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Dorso-lombalgies chez le skieur alpin de compétition

S Plawecki, JG Drevet, JP Mont

* Service de Rééducation et Réadaptation Fonctionnelles, C.H.U. Grenoble.

Une étude prospective réalisée au cours des deux saisons sportives (1981 à 1983) a permis de mieux apprécier la nature et la fréquence des rachialgies rencontrées chez 43 skieurs et skieuses membres des équipes nationales de ski alpin.

La fréquence de ces rachialgies est de 28 % si l'on regroupe les membres des équipes nationales et des sections sports-études, soit près de 200 pratiquants. Un skieur sur deux, entre 17 et 22 ans, souffrira de son rachis. Des antécédents lombalgiques concernent la très grande majorité de cette population ; certaines de ces lombalgies ont débuté très précocement et ceci semble constituer un facteur de très mauvais pronostic.

 
Analyse de la pathologie rachidienne
 

Plusieurs tableaux cliniques peuvent être individualisés. Ils sont susceptibles de s'associer ou de se succéder chez un même skieur, mais méritent d'être isolés en fonction de sanctions thérapeutiques différentes

  • La pathologie de la charnière dorso-lombaire
  • Les souffrances disco-vertébrales
  • Les dystrophies épiphysaires de croissance
  • La pathologie des chaînes musculaires
 
Pathologie de la charnière dorso-lombaire
 

La souffrance mécanique de la charnière dorso-lombaire est constatée avec une grande fréquence puisqu'elle constitue la cause unique de 10 épisodes lombalgiques, et que, nous le verrons plus loin, elle a été associée à une pathologie discale lombaire basse chez 10 autres sujets et à une dystrophie épiphysaire dans 4 cas. Les lombalgies sont en règle unilatérales et témoignent de la souffrance de la branche postérieure du nerf rachidien, issue des segments D11-D12 ou D12-L1 chez les skieurs et plus fréquemment D10-D11 chez les skieuses, parfois D9-D10. La traduction clinique de ces lombalgies se fait au voisinage de la crête iliaque sur un territoire douloureux correspondant au dermatome de la branche postérieure, selon une sémiologie décrite par R. Maigne. La thérapeutique repose en première intention sur les techniques manipulatives qui entraînent une sédation rapide des douleurs, techniques nécessitant d'être réalisées par des médecins entraînés à ce type de pratique.

Ces lombalgies ont pu être classées en cinq stades en fonction de leur retentissement sur les performances sportives.

  • Stade I : absence de handicap sportif
  • Stade II : traitement médical nécessaire à la poursuite du sport
  • Stade III : arrêt temporaire de la compétition
  • Stade IV : sévérité des algies rachidiennes imposant un bilan en milieu hospitalier
  • Stade V : récidives multiples perturbant la saison sportive

Onze skieurs et skieuses ont ressenti des lombalgies (stade III au stade V) retentissant plus ou moins durablement sur leurs performances sportives. On a constaté dans 14 cas une pathologie associée à la souffrance de la charnière dorso-lombaire, que ce soit une atteinte basse discale ou une dystrophie épiphysaire de croissance. Il est rare de constater une discopathie radiologique ou niveau de la charnière dorso-lombaire. Cela a cependant été le cas chez une slalomeuse du meilleur niveau mondial qui ressentait des dorso-lombalgies intermittentes, confirmées par une condensation radiologique du plateau vertébral inférieur et une calcification discale à l'image scannographique, réalisant une protrusion intra-canalaire.

 
Souffrances disco-vertébrales
 

Lombalgies d'origine discale. Leur traduction clinique bien connue est en règle générale préoccupante au niveau de la compétition internationale. Dans notre série, 24 sujets sont atteints. Il s'agit essentiellement de skieurs pratiquant la descente alpine (14 cas).

Algies radiculaires. Elles sont également le privilège des descendeurs. Une chute à moto et un effort de soulèvement indépendants des activités sportives constituent les facteurs déclenchants associés. Au total 9 névralgies sciatiques ont été constatées, imposant l'arrêt temporaire du sport (en moyenne six semaines).

