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Importance de la latéro-flexion

pour les

manipulations lombaires en décubitus latéral

Michel GILSON 15 rue des Briquetteries 6558 LOBBES Belgique

 

 

Ce travail présenté par la section francophone du groupement belge de Médecine Manuelle tend à répondre à une question souvent posée mais à laquelle jamais nous n'avons eu de réponse précise, au cours des enseignements antérieurs : "Comment, dans une manipulation vertébrale lombaire en décubitus latéral, privilégier le mou­vement manipulatif sur un complexe articulaire postérieur droit ou gauche dans un segment mobile déterminé ?" ou en d'autres termes: lorsque l'on manipule un segment mobile lombaire en décubitus latéral, où la manipulation passe ­t'elle: sur le massif articulaire droit ou sur le massif articulaire gauche ?

 

Une réflexion commune nous a amené à penser que la réponse à cette question se trouve dans la position de latéro-flexion que l'on imprime à la colonne lombaire, sur un sujet en décubitus latéral.

 

 

 

DEFINITIONS

 

Entendons nous d'abord sur un vocabulaire commun. Lorsque sur un complexe articulaire postérieur donné, on imprime un mouvement rotatoire, celui ci peut se faire dans deux directions :

 

Une direction où l'apophyse articulaire supérieure se dirige en haut et en avant, par rapport à l'articulaire inférieure. C'est ce que nous appelons une rotation antérieure (fig. 1).

 

Fig. 1 : Rotation antérieure

 

Une autre direction possible est celle où l'apophyse articulaire supérieure se dirige en arrière et en haut, par rapport à l'articulaire inférieure (fig. 2). C'est la rotation postérieure ou dérotation.


 

Fig. 2 : Dérotation ou rotation postérieure

 

 

A ce stade, on peut objecter que, à partir du moment où on exécute dans un massif articulaire donné une rotation antérieure, automatiquement il existe une rotation postérieure dans l'autre articulation. Ceci est inexact pour deux raisons :

 

 

La première est que l'axe de rotation d'un segment mobile lombaire ne se trouve pas au milieu du corps vertébral et qu'ainsi les mouvements, dans les 2 complexes articulaires, ne sont pas symétriques.

La deuxième raison est que chaque mouvement de rotation, au niveau lombaire, s'accompagne obligatoirement d'une latéro-flexion homologue ou hétérologue suivant l'état de cyphose ou de lordose de la colonne. Cette latéro-flexion va amener des amplitudes de mouvement inégales dans les deux articulations interapophysaires :

  • l'amplitude sera moins grande du côté de la latéro-flexion parce qu'il y a apposition des surfaces articulaires de ce côté (convergence) et verrouillage précoce ;
  • du côté opposé, c'est à dire, du côté convexe, l'amplitude sera plus grande parce qu'il y a séparation des surfaces articulaires (divergence) et verrouillage par tension capsulaire et ligamentaire secondaire.
On pourra donc, à ce stade, et en fonction de l'exa­men clinique propre à la médecine manuelle, privilé­gier le mouvement manipulatif sur un seul massif articulaire soit en rotation antérieure soit en rotation postérieure.

 

 

RAPPEL DE PHYSIOLOGIE ET DE CINETIQUE ELEMENTAIRE DU SEGMENT MOBILE LOMBAIRE

Nous savons que le disque permet le mouvement en fonction directe de sa hauteur et que les articula­tions vertébrales postérieures conditionnent la direction et l'amplitude du mouvement.

La rotation lombaire est théoriquement très limitée étant donné la forme des facettes articulaires (5° à 10° au maximum de chaque côté). Cette rotation légère est surtout marquée s'il y a flexion et latéro­flexion associée, d'autant que l'extension lombaire tend à bloquer tout mouvement rotatoire, par impac­tion des surfaces articulaires les unes dans les autres.Tout se passe donc comme si le rachis lombaire servait d'amortisseur aux grands mouvements de rotation du tronc, progressivement absorbés d'étage en étage lombaire, pour ménager la charnière lombo-sacrée. Le fait que la rotation lombaire soit très limitée n'enlève rien à son importance. Nous empruntons, au livre de R. Maigne, un paragraphe qui a toute son importance : « ... remarquons qu en matière de manipulations, lorsque l'on considère un système articulaire donné, ce sont les mouvements physiologiques les plus restreints qui sont les plus intéressants. Ils sont très fréquemment atteints de blocage articulaire et leur libération dégage du même coup les mouvements de grande amplitude ».

 

REALISATION PRATIQUE

Nous prendrons l'exemple d'un sujet souffrant d'une lombalgie basse et qui présente à l'examen clinique une souffrance du massif articulaire droit en L4-L5.

