Fig. 1. a) Un dérangement intervertébral mineur D11-D12 ou
D12-L1 est une cause fréquente de douleur lombaires basses communes : plus
de la moitié des lombalgies dites communes. Ce même dérangement peut être
cause de douleurs pseudo-viscérales ressenties comme profondes, dans la
région abdominale basse, irradiant parfois aux testicules ou aux grandes
lèvres. c) Il peut enfin être la cause d'une fausse douleur de hanche.
3) Branches
postérieures des nerfs D12 et L1
Les branches
postérieures des nerfs rachidiens D12 et L1
(posterior rami). Rappelons que les branches postérieures des nerfs
rachidiens innervent tous les plans cutanés du dos, du vertex au coccyx, les
muscles intrinsèques de la colonne vertébrale, les articulations
interapophysaires et les ligaments et interépineux. Le « posterior ramus »
au niveau lombaire supérieur et dorsal inférieur se détache presque à angle
droit du nerf rachidien. Il contourne l’articulation interapophysaire, en
moulant son trajet sur le relief de l'apophyse articulaire supérieure de la
vertèbre sous-jacente. Il se divise immédiatement en arrière de la portion
inférieure du muscle intercostiforme en une branche externe motrice et
sensitive qui devient sous-cutanée, plusieurs vertèbres au dessous de son
origine et une branche interne à peu prés exclusivement motrice et qui se
dirige en bas, en arrière et en dedans et qui se distribue aux muscles
multifidus, rotatores et interspinaux.
Le rameau cutané
traverse le fascia lombaire, continue son trajet descendant dans les plans
sous-cutanés et s'épanouit après avoir croisé verticalement la crête iliaque
en plusieurs rameaux qui se terminent dans les plans sous-cutanés et cutanés
de la fesse.
Fig. 2. (d'après G. Lazorthes) A : Branche antérieure du
nerf rachidien. B : Le rameau externe de la branche postérieure. C : Le
rameau interne de la branche postérieure. Noter les rameaux qui innervent
l'articulation interapophysaire.
Nous avons pu
constater sur une quinzaine de cadavres que nous avons disséqués de
nombreuses variations individuelles, mais la fréquence avec laquelle il y
avait anastomose entre la branche postérieure de D12 et celle de L1 est à
noter. Dans 11 cas, un rameau nerveux important croisait verticalement la
crête iliaque à 8 à 10 cm de la ligne médiane et était soit D12, soit L1,
soit le résultat d'une anastomose des deux. Dans 2 cas, les deux rameaux
croisaient la crête iliaque parallèles entre eux et distants de 1 à 3 cm.
Dans 1 cas, la division terminale se faisait plus haut et les branches de
division croisaient la crête iliaque sur presque toute son étendue
postérieure. Dans 1 cas, le rameau principal était issu de D11, dans 1 cas
de L2. De toutes manières, il y a de fréquentes anastomoses entre ces
différents rameaux, après leur émergence du rachis. Malgré toutes ces
variations, il faut noter que le plan sous cutané et cutané de la partie
supérieure de la fesse, et inférieure des lombes sont innervés par D12 et L1
parfois par D11 (Maigne), et beaucoup plus rarement contrairement à
l’opinion classique par L2 et L3. La branche postérieure de ce dernier nerf
nous a paru ne pas avoir de rameau cutané, de même que les branches
postérieures des 4èmes et 5 èmes nerfs rachidiens
lombaires.
Fig. 3. Gauche : territoire cutané des branches
antérieures. Centre : territoire cutané des branches postérieures des 12ème
nerfs dorsal et du 1er nerf lombaire (Maigne). Droite : partie
superficielle du rameau perforant latéral issu de la branche antérieure du
12ème nerf dorsal.
4) Articulations interapophysaires
postérieures D11-D12 et D12-L1
Les
articulations postérieures des vertèbres dorsales ont une orientation
frontale, qui favorise grandement les mouvements de rotation. Au contraire,
celles des vertèbres lombaires ont une orientation sagittale, qui contrarie
considérablement les mouvements de rotation et les rend pratiquement nuls.
