde du muscle des zones localisées où le muscle paraît tendu et
cordé peuvent être ainsi mises en évidence. La palpation est plus facile si
l'on utilise l'extrémité des doigts ou du pouce perpendiculairement à
l'orientation des fibres musculaires. Ces "cordons myalgiques" ou "points-gâchette"
peuvent être douloureux de façon spontanée (cordons actifs) ou seulement à
la palpation (cordons latents). La douleur peut également se projeter à
distance du point-gâchette.
Les muscles
présentant des zones localisées d'hypertonie sont habituellement raccourcis
de façon spontanée et le patient peut se plaindre d'une douleur en fin de
course pour un mouvement donné. Ces muscles sont souvent faibles, peut-être
en raison d'une mauvaise coordination des unités motrices. Cette faiblesse
est plus facilement mise en évidence lors d'une contraction isométrique en
fin de course.
Traitement
1)
Techniques manuelles. De nombreuses techniques de tissus mous ont été
proposées pour le traitement de la douleur musculaire. Ces techniques sont
très différentes les unes des autres mais la plupart d'entre elles partagent
l'objectif de réduire l'augmentation anormale de tension dans les muscles
(avec, par suite, l'espoir de réduire la douleur). Cependant, en général,
les techniques les plus efficaces utilisent les principes de l'inhibition
après facilitation. Il s'agit des techniques de facilitation
neuro-musculaire proprioceptive, de relaxation post-isométrique, de "muscle
energy" (myotensif) et d'étirements après pulvérisation locale d'un aérosol
réfrigérant.
2)
Infiltrations. Les infiltrations peuvent également être utilisées soit
dans le muscle lorsque l'on a recours aux techniques d'étirement, soit au
niveau du segment inter-vertébral ayant une correspondance métamérique avec
le muscle concerné. Cette dernière technique est facile d'application et est
largement utilisée.
Pour
l'infiltration du muscle, nous utilisons volontiers une aiguille de 22 gauge
pour cette technique. La longueur de l'aiguille dépend de la taille du
muscle (entre 1,5 et 3 inches, soit 4 à 7,5 cm). Cinq à 10 cc de Xylocaïne
(0,5 à 2 %) sont habituellement suffisant. Avant injection, le cordon
myalgique doit être palpé sur tout son trajet de façon à déterminer
l'endroit où il est le plus sensible. Dans le cas où deux points-gâchette ou
plus sont situés proches les uns des autres, celui qui est le plus sensible
et dont la pression reproduit au plus près la douleur habituelle doit être
choisi pour le traitement.
Après
préparation de la peau, les tissus superficiels recouvrant le cordon
myalgique doivent être fermement étirés entre le pouce et l'index de chaque
côté du cordon. L'aiguille pénètre d'abord la peau puis explore les fibres
musculaires atteintes. Lorsque l'aiguille pénètre le point-gâchette, un
tressaillement caractéristique ou une contraction palpable ou visible
apparaît brusquement. Le patient peut également se plaindre spontanément de
sa douleur habituelle de la même façon que lorsque l'on palpait le point
douloureux. Lorsque ceci est obtenu, le point-gâchette peut être injecté
avec environ 1 cc de Xylocaïne. L'aiguille est alors lentement retirée du
point-gâchette en prenant soin qu'elle reste bien piquée dans les tissus. Le
muscle et son fascia sont continuellement sondés de façon circonférentielle
de façon à traiter un cercle d'environ 1 cm2. L'injection doit être
continuée jusqu'à ce que toutes les réponses en "tressaillement" soient
éteintes et que la douleur distale projetée soit abolie. Un traitement moyen
prend environ 2 minutes. Après que le muscle ait été infiltré, il doit être
traité en utilisant une des techniques de post-facilitation. Le patient doit
être averti d'une possible douleur musculaire temporaire sur le lieu
d'injection. Ceci peut habituellement être prévenu ou traité avec une
application judicieuse de glace lors des premières 24 heures.
|
Muscle ilio-psoas et carré des lombes
|
|
Ces deux
muscles sont fréquemment atteints de façon simultanée, habituellement
lorsqu'il existe une dysfonction de la charnière thoraco-lombaire (de T11 à
L2). Dans ce syndrome, le patient se plaint habituellement de douleurs de la
fosse iliaque postérieure, de l'aine et de la partie latérale haute de la
cuisse.