 

Première possibilité (fig. 3)

 

 

Fig. 3 : Manipulation en rotation antérieure

 

La rotation vers la gauche est libre ou pour être plus précis, la rotation antérieure de L4 droit sur L5 droit se fait sans douleur. Nous positionnons le patient sur le côté doulou­reux, c'est à dire droit, le membre inférieur droit étendu pour obtenir une cyphose lombaire. Le membre supérieur droit est amené vers le bord supérieur de la table, côté manipulateur, en ayant soin de laisser l'épaule droite sur la table et en réalisant une latéro-flexion gauche. La tête repose sur le bras droit en rotation gauche. L'épaule gauche du patient est bloquée dans le sillon delto-pectoral par le coude du manipulateur qui tendra à exagérer la latéro-flexion gauche. Le membre inférieur gauche du sujet est amené en dehors de la table et maintenu entre les cuisses du médecin. Par un petit jeu de jambes, celui ci pourra localiser avec précision l'endroit qu'il veut manipuler et qui correspond au sommet de la courbure dans cette position précise. La mise en tension se fera, d'une part, par le recul de l'épaule gauche du patient qui mettra en ten­sion ligamentaire progressive toute la colonne thoraco-lombaire jusqu'au niveau souhaité ; d'autre part, par appui sur l'aile iliaque du patient. Cet appui n'est pas indifférent et se fera suivant un axe bien précis, correspondant en fait à l'axe du fémur gauche du patient emprisonné par les cuisses du manipulateur.

Il s'agit de la résultante de deux mouvements distincts : un axe de direction rotatoire perpendiculaire à l'axe de la colonne et un axe dirigé vers la tête du patient et qui tente d'exagérer la latéro-flexion gauche.
La manipulation ne sera que l'exagération brusque et rapide de cette mise en tension.

Ce mouvement complexe, en fait, ouvre le massif articulaire droit L4-L5 qui est de suite mis en tension capsulaire et ligamentaire alors que le massif gauche est verrouillé par convergence. L'appui sur l'aile iliaque porte l'articulaire supé­rieure droite de L5 en arrière et en bas par rapport à l'articulaire inférieure droite de L4... ou si l'on veut, L4 droit reste en avant par rapport à L5 droit qui se déplace en arrière et en bas. Il s'agit donc bien d'une rotation antérieure gauche de L4 sur L5.

Deuxième possibilité (fig. 4)

 

 

 

La rotation vers la gauche est douloureuse. C'est à dire que la rotation antérieure de L4 droit sur L5 droit éveille une douleur chez le sujet. Par contre, la rotation vers la droite est indolore. On aura donc la possibilité de faire une manipulation en rotation postérieure sur ce massif articulaire précis L4-L5 droit.

Pour cela, nous installons le patient sur le côté gauche, le massif articulaire en cause vers le haut.

Le membre inférieur gauche est tendu afin de créer une cyphose lombaire.On va ensuite réaliser une latéro-flexion gauche pour ouvrir vers le haut le segment mobile, en attirant l'épaule du patient vers le bas, en l'effaçant au maximum permettant au rachis thoraco-lombaire de se positionner en latéro‑flexion gauche. La tête est en rotation droite.

Le membre inférieur droit du patient pend en dehors de la table mais n'est pas immobilisé entre les jambes du manipulateur (en effet, ceci tendrait à réduire la latéro-flexion). L'épaule droite du sujet est immobilisée dans le sillon delto-pectoral par l'avant bras du médecin.

La mise en tension s'effectuera, d'une part, par le recul de l'épaule droite, augmentant la latéro-flexion et mettant en tension ligamentaire la colonne thoraco-lombaire jusqu'au niveau souhaité, d'autre part, par l'appui sur l'aile iliaque droite avec l'avant bras gauche dans une direction qui est la résultante d'un mouvement rotatoire perpendiculaire et d'un mouvement d'exagération de la latéro-flexion gauche, c'est à dire en direction des pieds du patient. La manipulation suivra la mise en tension.

Cette seconde manœuvre ouvre le massif articulaire droit vers le haut avec tension capsulaire et ligamentaire alors que le massif articulaire gauche est verrouillé en dessous. L'appui sur l'aile iliaque porte l'articulaire droite de L5 en avant et en bas par rapport à l'articulaire droite de L4 qui reste en arrière et en haut ; L4 droit reste en arrière et en haut par rapport à L5 droite qui se dirige en avant et en bas. Il s'agit donc bien d'une rotation postérieure droite de L4 sur L5.

Cette dernière manipulation en dérotation est en fait plus globale et peut être moins précise que la première. Elle correspond plus en fait à celle que R. Maigne appelle "le tir à l'arc" qui est un mouvement de décoaptation articulaire globale.

Pour nous résumer, nous dirons que les manipulations lombaires en décubitus se font surtout en cyphose puisque la lordose exagérée bloque tous les massifs articulaires par coaptation. Elles peuvent se faire soit en rotation antérieure soit en rotation postérieure pour un même massif articulaire. Dans la rotation antérieure, latéro-flexion et se font dans le même sens. Dans la rotation postérieure, latéro-flexion et rotation se font en sens opposé.

La réalisation pratique demande initialement un peu de réflexion et de géométrie dans l'espace, mais elle se révèle, ensuite, d'un intérêt non négligeable dans la pratique quotidienne.



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