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Le Syndrome du Piriforme

Mise au point de tests spécifiques. Aspects cliniques et traitement

Jean-Claude GOUSSARD, Service de Rééducation Fonctionnelle et Médecine Orthopédique, Hôtel-Dieu de Paris

Certaines douleurs fessières, ou à point de départ fessier irradiant dans le membre inférieur peuvent avoir leur origine au niveau du muscle piriforme du bassin. Elles sont la conséquence d'une atteinte du muscle lui­même ou d'une compression permanente ou intermittente du tronc du nerf grand sciatique à son niveau. Les signes sont parfois trompeurs ou peu évocateurs, et rattacher les douleurs à leur cause musculaire présente souvent des difficultés. A nouveau, l'examen précis et méthodique du patient prend toute sa valeur. Des tests simples et spécifiques permettent d'arriver au diagnostic. Ce sont ces tests que nous proposons de développer ici.
Rappel anatomique
Le piriforme du bassin, muscle allongé aplati et triangulaire s'étend de la face antérieure du sacrum au bord supérieur du grand trochanter. Il est situe en partie dans le bassin, en partie dans la région fessière, juste au dessous du petit fessier et sur le même plan que lui. De son origine sacrée, il se porte en bas en avant et en dehors. Il traverse la grande échancrure sciatique et limite cet orifice en deux parties : le canal sus piriforme par lequel le pédicule vasculo-nerveux supérieur pénètre dans la fesse et le canal sous piriforme limité en bas par l'épine sciatique et le petit ligament sacro-sciatique, dans lequel s'engage le pédicule vasculo-nerveux inférieur de la région fessière.

Ce muscle présente des rapports très étroits avec certaines formations nerveuses. Ainsi, le plexus sacré est plaqué contre la paroi postérieure du bassin, dans la loge du piriforme et appliqué sur le muscle situé en arrière. Le nerf du piriforme est détaché de la face postérieure des racines S1 et S2, à la face antérieure du muscle.

Le pédicule vasculo-nerveux inférieur, qui comprend en particulier le nerf grand sciatique, pénètre dans la fesse en passant juste au dessous du bord inférieur du piriforme et dans ce canal, il est étroitement appliqué contre le bord tranchant de l'épine sciatique et du petit ligament sacro-sciatique.
Rappel physiologique
Le piriforme fait partie d'un groupe de six muscles rotateurs externes de la cuisse (piriforme, jumeaux supérieur et inférieur, obturateurs externe et interne, carré fémoral). Il intervient également dans l'abduction et l'extension de la cuisse. Comme les autres pelvi-trochantériens, il joue un rôle important dans l'ajustement antéro-postérieur du bassin.

Il est testé dans ses fonctions de rotateur externe et d'abducteur de la hanche, le sujet assis au bord de la table, jambes pendantes. Une contre pression est exercée simultanément à la face externe et l'extrémité inférieure de la cuisse et à la face interne de la jambe au dessus de la cheville. Les pelvi-trochantériens étant indissociables, il s'agit plus d'un test fonctionnel que d’un bilan analytique.

Etio-pathogénie des douleurs du muscle piriforme
Plusieurs mécanismes peuvent être invoqués.

La présence de cordons myalgiques dans les muscles fessiers est constante lors des atteintes de la charnière lombo-sacrée, qu'elles soient aiguës ou chroniques. Au sein du piriforme, ils traduisent la souffrance du segment S1. Ils sont retrouvés au cours des radiculalgies S1 et des épisodes de lombalgies d'origine lombo-sacrée. La persistance de ces cordons à distance de l'épisode aigu peut être responsable de douleurs résiduelles, unies ou bilatérales, localisées à la fesse ou à point de départ fessier, irradiant alors dans le membre inférieur selon un trajet pseudo radiculaire, toujours incomplet. Dans ces cas, l'examen du rachis lombaire est normal et ne permet pas de rattacher cette douleur à une radiculalgie typique, persistante ou récidivante. L'examen du membre inférieur peut retrouver d'autres cordons myalgiques dans le territoire S1 (partie inférieure du biceps crural, jumeau externe) témoins de cette atteinte ancienne.

