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Médecine et Higiène 1981;39:1174-85
Signes cliniques des céphalées cervicales
Leur traitement
R
Maigne
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Résumé.
Les céphalées cervicales sont considérées comme rares et ayant une
topographie occipitale. Cette origine n'est généralement retenue que comme
un diagnostic d'élimination, car il est admis qu'il n'y a pas de signes
positifs signant l'origine cervicale d'une céphalée. L'auteur s'attache à
montrer au contraire que la céphalée cervicale est fréquente. Il décrit des
signes cliniques très significatifs de leur origine cervicale. Au niveau du
rachis, c'est l'existence d'une sensibilité exquise à la palpation de
l'articulation interapophysaire postérieure C2-C3 (rarement C3-C4) du côté
de la céphalée habituelle. La céphalée cervicale a une topographie,
généralement unilatérale, toujours du même côté. La confirmation de son
origine est vite prouvée par l'efficacité du traitement vertébral qui fait
disparaître la sensibilité articulaire postérieure, C2-C3. Les résultats par
le traitement cervical, sont excellents même sur des patients souffrant
depuis 15 ou 20 ans, ayant subi des investigations poussées (négatives), et
des traitements multiples et inefficaces.
En présence d'une céphalée banale
et chronique, l'origine cervicale n'est généralement évoquée que si la
douleur a une topographie postérieure et si le rachis cervical supérieur
présente des signes d'atteinte radiologique (arthrose articulaire
postérieure notamment).
L'origine myalgique cervicale
statique ou posturale est plus souvent retentie, mais au total la colonne
cervicale joue pour la plupart des auteurs un rôle peu fréquent (1% pour
Nick). Les céphalées communes sont attribuées à une origine psychique : (80%
pour Wolff), traduisant un conflit affectif ou un surmenage: c'est la "céphalée
de tension" (tension headache) avec contracture des muscles de la nuque (1,
3, 11, 12, 13).
Or, une étude de ces
céphalalgiques, basée sur un examen attentif du rachis cervical, et sur la
présence de signes cliniques propres aux céphalées cervicales, que nous
décrivons, nous a conduit à des conclusions sensiblement opposées :
-
Les céphalées cervicales ont
des signes cliniques qui leur sont propres et qui permettent de les
individualiser. Elles ne sont pas seulement un diagnostic d'élimination
;
-
Elles représentent un très
fort pourcentage des céphalées communes (80 %), même si la crise est
souvent déclenchée par un autre facteur physique ou psychique ;
-
Elles peuvent se présenter
selon plusieurs tableaux : la topographie sus-orbitaire de la douleur et
plus fréquente que la topographie postérieure ;
-
Le diagnostic de souffrance
cervicale est purement clinique ; les radiographies sont généralement
normales;
-
Le traitement cervical
approprié est régulièrement efficace faisant disparaître crises et
signes cliniques d'examen même si les habituels facteurs déclenchant
persistent.
I) Clinique des céphalées cervicales
1) Examen du rachis
cervical
Il est essentiellement clinique.
Il ne faut pas attacher une valeur particulière à une diminution de la
mobilité active ou passive : celle-ci traduit certes l'existence d'un
problème cervical mais ne permet pas de préjuger de l'origine de la
céphalée.
Il est exceptionnel de provoquer
la céphalée par telle ou telle manoeuvre posturant le rachis cervical. Si
cela se produit, il ne faudra pas pour autant en inférer que le rachis est
responsable car la cause peut alors être vasculaire : les mouvements
d'hyperextension et de torsion du cou gênent la circulation au niveau des
artères vertébrales accentuant une insuffisance vertébro-basilaire discrète.
Les indispensables radiographies
permettront dans des cas très rares de découvrir des lésions squelettiques
malformatives, inflammatoires ou infectieuses : le rôle de celles-ci dans la
céphalée qui peut être retenu si les autres signes cliniques que nous
décrivons plus loin sont présents. Il en va de même de banales lésions
d'arthrose articulaire postérieure C2-C3, ou C3-C4. Dans l'immense majorité
des cas, il n'y a aucun aspect anormal sur les trois premiers segments
cervicaux, la présence ou l'absence d'arthrose cervicale basse ne jouant
aucun rôle direct - sauf cas exceptionnels - dans ces céphalées cervicales
communes.
