Annales Médecine Physique 1976;19:416-34
Un signe évocateur et inattendu de céphalée cervicale
La douleur au pincé-roulé du
sourcil
R
Maigne
|
Résumé.
L'auteur affirme l'origine cervicale fréquente des céphalées communes.
Celles ci sont le plus souvent sus-orbitaires et
unilatérales, toujours situées du même côté pour le même patient. Elles
peuvent se bilatéraliser avec l'évolution. Il décrit
un signe qui lui parait très évocateur des céphalées cervicales : la
manœuvre du « pincé-roulé du sourcil » qui est douloureuse du côté de la
céphalée habituelle. Il existe aussi une sensibilité
exquise à la palpation de l'articulation interapophysaire C2-C3 du même côté
que la céphalée. L'infiltration anesthésique de cette
articulation fait aussitôt disparaître le signe du « pincé-roulé douloureux
du sourcil ». Ce signe n'existe pas dans les
céphalées d'autre origine. Le
déclenchement des crises de céphalées peut être postural ou dû à un facteur
surajouté digestif, gynécologique, psychique, etc., auquel on attribue
généralement à tort l'origine de la céphalée.
Le seul traitement efficace est le traitement cervical :
manipulation ou infiltrations cortisonées de l'articulation C2-C3 sensible
responsable.
A
new and unexpected sign of headaches of cervical origin: tenderness to skin
rolling of the eyebrow.
Common headaches are very often of cervical origin. The
headaches of cervical origin have always the same topography for a given
patient. They are more often localized in the
supra-orbital region, generally on one side. The
author describes the sign of the Painful skin rolling test of the eyebrow
which is tender on the side of the headache, even between the attacks.
Palpation of the cervical spine reveals precise tenderness
over the C2-C3 posterior facets on the same side.
There are no specific positive X-Ray findings. After Procaine block of this
facet, the skin rolling test of the eyebrow becomes painless.
For the author this sign is typical of headaches of cervical
origin. Certain positions of the neck during the night or at work may cause
these headaches, or they may be triggered off by additional factors of
physical or psychological origin. The treatment involves manipulation of
the spine, when it can be performed or cortisone injection in the cervical
facet C2-C3.
Les céphalées
cervicales ne sont pas inconnues. Mais elles sont classiquement considérées
comme rares. Nick étudiant 2350 cas de céphalées vus en consultation externe
("patients venus sur leurs pieds") dans un service de neurologie, évoque
cette étiologie dans 50 cas et pense ne pouvoir la retenir d'une manière
certaine que 12 fois. Par contre, 1220 cas sont classés comme symptomatiques
d'une affection psychique. Wolf attribue une origine psychique à 80 % des
céphalées communes.
Nous
pensons, au contraire, que les céphalées cervicales sont d'une extrême
fréquence et qu'un traitement régulièrement et rapidement efficace peut leur
être opposé.
La raison de
cette divergence d'opinion est due à la méconnaissance de la cause
essentielle des algies vertébrales communes : « le Dérangement
intervertébral mineur ». Nous ne ferons que rappeler que nous désignons
ainsi la souffrance isolée d'un segment vertébral, souvent réversible par un
traitement approprié. Ce « dérangement intervertébral » est indépendant de
l'état radiologique du segment considéré qui peut être normal ou arthrosique.
Il constitue une espèce d'entorse aiguë ou chronique d'un segment vertébral
d'origine traumatique, statique ou postural. La souffrance d'une
articulation interapophysaire en est l'un des signes les plus habituels.
Nous en avons décrit les signes dans un article précédent (7).
Les céphalées
cervicales sont pour la plupart la conséquence d'un dérangement
intervertébral C2-C3 et présentent un tableau clinique stéréotypé. On
retrouve toujours à l'examen les mêmes signes, notamment celui que nous
proposons de décrire ici : « la douleur au pincé-roulé du sourcil ». Il faut
donc revenir sur des notions classiques mais fausses.
- Il n'est pas
vrai que les céphalées cervicales soient rares.
- Il n'est pas
vrai qu'une céphalée cervicale soit seulement à topographie occipitale.
Elles sont pour la plupart sus-orbitaires.
- Il n'est pas
vrai qu'il faille exiger des lésions radiologiques importantes ou une nette
limitation douloureuse du cou pour être en droit de considérer l'origine
cervicale possible d'une céphalée.
Il faut au
contraire savoir :
- Que l'examen
clinique et radiologique classique du rachis cervical est généralement
normal. C'est sur une sémiologie plus fine que se fait le diagnostic.
- Que si la
céphalée cervicale a souvent un déclenchement postural celui ci peut être le
fait d'un facteur complémentaire : digestif, gynécologique, psychique, etc.
- Que la
céphalée cervicale suit toujours le même schéma, et qu'elle prend parfois un
caractère vasculaire et même migraineux.
De toute façon,
le seul traitement efficace est le traitement cervical. Toutefois, il ne
faudrait pas se laisser entraîner, même si on retrouve les signes décrits ci-après,
à ne considérer que la composante cervicale d'une céphalée. Toute céphalée,
surtout si elle est récente, implique un examen complet et approfondi,
d'autant qu'une céphalée symptomatique d'une affection grave peut survenir
chez un patient souffrant de céphalées cervicales anciennes et bénignes.