Examen
A l'examen,
lorsque ces muscles sont atteints, il existe fréquemment une posture
antalgique, le patient penché du côté douloureux. On retrouve la douleur
lors de l'extension active et de l'inclinaison latérale. Il est fréquent de
retrouver une contracture musculaire paraspinale ou homolatérale. Le test de
Thomas est fréquemment positif quand le psoas est atteint, avec un
raccourcissement douloureux lors de l'extension passive de hanche.
L'ilio-psoas
est mieux examiné quand le patient est sur le dos. Lorsque le patient est
maigre, le psoas major peut être palpé en profondeur juste en dehors du
grand droit de l'abdomen. Le muscle iliaque peut aussi être palpé juste en
dedans et en avant de l'aile iliaque mais il est très difficile à atteindre
à moins que le patient ne soit particulièrement maigre. La région la plus
accessible à la palpation est la portion de l'ilio-psoas proximale à son
attache sur le petit trochanter. La localisation du point-gâchette est
située à 2 cm en dessous du ligament inguinal et deux doigts en dehors de
l'artère fémorale (Fig. 1).
|
|
Fig.
1 : Examen du muscle psoas
|
Fig. 2 : Examen du muscle carré des lombes
|
L'examen du
quadratus lumborum (carré des lombes) se fait en décubitus latéral, côté
symptomatique vers le haut. Un petit coussin doit être placé sous la hanche
pour augmenter la distance entre la crête iliaque et la 12° côte. On lui
demande alors d'étendre le bras au dessus de sa tête et d'attraper ainsi le
rebord de la table. Il fixe ainsi la partie supérieure de son corps et
augmente l'espace entre la 12° côte et la crête iliaque. Le carré des lombes
est situé en avant et en dehors du bord externe de la masse des muscles
spinaux. Ses fibres sont facilement palpées de façon perpendiculaire lors
qu'elle se dirige de la 12° côte à la crête iliaque (Fig. 2).
Traitement manuel
Le traitement
de ces deux muscles est facilement réalisé en utilisant une technique de
post-facilitation en position de décubitus latéral similaire à celle
utilisée pour l'examen.
Quand on
traite l'ilio-psoas, l'examinateur fait face à la table, attrape la cuisse
du patient avec sa main (main droite pour la cuisse droite et vice versa) et
amène la hanche en position neutre. La jambe la plus basse du patient est
fléchie à 90° au niveau de la hanche et du genou, l'examinateur stabilise
alors le bassin de son patient de sa main opposée. La hanche peut maintenant
être lentement mise en extension avec un léger degré de rotation interne en
utilisant une des techniques de post-facilitation (Fig. 3).
|
|
Fig. 3a : Etirement du psoas : mise en position
|
Fig. 3b : Etirement du psoas : mise en tension
|
Le carré des
lombes est traité dans la même position. Pour faciliter l'adduction de la
hanche, on demande au patient d'installer son dos aussi près que possible du
bord de la table et de laisser tomber sa jambe en dehors pendant que l'on
stabilise le thorax avec la main (main gauche pour la jambe droite et vice
versa). L'examinateur peut ainsi utiliser son autre main ou sa jambe
homolatérale pour augmenter encore l'adduction (Fig. 4).
|
|
Fig. 4a : Vaporisation du carré des lombes
|
Fig. 4b : Etirement du carré des lombes
|
Infiltration
Bien que
l'ilio-psoas et le carré des lombes puissent être traités par infiltrations,
cette technique est rarement utilisée en raison de difficultés techniques à
injecter ces deux muscles et de la facilité qu'il y a à les traiter par la
technique d'étirement.
Cette même
position de décubitus latéral décrite lors de l'examen du carré des lombes
est utilisée pour l'infiltration. Une aiguille à ponction lombaire de 22
gauge, 7 inches de long, doit être mise en place latéralement et de façon
légèrement antérieure par rapport au bord externe des muscles spinaux.
L'aiguille est dirigée vers le sommet de l'apophyse transverse. Lorsque
l'aiguille rentre en contact avec cette dernière, elle doit être légèrement
retirée et réinsérée au dessus et en dessous. On prendra soin de ne pas
diriger l'aiguille au dessus de L1 ni en avant, de façon à éviter les
poumons et les viscères rétro-péritonéaux. Après l'injection, le carré des
lombes doit être traité avec une technique de post-facilitation. Le patient
doit être averti de la possibilité d'un spasme temporaire après infiltration
et d'une exacerbation temporaire de la douleur qui peut être traitée avec
des étirements doux suivis d'un massage à la glace.
|
Muscles fessier et pyramidal (piriforme)
|
|
Ces muscles
sont également souvent atteints de façon simultanée. La présence d'une
dysfonction de la jonction lombo-sacrée (L4-L5, L5-S1) est une circonstance
d'accompagnement extrêmement commune. Alors que le moyen et le petit fessier
sont habituellement associés avec une dysfonction L4-L5 et que le grand
fessier et le pyramidal sont associés à des dysfonctions de niveau L5-S1,
ces syndromes sont fréquemment associés avec l'atteinte de tous les muscles.