Anatomiquement et physiologiquement, D12 est une vertèbre intermédiaire.
Ses articulations supérieures se comportent comme celles du rachis dorsal et
les inférieures comme celles du rachis lombaire. Il y a donc là une certaine
rupture de l’harmonie du mouvement. C'est parfois L1 ou D11 qui joue ce rôle
de vertèbre charnière car les variations anatomiques ne sont pas rares.
Fig. 4. Orientation des facettes articulaires de D12,
vertèbre transitionnelle dorsale en haut, lombaire en bas.
Deux faits sont
à retenir :
Au terme de cet
examen qui explorera toute la colonne de D8 à L5, on mettra en évidence la.
souffrance d'un ou parfois de deux segments de la charnière dorso-lombaire
D11-D12 ou D12-L1, beaucoup plus rarement D10-D11 ou L1-L2.
Fig. 5 - 1 : Recherche de l'étage dorso-lombaire
responsable. Pression latérale sur les épineuses faite lentement de D10 à L2
à droite puis à gauche. Cette manœuvre va provoquer une douleur sur la
vertèbre responsable et généralement dans un seul sens (droite-gauche ou
gauche-droite). Noter la position du patient pour l'examen. 2
:
La recherche du point articulaire postérieur. Le doigt du
médecin glisse en appuyant sur les régions paraépineuses de haut en bas de
D10 à L2, avec des petits mouvements de friction profonde. Il va ainsi
mettre en évidence la sensibilité exquise du massif articulaire postérieur
responsable, toujours situé du même côté que le "point de crête". C'est au
niveau de ce point articulaire postérieur que se fera l'infiltration de
procaïne ou de cortisone. 3 : Recherche du point de crête.
L'index du médecin parcourt la crête iliaque en la frottant avec des petits
mouvements de va et vient verticaux et horizontaux. Lorsqu'il comprimera
contre l'os le rameau nerveux sensible, il réveillera une vive douleur en un
point précis, le "point de crête" dont la pression reproduit fréquemment la
douleur habituelle du patient. 4 : Le "pincé-roulé" des
plans cutanés de la fesse. Cette manœuvre mettra en évidence une plaque plus
ou moins étendue, adjacente au "point de crête" où le pli cutané est
infiltré, épaissi et douloureux au pincé-roulé (à comparer avec les zones
voisines et le côté opposé où cette même manœuvre est indolore). Il faut
pincer un pli de peau, le tirer et tout en le maintenant tiré, le rouler
entre pouce et index.
b) Au niveau de
la crête iliaque
L'index du
médecin parcourt la crête iliaque de dedans en dehors, en la frottant au
travers de la peau par des petits mouvements de va et vient transversaux et
verticaux. En un point très précis, le plus souvent de 8 à 10 cm de la ligne
médiane, il réveille un point très douloureux qui rappelle souvent au
patient sa douleur habituelle. Ce point correspond à la compression du
rameau cutané irrité provenant de D11, D12 ou L1. C’est le « point de
crête » (Maigne).
c) Au niveau des
plans cutanés de la fesse
Attenant à ce
point, les plans cutanés de la fesse ou de la région lombaire sont le plus
souvent infiltrés de cellulalgie sur une zone plus ou moins étendue. Il faut
pour la mettre en évidence pincer entre pouce et index un gros pli de peau,
le tirer, et tout en le tirant, le rouler en le pinçant modérément. Un plan
cutané normal est insensible à cette manœuvre. Un plan cutané infiltré de
cellulalgie est parfois épaissi, grumeleux et toujours très douloureux.
Fig. 6.
Point de crête (P) et zone cellulalgique (C).
III) La preuve de l'origine D12-L1 ou
D11-D12 de la lombalgie
Nous l'apportons
par l’infiltration anesthésique faite au niveau du point articulaire
postérieur D11-D12 ou D12-L1 douloureux à 1'examen. L'aiguille est enfoncée
perpendiculairement à 1 cm environ de la ligne médiane au contact osseux. On
injecte après vérification par aspiration 3 ou 4ml de xylocaïne.
On constate
presque aussitôt :
- La disparition
de la douleur et de la gène du patient qui peut librement se pencher, se
tourner, se redresser.