2) Recherche de la
sensibilité articulaire postérieure C2-C3
a) Technique d'examen
Le patient est couché sur le dos
sur la table d'examen. Le médecin place ses deux mains en supination sous la
nuque. C'est avec la pulpe dés médius, le gauche pour le côté gauche, le
droit pour le côté droit, qu'il va explorer attentivement, lentement, de bas
en haut, les massifs articulaires postérieurs. Dans cette position, les
muscles du cou bien relâchés, réclinés en dehors par le doigt dont la pulpe
est directement à leur contact, à travers les plans cutanés (fig. 1).
Fig. 1
Partant du bas (C6-C7), les
doigts effectuent des petits mouvements de va-et-vient sur place, en
exerçant une pression constante et égale des deux côtés : c'est-à-dire une
manœuvre de friction profonde peu appuyée sur ces: massifs articulaires. Ils
sont ainsi examinés un à un ; dans le cas des céphalées cervicales. C'est au
niveau de C2-C3, c'est-à-dire de l'articulation cervicale la plus haute
qu'il soit possible de palper, que cette manoeuvre va révéler la
particulière sensibilité de l'articulation, même si le patient n'a aucune
cervicalgie et tourne librement la tête, et ignore cette sensibilité, même
lors des crises.
On regardera alors avec encore plus d'attention cette articulation sur les
clichés. Mais en règle on n'y verra rien de particulier. L'existence d'une
arthrose articulaire postérieure sera simplement retenue dans le cadre du
traitement. Cette sensibilité articulaire postérieure C2-C3 du côté de la
céphalée habituelle se retrouvera même en dehors des crises. Elle sera
associée à d'autres éléments sémiologiques, eux aussi permanents.
II) Interprétation du facteur mécanique
cervical
A quoi correspond cette
sensibilité articulaire postérieure ? Il faut noter qu'elle disparaît
habituellement après un traitement manipulatif (l à 6 séances) lorsque
celui-ci est possible. Elle est donc la conséquence de ce que nous avons
appelé "un dérangement intervertébral mineur", c'est-à-dire une souffrance
mécanique bénigne du segment vertébral concerné qu'on peut assimiler à une
mini-entorse chronique (9).
La sensibilité d'un des deux massifs articulaires postérieurs est un des
signes habituels de ces dérangements intervertébraux mineurs (DIM), et il
est pratiquement le seul qu'on peut mettre en évidence an niveau cervical.
Aux niveaux dorsal et lombaire d'autres signes peuvent révéler la souffrance
segmentaire : sensibilité provoquée par la pression latérale sur l'épineuse,
la pression axiale sur l'épineuse, la pression sur le ligament interépineux.
Confirmant la souffrance du segment présentant un DIM, on constate dans le
territoire du nerf rachidien correspondant (aussi bien dans celui de sa
branche antérieure, que dans celui de sa branche postérieure) des
modifications neurotrophiques que nous avons groupées sous le nom de
«syndrome cellulo-tenomyalgique de l'irritation radiculaire» : cellulalgie
dit dermatome douloureux au pincé-roulé, cordons musculaires sensibles à la
palpation dans les muscles du myotome (9). Au niveau cervical supérieur
(C2-C3-C4), c'est essentiellement l'existence d'une douleur de la peau dit
dermatome à la manoeuvre du «pincé-roulé ».que l'on peut mettre en évidence
: la peau y est parfois infiltrée et le pli épaissi, dans le territoire de
la branche antérieure et de la branche postérieure.
Ce phénomène diminue ou disparaît après traitement du dérangement
intervertébral par manipulation (si celle-ci est possible) ou par
l'infiltration de la racine concernée. Ce signe du «pincé-roulé» fournit
pour nous une sémiologie complémentaire à la sémiologie classique de
l'exploration de la sensibilité objective qui porte sur l'hypo- ou
l'hyperesthésie, très rare dans ces irritations radiculaires minimes.
III) Sémiologie crânio-faciale des céphalées
cervicales
Nous avons pu mettre en évidence trois signes cliniques, qui caractérisent
trois types topographiques de céphalées cervicales.
1) Irritation chronique
des branches postérieures C2-C3
: le signe du shampoing (Maigne)
Un premier type de céphalée
cervicale - 35 % des cas - correspond à l'irritation des branches
postérieures de C2 ou de C3. Rappelons qu'appartient à ces branches
postérieures le territoire cutané crânien situé en arrière d'une ligne
biauriculaire passant au sommet du crâne. A C3 revient la région paramédiane.
