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Annales Médecine Physique 1974;15

Le syndrome cellulo-téno-myalgique des algies radiculaires

R Maigne, MJ Teyssandier


 

 

Point n'est besoin d'insister sur la fréquence des algies d'origine rachidienne : cervicalgies, dorsalgies, lombalgies, névralgies cervicobrachiales, intercostales, crurales ou sciatiques, toutes douleurs particulièrement gênantes chez l'amputé d'un membre inférieur dont la colonne vertébrale travaille en déséquilibre permanent, lors de la marche.

Or, lorsque la phase aiguë est terminée, il arrive souvent que le sujet continue à souffrir, d'une façon désespérante, et que les traitements usuels se révèlent inefficaces.

 

 

I) Observations

 

Obs. 1 : Prenons, par exemple, le cas de cette patiente qui a présenté une sciatique aiguë L5 droite, il y a cinq mois. Depuis lors, elle continue à souffrir malgré les traitements. L'examen clinique est sub-normal, il n'existe aucun déficit de la force musculaire, ses réflexes sont normaux. L'élévation des membres inférieurs, jambes tendues a une amplitude symétrique. Bien qu'elle montre un trajet douloureux de topographie L5 parfaite, on serait tenté de la prendre pour une « fonctionnelle ». C'est l'examen des plans cutanés, par la manoeuvre du « pincé-roulé », qui va nous donner la clé du diagnostic et du traitement. Le « pincé-roulé » d'une zone bien limitée, à la face externe de la jambe, réveille une vive douleur. Contrairement à la peau saine, à cet endroit, le pli est épaissi ; le derme et l'épiderme sont grumeleux, infiltrés, cellulitiques.

 

Le traitement débute par des manoeuvres en « pli-cassé », qui sont moins douloureuses. On poursuit par le « pincé-roulé » jusqu'à disparition complète de l'infiltrat.

En général, trois, à quatre séances de massages suffisent.

 

De telles plaques cellulalgiques occupent certaines zones de prédilection situées dans le dermatome de la racine atteinte. Pour L5, ce sont :

  • la face externe de la jambe an niveau du tiers moyen
  • autour de la tête du péroné;
  • et la face postéro-externe de la cuisse.

 

Obs. 2 : Cette patiente a été opérée il y a deux ans pour une sciatique droite de type S1. Elle continue à souffrir, surtout dans certaines positions, et allègue des crampes du mollet.

Le rachis est relativement souple. Seul un signe de Lasègue modéré persiste. Ici, les plaques cellulalgiques sont inexistantes. Mais la palpation profonde des masses musculaires révèle la présence, inattendue en leur sein, d'indurations douloureuses de certains de leurs faisceaux dans le grand fessier, non loin de ses insertions sacrées au quart inférieur du biceps crural, sous la forme d'une olive à la partie externe du mollet, dans le soléaire ou le jumeau externe. Leur palpation à peine insistante réveille une sensation de crampe et reproduit fréquemment la douleur habituelle du patient.

 

Fait remarquable, ces cordons indurés siègent, pour une même racine avec prédilection dans certains muscles. et toujours dans les mêmes parties de ces muscles. Cette malade sera soulagée en quelques séances de traitements locaux comportant infiltration anesthésique de l'olive du biceps, hyperalgique, postures étirées des muscles postérieurs du membre inférieur par une manoeuvre de Lasègue progressivement forcée et maintenue, avec le pied en flexion dorsale et pétrissage profond des faisceaux musculaires indurés du grand fessier.

 

Obs. 3 : Cet autre sujet se plaint depuis de nombreux mois de douleurs de la hanche droite et d'une sciatalgie de topographie L5. Ici aussi l'examen clinique classique est sub-normal. Mais, la palpation profonde de la fosse iliaque externe fait découvrir une sorte de cigare musculaire dont la pression reproduit la douleur du malade.

Ce faisceau induré hyperalgique siège dans le moyen fessier, à la verticale du grand trochanter. Il va être traité par des infiltrations locales, des pétrissage profond et des étirement en adduction.

 

Obs. 4 : Cette autre patiente a présenté une sciatique aiguë L5 gauche, il y a quatre mois. Elle souffre encore.

A l'examen, on trouve un point exquis an niveau de l'insertion du moyen fessier sur le grand trochanter.

Il s'agit d'une douleur téno-périostée qui va être soulagée par trois à quatre infiltrations anesthésiques locales.

