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Rééducation des cervicalgies

Jean-Claude Goussard, Médecine Physique, 24 rue George Sand, 75016 Paris

La rééducation du rachis cervical doit être envisagée dans l'optique d'un traitement à long terme, cherchant à replacer tous les mécanismes de la statique et de la dynamique cervicale aussi poche possible de leur physiologie. Il s'agit d'une thérapeutique de fond à visée préventive, indispensable pour prolonger le bénéfice des traitements symptomatiques et pour limier la fréquence et l'intensité des récidives.

 
Bilan avant traitement
 

On précise l'aspect morphologique du cou (longiligne, asthénique ou bréviligne), l'insuffisance ou l'exagération de la courbure cervicale et frontal (recherche d'une scoliose cervico-dorsale ou d'une inflexion latérale permanente de la tête). L'étude des mobilités actives et passives permet la recherche de limitations d'amplitude en flexion-extension, rotation et inclinaison droite et gauche. Il faut aussi considérer l'influence de la position de travail, la position de la tête et du cou lors des activités de loisirs, leur retentissement sur le réveil ou l'entretien des phénomènes douloureux, et le contexte psycho-affectif dans lequel évolue le ou la patient (e).

 
Moyens techniques disponibles
 

La physiothérapie. Ces techniques ont un but sédatif, décontracturant et parfois anti-inflammatoire. Elles comprennent :

  • Les ultrasons, qui donnent parfois de bons résultats sur les douleurs d'insertion ou sur les contractures localisées en plein corps musculaire
  • Les courants antalgiques de basse et moyenne fréquences, utilisés sur les contractures du plan musculaire superficiel
  • Les ondes courtes et ondes centimétriques
  • Les ionisations. A l'aide d'un courant uni-directionnel, des substances ionisables anti-inflammatoires ou antalgiques peuvent être utilisées
  • La thermothérapie. Une majorité de cervicalgies est soulagée par la chaleur. On utilise les infrarouges, les applications de paraffine, ou de boue paraffinée ou les enveloppements de linges réchauffés. Dans certains cas, l'application de froid se révèle efficace.  
Les tractions. Deux facteurs principaux sont à considérer dans l'utilisation des tractions cervicales : la durée et l'intensité de la traction. Elles peuvent être réalisées assis ou sur un plan incliné ou en décubitus dorsal. Selon leur intensité, elles ont des effets sur les muscles, sur les articulations uncovertébrales ou sur le diamètre des trous de conjugaison par augmentation de leur ouverture. Afin d'éviter une réaction réflexe de contraction musculaire, on a recours aux massages, aux enveloppements chauds, et surtout à l'augmentation très progressive de la charge. Les cervicalgies communes dans leur forme subaiguë peuvent bénéficier des tractions de faible intensité et de longue durée (2 h/ jour). Les NCB bénéficient de tractions cervicales dont l'intensité doit être plus grande, avec un axe de traction en légère cyphose cervicale.

La kinésithérapie. La kinésithérapie vise à prévenir les récidives. Elle ne doit être prescrite qu'après avoir calmé les douleurs par des moyens médicamenteux ou physiques. Elle comprend :

  • Les massages et les tractions manuelles
  • Les techniques passives et actives de récupération de mobilité
  • La rééducation musculaire, qui fait appel aux contractions imaginées, sollicitations de la musculature cervicale par diffusion d'énergie, récupération de la puissance et de l'endurance musculaire cervicale et scapulaire, techniques d'ajustement du rachis cervical par microcontractions isométriques multidirectionnelles
  • Enfin, la reprogrammation du rachis cervical dans l'unité fonctionnelle comprenant la tête, le dos et la ceinture scapulaire fait appel à un travail global en réponse à des informations sensitives proprioceptives à distance, et à l'adaptation du tonus de posture. On utilise des sollicitations d'équilibration, d'abord en décubitus dorsal, puis en station assise sur un plan ferme puis instable, et enfin en station debout sur un plan ferme, puis instable, en station bipodale puis unipodale.
 
Schémas de traitement
 

Cervicalgie aiguë avec torticolis. Lors de la phase aiguë, période de repos au cours de laquelle le patient porte le plus souvent un collier, on peut proposer :

  • Une électrothérapie antalgique (ultrasons, courant de basse fréquence ou ionisations), une cryothérapie locale relayée, après amélioration, par des applications pluriquotidiennes de chaleur (parafango)
  • Des massages de la musculature cervicale et scapulaire, la tête étant bien immobilisée.
Dès que la contracture musculaire est levée, l'immobilisation nocturne par collier est encore conservée pendant quelques jours et l'on peut alors utiliser des tractions manuelles progressives. Lorsque la mobilité redevient normale, on peut associer les applications de chaleur, les massages, le ponçage des points douloureux (ligaments, attaches musculaires occipitales), les mobilisations actives et passives associées aux tractions manuelles. Les exercices d'auto-grandissement et de renforcement musculaire isométriques seront intégrés de manière progressive, pour arriver en fin de traitement aux exercices de correction de la statique cervicale et à l'auto-rééducation.