I) Caractères de la céphalée cervicale
Nous ne ferons
que rappeler brièvement les caractères essentiels de ces céphalées
cervicales. Nous les avons déjà décrits, à l'exclusion du signe du « pincé-roulé
douloureux du sourcil », dans un précédent article paru dans cette même
revue (6).
1) Topographie
La céphalée
cervicale a une topographie le plus souvent sus-orbitaire, parfois
occipito-sus-orbitaire, plus rarement occipitale. Elle est unilatérale au
début de son évolution ; elle peut se bilatéraliser avec le temps, mais
généralement un côté domine. Cette topographie est fixe tout au long de
l'évolution des crises, le patient présentant une céphalée cervicale a
toujours une céphalée droite ou gauche et non pas alternativement droite et
gauche (fig. 1).
Figure
1 : La céphalée occipito-sus-orbitaire
d'origine cervicale. Souvent seulement sus-orbitaire, unilatérale au début
de l'évolution, toujours du même côté, lors des différentes crises, elle
peut se bilatéraliser avec le temps.
2) Examen
L'examen
clinique met en évidence les signes essentiels :
-
La
sensibilité de l'articulation C2-C3 du côté de la céphalée.
-
La
sensibilité au pincé-roulé du sourcil du même côté. Il faut y ajouter un
test-preuve :
-
La
disparition immédiate de la sensibilité du pincé-roulé du sourcil si
l'on fait disparaître la sensibilité de l'articulation C2-C3 par
infiltration ou manipulation.
Si cette
indolence persiste, ce qui est le cas le plus fréquent après quelques
traitements, même parfois après le premier, le patient est guéri de ses
céphalées qui pouvaient durer depuis 10 ou 20 ans et constituer parfois une
gêne sérieuse.
a)
Recherche de la sensibilité de l'articulation interapophysaire C2-C3.
On la recherche
sur le patient couché sur le dos, le cou bien relâché. La pulpe du médius de
l'opérateur glisse lentement le long de la gouttière paravertébrale (fig.
2). Le médius gauche explore la gouttière gauche et le droit la gouttière
droite. L'examen se fait de bas en haut de C7 à la zone sous-occipitale. A
chaque centimètre, le doigt s'arrête et exécute un petit mouvement
longitudinal de friction profonde pour mieux palper la colonne des
articulations postérieures (fig. 2). Cette manœuvre peu appuyée va révéler
une vive sensibilité en un point précis de la région sous occipitale au
niveau de l'articulation C2-C3. Celle ci est la plus haute articulation
cervicale palpable dans cette position. Dans les cas anciens, les plans
cutanés sous-occipitaux du même côté peuvent aussi être sensibles ou même
douloureux et infiltrés à la manœuvre du palpé-roulé. Cette manœuvre est
indolore du côté opposé, sauf en cas de bilatéralité de la céphalée.
Figure
2 : Recherche du point articulaire
postérieur. La pulpe du médius explore la région sous-occipitale. Il est
facile de palper l'articulation C2-C3. Elle est très sensible du côté de la
céphalée habituelle. En outre, on peut noter parfois une infiltration
cellulalgique des plans cutanés sous-occipitaux et une tension unilatérale
des muscles paravertébraux et sous-occipitaux, dans les cas anciens.
Figure 3 : La peau du sourcil pincée et roulée entre pouce
et index est épaissie et très sensible du côté de la céphalée habituelle. Ce
signe est caractéristique d’une origine cervicale (Maigne).
b) La
manoeuvre du pincé-roulé du sourcil
Nous décrivons
ici pour la première fois ce signe que nous recherchons depuis des années et
dont nous avons pu constater sur des centaines de cas la fidélité. On prend
entre pouce et index la peau du sourcil et on la fait rouler comme on le
ferait d'une cigarette en pinçant légèrement. La manœuvre est très sensible
du côté de la céphalée habituelle ; elle ne l'est pas de l'autre. Elle est
douloureuse des deux côtés si la céphalée est bilatérale, mais alors la
sensibilité articulaire postérieure l'est aussi. Sensibilité articulaire
postérieure C2-C3 et pincé-roulé douloureux du sourcil sont permanents. Ils
persistent en dehors des crises, même si celles ci sont espacées. De plus la
peau du sourcil est plus épaisse du côté douloureux, et moins souple.
II) Preuve de l'origine cervicale
L'infiltration
anesthésique ou cortisonée qui fait disparaître la douleur à la pression de
l'articulation C2-C3 fait en quelques instants disparaître aussi la
sensibilité au pincé-roulé du sourcil: la manœuvre devient indolore (fig.
4). La peau qui paraissait épaissie, devient souple. A l'inverse,
l'infiltration de quelques gouttes d'une solution hypersaline faite au
contact de l'articulation, après anesthésie de la peau, déclenche la douleur
sus-orbitaire et augmente la sensibilité du pincé-roulé du sourcil. Le même
effet peut être obtenu par la manipulation cervicale. Celle ci fait
disparaître la sensibilité articulaire C2-C3 ce qui peut être immédiat ;
elle fait aussitôt disparaître la sensibilité au pincé-roulé douloureux du
sourcil (fig. 5). A l'inverse, la manipulation maladroite, ou faite dans le
mauvais sens, qui augmente la sensibilité articulaire postérieure C2-C3
augmente la sensibilité au pincé-roulé du sourcil et peut déclencher une
violente céphalée.
