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Revue de Médecine Orthopédique. 1993;31:5-7

Examen et traitement des douleurs cervico-scapulaires d'origine myofasciale

Hillel Sommer, MD, Physical Medicine and Rehabilitation, Director Musculoskeletal Teaching Program, The Rehabilitation Hospital, Winnipeg, MB,Canada

 
Muscles trapèze et levator scapula
 

Plusieurs muscles s'attachant dans la région scapulaire jouent un double rôle de fixation de l'omoplate sur le thorax et de rotateur de l'épaule. Deux de ces muscles, le trapèze et l'angulaire de l'omoplate (levator scapula) ont des insertions cervicales. Ces deux muscles sont souvent atteints en cas de dysfonction segmentaire cervicale moyenne (C3-C4) et sont fréquemment à l'origine de douleurs du cou et de l'épaule. Le facteur déclenchant le plus fréquent de ces syndromes douloureux est le traumatisme en "coup de fouet" cervical (et particulièrement celui qui comprend des forces rotatoires) ou des faux mouvements tels qu'une rotation brutale du cou. Le patient se plaint souvent d'une douleur à la partie latérale du cou qui peut s'étendre de la base de l'occipital jusqu'à l'acromion homolatéral. Ces symptômes sont associés à des zones d'hypertonie musculaire en des endroits bien précis;

Examen clinique

De nombreux points gâchettes ont été décrits pour le muscle trapèze. Les plus communs sont ceux situés le long de la partie supérieure du muscle, entre le rachis cervical et l’acromion. Les points gâchettes de l'angulaire sont situés au niveau de son insertion distale. La partie supéro-interne de l'omoplate est fréquemment le siège d'une vive sensibilité périostée quand ce dernier muscle est atteint.

Pour rechercher au mieux les cordons myalgiques qui se développent au bord supérieur du trapèze, le corps charnu du muscle doit être fermement pincé entre le pouce et l'index. Les fibres musculaires sont alors pincées et roulées l'une contre l'autre de façon similaire à la technique du pincé-roulé de Maigne, bien que les tissus palpés soient plus profonds. Le bord supérieur du muscle est exploré de sa partie externe à sa partie interne, à la recherche de modifications de tension musculaire. L'examen du muscle angulaire de l'omoplate est plus facile si l'on place ses fibres en tension de façon à le faire saillir sous le muscle trapèze (ce dernier le recouvrant). Pour faire ceci, le patient est assis, le cou fléchi avec une rotation cervicale controlatéra­le d'environ 45°.

L'examinateur peut alors augmenter peu à peu cette tension d'une main placée en arrière de la tête pendant que l'autre main palpe les fibres musculaires contracturées perpendiculairement à leur direction (Fig. 1).

Fig. 1 (à gauche) : Position d'examen pour le muscle angulaire. La répétition de ce mouvement étire ce muscle et constitue une partie du traitement.

Fig. 2 (à droite) : Etirement global en flexion des trapèzes (ainsi que des angulaires et des paravertébraux).

Traitements manuels

Les techniques de post-facilitation sont extrêmement utiles pour le traitement de ces muscles car elles consistent en un traitement global de plusieurs muscles qui s'attachent sur le cou et qui sont égale­ment souvent atteints, en association avec les deux muscles précédents. Le trapèze peut être traité, le patient étant assis (Fig. 2) ou allongé sur le dos. Cependant, la position sur le dos permet d'obtenir une meilleure relaxation des muscles posturaux et facilite ainsi le relâchement myofascial. En décubitus dorsal, l'examinateur positionne de façon passive la tête du patient en latéro-flexion controlatérale, sans rotation ni flexion antérieures, de telle façon que le muscle soit discrètement tendu. De sa main homolatérale, l'examinateur immobilise l'épaule de façon à étirer le muscle. L'autre main peut alors être utilisée pour guider la tête du patient de façon à augmenter peu à peu la latéro-flexion. Ce traitement peut être répété avec différents degrés de rotation pour changer la direction d'étirement des tissus.

Une deuxième manœuvre pour le trapèze, également pratiquée en décubitus dorsal, relâche le muscle en flexion. L'opérateur place sa main gauche sur l'épaule droite du patient et la main droite sur l'épaule gauche du patient. Ses bras sont croisés derrière la tête du patient, formant un support bien stable. De cette façon, les deux épaules peuvent être fixées simultanément contre la table d'examen pendant que le cou est porté en flexion.

L'angulaire est traité sur un patient assis, et ceci suit habituellement le traitement du trapèze pour assurer un maximum de relaxation. En uti­lisant la même position que pour examiner les cordons myalgiques, l'examinateur place sa main homolatérale le long de l'épine de l'omoplate pour la fixer et utilise l'autre main pour guider la position de la tête du patient.

Infiltration

L'injection des points gâchettes permet un traitement plus spécifique quand les techniques de post­facilitation n'ont pas donné l'effet escompté. En plus des risques habituels liés à l'injection dans un muscle, on doit être particulièrement vigilant quant à la position de la pointe de l'aiguille (en particulier avec le trapèze) pour éviter un pneumothorax.