A C2 la région latérale (fig. 2A). La forme aiguë constitue la névralgie
d'Arnold qui est bien connue ; mais elle est rare dans sa forme classique,
telle qu'elle est décrite dans les traités, avec des paroxysmes généralement
provoqués par des mouvements brusques. Par contre, l'irritation chronique de
ces branches postérieures est plus fréquente mais discutée, sous forme d'une
douleur occipitale survenant par périodes de durée et d'intensité
extrêmement variables. Deux signes la caractérisent pour nous :
-
La sensibilité du massif
articulaire postérieur C2-C3 du même côté ;
-
la sensibilité des plans
épicraniens à la manœuvre appuyée de friction que nous faisons comme
pour un shampooing, qui mobilise les plans cutanés sur le crâne. Dans le
territoire correspondant à celui du dermatome de la branche postérieure
irritée. Cette manoeuvre est très désagréable, elle est indolore
ailleurs. Nous appelons ce signe le «signe du shampooing» (Maigne) (fig.
3).
Fig. 2 A, B et Fig. 3 :
En haut : manoeuvre du "shampooing" (Maigne) En bas
: territoire des branches postérieures de C2 et C3
2) Irritation de la
branche antérieure de C2 ou C3.
Le signe du pincé roulé de la peau de l'angle de la machoire
La branche mastoïdienne et la
branche auriculaire (C2, C3) issues du plexus cervical superficiel innervent
la région rétro auriculaire, la partie latérale l'occipitale et pariétale,
la peau de l'angle de la mâchoire, de la région parotidienne, et donne aussi
des filets au pavillon de l'oreille à sa face interne, et même des rameaux à
sa face externe et au lobule (Hovelacque) (Fig. 2B). Son irritation
chronique se traduit par des céphalées occipito-temporo-maxillaires de
fréquence, d'intensité et de durée très variables avec parfais des
irradiations à l'oreille. Elle se caractérise par deux signes :
-
La sensibilité du massif
articulaire postérieur C2-C3 du même côté que la céphalée habituelle ;
-
et toujours du même côté, par
la particulière sensibilité des plans cutanés du dermatome correspondant
à la manœuvre du "pincé-roulé" (Maigne), alors qu'il n'y a dans ce
territoire aucun des signes classiques de modification de la sensibilité
objective (hypo ou hyperesthésie). Cette manœuvre doit être exécutée
méticuleusement lentement et comparée avec les zones voisines et
opposée (fig. 4). Elle est particulièrement nette au niveau de la peau
de la région de l'angle de la mâchoire.
Un pli de peau assez grand est
pincé entre pouce et index ; puis il est légèrement tiré et enfin il est
fermement malaxé entre ces deux doigts. Cette manoeuvre doit être dosée,
elle doit être comparative. Elle demande comme toutes celles que nous
proposons une certaine habitude, qu'avec un peu d'application et de
persévérance il est facile d'acquérir. Cette manœuvre est très désagréable
et même très douloureuse dans le territoire de la peau recouvrant l'angle de
la mâchoire et de celle située au-dessous et en arrière de l'oreille. Elle
est neutre du côté opposé si l'atteinte est unilatérale.
Fig. 4 :
A - Le signe du "pincé-roulé de la peau de l'angle de la mâchoire (Maigne).
B - territoire de la branche antérieure de C2.
Fig. 5
: A gauche: le signe du pincé-roulé du sourcil». A droite : la zone
habituellement sensible à cette manœuvre.
3)La céphalée sus
orbitaire d'origine cervicale
: la manoeuvre du pincé roulé du sourcil (Maigne)
La troisième forme que nous
allons décrire est de loin la plus fréquente des céphalées cervicales. Elle
a une topographie sus orbitaire ou parfois occipito-sus-orbitaire.Comme la
plupart des céphalées à composante cervicale, elle est unilatérale, siégeant
toujours du même côté. Elle peut se bilatéraliser avec le temps, mais le
plus souvent un côté domine. Dans les crises aiguës la douleur peut parfois
diffuser de l'autre côté, même si les signes restent unilatéraux. Elle se
caractérise par :
-
une sensibilité à la
palpation du massif articulaire postérieur C2/C3 du côté de la céphalée,
comme dans les formes précédentes ;
-
une vive sensibilité à la
manœuvre du pincé-roulé de la peau du sourcil du côté de la céphalée
(fig-5) (10).
La manoeuvre est pratiquée comme celle décrite pour la peau de l'angle de la
mâchoire. Il faut explorer attentivement chaque centimètre de peau, de la
racine à la queue du sourcil et même déborder sur la peau du front.