Figure 4 :
L'infiltration de l’articulation C2-C3.On enfonce l'aiguille
perpendiculairement aux plans cutanés, à 1 centimètre dehors de l'épineuse
de C2. On recherche le contact osseux. On infiltre strictement au contact
osseux, après avoir vérifié par aspiration l'absence de sang ou de liquide.
Figure 5 : Manipulation cervicale
supérieure en rotation : une des manœuvre
habituellement utilisées.
La manipulation
ne peut être pratiquée que toutes précautions étant prises sur sa
possibilité et son innocuité (test de postures). Elle doit être exécutée
selon la Règle de la non-douleur.
III) Expérimentation
1) Matériel et méthode
Nous avons
étudié un échantillonnage randomisé de 50 cas de céphalées durant plus de
deux ans et où le patient présentait :
Nous avons effectué une infiltration, anesthésique
dans les premiers cas, puis cortisonée par la suite, de
l'articulation,C2-C3, sensible, dans le but d'obtenir l'indolence de cette
articulation.
AVERTISSEMENT : les injections d’anesthésiques local au contact du rachis
cervical sans controle radiologique sont maintenant formellement contre
indiquées en raison du risque de passage de l’anesthésique dans le liquide
céphalo-rachidien (SOFMMOO).
2) Résultats
-
Dans 43 cas,
nous avons pu obtenir l'indolence C2-C3 par l'infiltration. La
sensibilité au pincé-roulé du sourcil a disparu tantôt instantanément,
tantôt en quelques minutes. A signaler que dans certains cas (10),
l'effet a été définitif, et la céphalée habituelle a été guérie dès ce
premier traitement.
-
Dans 4 cas,
l'infiltration a fait disparaître la sensibilité C2-C3, mais n'a fait
que diminuer la sensibilité au pincé-roulé du sourcil sans la faire
disparaître.
-
Dans 3 cas,
l'infiltration n'a guère modifié la sensibilité C2-C3 et l'effet a été
nul sur le pincé-roulé du sourcil.
Simultanément,
nous avons recherché sur 50 patients ne souffrant pas de céphalées ou de
signes de la série cervicale (pseudo-vertiges, acouphènes, etc.) l'existence
d'une nette sensibilité C2-C3 isolée.
Nous l'avons
retrouvée dans 8 cas sur 50 patients, mais modérée. Dans 6 cas, elle était
unilatérale. Dans 2 cas, elle était bilatérale.
Dans les 42 cas où il n'y avait pas de sensibilité
C2-C3 nous n'avons pas retrouvé de sensibilité au pincé-roulé du sourcil.
Dans les 6 autres cas, il y avait dans 4 cas une sensibilité légère ou
moyenne à la manœuvre du sourcil. Il est intéressant de noter que deux de
ces patients avaient eu dans le passé des céphalées qui avaient disparu
depuis plusieurs années.
Dans ces 4 cas,
nous avons fait une infiltration anesthésique de l'articulation C2-C3
sensible et dans 3 cas il y a eu disparition complète du signe du sourcil,
et aucun changement dans 1 cas.
Expérimentalement et cliniquement, il y a donc un lien étroit entre le
rachis cervical supérieur et la zone sourcilière. La sensibilité de
l'articulation C2-C3 s'accompagne presque toujours d'une sensibilité plus ou
moins vive au pincé-roulé du sourcil du même côté. A l'inverse, nous n'avons
pas trouvé de sensibilité au pincé-roulé du sourcil sans sensibilité C2-C3
du même côté. Dans tous les cas, la disparition de cette sensibilité par
infiltration ou manipulation entraîne aussitôt une disparition une forte
diminution de la sensibilité du sourcil au pincé-roulé. Selon les cas, le
résultat obtenu est transitoire ou durable.
Le point
important est de bien savoir rechercher cette sensibilité C2-C3 par une
palpation méthodique, lente, comparative et attentive.
3) Cette sensibilité au
pincé-roulé du sourcil est elle pathognomonique de la céphalée cervicale ?
Ce signe nous
paraît être le témoignage habituel de la céphalée cervicale commune. Mais
nous ne pouvons affirmer sa spécificité. L'irritation des mêmes voies de
transmission par d'autres facteurs intra ou extra-crâniens peut évidemment
avoir les mêmes conséquences. Mais en pratique, dans la quasi totalité des
cas, l'origine est cervicale. Exceptionnellement, celle ci peut ne pas être
bénigne : une affection inflammatoire, infectieuse, malformative, tumorale
du rachis cervical supérieur peut provoquer une irritation suivant le même
schéma. Cela souligne la nécessité d'un examen complet et attentif devant
toute céphalée qu'il ne faut se hâter ni de qualifier de psychique ni de
qualifier de cervicale mécanique.
Nous avons
recherché ce signe dans des cas où la céphalée n'était pas d'origine
cervicale : c'est le cas de la migraine vraie, à crises tantôt droite,
tantôt gauche, ou des céphalées des sinusites ou des céphalées
d'hypertension par exemple. Nous n'avons pas retrouvé le signe du sourcil
dans de tels cas lorsqu'il n'y avait pas de sensibilité articulaire C2-C3.
