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Sterno-cléido-mastoïdien: son rôle dans les céphalées cervicales, son traitement

Didier BESSE, Jean CONDOURET
Rééducation Fonctionnelle, Toulouse

 
Rappel anatomique
 

Description : le SCM s'insère en haut sur le bord antérieur et la face externe de la mastoïde, ainsi que sur la partie externe de la ligne courbe occipitale supérieure. Dans sa partie caudale, il se divise en 2 chefs :Le chef sternal, médian et superficiel s'insère en bas sur la face antérieure du manubrium. sternal.Le chef claviculaire, latéral et plus profond, gagne le bord supérieur de la surface antérieure de la clavicule dans son tiers interne.

Innervation : il reçoit son innervation motrice essentiellement du nerf spinal ainsi que des 2° et 3° nerfs cervicaux. Et l'on conçoit l'association possible à un DIM C2-3.

Actions : la contraction des deux SCM fléchit le cou, le verrouille en hyperextension dans le regard vers le haut et a une action respiratoire accessoire, si tête et cou sont en hyperextension (agissant en synergie avec les scalènes). Ainsi, les SCM résistent avec force dans les mouvements d'hyperextension lors d'un choc arrière en automobile. En cas de contraction unilatérale, il tourne la tête du côté opposé et, en agissant avec le trapèze supérieur du même côté, il incline le rachis cervical vers l'épaule. Lors d'un choc en automobile, le SCM peut être lésé unilatéralement soit par choc arrière sur une tête en rotation, soit par choc latéral, soit encore par traumatisme direct.

 
Symptomatologie
 

L’examen palpatoire permet de définir au sein du muscle des zones plus douloureuses, plus tendues, dites "points gâchette" (ou "triggers points") dont la pression inter­digitale déclenche une douleur locale, mais aussi à distance cranio-faciale dite "référée". Chefs sternal et claviculaire ont chacun leur propre territoire de douleurs référées à la face et/ou au crâne, mais, point important, aucun ne provoque de cervicalgies si la symptomatologie est isolée.

Le chef sternal : Dans sa partie moyenne, la présence de points gâchette provoque des douleurs référées homalatéralesà la joue, en région sus et latéro-orbitaire, parfois au pharynx, à la base de la langue et au menton (fig. 1).

Dans sa partie haute, les points gâchette entraînent une douleur occipitale, et au vertex, en "calotte" avec une sensibilité du scalp à la palpation. Des troubles neurovégétatifs peuvent s'associer soit à l’œil (larmoiement) soit au nez (congestion nasale).

sterno-cleido-mastoidien

Le chef claviculaire : Dans sa partie moyenne, les points gâchette provoquent des douleurs frontales homolatérales parfois bilatérales (fig. 2). Dans sa partie supérieure, la présence de points gâchette induit une douleur référée rétro-auriculaire, parfois au conduit auditif externe.

Il s’y associe des sensations vertigineuses lors des mouvements soudains de la tête, ou de certaines postures, et plus rarement des nausées.

 
Les éléments du diagnostic
 

Les caractères de la douleur : Si la pathologie du SCM est isolée, il n'existe pas de douleur cervicale vraie mais une sensation d'endolorissement à la face latérale du cou. La douleur à distance (référée) est lancinante, sourde, profonde, parfois ressentie comme une brûlure. La symptomatologie est aggravée par la pression musculaire, l'étirement rapide, les contractions musculaires répétées, la mise en position de raccourcissement, ou encore l'exposition au froid. Elle est soulagée par le repos et la chaleur.

Si la pathologie du SCM s'associe à un dérangement intervertébral mineur (DIM) C2-C3, les signes cervicaux dominent le tableau, les algies musculaires ne constituent qu'un des éléments du syndrome téno-cellulo-myalgique

Les données de l'examen clinique : La mobilité active peut être limitée en fin d'amplitude sur la rotation opposée (par la douleur).

La palpation musculaire retrouve les cordons myalgiques avec parfois l'irradiation douloureuse à distance (photo 1). Les patients qui se plaignent de sensations vertigineuses n'ont jamais de signe de Romberg mais peuvent présenter une latéro déviation lors de la manœuvre  des index, ou du test du piétinement de Fukuda. L'examen segmentaire du rachis cervical et la recherche de zones cellulalgiques C2 et C3 sera systématique.