Dans les cas les plus typiques, le pli est épaissi, infiltré et extrêmement
sensible à la manoeuvre du ferme malaxage exécuté entre pouce et index, sur
toute l'étendue du sourcil. Parfois seule une partie de celui-ci sera
douloureuse, mais le signe garde toute sa valeur s'il accompagne - ce qui
est la règle - une sensibilité articulaire C2-C3 du même côté.
IV) Mécanisme
Mais nous nous trouvons ici
devant un problème pathogénique particulier :
-
Dans les formes précédentes,
nous avons une explication anatomique simple: la topographie douloureuse
occupe le territoire de nerfs bien définis dans le territoire de leur
branche antérieure ou postérieure ;
-
Ce n'est pas le cas ici : il
n'y a aucun lien anatomique évident entre la zone sourcilière, innervée
par le trijumeau et l'articulation C2-C3.
Or il y a bien une relation que nous avons pu mettre en évidence par
l'expérimentation clinique. Nous avons sélectionné 50 cas de céphalées (10)
durant depuis plus de 2 ans et se présentant avec 1) Un signe unilatéral de
«pincé-roulé du sourcil» 2) une sensibilité exquise précise du même côté du
massif articu1aire postérieur C2-C3. Nous avons injecté, selon une technique
rigoureuse, quelques gouttes d'anesthésique (Lidocaïne à 0,5 %) au contact
osseux, au point articulaire postérieur sensible, de manière à ce que cette
articulation devienne indolore à l'examen. Nous avons pu constater que très
rapidement, en une à deux minutes, parfois moins, la sensibilité au «
pincé-roulé du sourcil» disparaissait complètement. Plus curieusement
encore, lorsque le pli paraissait infiltré et épaissi avant l'injection, il
devenait souple et mince après celle-ci. L'effet était plus ou moins durable
selon les cas. Dans certains cas (10) il a été. définitif soulageant ainsi
la céphalée habituelle. Cet effet durable a surtout été obtenu lorsque nous
avons remplacé (dans les 30 derniers cas) la lidocaïne par de la
prednisolone (1/4 ml) car nous avons pu constater que l'injection de ce
produit amenait aussi très rapidement une indolence de l'articulation et de
la même manière la disparition de la douleur au "pincé-roulé du sourcil",
bien qu'un peu plus lente qu'avec la lidocaïne. Les inconvénients de
l'injection d'un anesthésique local à ce niveau cervical (extrêmement réduit
si la technique d'injection est bonne) sont connus. Aussi ne l'avons-nous
pas utilisé pour la deuxième partie de notre expérimentation.
Les résultats ont été les suivants :
-
dans 43 cas l'indolence de
l'articulation C2-C3 obtenue par l'infiltration apporte une disparition
de la sensibilité au pincé-roulé du sourcil homologue ;
-
dans 4 cas l'indolence de
l'articulation C2-C3 fut obtenue mais ne diminue que partiellement la
sensibilité du pincé-roulé du sourcil ;
-
dans 3 cas l'infiltration (répétée)
de l'articulation ne fit pas disparaître sa sensibilité ci n'eut aucune
influence sur le pincé-roulé du sourcil.
Nous avons recherché ce signe dans des cas de migraines vraies alternantes,
tantôt droites, tantôt gauches, et nous ne l'avons pas retrouvé, pas plus
que dans des cas de céphalées par hypertension. Nous ne l'avons pas retrouvé
non plus dans des cas où l'origine psychique était évidente, ni dans les
quelques cas de céphalées par tumeur intracrânienne que nous avons pu
examiner. Mais il peut y avoir association : tel migraineux petit présenter
aussi des céphalées communes d'origine cervicale. Il différencie fort bien
les deux types de crise.
Nous reviendrons sur le problème des algies vasculaires, car un certain
nombre de celles-ci nous paraît avoir une composante cervicale et sont
d'ailleurs soulagées par le traitement cervical. Il en va de même de
certaines migraines siégeant toujours du même côté, et présentant de ce côté
un signe du pincé-roulé du sourcil et une sensibilité C2-C3. Ainsi ce signe
du pincé-roulé nous paraît sinon pathognomonique - nous ne sommes pas en
état de l'affirmer - du moins très fortement évocateur de l'origine
cervicale d'une céphalée fronto-sus-orbitaire. Nous avons pu montrer le lien
clinique qui existe entre la souffrance articulaire C2-C3 et ce signe
particulier. Mais le mécanisme anatomo-physiologique n'est pas évident. Nous
ne pouvons qu'avancer des hypothèses :
Le territoire du sourcil
appartient au contingent ophtalmique du trijumeau. On peut noter que :
-
Le noyau gélatineux du
trijumeau descend très bas et est en continuation avec les cordons
postérieurs de la moelle. Ainsi des filets de C1, C2 et même de C3
participent au contingent ophtalmique du trijumeau. Il est généralement
admis que les fibres véhiculant les sensations douloureuses ont une
projection basse dans la partie inférieure du noyau gélatineux au niveau
des deux premiers segments médullaires. Les fibres ophtalmiques
correspondent à la partie inférieure et antérieure du noyau (Lazorthes).