Les zones de projection douloureuses pour ces muscles sont le bas du dos et
la fesse pour le grand fessier, le bas du dos, la fesse et la hanche
homolatérale pour le moyen fessier, la fesse, la hanche et la partie
latérale de la cuisse et de la jambe pour le petit fessier, la fesse, la
partie postérieure de cuisse et de jambe pour le muscle pyramidal.
Examen
La position
en décubitus latéral peut être utilisée pour examiner l'amplitude de
mouvement de tous ces muscles. ils agissent en phase et sont affaiblis
lorsqu'ils sont atteints. Ceci est particulièrement évident lorsque l'on
utilise la contraction résistée en fin de course. La mobilisation passive
est fréquemment douloureuse dans ces groupes musculaires. Les fibres des
muscles fessiers sont palpées perpendiculairement à leur direction, le
patient étant allongé sur le ventre. Le grand fessier est interne, le moyen
fessier latéral et tous deux superficiels, sont facilement palpés. Les
fibres du petit fessier sont parallèles, légèrement plus profondes et
inférieures par rapport à celles du moyen fessier. Le muscle pyramidal peut
être localisé le long de la "ligne du pyramidal", ligne joignant l'épine
iliaque postéro-supérieure au grand trochanter. Le point douloureux le plus
fréquemment rencontré est situé 2 cm sous cette ligne, sur sa
perpendiculaire médiane (Fig. 5). La palpation d'un cordon myalgique dans ce
muscle est facilitée en alternant les mouvements de rotation interne et
externe en décubitus ventral.
|
|
Fig. 5 : Examen du pyramidal
|
Fig. 6 : Etirement du pyramidal
|
Traitement manuel
Le patient,
en décubitus dorsal, la hanche non douloureuse, est placé en position neutre
avec le genou fléchi de telle façon que la jambe pende en dehors de la
table, ce qui stabilise le bassin. L'examinateur, utilisant son bras droit
pour la cuisse gauche (et vice versa), fléchit l'autre hanche tandis qu'il
utilise son autre main pour stabiliser davantage le bassin du côté non
douloureux. La hanche symptomatique est mobilisée en flexion, rotation
interne et adduction de façon progressive. On traite, ainsi le groupe des
quatre muscles. Les fibres antérieures du moyen et du petit fessier sont
plus facilement traitées grâce à la technique décrite ci dessus pour le
carré des lombes.
La position
en décubitus latéral est une méthode alternative possible pour le traitement
du pyramidal. Dans cette position, la hanche et le genou du membre inférieur
non douloureux sont étendus et ceux du côté symptomatique sont fléchis à
90°. La hanche est alors positionnée en adduction, et en légère rotation
interne. L'examinateur stabilise le bassin avec une main et augmente
progressivement la rotation interne de la hanche plaçant ainsi le pyramidal
en étirement), en soulevant la jambe au dessus de la table avec l'autre main
(Fig. 6).
Infiltration
Les
infiltrations sont facilement utilisées pour les muscles fessiers et le
pyramidal. Une aiguille à ponction lombaire de 22 gauge est nécessaire pour
assurer l'injection des fibres les plus profondes sauf chez les sujets très
maigres. Le contact avec la fosse iliaque postérieure permet de confirmer
que le muscle a bien été traversé sur toute sa profondeur. Les tissus mous
recouvrant le muscle à traiter sont solidement tenus entre le pouce et
l'index pendant que l'aiguille est continuellement réinsérée sur une ligne
circulaire. On prendra grand soin d'éviter l'artère fessière et le nerf
sciatique.
Le patient
doit être averti de l'éventualité d'une parésie sciatique ou de
l'engourdissement de la fesse et de la partie postérieure de cuisse,
temporaires lors de ces injections. Une fois encore, une contracture post
injection peut être traitée par des étirements doux suivis de massages à la
glace.