Mais il peut y avoir coexistence d'une céphalée cervicale banale et d'une
autre céphalée, la première s'accompagnant d'un signe du sourcil, l'autre
non. Cela est fréquent chez certains migraineux qui différencient bien deux
types de crises, leur « migraine » et leur « mal de tête ». Dans ces cas, on
trouve le signe du sourcil et la douleur C2-C3. Le traitement cervical peut
faire disparaître « le mal de tête » ainsi que le signe du pincé-roulé
douloureux du sourcil. Mais il ne modifie pas les migraines.
Il en va de même
pour les patients atteints de sinusite. Le pincé-roulé douloureux du sourcil
apparaît donc fortement évocateur d'une origine cervicale qu'il faut
rechercher.
IV) Manifestations accompagnant parfois les
céphalées cervicales
Une céphalée
cervicale, telle que nous venons de la décrire, peut s'accompagner parfois
de sensations vertigineuses, d'acouphènes, voire de troubles laryngés ou de
fatigabilité visuelle. Cette association sur laquelle Barré a eu le mérite
d'attirer l'attention est actuellement l'objet de discussion pathogéniques
intéressantes, mais qui masquent par trop le mérite de cet auteur qui avait
parfaitement reconnu l'origine cervicale et bénigne de ces manifestations
(le syndrome de Barré Liéou).
Elles
vont répondre favorablement au même traitement cervical que les céphalées,
sauf les acouphènes qui sont plus rarement influencés. Nous ne pouvons donc
les dissocier complètement de la discussion.
Certains auteurs
attribuent toutes ces manifestations à une insuffisance vertébro-basilaire
fruste. Il est connu qu'elles peuvent en être les premiers signes, mais dans
ces cas, le tableau clinique se complète avec l'évolution et des
manifestations plus lourdes et plus significatives apparaissent. Comment
invoquer un tel mécanisme lorsque les symptômes durent depuis 20 ans ou plus
sans avoir changé de caractère ? Comment expliquer le succès très régulier
(les échecs sont rares) du traitement cervical bien conduit. En serait il
ainsi s'il s'agissait d'une insuffisance vertébro-basilaire fruste ? Il faut
ajouter les cas de plus en plus nombreux de patients chez lesquels nous
avons pu reconnaître et traiter l'origine cervicale de la céphalée et qui
avaient eu des artériographies parfaitement normales. Certains en avait même
eu à deux reprises. L'observation no 3 en est un exemple. Elle est loin
d'être isolée.
A l'inverse, il
va sans dire qu'il ne faudrait pas, jouant de l'argument de fréquence,
méconnaître l'origine vertébro-basilaire de troubles qu'on attribuerait trop
facilement et trop uniquement à un dérangement cervical mineur, et du risque
que constituerait alors un traitement par manipulation.
V) Mécanisme
Quelle
explication peut on avancer pour rendre compte du lien entre le rachis
cervical et la région sus-orbitaire ?
La zone
sus-orbitaire est la zone de projection de nombreuses structures de
l'endocrâne. Penfield a proposé la section du contingent ophtalmique du V
dans ce qu'il appelle la « céphalée durale ». Mais nous nous trouvons dans
le cas des céphalées cervicales devant un tableau très particulier où la
clinique quotidienne et des tests simples montrent la liaison directe entre
rachis cervical et la douleur sus-orbitaire qu'objective le signe « du
pincé-roulé douloureux du sourcil ».
On peut avancer
deux hypothèses :
-
Le noyau
gélatineux du trijumeau descend très bas et est en continuation avec les
cordons postérieurs de la moelle. Ainsi des filets de Cl-C2 et même C3
participent au contingent ophtalmique du trijumeau. Il est généralement
admis que les fibres véhiculant les sensations douloureuses ont une
projection basse dans la partie inférieure du noyau gélatineux au niveau
des deux premiers segments médullaires. De plus l'opinion la plus
répandue est que les fibres ophtalmiques se projettent dans la partie la
plus inférieure du noyau. Cette explication est séduisante. Mais elle ne
rend pas compte du caractère nettement vasculaire de certaines céphalées
qui présentent exactement les mêmes signes « : pincé-roulé douloureux du
sourcil » et sensibilité articulaire postérieure de C2-C3 du même côté
que la céphalée habituelle. Dans ces cas aussi le traitement cervical
fait disparaître le « signe du sourcil » et la céphalée.
-
Il faut donc
envisager un mécanisme vasculo-sympathique. On sait que la carotide
interne dans son segment intra-crânien reçoit du pôle supérieur du
ganglion cervical supérieur deux nerfs qui s'anastomosent en plexus et
se distribuent aux collatérales et terminales de cette artère, donc à
l'artère sus-orbitaire qui sort par le trou sus-orbitaire. Or le
ganglion cervical supérieur est relié par des rameaux communicants aux
nerfs rachidiens C1, C2 et C3.
Il est possible
que les deux mécanismes, trigéminal et vasculo-sympathique, coexistent.
L'explication est peut être autre, mais les faits demeurent : le lien entre
le rachis cervical supérieur et la zone sourcilière.