-
Il faut aussi tenir compte du
caractère nettement vasculaire de certaines céphalées qui présentent
exactement les mêmes signes : "pincé-roulé douloureux du sourcil" et
sensibilité articulaire postérieure de C2-C3 du même côté que la
céphalée habituelle. Dans ces cas aussi le traitement cervical fait
disparaître le "signe du sourcil" et la céphalée (22 cas sur 162).
Il faut donc envisager ici un
mécanisme vasculosympathique. D'ailleurs l'épaississement des plans cutanés
du sourcil. qui est fréquent, et disparaît après le traitement cervical ne
petit être qu'un trouble neurotrophique qui suppose, lui aussi une
participation du sympathique. Des fibres sympathiques parcourent les
branches du V et vont au revêtement cutané par les nerfs sensitifs. Il est
classique d'admettre que ces fibres viennent du sympathique périartériel de
la carotide interne. Après relais dans le ganglion cervical supérieur elles
arrivent un ganglion de Gasser par le plexus péricarotidien interne (Lazorthes).
Mais cette classique anastomose cervico gasserienne n'a jamais pu être mise
en évidence par les anatomistes (6).
Par contre, les anastomoses périphériques unissant les branches du V et les
plexus vasculaires des collatérales de la carotide externe sont nombreuses
(Lazorthes). En outre, on sait que la carotide interne dans son segment
intracrânien reçoit du pôle supérieur du ganglion cervical supérieur deux
nerfs qui s'anastomosent en plexus et se distribuent aux collatérales et
terminales de cette artère, donc à l'artère sus-orbitaire qui sort par le
trou sus-orbitaire. Or le ganglion cervical supérieur est relié par des
rameaux communiquants aux nerfs rachidiens C1, C2 et C3. Il est possible que
les deux mécanismes : trigéminal et vasculo-sympathique coexistent.
L'explication est peut-être autre, mais les faits demeurent : le lien
clinique entre le rachis cervical supérieur et la zone sourcilière.
V) Les trois variétés de céphalées sus
orbitaires d'origine cervicale
Ces céphalées sont la forme
clinique la plus fréquente des céphalées cervicales. Elles peuvent être
associées aux autres formes (un cas sur trois) mais la douleur sus-orbitaire
domine généralement. Rappelons que selon notre définition, elles se
présentent toutes avec une sensibilité à la palpation de l'articulation
C2-C3 et une douleur au pincé-roulé du sourcil du même côté. Elles ont un
caractère commun : elles ont une topographie fixe, le plus souvent
unilatérale, toujours droite ou toujours gauche pour un même malade. Elles
peuvent se bilatéraliser avec le temps.
Elles peuvent, nous le verrons, être déclenchées par des facteurs variés.
Elles répondent toutes favorablement au traitement cervical. Elles peuvent
néanmoins revêtir trois aspects cliniques que nous allons détailler :
-
Les céphalées simples (85%
des cas) ;
-
Les céphalées à allure
vasculaire (10% des cas) ;
-
Les céphalées à type
migraineux (5% des cas).
Pour toutes ces formes la fréquence, l'intensité et la durée des crises est
extrêmement variable selon les cas, depuis le mal de tête banal cédant à
l'aspirine, survenant une ou deux fois par mois jusqu'à la céphalée intense,
quotidienne et handicapante.
1) La forme habituelle
simple
C'est la forme la plus courante
des céphalées communes : douleur fronto-orbitaire ou occipito-orbitaire
parfois rétro-orbitaire unilatérale mais pouvant diffuser à l'autre côté si
la crise est forte (bien que les signes d'examen restent (unilatéraux),
bilatérale vraie dans quelques cas. Répondant généralement bien à l'aspirine
dans les formes légères, elle est surtout soulagée par l'amidopyrine. Dans
les formes sévères, ces patients en font parfois une consommation effrayante
(6 comprimés quotidiens, 15 à 20 jours par mois et depuis plus de 15 ans
pour deux des cas de cette série). Mais quelle que soit l'ancienneté elle
est remarquablement soulagée par le traitement cervical.