- La disparition
du point de crête.
- La diminution
ou même la disparition de la zone cellulalgique devenue indolore au
pincé-roulé.
Pour cette
infiltration, qui concerne aussi bien le posterior ramus que l'articulation
interapophysaire, nous conseillons de laisser l’aiguille en place une minute
et d'attendre la disparition de la sensibilité du point de crête à la
pression. Si celui ci n'est pas modifié, c'est que l’infiltration n'a pas
concerné le bon étage ou qu'il faut modifier 1égérement la place de
l’aiguille vers le haut, le bas ou 1'extérieur pour faire l’injection
efficace.
Le traitement
pourra consister à injecter 1 ml d'un dérivé cortisoné retard au contact
osseux, au niveau de cette articulation postérieure (2 à 4 fois à quelques
jours d'intervalle). Ailleurs, nous utiliserons la manipulation.
A titre
complémentaire, l’infiltration du point de crête et le massage de la zone
cellulalgique peut rendre service dans les cas très anciens ou
l’infiltration fessière est très importante.
Nous ne comptons
plus le nombre de lombalgies que nous avons ainsi rapidement et durablement
soulagées. Parmi celles ci, nombreux étaient les cas de lombalgies
persistantes après intervention sur un disque L4-L5 ou L5-S1 qui avait
soulagé la sciatique, ou de lombalgies non soulagées par une greffe
lombo-sacrée. Nombreux aussi étaient les cas de lombalgie d'origine D12 ou
L1 survenant chez des gens âgés chez qui on aurait eu tendance à accuser
l’ostéoporose ou l'arthrose importante L4-L5 ou L5-S1 qu'ils présentaient.
Nombreux aussi étaient les cas de lombalgie survenant chez des scoliotiques
importants ou chez des patients présentant un spondylolisthésis de L5.
Rappelons enfin
que dans cette forme de lombalgie, la radiographie est comme toujours
indispensable, mais trompeuse. Il faut toujours demander un cliché centré
sur D12, face et profil. Elle est indispensable, comme dans toute douleur
vertébrale, car il se peut que la branche postérieure soit irritée, non par
une lésion mineure qui fait souffrir l’articulation interapophysaire, mais
par un Pott, une métastase, une fracture vertébrale, etc. Elle est
trompeuse, car on trouve le plus souvent chez ces sujets des discopathies
L4-L5 ou L5-S1 auxquelles on attribue à tort la douleur lombaire, tandis que
les images radiographiques sont presque toujours normales au niveau du
segment dorso-lombaire responsable.
IV) Fréquence des différentes formes de
lombalgie
Sur un
échantillon continu. de 100 cas de lombalgies chroniques liées à des
problèmes vertébraux mécaniques, nous avons pu retenir sur 1'examen clinique
tel qu'il a été décrit :
- L’origine
dorso-lombaire (D11-D12, D12-L1, ou L1-L2) dans 58 cas (malgré des 1ésions
discales radiologiques L4-L5 ou L5-S1 dans 20 cas) ;
- L’origine
lombaire basse dans 25 cas (discal ou articulaire postérieur) ;
- L’origine
mixte dorso-lombaire et lombaire basse dans 17 cas.
Parmi les 58 cas
de lombalgie d'origine dorso-lombaire, 10 cas étaient des patients qui
avaient été opérés d'une sciatique discale L5 ou S1 avec un résultat
satisfaisant sur la douleur sciatique mais qui avaient conservé ou développé
(2 au cours de la rééducation) par la suite des lombalgies rebelles. Celles
ci ont pu dans tous les cas être traitées avec succès par manipulations ou
infiltration articulaire postérieure de 1'étage concerné de la région
dorso-lombaire. Un seul cas a été opéré : l’infiltration articulaire le
soulageait nettement et régulièrement, mais pour quelques jours seul,ement.
Après repérage précis de 1'étage, nous avons fait pratiquer une
capsulectomie articulaire postérieure de celui ci et de 1'étage sus et sous
jacent. Le résultat a été excellent et se maintient depuis plusieurs mois.