Cervicalgie aiguë sans torticolis. D'emblée, il est possible de pratiquer des massages doux et progressifs de la nuque et de la région scapulaire, associés à une thermothérapie, des ultrasons sur les cordons myalgiques, puis une mobilisation d'abord passive puis active du rachis cervical.

Après amélioration, le schéma thérapeutique est le même que précédemment. La durée du traitement est de 10 séances à raison de trois séances par semaine. Faire un contrôle à la 5e séance. Un traitement complémentaire est parfois nécessaire (8 à 10 séances).

Cervicalgie chronique. Le traitement fait d'abord appel à la thermothérapie et à l'électrothérapie. Les massages sont d'abord superficiels puis plus profonds dans les régions cervicale, scapulaire et dorsale haute. Les élongations font appel aux tractions axiales manuelles douces, progressives et indolores. Progressivement sont intégrées des mobilisations actives et passives en restant toujours en deçà de la tension extrême et en respectant l'indolence complète. Elles peuvent être combinées aux tractions manuelles.

La reprogrammation proprioceptive oculo-cervicale qui fait suite permet d'utiliser la liaison fonctionnelle entre les yeux et le cou pour permettre une bonne récupération de la mobilité et une bonne coordination musculaire. Le travail musculaire fait appel aux contractions statiques, d'abord analytiques puis globales. La rééducation posturale et proprioceptive porte sur le rachis cervical et dorsal et la ceinture scapulaire avec exercices d'auto-élongation et d'équilibre de l!ensemble du rachis sur ballon ou sur plan instable. La prévention des récidives fait appel à l'apprentissage de l'hygiène de vie, à l'étude de la position de moindres contraintes, au port d'un collier souple lors des activités à risques, à l'utilisation de bonnes positions au cours du repos et dans la vie quotidienne, lors des activités sportives, à un entraînement quotidien utilisant les postures, les exercices d'auto-grandissement et les exercices actifs de musculation du cou par auto-poussées et auto-résistances manuelles.

 
Prescription du traitement
 

Une première série de 15 séances doit être prescrite au rythme de deux par semaine. Il faut revoir le patient au milieu et à la fin du traitement. Si nécessaire, on prescrira 10 à 15 nouvelles séances à raison de deux puis une par semaine selon le résultat et l'évolution.

Cervicalgie aiguë : Faire dix séances de massages et de rééducation du rachis cervical et de la ceinture scapulaire comportant:
  • Physiothérapie locale (chaleur)
  • Massages à visée sédative et décontractante
  • Rééducation douce et progressive par contractions isométriques
  • Exercices d'auto-étirements et travail contre résistance manuelle.
  • Respecter l'indolence. Ne pas manipuler. Trois séances par semaine. Urgent.
Cervicalgie chronique : Faire quinze séances de rééducation du rachis cervical et de la ceinture scapulaire avec :
  • Massages et physiothérapie à visée antalgique
  • Mobilisations passives prudentes
  • Contractions isométriques
  • Récupération de la mobilité active
  • Travail proprioceptif (cervicalgies sur arthrose évoluée) Deux séances par semaine.
Syndrome de la traversée cervico-thoraco-brachiale : Faire quinze séances de rééducation avec :
  • Des massages de détente de toute la musculature cervico-scapulaire, des frictions et massages transverses profonds sur les insertions des attaches musculaires
  • Des mobilisations passives associées aux massages de tout le rachis cervical, des omoplates et de l'articulation scapulo-humérale
  • Un travail musculaire par contractions isométriques du plan cervico-dorsal postérieur, et de l'élévation de l'épaule
  • Le travail d'antepulsion du scapulum est complété par des exercices d'allongement axial actif contre opposition sur le vertex, associés à des contractions isométriques brèves contre des oppositions multiples appliquées tout autour du crâne. Il faut exclure les postures et les exercices en abaissement-rétropulsion des épaules car ils tendent à fermer les défilés ostéomusculaires
  • Enfin, le patient doit réaliser tous les jours quelques exercices tels que le travail de la mobilité des épaules, le renforcement du plan postérieur cervico-dorsal avec auto-élongations et des mobilisations actives du rachis cervical, en particulier dans les latéro-flexions

Cette rééducation doit être suivie d'une seconde série identique si les résultats sont insuffisants. Le malade doit poursuivre ses exercices quotidiens pendant plusieurs années et un contrôle annuel par prescription de 10 séances est à faire pendant 3 à 4 ans.



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