2) Forme avec note
vasculaire
A un degré plus ou moins
important s'ajoute une congestion nasale, le nez se bouche avec ou sans
rhinorrhée, parfois il existe un larmoiement. Là encore la crise est
toujours du même côté, celui où on note une sensibilité articulaire
postérieure C2-C3 et le pincé-roulé douloureux du sourcil. Toutefois,
l'efficacité des médicaments à visée vasculaire est généralement faible ou
nulle, qu'il s'agisse d'antisérotonines ou de dérivés de l'ergotamine. Le
traitement cervical est par contre régulièrement efficace. Un cas typique
est celui de Mme L.V.
Obs. 1 - Mme L.V. 42
ans, fonctionnaire. Céphalées depuis 13 ans,
à début progressif, sans causes, par crises de plus en plus fréquentes et de
plus en plus durables : actuellement 3 ou 4 crises par mois de 2 à 3 jours
sans élément déclenchant net, parfois les règles ou les contrariétés.
Topographie sus et rétro-orbitaire, toujours gauche, avec gonflement de la
narine gauche, puis rhinorrhée et larmoiement gauche. Elle a été suivie dans
deux services Neurologie, le diagnostic de céphalée vasculaire a été retenu.
Non Soulagée par le tartrate d'ergotamine la dihydroergotamine et les
différents antimigraineux. Soulagée par l'optalidon (6 dragées par jour).A
l'examen, "pincé-roulé du sourcil" à gauche épaissi et très douloureux,
sensibilité articulaire postérieure C2-C3 gauche. Radiographies cervicales
normales. Elle est soulagée par 4 traitements (manipulation + 2
infiltrations articulaires postérieures). Elle ne présentera aucune crise
dans les 12 mois qui suivent.
Cette forme de céphalée représente 8,5 % des cas de céphalée cervicale dans
notre statistique (14 cas sur 162). Un de nos cas (homme de 40 uns)
présentait depuis 10 ans un tableau typique de "Cluster Headache" avec, par
périodes plusieurs accès par 24 heures, toujours droits. Il avait un
pincé-roulé du sourcil des plus nets, et une vive sensibilité articulaire
postérieure C2-C3 droite à la palpation. Il fut complètement soulagé en 5
traitements.
3) Forme migraineuse
Dans quelques cas le tableau est
celui d'une migraine vraie. Mais d'une migraine non alternante : elle siège
toujours du même côté, droit ou gauche chez un même patient lors de crises
successives. Elles peuvent réagir aux antimigraineux mais généralement
beaucoup mains nettement que les migraines vraies.Le traitement cervical s'y
montre très efficace.Un exemple particulièrement évocateur est le suivant :
Obs. 2, Mme C. L. 39
ans - comptable. Migraines depuis l'âge de
16 ans. Au début, liées aux règles puis survenant aussi un dehors d'elles,
augmentant de fréquence depuis le 5 dernières années, après un accident de
voiture. Les douleurs sont toujours droites, jamais gauches. Elle a été
hospitalisée 2 fois dans des services de neurologie. Les investigations ont
toutes été négatives (dont une artériographie et une encéphalographie
gazeuse). Les examens spécialisés en ORL, stomatologie, ophtalmologie,
allergologie, aussi été négatifs.Elle
a consulté de nombreux spécialistes. Le diagnostic de migraine vraie a
toujours été retenu devant un tableau clinique tout à fait typique.Echec des
antimigraineux : soulagement partiel avec l'optalidon (3 à 40 suppositoires
par mois en moyenne!) qui seul, lui permet de continuer son travail.Lorsque
nous la voyons adressée par son médecin traitant nous constatons une
sensibilité C2-C.3 droite très vive et un signe de "pincé-roulé du sourcil"
très net : pli épaissi et douloureux. Rachis cervical normal, sauf une
légère disharmonie de courbure.Après trois traitements (2 infiltrations
cortisonées de l'articulation puis une manipulation): net soulagement
qu'achèvent 3 manipulations espacées de 15 jours. En un an, après le
traitement. elle n'a euque 2 crises légères et peu durables après un long
voyage.
Nous avons sur notre série de 162 cas de céphalées cervicales, 8 cas
semblables (5%) avec 6 résultats complets traitement cervical ci 2
améliorations importantes, avec un recul de 8 mois. Nous suivons ces
patients deux fois par an : nous retrouvons parfois - même s'ils n'ont pas
récidivés - une légère sensibilité C2-C3. avec un léger signe du
"pincé-roulé du sourcil". Nous faisons alors un traitement d'entretien (une,
rarement deux séances de manipulations ou d'infiltrations). Deux cas ont
récidivé au bout de 3 et 6 mois, et ont été très rapidement sou1agés.