IV) Résultats
Les résultats
sur les 58 cas ont été par le seul traitement médical :
Parmi ces
derniers, un patient n'a jamais été soulagé, deux obtenaient un soulagement
temporaire par l’infiltration de l’articulation dorsale responsable, avec
disparition temporaire du point de crête. Un seul de ces deux patients a
accepté l’intervention chirurgicale qui l'a complètement soulagé. Nous avons
hors de cette série d'autres patients opérés avec un bon résultat. Technique
et résultats feront l’objet d'une publication en cours.
VI) Pseudo douleurs abdominales ou
gynécologiques d'origine D12
Le deuxième
aspect de ce syndrome est 1'existence de douleurs abdominales ou pelviennes,
pseudo-viscérales trompeuses. Elles peuvent être associées à la lombalgie,
les poussées pouvant survenir en même temps ou non.
Le plus souvent,
elles ne paraissent pas liées et l’une emporte en intensité sur l’autre qui
passe ainsi au deuxième plan. Nombreux sont les patients qui, d'une part,
sont traités pour leur lombalgie par les méthodes usuelles avec plus ou
moins d'efficacité et qui sont suivies par ailleurs pour une « colite »
traînante plus ou moins douloureuse, ou traités par un gynécologue pour des
douleurs pelviennes épisodiques ou rebelles qui conduisent parfois à des
interventions inutiles, et chez qui 1'examen gynécologique négatif déçoit le
médecin et le malade qui souffre.
Ces douleurs
peuvent irradier ou même être localisées au pubis ou aux grandes 1évres ou
au scrotum. Elles attirent ainsi souvent l’attention sur l’appareil urinaire
qui en l’occurrence n’est pas en cause, mais l’urologue est consulté.
Fig. 8. La manœuvre du pincé-roulé doit être systématique
devant toute douleur abdominale qui ne fait pas sa preuve et dans tous les
cas où une lombalgie présente les signes d'une lombalgie d'origine
dorsolombaire. Il faut explorer aussi la partie supérieure de la face
interne de la cuisse qui appartient au même dermatome. A droite, zone où le
pincé-roulé est habituellement douloureux dans le cas d'une irritation D12
ou L1. La pression friction sur l'hémi-pubis du même côté est souvent
douloureuse.
Une observation
typique illustrera cette pathologie
Observation n° 1
Mme G... V... 53
ans. C'est une femme active qui dirige elle-même une entreprise. Elle
présente depuis 3 ans des douleurs de la région abdominale inférieure
droite, modérées au début et qui se manifestent aussi bien assise, debout
que couchée. Les examens digestifs, gynécologiques et urologiques sont
normaux. Les antalgiques et antispasmodiques aident à supporter des crises
de plus en plus vives et de plus en plus fréquentes. Un éminent spécialiste
gastro-entérologue, après l’avoir hospitalisée 15 jours, élimine toute
origine digestive, et avance l’hypothèse d'une origine gynécologique. Un
nouvel examen gynécologique est donc fait. L'ovaire droit apparaît très
sensible. Une coelioscopie est pratiquée. Aucune 1ésion West retrouvée. Mais
devant la douleur de la patiente, l’insistance de l’entourage et des
confrères, le gynécologue accepte finalement de faire une intervention
exploratrice. Celle ci montre que tout est normal. Tout au long de
1'évolution les douleurs ont gardé la même topographie et les mêmes
caractères : douleurs profondes quasi continuelles, mais devenues plus
intenses avec le temps, avec des crises aiguës, tolérables au début, mais
devenant plus intenses et plus fréquentes. Pendant ces crises la patiente se
tient pliée en deux, immobile, et trouve ainsi qu'elle les écourte. Elle est
un peu soulagée par des bouillottes chaudes sur le ventre. Après avoir pris
l'avis d'un neurologue, elle est hospitalisée dans un service de
Rhumatologie pour bilan. Le Professeur de Rhumatologie note une douleur à la
pression de la symphyse pubienne mais les radiographies du rachis, du bassin
et de la symphyse sont normales. Il pratique trois infiltrations A la
symphyse qui ne modifient pas les crises.