Pathologie traumatique. Deux jeunes skieurs présentent des lombalgies chroniques après avoir subi dans les années antérieures, lors de la pratique du ski de compétition, des traumatismes rachidiens imposant une sanction chirurgicale (fracture corporéale de la troisième vertèbre lombaire, consécutive à une chute à ski à grande vitesse, à l'origine d'une paraparésie transitoire dans un cas, et double hernie discale (L3-L4, L4-L5) à l'origine de sciatalgies et de cruralgies rebelles chez le second).

 
Dystrophies épiphysaires
 

Onze skieurs et skieuses sont porteurs au niveau du rachis dorso-lombaire d'une dystrophie épiphysaire de croissance. La plupart de ces dystrophies épiphysaires de croissance ne comportent ni traduction clinique particulière, ni signe radiologique de gravité. Lorsqu'il existe une symptomatologie clinique il est souvent difficile d'incriminer chez de jeunes adultes une dystrophie épiphysaire de croissance qui n'est souvent que séquellaire. Cependant l'existence d'une dystrophie vertébrale sévère constitue un terrain défavorable pour la compétition. L'un d'eux, âgé de 27 ans, a présenté une dystrophie épiphysaire de croissance sévère prédominant en L4 connue depuis l'adolescence et ayant fait porter à l'âge de 20 ans une contre-indication médicale à la poursuite du ski de compétition, contre-indication qui n'a pas été respectée et qui lui a permis d'être dans les dix meilleurs slalomeurs mondiaux quelques années plus tard, au prix de douleurs lombaires fréquentes !

 
Souffrance des chaînes musculaires dorso-lombaires
 

Le ski alpin est susceptible d'entraîner un travail excessif des chaînes musculaires postérieures. Ces algies, exagérées par la pratique du ski sur neige dure, s'accompagnent d'une cambrure exces­sive du rachis lombaire. L'hyperlordose majorée par un défaut de technique privilégie le travail des chaînes musculaires situées en arrière des apophyses transverses. Chez certains skieurs, l'échographie musculaire a permis d'objectiver un territoire hypo­échogène correspondant à une véritable zone "gâchette" dont l'anesthésie, par une faible quantité de Lidocaïne, s'est accompagnée d'un soulagement temporaire des douleurs.

 
Facteurs de risque et mesures préventives
 

Les facteurs exposant aux algies dorso-lombaires sont souvent imbriqués chez un même skieur. La neige verglacée est recherchée en compétition, le terrain étant gelé artificiellement pour éviter la détérioration trop rapide du parcours. La température extérieure peut atteindre de 10 à – 15° au départ, les skieurs ne portant qu'une fine combinaison. Les progrès techniques concernant les équipements ont transformé la pathologie ostéo-articulaire, le bassin étant en antéversion et le rachis lombaire en hyperlordose permanente, lors du slalom. La position dite de recherche de vitesse des descendeurs impose une cyphose lombaire néfaste pour les structures discales mais aussi musculaires. La position du slalomeur n'a cessé d'évoluer, une forte rotation des charnières est nécessaire lors du franchissement des portes, la pratique du slalom réalisant ainsi des mouvements répétitifs et rapides avec une forte sollicitation de la charnière dorso-lombaire. Les activités sportives annexes majorent les facteurs de risques, que ce soit le tennis sur assise dure, la moto ou le cyclisme ; également de longs parcours en automobile sont nécessaires empruntant des routes de montagne détériorées. La musculation lourde, en tant que préparation physique, est encore trop répandue.

 
Mesures de prévention
 

Un skieur sur trois est exposé à une souffrance rachidienne pouvant perturber ses activités sportives, La prévention concerne surtout les jeunes skieurs des sections Ski-études chez lesquels s'impose un suivi médical réguler et précoce, Une prévention efficace peut être assurée en intégrant dans la préparation physique du skieur des exercices réalisant des rotations progressives et lentes de la charnière dorso­lombaire, surtout lorsqu'il privilégie le slalom, Également, l’utilisation régulière de ceintures de soutien lombaire a permis de diminuer de façon appréciable les lombalgies discales, lors des entraînements. Enfin, une surveillance radiologique précoce s'impose, dès l'âge de 12 ans, afin de dépister les rachis à "haut-risques" (spondylolisthésis, lyses isthmiques, dystrophies sévères de croissance, hernies discales), pour lesquels l'engagement durable au niveau de la compétition internationale est illusoire.



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