VI) Les facteurs déclenchants
La céphalée d'origine cervicale
peut, nous l'avons souligné être épisodique ou quotidienne, légère ou
intense quelle qu'en soit la variété clinique. Mais les signes d'examen
décrits sont constants et retrouvés en dehors des crises. Il existe dont un
facteur déclenchant. Celui-ci petit être cervical : il est souvent postural
: mauvaise position du cou sur l'oreiller (sujets dormant sur le ventre), ou
certaines positions de travail. Ce peut être aussi un refroidissement de la
nuque ou un courant d'air sur le cou. Il peut s'agir aussi enfin d'un
facteur gynécologique, digestif, psychique ou autre auquel on attribue à
tort la responsabilité totale de la céphalée, alors que le traitement
cervical sera seul durablement efficace. Il peut s'agir enfin de sujets dont
le seuil de tolérance est très bas. La plus légère dysfonction articulaire
est perçue alors qu'elle ne l'est pas lorsque l'état physique ou psychique
est bon. C'est le cas des petits déprimés ou des petits anxieux, des
spasmophiles, etc et alors c'est ce facteur qui sera, à tort, retenu comme
élément principal.
Il est bien évident que nombre de céphalées que nous classons et traitons -
avec efficacité - comme d'origine cervicale, sont classées par la plupart
des auteurs, comme psychogéniques. Le facteur psychique a été mis en en
vedette par la plupart des auteurs qui fixent à 80 ou même 90 %,le nombre
des céphalées d'origine psychique (80 %, pour Wolf et Wolff) - (52% pour
Nick). Il nous semble que ces auteurs attribuent à l'origine psychique d'une
part des céphalées vraiment psychogènes, d'autres - nombreuses - qui
rentrent pour nous dans le cadre des céphalées cervicales sont déclenchées
éventuellement par des facteurs psychiques et d'autres enfin qui sont
purement cervicales niais où l'inefficacité des traitements entrepris, la
persistance des crises inquiètent le patient. Il nous est facile de nous
convaincre de ce point de vue en considérant les nombreux patients que nous
avons peu examiner et qui avaient été soigneusement expertisés dans des
services de neurologie. Ils étaient souvent porteurs de lettre où la
céphalée était qualifiée de "psychogène" ou de "vasculaire". Les traitements
entrepris avaient été des échecs. Or ces céphalées répondaient aux critères
décrits ci-dessus et étaient rapidement et durablement soulagées par le
traitement cervical.
VII) Etude statistique
Sur 200 cas de céphalées communes
vues en consultation durant depuis plus de deux ans et présentant au moins
une crise par mois, et qui ne pouvaient être rapportées à aucune cause
organique, nous avons retrouvé dans 162 cas les critères de céphalée
cervicale tels que nous venons de les décrire. C'est à dire :
-
L'existence d'une sensibilité
C2-C3 à la palpation (habituellement unilatérale) ;
-
Un des signes suivants (du
même côté) : pincé-roulé douloureux du sourcil (PRS) du même côté (130
cas) ; pincé-roulé de la peau de l'angle de la mâchoire (PRM) du même
côté (44 cas) ; signe du shampooing (Sh) sur l'hémi-partie postérieure
du crâne du même côté (55 cas).
Ces signes étaient isolés dans 102 cas, soit : "pincé roulé du sourcil (PRS)
75 cas, "signe du shampoing" (Sh) 17 cas, "pincé roulé douloureux de la peau
de l'angle de la mâchoire (PRM) 10 cas. Ils étaient associés dans 60 cas : -
dans 45 cas, le PRS était associé avec l'un ou les autres signes :- dans 18
cas avec le signe du "shampooing"- dans 16 cas avec le P.R.M.- dans 9 cas
avec les deux- dans 15 cas il n'y avait pas de PRS, niais association PRM et
signe du «shampooing».
Pendant les crises la douleur spontanée était essentiellement fronto sus
orbitaire ou retro orbitaire dans 110 cas (68%), occipitale dans 35 cas
(20%), temporo maxillaire dans 47 cas (9%)
VIII) Traitement
C'est le traitement qui par son
succès apporte finalement la confirmation de l'origine cervicale.
1) Manipulation
Le traitement de choix est la
manipulation cervicale, à condition qu'elle ne soit pas contre-indiquée par
l'état du rachis ou l'état vasculaire, qu'elle soit techniquement possible
en respectant strictement ses règles d'application (la règle de la non
douleur) et qu'enfin elle soit exécutée par un praticien très entraîné.
