Professeur Pierre Rabischong, Montpellier

Les pubalgies sont des manifestations douloureuses spécifiques de la symphyse pubienne qui sont en rapport avec des phénomènes mécaniques qui dépassent les limites de tolérance normales de cette articulation. L'approche compréhensive vise à tenter d'expliquer des phénomènes anatomiques en identifiant les problèmes techniques de la construction d'un système anatomique, afin de comprendre non seulement le comment mais encore le pourquoi en partant du principe que la machine a été conçue et produite sans erreur technique par un constructeur intelligent. Le bassin est un exemple possible de raisonnement mécanique sur le pourquoi de sa structure particulière en "anneau brisé" avec les deux diarthroses postérieures des articulations sacro-iliaques et de l'amphiarthrose antérieure de la symphyse pubienne. Celle ci présente une interposition fibreuse comparable au disque intervertébral.

On peut en outre décrire pour le bassin deux triangles inversés, en se rappelant que le triangle est en trois points en appui orthostatique, alors que l'appui en plus de trois points est dit hyperstatique. Un premier triangle à base antérieure est le triangle de charge qui permet le transfert de la charge du tronc concentrée au niveau L5-S1 en se répartissant parle complexe ilio-sacré vers les appuis sur les têtes fémorales par l'intermédiaire du cotyle. Le second triangle à base postérieure est le triangle d'amortissement du transfert de charge entre le tronc et les membres inférieurs. Or, le fonctionnement principalement asymétrique des membres inférieurs impose des contraintes importantes au niveau de l'anneau pelvien, qui ne saurait résister s'il était fait d'une seule pièce osseuse rigide. La solution ingénieuse pour en renforcer la résistance mécanique est d'autoriser, au sein même de cet anneau, des amortissements visco-élastiques par microdéformations contrôlées en brisant la continuité et en introduisant des zones de déformations évitant les ruptures. Les sacro-iliaques par leur surfaces cartilagineuses fortement imbriquées et serrées par des ligaments puissants permettent de faibles mouvements de glissement et la symphyse pubienne par son matériel fibreux interposé absorbe une grande partie du cisaillement correspondant.

Cependant, dans les sollicitations extrêmes imposées par la pratique de certains sports comme le football, on peut arriver à la limite de résistance des matériaux et aboutir à de véritables étirements ligamentaires avec amorces de rupture ou à des cisaillements excessifs générant des phénomènes douloureux par atteinte des filets nerveux présents dans les capsules et les ligaments et qui normalement ne transmettent que des informations de tension normale. Par exemple, un shoot violent du pied sur un ballon nécessite une contraction maximale des fléchisseurs de hanche d'un côté et une fixation du membre inférieur de l'autre côté par contraction des extenseurs. Ceci peut créer un cisaillement vertical brutal de la symphyse pubienne entraînant soit immédiatement, soit à plus long terme une rupture fibro-ligamentaire. Le phénomène de fissuration mécanique de la symphyse pubienne est fréquemment observé dans nos dissections et il est tout à fait comparable à la fissuration mécanique quasi normale des disques intervertébraux sous l'effet de la compression et du cisaillement dues aux facteurs biomécaniques d'expression locale. Réparer une disjonction pubienne est particulièrement difficile et la cicatrisation ou la reconstruction des moyens de synthèse de l'articulation par la seule immobilisation sont bien souvent illusoires et nécessitent une synthèse chirurgicale.