Il semble que l'agression d'une racine nerveuse, au niveau de la colonne vertébrale, se manifeste par des signes classiques, moteurs sensitifs et réflexes et ce que nous appellerons le «syndrome cellulo-myalgique » respon­sable de douleurs rebelles pseudo-radiculaires.

 

 

II) Le syndrome cellulo-téno-myalgique

 

Ce syndrome cellulo-myalgique comprend : des plaques d'infiltrations cutanées cellulalgiques, des indurations douloureuses de certains faisceaux musculaires, et des douleurs téno-périostées, tous signes trophiques a minima dont l'étio-pathogénie pose des problèmes intéressants.

 

Ces signes, nous les avons décrits aux membres inférieurs en prenant comme exemples les radiculalgies sciatiques. Ils peuvent aussi exister au niveau du tronc et des membres supérieurs où les douleurs téno-périostées sont les plus fréquentes : épicondylites cervicales, pseudo tendinites du sus-épineux,

De même que les signes classiques, ceux du syndrome cellulo-myalgique ont une topographie métamérique systématisée.

 

On peut donc les trouver dans les territoires innervés par la branche antérieure du nerf rachidien, ou sa branche postérieure, à laquelle on ne pense pas beaucoup malgré les travaux de Lazorthes.

 

Il faut insister sur le fait que, dans les régions dorsale et lombaire, le dermatome de la branche postérieure est décalé de trois à quatre étages par rapport à son niveau d'émergence rachidien. L'examen systématique des tissus mous, chez un tel patient, montre que ces signes trophiques, fréquents mais inconstants, peuvent coexister avec les signes classiques, leur survivre lorsque la phase aiguë est terminée ou être apparemment isolés, seuls témoins objectifs d'une irritation radiculaire a minima. Par exemple, au niveau du tronc, leur existence est la cause d'erreurs de diagnostic fréquentes.

Combien de précordialgies, de fausses douleurs digestives, rénales, urétérales ou gynécologiques sont en rapport avec la présence de plaques cellulalgiques et disparaissent en même temps qu'elle ? Combien d'interventions chirurgicales et de traitements inutiles ont été entrepris pour avoir négligé l'examen des plans cutanés et musculaires du malade ?

 

 

III) Traitement

 

Une manipulation vertébrale sur l'étage correspondant, à condition qu'elle soit judicieusement indiquée et correctement exécutée par un médecin averti, peut, parfois, faire disparaître instantanément cordons indurés et douleurs téno-périostées. Son action sur les infiltrats cellulalgiques est moindre.

Il faut noter qu'une traction vertébrale une infiltration épidurale ou radiculaire ont des effets comparables à ceux de la manipulation.

 

En bref, lorsque les signes du syndrome cellulo-myalgique existent ou subsistent seuls, ils peuvent être à l'origine de douleurs rebelles. C'est leur traitement local, en complément du traitement vertébral, qui représente la thérapeutique la plus efficace des « queues de radiculites ».

 

Lorsqu'il s'agit d'une plaque cellulalgique de faible surface d'un petit crayon musculaire ou d'une douleur téno-périostée on peut l'infiltrer avec une solution anesthésique à 0,5 %.

Seul le massage peut agir, nous l'avons vu, lorsque la plaque cellulalgique est plus étendue. Son efficacité est accrue lorsqu'il est suivi par l'application d'une solu­tion de thyroxine à pénétration percutanée.

Pour les cordons musculaires plus gros, ils disparaissent on s'atténuent par des étirement musculaires :

étirements longitudinaux par postures analogues aux procédés qui soulagent les crampes ; étirements transversaux, comme lorsqu'on veut faire vibrer une corde.

 

On peut aussi s'aider des pétrissages, longs et appuyés des massages en glissé profond ; des pressions maintenues durant 30 à 40 secondes. Quant aux douleurs téno-périostées, en plus des infiltrations, elles peuvent répondre au massage transversal profond selon la méthode préconisée par Cyriax et introduite en France par Troisier.

 

 

Conclusion

 

En bref, l'étude de ce que nous avons appelé « syndrome cellulo­myalgique » avec :

  • ses plaques cellulalgiques
  • ses faisceaux musculaires indurés
  • ses douleurs téno-périostées

 

présente un intérêt certain, tant au point de vue diagnostique, que thérapeutique, et peut permettre au praticien de soulager, avec élégance et efficacité, nombre d'algies rebelles d'origine vertébrale.


 

 

Travail du Centre de Rééducation de l'Hôtel-Dieu, Paris



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