Pour le trapèze, le patient peut être positionné en décubitus latéral, le côté symptomatique tourné vers le haut. Les cordons myalgiques sont saisis entre les doigts de l'opérateur, comme pour l'examen, de façon à s'assurer de la position de l'aiguille et de détecter une réponse localisée en brusque tressaillement. Le muscle est piqué par l'aiguille ; le sommet de cette dernière dessinant un cercle jusqu'à ce que toutes les réponses en tressaillement aient cessé et que la douleur projetée ait disparu.

L'infiltration du muscle angulaire est pratiquée dans la même position que celle de l'examen et du traitement manuel. Cette technique d'injection est similaire à celle que nous venons de décrire. De plus, le périoste recouvrant l'angle supéro-interne de l'omoplate doit être également injecté de façon à éliminer toute sensibilité périostée résiduelle.

Après l'injection, le patient doit être traité avec une technique de post-facilitation. Comme pour les autres muscles, une douleur post-infiltration peut survenir et durer jusqu'à 48 heures. Elle peut être traitée avec des massages à la glace. Les patients doivent être avertis en cas de symptôme anormal tel qu'une douleur dans la poitrine ou une dyspnée, dès l'heure survenue.

 
Muscles de la coiffe des rotateurs
 

Examen clinique

L'examinateur commence par palper le muscle sous-épineux le long de son bord latéral juste en dedans du bord externe de l'omoplate (Fig. 3). En examinant le muscle de cette façon, le bord du sous-épineux, bien que recouvert par le trapèze, est facilement reconnu. De même que pour les autres muscles, les doigts palpeurs doivent être dirigés perpendiculairement aux fibres musculaires. Un signe du sursaut positif et une irradiation de la douleur au membre supérieur homolatéral sont fréquemment mis en évidence.

Fig. 3 : Position d'examen du muscle sous-épineux.

Traitement

Le sous-épineux est un muscle phasique qui se fatigue facilement. On peut ainsi fréquemment trouver une faiblesse de tous les rotateurs de la coiffe (spécialement en rotation externe) due à une dysynergie qui peut déstabiliser la mécanique des articulations gléno-humérale et scapulo-thoracique.

Le sous-épineux est un des muscles le plus facile à infiltrer, peut-être même plus que de le traiter par des techniques de post-facilitation. C'est évident si l'on considère qu'il est difficile d'isoler un mouvement du sous-épineux sans mobiliser également l'articulation scapulo-thoracique. Une approche plus spécifique est d'injecter le muscle jusqu'au périoste avec une aiguille fine. La pénétration du muscle est, chez les patients obèses ou très musclés, assurée par le contact avec la surface osseuse de la fosse sous-épineuse. Le muscle est piqué de façon circulaire au centre et autour du point gâchette jusqu'à ce que toutes les réponses en "tressaillement" et les irradiations douloureuses aient été éliminées. Bien que le soulagement soit souvent immédiat, les patients doivent être avertis d'attendre au moins 48 heures les effets de l'infiltration, délai pendant lequel peut se produire une réaction post­injection qui est facilement soulagée avec des massages à la glace.

 
Conclusion
 

L'évaluation des tissus myofasciaux peut être une clé qui peut orienter l'examinateur vers l'origine d'une douleur. Bien que l'atteinte myofasciale soit souvent secondaire à une dysfonction vertébrale segmentaire ou à une pathologie articulaire ou tendineuse dans un élément de la même unité myotatique, des syndromes de surutilisation locale ou régionale peuvent aussi se présenter comme un dysfonctionnement primaire avec une atteinte myofasciale comme seul élément d'examen. Il ne faut pas attendre des traitements décrits qu'ils soient utilisés comme seul traitement dans la majorité des cas mais, plutôt, comme un traitement d'appoint dans le contexte d'un programme de rééducation.

RÉFÉRENCES

1. ASPINALL W Clinical Implications of ilio-psoas dysfunction. Orthopaedic Revision Review 1992 September-October: 8-13.

2. JANDA V Muscle Spasms a Proposed Procedure for Differential Diagnosis J. Manual Medicine 1991: 6 ; 136-139.

3. JANDA V Treatment of Chronic Buck Pain; J. Manual Medicine 1992: 6 ; 166-168.

4. LEWIT K Manipulative Therapy in Rehabilitation of the local Motor System, Second Edition, Butterworth Heinemann Publishers 1991.

5. LEWIT K Management of Muscular Pain Associated with Articular Dysfunction J. Manual Medicine 1991 : 6 ; 140-142.

6. MAIGNE R Diagnostique et traitement des douleurs communes d'origine rachidienne Expansion scientifique française 1989.

7. TRAVELL JG., SIMONS DG Myofascial Pain and Dysfunction The Trigger Point Manual, Williams & Wilkins, Volume 1 1983S~

8. TRAVELL JG., SIMONS DG Myofascial Pain and Dysfunction The Trigger Point Manual (The lower extremities), Williams & Wilkins, Volume Il 1992.



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