 
Traitement
 

Le traitement ne se conçoit qu'après avoir éliminé toute étiologie neurologique, ORL ou vasculaire (en particulier sur l'axe vertébro-basilaire).

Le traitement vertébral

S'il existe des signes de DIM C2-C3, il conviendra de traiter d'abord l'étage cervical :
  • soit par une manipulation vertébrale sélective, en respectant la classique règle de la non­douleur et du mouvement contraire (photo 2),
  • soit par des techniques manuelles non manipulatives, contractés-relachés, myotensives, tractions
  • soit encore par une infiltration cortisonée du massif articulaire postérieur C2-C3, au besoin sous amplificateur de brillance.

Le traitement du muscle SCM

Il repose avant tout sur des techniques d'étirements qui vont porter sur les deux chefs du SCM ; le patient étant assis, ou en décubitus dorsal :

  • le chef claviculaire est progressivement étiré en inclinant la tête et le cou vers l'arrière et dans un mouvement de rotation de la tête du côté opposé (photo 3).
  • le chef sternal est étiré passivement en tournant d'abord la tête du même côté, en fin de rotation, le mouvement amène le menton vers l'avant et vers l'épaule élevant ainsi l'occiput et la mastoïde, en permettant un étirement maximum. La position de rotation forcée agressive pour l'artère vertébrale ne doit pas excéder quelques secondes.

Ces techniques d'étirements peuvent être sensibilisées par une contraction préalable du patient (traitement de type myotensif) ; dans ce cas, le patient contracte isométriquement et faiblement le SCM durant l'inspiration ; le thérapeute étire passivement durant la phase expiratoire post-isométrique en accentuant essentiellement la composante d'inflexion latérale.

L'étirement peut également être majoré en crochetant avec le pouce le SCM à sa partie inférieure (photo 4). Des techniques de « point ressort » type Moneyron sont possibles à ce niveau (mais douloureuses). Dans les formes vieillies, il est fréquemment retrouvé des zones myalgiques au sein du SCM contro-latéral, des scalènes et trapèzes homo-latéraux. Ceux ci devront également bénéficier d'un traitement spécifique (étirements, injections locales).

La physiothérapie

Des applications de froid, sous forme de cryospray (Cryofluorane*) préconisées par Travell peuvent être associées ; le spray est alors appliqué lentement en lignes parallèles de l'insertion inférieure, sterno-claviculaire, à l'insertion crâniale, puis étendu à la zone de douleur référée préalablement et durant l'étirement.

Des sources de chaleur, hot-pack, parafango, moxas sont appliquées sur les muscles traités en fin de séance.

Les injections locales

Les injections aux points gâchette ne doivent être utilisées qu'en cas d'échec (ou contre indications) des autres techniques. On utilise soit de la Procaïne à 2% diluée au 1/4 dans du sérum physiologique, soit de la xylocaïne à 0,5 ou 1%. Sur un patient en décubitus dorsal, le muscle est décollé du plan sous jacent par les doigts de l'opérateur, 1 à 2 ml sont injectés aux points douloureux en prenant garde à la veine jugulaire (photo 5). Après quelques minutes de repos, le muscle est à nouveau étiré.

Les règles d'hygiène orthopédique

Eviter tout mouvement en rotation forcée et/ou hyperextension. Proscrire toute activité tant que les douleurs persistent. A domicile, réaliser des exercices d'étirements bilatéraux ("amener l'oreille sur l'épaule"), appliquer des compresses chaudes. Ne pas dormir en décubitus ventral ou sans oreiller. Utiliser un oreiller ne produisant qu'une légère lordose cervicale pour dormir sur le dos, compensant la hauteur scapulaire en cas de couchage sur le côté.

 
Conclusion
 

Les algies crânio-faciales prenant leur origine au niveau du SCM sont peu fréquentes mais doivent être reconnues cliniquement car elles conduisent à des investigations nombreuses, souvent négatives, faisant douter de leur authenticité. Le traitement manuel est remarquablement efficace, les injections locales rarement nécessaires.



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