La possibilité d'une compression ou d'une irritation du nerf grand sciatique a été évoquée. Dans le canal sous-piriforme le nerf est étroitement appliqué contre le bord tranchant de l'épine sciatique. La pression sur le nerf est accentuée par l’hyperactivité des muscles rotateurs externes (et en particulier du piriforme) et la mise en rotation interne de la cuisse. Le syndrome du canal sous-piriforme est la traduction d'une irritation du nerf sciatique à la sortie du pelvis. Il se manifeste chez des sujets le plus souvent sans antécédents lombo-sciatalgiques. L'examen clinique réveille les douleurs et leurs irradiations éventuelles lors de la percussion de la fesse au niveau de la projection cutanée de la sortie du nerf (signe de Tinel). Elles sont augmentées par la rotation interne de a cuisse. Gelmers invoque chez les jockeys l'étirement du nerf contre l'épine sciatique lors du mouvement dissocié de flexion de hanche et de lordose du rachis (attitude du cavalier), et de la compression du nerf entre la selle et le rebord tranchant de la partie inférieure fibro-musculaire du canal sous piriforme.
L'éventualité d'un syndrome intra-piriforme par passage du nerf à travers le muscle n'est pas à exclure. Ceci n'a pas été démontré à notre connaissance. Des douleurs intermittentes pourraient en résulter, favorisées par certaines attitudes mettant le muscle en tension, ou par la présence de cordons myalgiques au cours ou au décours de lombalgies ou de lombo-sciatiques S1.
Tests d'examen
Afin de rendre plus précis l'examen clinique pour faire la preuve de l'origine musculaire locale des douleurs, nous proposons certaines manœuvres appropriées. Elles sont, comme il se doit, effectuées de manière comparative.
 

Fig. 1 malade debout, membres inférieurs en rotation externe.

Sur le patient debout, nous utilisons les tests de flexion antérieure du tronc dans trois positions : pieds droits, parallèles à l’axe antéro-postérieur, puis pointes des pieds en dedans et en dehors (rotations interne puis externe des membres inférieurs) (fig. 1). Si la douleur est en rapport avec une atteinte du piriforme, elle est reproduite plus précocement lorsque1es membres inférieurs sont en rotation interne, pointes des pieds en dedans (par mise en tension préalable du muscle), et plus tardivement (ou totalement absente) lorsque les membres inférieurs sont en rotation externe (détente du muscle). Ce test est objectivé par la mesure de la distance doigts sol dès l'apparition des douleurs.

En décubitus dorsal, nous effectuons les manœuvres suivantes :

a) Malade allongé, jambes tendues. Le praticien saisit les chevilles du malade et imprime une rotation interne passive des membres inférieurs (fig. 2). Du côté atteint, l'amplitude est limitée et la douleur parfois réveillée. Cette diminution d'amplitude est liée à la présence de cordons myalgiques au sein du piriforme.

b) L'élévation jambe tendue est aussi réalisée dans les trois positions différentes de rotation du membre inférieur. La douleur apparaît plus rapidement lorsque le membre inférieur est en rotation interne. Noter l'angle d'apparition de la douleur avant et aptes traitement (fig. 3).

c) Cuisse fléchie à 90° sur le bassin. A partir de cette position (fig. 4) la mise en adduction passive de la cuisse réveille la douleur et l'amplitude est diminuée du côté atteint (fig. 5). Il est possible de sensibiliser cette manœuvre en imprimant une rotation externe de cuisse, ce qui a pour effet d'augmenter la tension du muscle piriforme (fig. 6).

En décubitus ventral, la mise en rotation interne passive de la cuisse, jambe à 90°, réveille la douleur fessière et l'amplitude est diminuée par rapport au côté opposé (fig. 7). On peut augmenter la tension préalable du muscle en partant de la position cuisse en adduction (fig. 8). La contraction résistée du piriforme peut également réveiller la douleur ressentie spontanément par le patient. La cuisse est mise en rotation interne passive et la résistance est appliquée face interne de jambe au dessus de la malléole (fig. 9).

Au cours de ces deux derniers tests, il est assez facile de palper le corps du muscle lui même ou sa portion externe. Ceci apporte un argument supplémentaire à l'origine des douleurs lorsque cette manœuvre réveille les douleurs habituelles.

Discussion

Il existe des affections locales ou loco-régionales à ne pas méconnaître :

  • Une coxopathie (arthrose en particulier) sera éliminée facilement par l'interrogatoire, l'examen clinique et les examens complémentaires.
  • Une authentique radiculalgie S1 n'échappera pas à un examen attend du rachis et du membre inférieur.
  • Lors de la manœuvre d'élévation jambe tendue, une douleur peut être réveillée à la face postérieure de la cuisse en cas de rétraction des ischio-jambiers (intérêt de l'examen comparatif et de la mesure de l'angle poplité). Cette douleur peut être d'origine musculaire, liée à la mise en tension de ces muscles ou irradiée par sollicitation de la charnière lombo­sacrée. Elle ne varie pas selon les rotations du membre inférieur. Il peut aussi s'agir d'une tendinite des ischio-jambiers. Ici la douleur est reproduite par l'étirement des muscles, la contraction résistée, et la palpation de la zone tendineuse.