Véritable preuve expérimentale
d'ailleurs, ces céphalées cervicales sont une des conséquences courantes des
manipulations cervicales mal faites. Dans un cas de céphalée cervicale, la
manipulation faite dans le bon sens soulage et guérit, faite dans le mauvais
sens elle aggrave. La manipulation est généralement faite en rotation et en
latéro-flexion. le sens droit ou gauche étant déterminé par l'application de
la "règle de la non-douleur" (fig. 6). Deux à cinq séances sont nécessaires
selon les cas. Dès les manoeuvres, l'effet temporaire sur la douleur au
pincé-roulé du sourcil permet de faire un pronostic. Une réaction est
fréquente (35 % des cas) après la première séance. Rappelons que la
manipulation n'a d'intérêt et n'est sans risque que si elle est bien faite.
Pour répondre à une critique, nous rappellerons que les manipulations sont
utilisées depuis 22 ans dans notre service de l'Hôtel-Dieu où elles sont
d'ailleurs enseignées. Près de 100000 manipulations y ont été faites sans
le moindre incident sérieux. Ajoutons que la plupart des médecins qui
travaillent dans le Service ont en outre une activité privée. Il ont réalisé
à eux tous plusieurs centaines de milliers de manipulations sans incident. A
condition d'être utilisées par des médecins compétents en ce domaine (entraînement
long nécessaire), ces thérapeutiques ont moins de risques que la plupart des
thérapeutiques courantes.
.
Fig. 6
: manipulation en rotation
2) Infiltration
articulaire postérieure C2-C3
Nous l'utilisons si la
manipulation est contre-indiquée. Nous l'employons aussi pour compléter un
traitement par manipulation si celui-ci ne fait pas disparaître complètement
la sensibilité articulaire postérieure C2-C3, même si l'effet est bon sur la
céphalée et le pincé-roulé du sourcil. Elle sera bien entendu le traitement
utilisé par ceux qui ne savent pas manipuler. Le patient est assis sur un
tabouret et appuie sa tête sur une table face à lui. On injecte au niveau du
point articulaire postérieure C2-C3 douloureux, à 1 centimètre environ en
dehors de l'épineuse de C2 facilement repérable (fig. 7). L'infiltration
sera faite avec un 1/4 ml d'un dérivé cortisoné. L'injection doit être fait
strictement au contact osseux, après avoir vérifié par aspiration l'absence
de sang ou de liquide. Si ces conditions sont respectées, le risque est nul.
Fig. 7 : infiltration C2-C3
3) Autres traitements
Le massage des plans cutanés de
lit nuque, s'ils sont épaissis par une cellulite, peut être un complément
utile. Il faut enseigner au patient à éviter les rotations extrêmes du cou (marche
arrière prolongées un auto par exemple). Dans les cas de céphalées matinales,
il faut faire enlever le traversin éventuel, modifier l'oreiller, si le
patient dort sur le ventre, cela implique une rotation extrême du cou
génératrice de céphalée du réveil.
IX) Résultats
Les résultais de ces traitements sont excellents, mais il faut savoir
qu'après le traitement d'attaque comportant 2 à 6 traitements espacés d'une
semaine (manipulation ou infiltration, ou les deux associés), il sera
préférable - même en cas de résultat excellent- de revoir le patient au bout
de 3 ou 4 mois. Même s'il n'y a plus de céphalée, mais s'il persiste une
sensibilité C2-C3, il est bon de faire une séance d'entretien 1 ou 2 fois
l'an dont le besoin ira en s'espaçant. Sur les 162 cas que nous avons
retenus pour cette étude, les résultats ont été les suivants (recul de 6
mois à 3 ans) : Disparition totale des céphalées : 98 cas, très nette
amélioration (en fréquence et en intensité) : 40 cas, sans changement : 16
cas. Parmi les 98 cas complètement soulagés : 12 ont été soulagés dès le
premier traitement, 20 dès le second traitement, 36 après le troisième
traitement, 16 ont été soulagés après le quatrième traitement, 12 ont été
soulagés après le cinquième traitement, 4 ont été soulagés après le sixième
traitement.
Parmi ces 98 cas, 42 ont eu une
séance d'entretien 1 à 3 fois par an. 62 ont été traités par manipulations
seules, 21 par manipulations et infiltrations et 15 par infiltrations.
Centre de rééducation,
Hôtel-Dieu, Paris
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