VI) Autres céphalées cervicales
Qu'elles soient
associées à une céphalée sus-orbitaire, ou qu'elles soient isolées, on peut,
beaucoup plus rarement il est vrai, rencontrer deux autres types de céphalée
cervicale
1) La névralgie d'Arnold
Soit dans sa
très rare forme aiguë classique, soit plus souvent sous une forme moins
spectaculaire et plus chronique, elle est occipitale, généralement
unilatérale, occupant l'hémicrâne postérieur jusqu'au vertex. On trouve ici
aussi une souffrance articulaire C2-C3 et une infiltration cellulalgique
sous-occipitale du même côté (fig. 6a).
Nous y ajoutons
un autre signe : le « plissement douloureux du cuir chevelu » du côté de
l'hémicrâne. Ce signe, comme celui du pincé-roulé du sourcil, existe en
dehors des crises.
2) La névralgie C3 (ou
névralgie de l'auriculo-temporal)
La céphalée est
occipitale, irradie au lobule de l'oreille et à l'angle de la mâchoire. Elle
est isolée ou accompagne une céphalée sus-orbitaire. Elle doit être
différenciée du syndrome de Costen (douleurs provoquées par un trouble de
l'articulé dentaire qui fait souffrir l'articulation temporomaxillaire).
Figure 6 :
Deux autres types de
céphalées d'origine cervicale
(beaucoup
moins fréquents que la céphalée sus-orbitaire).
A) Névralgie d'Arnold.
B) Névralgie de
l'auriculotemporal (C3).
Il peut s'agir
de formes aiguës, mais la forme chronique est plus fréquente. Nous avons
noté dans ces cas un signe qui là nous paraît être spécifique : la vive
sensibilité des plans cutanés de l'angle de la mâchoire au pincé-roulé (fig.
7).
L'examen
cervical révèle une sensibilité articulaire postérieure C2-C3 ou C3-C4. La
radio, souvent normale, montre parfois une arthrose articulaire postérieure.
Là encore le traitement cervical fait disparaître le plus souvent douleur
habituelle et signes d'examen.
Figure 7 : Le pincé-roulé de l'angle de la mâchoire. Ce
territoire cutané correspond à une innervation C3.
VII) Déclenchement des crises
Chez un
céphalalgique habituel, le facteur cervical est permanent. On le retrouve
même en dehors des crises, de même que le pincé-roulé douloureux du sourcil.
Les crises peuvent être fréquentes ou rares, sévères ou légères. Parfois,
elles apportent un handicap sérieux au patient ; ailleurs, elles ne sont
qu'une gêne occasionnelle.
-
Le facteur déclenchant est fréquemment postural. Ce peut être la nuit
par mauvaise position du cou sur l'oreiller (sujets dormant sur le
ventre) ou par certaines positions de travail qui augmentent le
dérangement intervertébral.
-
Un
refroidissement de la nuque, un courant d'air sur le cou peut aussi
déclencher la crise.
-
Il peut
s'agir d'un facteur gynécologique, digestif, psychique ou autre auquel
on attribue à tort la responsabilité totale de la céphalée, alors que le
traitement cervical sera seul durablement efficace.
-
Il peut
s'agir de sujets dont le seuil de tolérance est très bas. La plus légère
dysfonction articulaire est perçue alors qu'elle ne l'est pas lorsque
l'état psychique est bon. C'est le cas des petits déprimés ou des petits
anxieux, des spasmophiles, etc.
Nous ne nous
étendrons pas sur les trois premiers facteurs, mais nous sommes obligés
d'être un peu plus explicite sur le dernier : le facteur psychique.
Car il est bien évident que le plus grand nombre des céphalées que nous
classons et traitons, avec efficacité, comme d'origine cervicale, sont
classées par la plupart des auteurs, comme psychogéniques. Le facteur
psychique a été mis en vedette par la plupart des auteurs qui fixent à 80 ou
même 90 % le nombre des céphalées d'origine psychique (80 % Pour Wolf et
Wolff, 52 % pour Nick).
Il nous semble
que ces auteurs attribuent à l'origine psychique d'une part des céphalées
vraiment psychogènes, d'autres, nombreuses, qui sont cervicales d'origine et
qui sont déclenchées éventuellement par des facteurs psychiques, et d'autres
enfin qui sont purement cervicales mais où l'inefficacité des traitements
entrepris, la persistance des crises, inquiètent le patient.
Il nous est
facile de nous convaincre de ce point de vue en considérant les nombreux
patients que nous avons pu examiner et qui avaient été soigneusement
expertisés dans des services de neurologie. Ils étaient souvent porteurs de
lettres où la céphalée était qualifiée de « psychogène », ou de « vasculaire
». Les traitements entrepris avaient été des échecs. Or ces céphalées
répondaient aux critères décrits ci dessus et étaient rapidement, et
durablement, soulagées par le traitement cervical. Toutes les tensions
musculaires de la nuque ne sont pas d'origine psychique. Et si le « Syndrome
d'Atlas », d'Alajouanine et Nick se rencontre peut être couramment dans les
services de psychiatrie, il n'est pas si fréquent dans les consultations
tout venant.
La contracture,
surtout si elle est unilatérale, est en règle d'origine mécanique. Mais elle
peut être aggravée par un état anxieux ou dépressif.
L'examen
attentif du rachis cervical et la recherche du signe du pincéroulé du
sourcil nous amènent à être très sceptiques sur l'origine psychique
habituelle des céphalées communes. Ce diagnostic cache le plus souvent
l'ignorance du médecin des problèmes de la pathologie mécanique mineure du
rachis. Il ne verra que l'état psychique du petit anxieux et lui attribuera
la responsabilité de la céphalée.