C'est alors, 3
ans après le début des douleurs, que nous sommes amenés à 1'examiner. Devant
l’histoire et la négativité des examens pratiqués, nous pensons aussitôt à
un syndrome D12 ou L1. La manœuvre du pincé roulé est horriblement
douloureuse au niveau de la peau, de la partie inférieure de l’abdomen droit
et de la partie supérieure et interne de la cuisse droite. La palpation du
pubis droit est très douloureuse. Ces manœuvres sont indolores à gauche. En
interrogeant la malade, on apprend qu'elle souffre souvent de lombalgies
droites, mais celles ci passent au second plan, tellement les douleurs
abdominales sont vives.
L'examen révèle
une cellulalgie fessière droite, un point de crête très précis et très vif.
La pression latérale faite sur 1'épineuse de L 1 de droite vers la gauche
est très douloureuse, la manœuvre inverse est indolore, les mêmes manœuvres
sur les autres vertèbres sont également indolores. Les radiographies
refaites sur cet étage sont normales : il s'agit d'un DIM D12-L1.
La manipulation
faite en rotation sur cet étage dans le sens non douloureux (ici rotation
gauche) apporte en trois séances un soulagement quasi total. Cela ne fait
pas totalement disparaître la cellulalgie abdominale, mais elle devient à
peine sensible ; quelques massages en pétrissage superficiel de ces plans
cutanés rendent les tissus souples et indolores. Revue un an plus tard, elle
n'a plus souffert depuis le traitement.
Observation n° 2
M... L... 50
ans. Douleur abdominale gauche, basse, sourde, continuelle, calmée par le
repos au lit. L'intensité des douleurs qui durent depuis 1 an conduisent à
plusieurs hospitalisations dans des services hautement spécialisés, où sont
successivement pratiqués :
-deux
urographies
-des
radiographies et tomographies vertébrales
-des examens
radiologiques gastro-intestinaux qui permettent de suspecter une tumeur
carcinoïde de l'intestin grêle.
On pratique une
artériographie mésentérique puis de nouvelles radiographies intestinales et
on abandonne ce diagnostic. Transféré dans un service de neurologie, on
pratique les examens usuels (ponction lombaire, etc.), puis on décide de
faire une myélographie gazeuse. Celle ci étant négative on fait une
lymphographie, puis pour plus de sûreté, une laparoscopie qui s'avère ici
encore négative. Le psychiatre entre en jeu. Il trouve le patient un peu
dépressif et le met à un traitement antidépresseur très mal supporté et que
le malade abandonne de lui même. Tout cela a duré un an, lorsque nous le
voyons. L'examen des plans cutanés du ventre révèle une zone de cellulalgie
très douloureuse dans le territoire D12-L1 gauche, le plan recouvrant le
pubis du même côté est également très douloureux. L'examen lombaire réveille
un point de crête gauche, une cellulalgie fessière. Le patient souffrait
bien de douleurs lombaires, mais il les considérait comme l'irradiation de
ses douleurs antérieures.
L'examen
segmentaire met en évidence une sensibilité exquise à la pression de D12 de
gauche à droite et une vive sensibilité à la pression friction de
l’articulation postérieure droite D12-L1. Rien à signaler sur les
radiographies. Il s'agit donc d'un dérangement intervertébral mineur D12-L1.
On traite le patient par manipulation en rotation droite. Dès la première il
est mieux. Après la seconde, la palpation de la zone cellulalgique est
beaucoup moins sensible. En cinq séances il est guéri. Nous le revoyons 2
ans plus tard pour une reprise modérée de la lombalgie qui cède à deux
traitements.