Dans le cas d'un authentique syndrome canalaire anatomique (ou d'une prédisposition anatomique particulière), deux facteurs peuvent être invoqués dans la genèse des douleurs:

  • La présence de cordons myalgiques au sein du muscle piriforme ou une hypertonicité résiduelle, peut servir de "révélateur", la douleur pouvant être réveillée lors de certaines positions mettant le muscle en tension (se pencher en avant jambes tendues par exemple).
  • L'association lordose lombaire, flexion adduction rotation interne de cuisse (position du jockey) peut révéler cette prédisposition, associée ou non à la présence de cordons myalgiques.
Traitements
Il est possible d'intervenir efficacement sur le facteur positionnel (modification de la position, aménagement du matériel) et sur le facteur musculaire (traitements manuels, physiothérapiques ou médicamenteux).

A)    LES TRAITEMENTS MANUELS

Pour autant que cela soit possible, les traitements manuels sont à exécuter en première intention. Leur grande efficacité n'est plus à démontrer. Nous décrirons les manœuvres que nous utilisons régulièrement.
Première manoeuvre : Le patient est installé en décubitus ventral, la cuisse du côté à traiter placée en adduction, la jambe fléchie à 90°. Le praticien est placé du côté opposé. D'une main il imprime un léger mouvement de rotation interne de la cuisse jusqu'à ressentir la mise en tension du muscle. Il demande alors au patient d'effectuer le mouvement inverse contre lequel il résiste. La contraction est maintenue pendant 10 secondes. Au relâchement complet, le praticien étire à nouveau le muscle pendant la même durée. La manœuvre est renouvelée 4 à 6 fois (fig. 10).

Deuxième manoeuvre : Le patient est en décubitus dorsal, cuisse fléchie à 90°, le praticien du côté opposé au côté à traiter bloque le genou sous son aisselle. D'une main, il imprime un lent mouvement d'adduction jusqu'à la sensation de mise en tension du muscle. De l'autre main il porte le pied vers l'extérieur jusqu'à ressentir une nouvelle mise en tension (fig. 11). Le piriforme est ainsi mis en tension maximale relative. A partir de cette position, le praticien demande au patient d'effectuer un mouvement d'adduction de la cuisse, contraction isométrique contre la résistance du praticien, pendant 10 secondes. Au relâchement, le praticien augmente passivement l'adduction et la rotation interne de hanche jusqu'à perception d'une nouvelle tension. Ceci répété 5 fois.

Massages et étirements : Les massages et étirements transversaux manuels du piriforme ont été décrits. Leur exécution reste délicate à faire et les résultats sont inconstants en raison de la situation profonde du muscle. Seules les manœuvres portant sur sa portion externe et son tendon terminal sont réalisables et efficaces. Nous décrirons cette technique de foulage contre la face postérieure du col fémoral. Le patient est en décubitus ventral, genou fléchi à 90°, pied engagé sous l’aisselle du praticien qui est debout du côté à traiter. Ceci permet d'imprimer des mouvements de rotation passive de la cuisse et de modifier ainsi la tension du muscle piriforme. Les étirements manuels transversaux peuvent être associés à des mises en tension passive ou des contractions isométriques qui vont redonner au patient un sens kines­thésique au niveau de cette région.
L'intensité et la durée des manœuvres doivent être adaptées aux réactions du patient et aux résultats obtenus (fig. 12).

B) LES INFILTRATIONS

Pour cette même raison de profondeur au sein de la masse fessière, l'infiltration du corps musculaire est parfois difficile à réaliser. Les infiltrations du tendon terminal sont plus aisées à réaliser, en dedans du grand trochanter (fig. 13).

C) L'ELECTROTHÉRAPIE

Les ondes magnétiques pulsées ou les ultra-sons donnent souvent de bons résultats sur les contractures musculaires persistantes. De 5 à 10 séances sont généralement nécessaires (fig. 14).
Conclusion

Les douleurs fessières sont souvent trompeuses et les rattacher à une cause musculaire locale au niveau du piriforme est parfois difficile et source d'erreurs.

Un examen précis et méthodique est fondamental. Nous proposons des tests spécifiques et reproductibles qui, dans notre expérience, permettent de mieux cerner le problème et de mettre en évidence l'atteinte musculaire ou canalaire locale,

La cause est le plus souvent la présence de cordons myalgiques au sein du corps musculaire en rapport avec des lombalgies chroniques ou aiguës ou des antécédents de sciatique S1. Des facteurs positionnels et des dispositions anatomiques particulières ont été décrits.

Le traitement manuel adapté, les infiltrations locales ou la physiothérapie constituent notre arsenal thérapeutique.



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