Mais ce serait
une erreur aussi sérieuse que de méconnaître l'effet potentialisateur de ces
états psychiques et de ne pas les traiter lorsqu'ils le méritent. Ils ne
créent pas le symptôme. Ils permettent son déclenchement et en amplifient
les conséquences.
D'ailleurs ces patients qui ont rencontré sur leur chemin neurologues ou
psychiatres n'ont tiré le plus souvent qu'un bénéfice léger, nul ou
transitoire de leurs soins. Il en va tout autrement du traitement cervical
lorsqu'il est indiqué. Le soulagement est rapide, et est durable. Les
résultats sont réguliers. De plus, nous l'avons vu, le facteur psychique
n'est pas le seul facteur déclenchant possible ; les règles, un épisode
digestif peuvent l'être aussi. Et pourtant, il suffit généralement de
supprimer le facteur cervical pour faire disparaître les crises, même si
l'état gynécologique ou digestif reste inchangé.
Il existe certes
des échecs car on ne peut prétendre, même quand on en a fait le diagnostic,
pouvoir faire disparaître à tout coup toute souffrance articulaire même
mineure. Elles sont souvent favorisées par des
habitudes posturales défectueuses (sujets qui dorment
sur le ventre ou des oreillers mal adaptés), parfois par des conditions de
travail peu modifiables, ou par un état articulaire vulnérable (arthrose,
entorse, etc.).
Certains
seront très tentés de nous dire que traitant le rachis cervical, nous
faisons simplement une psychothérapie. Sans souligner combien il nous serait
flatteur d'être en ce domaine plus régulièrement efficace que les
psychothérapeutes patentés dans leur propre domaine, il nous faut
malheureusement ajouter que si la manipulation est faite dans le mauvais
sens, ce que ne peut savoir le patient, elle aggrave notablement la céphalée
ou la produit d'une manière quasi expérimentale avec toutes ses
caractéristiques.
Lorsque la part
de l'élément psychique est évidente, son importance est à déterminer dans
chaque cas. Si la disparition du point d'appel cervical soulage parfaitement
le patient de sa céphalée, c'est que l'état psychique n'est pas dominant. Ce
ne sera pas toujours le cas et parfois seul le traitement des deux facteurs
associés amènera la disparition du symptôme. Ailleurs, il est vain de
traiter le rachis cervical si l'état psychique apparaît être le facteur
dominant. Il ne faut donc pas méconnaître les vraies céphalées de tension.
Mais affirmer
que 80 % des céphalées sont de nature psychique est aussi vrai que
d'affirmer que la glace à la vanille ou le sorbet sont responsables de 80 %
des rages de dents.
VIII) Observations
Bien souvent les
patients que nous avons eus à traiter ne venaient pas nous voir pour leurs
céphalées. Ils avaient consulté dans le passé, mais devant les échecs, ils
avaient appris à vivre avec. Certains étaient peu gênés et facilement calmés
par les antalgiques. D'autres savaient que leur céphalée était déclenchée
par un excès alimentaire ou par les soucis. D'autres enfin étaient en
traitement depuis longtemps ailleurs et avaient subi de nombreuses
explorations. Ces patients venaient donc nous consulter pour une douleur
d'épaule, une lombalgie ou une dorsalgie et c'est l'examen systématique et
complet du rachis qui nous montrant une sensibilité articulaire postérieure
C2-C3 et un signe de « pincé-roulé du sourcil » qui nous faisait leur
demander s'ils avaient des céphalées.
« Oui bien sûr
depuis 20 ans, je suis empoisonné par ça, mais il n'y a rien à y faire ;
j'ai tout essayé ». « Oui, depuis un accident de voiture, mais c'est devenu
plus supportable ». « Oui, de temps en temps », etc. Ils étaient tous très
étonnés qu'on puisse leur dire si les crises étaient à droite, à gauche ou
bilatérales... et plus étonnés quand traitant simultanément leur autre
problème articulaire, ils se trouvaient débarrassés de leurs maux de tête en
trois on quatre traitements.
Nous
illustrerons cet exposé de trois observations ; chacune est typique d'une
variété de céphalée cervicale sus-orbitaire.
- La première
observation correspond au plus grand nombre de nos consultants ; c'est la
forme habituelle.
- La deuxième
observation a un caractère vasculaire net, mais ne peut être confondue avec
une migraine. Ces cas sont moins fréquents et représentent environ 10 % des
cas totaux.
- La troisième
a un caractère franchement migraineux et avait reçu l'étiquette de migraine
vraie, dans différents services spécialisés. Ce sont les cas les plus rares
et représentant moins de 5 % de ceux que nous rencontrons. Mais là encore,
il y a fixité dans la topographie de la douleur et des signes d'examen.
Toute migraine qui survient toujours du même côté a une chance d'être
cervicale. Et c'est une quasi certitude si l'on trouve la sensibilité
élective de C2-C3 et le signe du pincé-roulé du sourcil. Il s'agit sans
doute de cas survenant sur un terrain particulier.
Première
observation.