A côté de ces
deux cas très évocateurs, il est une infinité de cas plus légers où une
douleur abdominale aiguë est attribuée à tort à un appendice, à une colite
ou à un problème gynécologique ou urologique. La douleur irradie en effet
parfois aux testicules ou aux grandes lèvres. Chez de nombreux patients
présentant le syndrome radiculaire dorso-lombaire, la zone de cellulalgie
antérieure sera une simple découverte d'examen, n’apportant aucune gène au
patient alors que la lombalgie est au premier plan. Ailleurs, on trouvera
les cicatrices abdominales d'interventions inutiles pour une douleur qui n'a
pas disparu. Ceci nous amène à dire que chez tous les patients présentant
une douleur lombaire ou abdominale surtout lorsque cette dernière ne fait
pas sa preuve, il faut systématiquement examiner par un pincé-roulé
méthodique les plans cutanés abdominaux, ceux de l’aine, palper la symphyse
pubienne et pratiquer le pincé-roulé des fosses lombaires et des fesses. Si
ces signes sont positifs, étudier avec attention la région D11-D12-L1 en
utilisant les manœuvres de recherche d'un DIM, complétées par des
radiographies de sécurité.
VII) La fausse douleur de hanche d'origine
D12
Le troisième
aspect du syndrome de charnière dorso-lombaire apporte des ennuis de moindre
gravité si le diagnostic n’est pas correctement posé.
Le patient se
plaint d'une douleur de hanche à la face externe de la cuisse, parfois à
l’aine, parfois la douleur prend une vague allure sciatique. L'examen met
souvent en évidence un point très douloureux sur le trochanter. On évoque
alors le diagnostic de périarthrite de hanche ou de tendinite du moyen
fessier, mais les infiltrations anesthésiques ou cortisonées ne soulagent
pas. S’il n'y a pas de 1ésion locale (hanche ou trochanter), il faut penser
à la souffrance de la branche perforante du 12ème nerf
intercostal, qui est un rameau de la branche antérieure du 12ème
nerf rachidien et qui innerve la face externe de la fesse et la région du
trochanter.
Là encore, il
faut rechercher les signes de souffrance segmentaire D11-D12 sur le patient
couché à plat ventre en travers de la table.
Nous avons eu
l’occasion de traiter plusieurs patients qui avaient eu une prothèse totale
de hanche et qui souffraient d'une manière non explicable. D'autres patients
avaient eu une ostéotomie et la douleur qui persistait et les gênait était
d'origine D12 ou L1.
S'ils sont
présents, la manipulation appropriée ou l’infiltration de D12 soulagera
cette douleur rebelle, cette fausse périarthrite de hanche, qui peut
apporter un désagrément durable au patient.
Ainsi, nous
voici en présence de trois types de manifestations fort différents, mais
dont l’origine est commune, la charnière dorso-lombaire. Elles constituent
les manifestations de la souffrance mécanique de cette charnière, que nous
décrivons. Elles sont associées chez certains patients. Elles sont souvent
dissociées, ou d'importance inégale chez la plupart d'entre eux.
VIII) Traitement
Lorsqu'elle est
possible, la manipulation représente un traitement rapidement efficace (en 2
à 5 séances).
Les manœuvres
les plus souvent utiles sont les manœuvres figurées en 13 et en 14. Leur
utilisation est toujours faite selon notre règle de la non douleur et du
mouvement contraire. L'effet de chaque manœuvre sera immédiatement jugé sur
la diminution du point de crête ou de la sensibilité de la zone de
cellulalgie.
Fig. 9. A gauche, manipulation en rotation (ici droite). Le
patient est assis à cheval en bout de table. Il croise ses bras sur la
poitrine. Le médecin avec sa main gauche entraîne lentement le tronc en
rotation gauche, tandis que le talon de la main droite prend appui au niveau
de la transverse de la vertèbre révélée sensible par l'examen. Lorsque la
torsion maximum est atteinte ; c'est la "mise en tension" - le médecin
exagère brusquement de quelques degrés le mouvement de rotation, d'une
manière brève, sèche et limitée. Cela s'accompagne de l'habituel bruit de
craquement articulaire. Le mouvement doit être effectué dans le sens non
douloureux de rotation de la vertèbre, opposé au sens douloureux.
A
droite, manipulation en extension : elle n'est à faire que si le mouvement
d'extension du segment dorso-lombaire est libre et indolore. Le patient est
assis sur un tabouret. il croise ses doigts derrière la nuque. Le médecin
est assis derrière lui, un peu plus haut que le malade. Passant ses
avant-bras sous les aisselles du malade, il lui saisit les poignets. Puis il
applique ses deux genoux sur le segment vertébral concerné. Il amène alors
le tronc du patient en extension en le tirant lentement vers lui. Il
effectue ainsi une progressive "mise en tension". Puis une brusque mais
légère exagération de ce mouvement, les genoux faisant contre-appui, va
alors faire la manipulation. Cette manœuvre bien faite est douce et
indolore.