M. P... F., 48
ans, souffre de céphalées très anciennes. Elles étaient rares et peu
gênantes au début ; puis elles sont devenues pénibles depuis deux ans. Sa
céphalée est toujours sus-orbitaire et occipitale droite. Rien ne semble
être spécifiquement déclenchant. Mais elle débute souvent le matin au lit,
la crise dure un jour ou deux. Seul le Pyramidon calme un peu. Il y a 3 à 4
crises par mois. Les explorations faites dans différents services ou
consultations sont toujours négatives sur le plan général et plus
particulièrement neurologique, ORL et ophtalmologique.
A l'examen, le
pincé-roulé du sourcil droit est très douloureux ; il ne l'est pas à gauche.
Il y a une vive sensibilité à la palpation de l'articulation C2-C3 droite.
Les radiographies cervicales sont normales. Quelques minutes après la
première manipulation, on note la diminution de la sensibilité au
pincé-roulé du sourcil. Après trois séances faites à huit jours d'intervalle,
on constate une disparition totale de la douleur au pincé-roulé et aussi de
la douleur articulaire postérieure C2-C3 et le patient n'a plus de céphalées.
Il y a une légère reprise quatre mois plus tard. Une seule manipulation
remet les choses en ordre. Revu un an plus tard, il n'a jamais resouffert.
Cette
observation est typique de celles qui se rencontrent avec quelques variantes
tous les jours. Il est parfois nécessaire de faire une séance de
manipulations ou une infiltration à titre de rappel deux ou trois fois par
an, pendant un an ou deux, dans les cas anciens.
Deuxième
observation
Mme F.C, 38 ans, secrétaire, a des céphalées
sus-orbitaires droites depuis l'enfance. La première crise dont elle se
souvient date de l'âge de 7 ans. Les crises se sont rapprochées elle a subi
différentes investigations dans des services de neurologie et de médecine
générale La crise s'accompagne de nausées et parfois de vomissements
lorsqu'elle est violente. Le vomissement ne termine pas la crise, qui dure
21 à 48 heures et l'handicape considérablement dans sa vie. Si elle fait une
injection de dihydroergotarnine au début d'une forte crise, celle ci apporte
un net soulagement.
Par contre, la
dihydroergotamine est sans action sur le fond douloureux quotidien. Elle
fait depuis 20 ans une consommation effrayante de Pyramidon : 2 à 4
suppositoires par jour et a la chance de n'avoir aucune perturbation de sa
formule sanguine.
A l'examen,
sensibilité exquise de l'articulation C2-C3 droite et signe du « pincé-roulé
du sourcil » droit très fortement positif. Radiographies cervicales
normales. Le test d'infiltration articulaire postérieure C2-C3 amène une
diminution importante de la sensibilité du sourcil au placé-roulé. Après la
deuxième séance de traitement (infiltration cortisonée C2-C3 et
manipulation), net soulagement des céphalées. Après, la troisième séance
disparition des signes d'examen et disparition des céphalées. Le résultat se
maintient excellent depuis huit mois.
Il v a donc dans
cette deuxième observation une note vaso-motrice nette mais moins forte
cependant que dans la troisième observation.
Troisième
observation
On notera ici le
caractère nettement migraineux. Ce sont des cas assez rares mais qui
méritent d'être connus. Ici, tous les neurologues ou allergologues consultés
avaient posé le diagnostic de « migraine vraie ».
M. G. A., 41
ans. Céphalées rebelles à allure migraineuse depuis 10 ans. Il y a 18 ans
accident de voiture avec léger trauma cervical. Elle présente des
cervicalgies pendant un an qui s'accompagnent de céphalées frontales. Celles
ci se calment progressivement au bout d'an an.
Il y a dix ans,
sans cause apparente, elle présente à nouveau des crises de céphalée
frontale toujours gauche, avec une impression de tiraillement
rétro-orbitaire. Ces céphalées s'accompagnent d'une obstruction nasale du
même côté et lorsque la crise est vive, d'une abondante rhinorrhée, tandis
que l'oeil larmoie. Elle cherche le calme, le noir, vomit parfois. Les
crises deviennent très vite quotidiennes. Différents calmants sont essayés
en vain. Après examen ORL et ophtalmologique négatifs, un premier consultant
la met au Niamide pendant un an sans le moindre effet. Dirigée alors sur un
stomatologiste, on enlève une dent de sagesse incluse à gauche. L'avulsion
est sans effet sur les céphalées. Adressée en consultation chez un
neurologue, celui ci pose le diagnostic de migraine vraie. Les différents
essais thérapeutiques : Dihydroergotamine, Gynergène caféiné, Dimétotiazine,
etc., ont un effet nul. Seul le Gynergène à forte dose pris dès la menace de
crise, en association avec du Pyramidon, a parfois un certain effet
atténuateur. Elle est finalement hospitalisée dans un service de Neurologie
où entre autres examens, on fait une artériographie. Celle ci est normale.
La dihydroergotamine est prescrite sans résultat. Les crises s'intensifiant
et l'handicapant considérablement dans sa profession de commerçante, on
l'hospitalise dans un deuxième service de neurologie. Une encéphalographie
gazeuse est pratiquée ; elle est normale. Un troisième neurologue vu en
ville,éminent spécialiste des céphalées, demande un bilan allergique. Les
tests sont positifs aux moisissures et à la poussière. Un an de
désensibilisation n'influence pas la migraine qui garde tous ses caractères.
Elle a alors recours à un guérisseur ; il conseille des bains de mains avec
des plantes et des bains de siège... Cela reste sans effet... Elle consulte
alors dans un autre service de neurologie On confirme le diagnostic de
migraine. On institue un traitement au méthysergide qui apporte une légère
amélioration , une urographie de contrôle est faite tous les six mois. La
troisième montre un début de fibrose rétropéritonéale et oblige à l'arrêt du
traitement.
Elle part alors
en vacances et son médecin généraliste la remet alors au pyramidon à forte
dose qui seul la soulage un peu. Au retour, elle consulte dans le même
Service de Neurologie. Devant tous ces échecs on lui explique que tous ses
ennuis sont sans doute psychiques. On trouve une raison à cela dans la
présence de sa mère au foyer, avec laquelle pourtant, elle ne pense avoir
aucun problème majeur. Un concours de circonstances fait que sa mère doit
partir. Mais cela n'influence en rien les maux de tête... C'est alors qu'un
nouveau médecin consulté pendant des vacances dans le sud-ouest nous
l'adresse.
Il s'agit d'une
femme qui ne petit à aucun prix arrêter son travail (commerce) et qui est
très handicapée par des crises quasi quotidiennes.
La topographie
fixe, toujours gauche, la négativité des examens, conduisent à examiner avec
attention le rachis cervical. On a déjà fait des clichés mais ceux ci étant
normaux, on a éliminé celle étiologie. La palpation de la région
sous-occipitale, la patiente étant allongée sur le dos, révèle une très vive
sensibilité de l'articulation interapophysaire C2-C3 gauche. Cette pression
reproduit même ici l'irradiation rétro-orbitaire ressentie lors des crises.
A droite et au dessous, tout est normal. La palpation des plans cutanés
sous-occipitaux gauches les montre épaissis, infiltrés et très sensibles dès
qu'on ébauche une manœuvre de pincé-roulé. La manoeuvre du « pince-roulé du
sourcil » à droite est indolore mais à gauche le pli est épaissi, infiltré
et très douloureux.
Un test
thérapeutique est aussitôt pratiqué ; l'infiltration de l'articulation
interapophysaire C2-C3 à gauche fait nettement diminuer en quelques minutes
la sensibilité au pincé-roulé du sourcil gauche. Un traitement par
manipulation associé à l'infiltration cortisonée de C2-C3 gauche est
pratiqué. Après le troisième traitement, les crises sont plus rares et moins
fortes. Le pincé-roulé est à peine sensible. Après le cinquième, disparition
des céphalées et des signes d'examen. Une reprise se manifeste quatre mois
plus tard après un port de valises. On retrouve le signe du pincé-roulé
gauche et la sensibilité de C2-C3 gauche. Un seul traitement remet les
choses en ordre.
Il s'agit ici
d'une céphalée cervicale à allure migraineuse.
Ces trois cas
que nous avons choisis ne sont que quelques exemples parmi des centaines,
les uns bénins, les autres sévères ; les uns récents et généralement post
traumatiques, les autres anciens, datant parfois de 25 ou 30 ans.
IX) Traitement
Il variera en
fonction de l'état du rachis cervical. Si, compte tenu de celui ci et de
l'état vasculaire du patient la manipulation apparaît possible, elle
peut être le traitement de choix, intéressante par la rapidité et la qualité
des résultats obtenus. Elle est faite dans un seul sens, en rotation puis en
latéroflexion. La direction est donnée par la Règle de la non-douleur et du
mouvement contraire (5). Deux à cinq séances sont nécessaires selon la
difficulté et l'ancienneté des symptômes. Rappelons que la manipulation n'a
d'intérêt et d'innocuité que si elle est bien faite.
L'infiltration
articulaire postérieure C2-C3 est à conseiller si la manipulation est
contre indiquée ou impossible. On l'emploiera aussi pour compléter un
traitement par manipulation si celui ci ne fait pas disparaître complètement
la sensibilité articulaire postérieure C2-C3, même si l'effet est bon sur la
céphalée et le pincé-roulé du sourcil. Elle sera bien entendu le traitement
utilisé par ceux qui ne savent pas manipuler. Le patient est assis sur un
tabouret et appuie sa tête sur une table face à lui. On injecte au niveau du
point articulaire postérieure C2-C3 douloureux, à un centimètre environ en
dehors de l'épineuse de C2, facilement repérable (fig. 4).
L'infiltration sera faite avec un 1/4 ml d'un dérivé
cortisoné. L'injection doit être faite strictement au contact osseux, après
avoir vérifié par aspiration l'absence de sang ou de liquide. Si ces
conditions sont respectées, le risque est nul.
Autres
traitements
Le massage des
plans cutanés de la nuque s'ils sont infiltrés peut être un complément
utile.
La rééducation
cervicale est inutile, sauf exceptions.
Il faut
enseigner au patient à éviter les rotations extrêmes du cou (marche arrière
prolongée en auto par exemple).
Dans les cas de
céphalées matinales, faire enlever le traversin éventuel, modifier
l'oreiller. Si le patient dort sur le ventre, cela implique une rotation
extrême du cou génératrice de céphalée du réveil. Le port d'un collier
cervical la nuit pendant quelques semaines peut après traitement par
manipulation ou infiltration aider ces patients.
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