Fig. 10. Infiltration de la branche antérieure
de D12 ou L1.
L'infiltration
articulaire postérieure est un excellent traitement de la lombalgie
d'origine dorso-lombaire, lorsque la manipulation est impossible ou.
insuffisante. L'infiltration de la branche antérieure peut être d'une grande
efficacité dans le syndrome antérieur, si la manipulation n’est pas
possible. L'infiltration anesthésique locale des zones cellulalgiques
associée à un très léger pétrissage peut atténuer fortement les douleurs
dont elles sont responsables et sont un complément au traitement vertébral.
Naturellement,
la physiothérapie peut apporter son aide. Le massage sera utilisé à titre
complémentaire sur les zones cellulalgiques résiduelles une fois le
traitement vertébral fait.
La rééducation
est rarement utile. Elle est parfois aggravante et parfois responsable du
déclenchement de ce syndrome dorso-lombaire. Cela se voit chez des patients
en rééducation après intervention chirurgicale pour une hernie discale L4-L5
ou L5-S1. Il arrive souvent que l’intervention a donné un bon résultat sur
la douleur sciatique, mais que la rééducation déclenche une lombalgie. Cela
est dû a 1'excés de mouvements de rotation du tronc dans la rééducation qui
provoquent ou. augmentent un dérangement intervertébral D11-D12 ou D12-L1.
Résumé
L'auteur isole
un syndrome qui trouve son origine au niveau. de la charnière dorso-lombaire
qui est très fréquent et qui se traduit
1) Par des
lombalgies basses.
2) Par des
douleurs pseudo-viscérales.
3) Par des
fausses douleurs de hanche.
La souffrance
mécanique d'un des segments de cette charnière (dérangement intervertébral
mineur de D11-D12 ou de D12-L1) en est responsable. Elle peut provoquer :
1) L'irritation
de la branche postérieure du nerf rachidien correspondant et cela provoque
des lombalgies basses, perçues dans la région lombo-fessière.
Ces lombalgies
constituent pour l’auteur 60 p. 100 des lombalgies communes, donc la cause
habituelle de celles ci, plus fréquente pour lui que l’origine L4-L5 ou
L5-S1 classiquement invoquée.
Il en décrit les
signes particuliers et le traitement.
2) L’irritation
chronique de la branche antérieure du 12ème nerf rachidien dorsal
ou du 1er nerf lombaire, qui se traduit par des douleurs
trompeuses pseudo-gynécologiques, pseudo-urologiques ou pseudo-digestives.
Le seul témoin
de l’irritation du nerf est une zone de cellulalgie dans son dermatome (région
abdominale inférieure, aine, pubis) que met en évidence la manœuvre du
pincé-roulé correctement faite.
3) L'irritation
du 12ème nerf dorsal peut aussi par son rameau perforant latéral
se traduire par une douleur de la face externe de la hanche, donnant un
tableau de fausse douleur de hanche rebelle.
Il n'y a le plus
souvent aucun signe radiologique particulier au niveau de 1'étage
dorso-lombaire responsable.
Le diagnostic
est donc strictement clinique. C'est la mise en évidence d’un dérangement
intervertébral mineur D11-D12, ou D12-L1 sur les signes décrits par l’auteur.
Le traitement
consiste en manipulations si elles sont possibles ou en infiltrations de
l’articulation interapophysaire et de la branche postérieure responsable en
cas de lombalgie ou de la branche antérieure en cas de douleurs antérieures.
La
physiothérapie, le massage, le traitement local des zones infiltrées de
cellulalgie sont des moyens complémentaires utiles et efficaces.
Ces
manifestations peuvent être isolées ou associées. Leur fréquence et les
erreurs de diagnostic auxquelles elles peuvent donner lieu font l’intérêt de
ce syndrome de charnière dorso-lombaire D12-L1.
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