Summary:
Disc herniation and vertebral manipulations. Spinal manipulation
is an important element in the treatment of backache with or whithout sciatica.
This treatment must be restricted to the cases in which manipulation can be
carried out in accordance with the « rule of no pain and opposite motion ». The
relief may be immediate, total and long lasting. But the aspect of disc
protrusion seen in radiculography or in CAT scan is very often not modified
after successful treatment. Because of this lack of demonstrable effect, the way
of action of spinal manipulation is not clearly understood. If there is no
scientific evidence to explain why it works, it is only because we do not know
all about the mechanisms of pain in these cases. One of the disadvantages of
manipulative therapy is the long training which is necessary in order to acquire
skill in its use.
Certains syndromes douloureux que l'imagerie et la clinique font rattacher à une
hernie discale sont soulagés d'une manière parfois spectaculaire et souvent
durable par des manipulations. Ce fait d'observation quotidienne pour qui a une
bonne pratique de ces techniques ne va pas sans poser de problèmes, si l’on sait
qu'il n'y a le plus souvent aucune différence notable entre l'image «avant» et
l'image «après». Autant que le mode d'action de la manipulation, cela met en
question le mécanisme de la douleur dans de tels cas.
Principes
d’application des manipulations
Une grande règle régit pour nous
l'application des manipulations : la Règle de « la non?douleur et du mouvement
contraire » (Maigne). Il va sans dire que le mouvement manipulatif, précédé de
mobilisations dans la même direction, ne doit en aucun cas faire apparaître ou
aggraver une douleur préexistante. Mais le point essentiel de cette règle est
que la manipulation doit forcer le mouvement libre opposé (« mouvement contraire
») à celui qui déclenche la douleur.
Les mouvements du rachis se
développent dans les trois plans de l'espace : sagittal (flexion ou extension),
frontal (latéroflexion droite ou gauche), horizontal (rotations). De même, les
différentes techniques manipulatives exercent des contraintes dans l'une ou
l'autre de ces directions, selon la manoeuvre sélectionnée. La décision de
recourir à un tel traitement nécessite donc l'étude précise de la mobilité
rachidienne passive dans toutes les directions sur la zone à traiter. On peut
consigner le résultat sur le « schéma en étoile » figurant les six directions
possibles. Une manipulation ne peut être généralement efficace que s'il existe
au moins trois directions libres et indolores.
Le nombre de séances varie selon
les cas. Une ou deux pour un lumbago aigu, deux à cinq pour une sciatique ou
pour une lombalgie chronique, avec un espacement de deux à sept jours,
constituent les chiffres habituels. Un soulagement partiel apparaît
habituellement dès la première séance. Il est parfois total. Chaque séance
comporte en proportions variables des manœuvres de détente, des mobilisations et
étirements, et enfin une à trois manœuvres avec impulsion (la « manipulation »
proprement dite). C'est leur bon dosage, leur précision qui fait la qualité du
traitement.
Application aux
hernies discales lombaires
Une hernie discale lombaire peut
être à l'origine: 1) d'un lumbago aigu, 2) d'une radiculalgie sciatique, 3)
d'une lombalgie chronique. Il fut une époque où elle était considérée comme la
cause quasi unique de ces trois affections. Une évolution s'est faite, et le
rôle des articulations postérieures est actuellement beaucoup plus largement
admis.
Lumbago aigu
Il est classiquement d'origine lombaire inférieure. Il peut être d'origine
discale et parfois déboucher sur une sciatique, il peut être d'origine
articulaire postérieure (Mac Nab). Mais il peut aussi être d'origine
dorso-lombaire avec une douleur uniquement lombaire basse (Maigne). Les lumbagos
aigus dans leur ensemble réagissent souvent à la manipulation. Mais les
résultats varient sensiblement selon les formes cliniques.
Les lumbagos aigus d'origine
dorso-lombaire réagissent très bien et très vite à ce traitement, si la
technique est appropriée et précise. Ils ne sont pas d'origine discale. Ils sont
généralement la conséquence d'une dysfonction douloureuse aiguë du segment
vertébral et liés à ce que nous nommons un « Dérangement intervertébral mineur
». Cette dysfonction ne concerne sans doute pas la seule articulation
postérieure, mais celle ci joue sûrement un rôle important. Il est assez facile
de différencier le lumbago d'origine D12-L1 (un quart des cas totaux) du lumbago
d'origine lombaire basse par l'absence habituelle de scoliose antalgique et par
l'examen segmentaire attentif et sur les signes qui lui sont propres.
Il est en revanche impossible de
différencier cliniquement le lumbago discal du lumbago par entorse articulaire
postérieure lombo-sacrée. Le caractère spontanément résolutif du lumbago aigu en
trois à dix jours fait que nous ne disposons pas d'études scanographiques
suffisantes pour connaître la fréquence de chacun d'eux et, si elles existent,
les particularités cliniques qui permettraient éventuellement de les
différencier. Néanmoins, sur l'aspect clinique, on peut distinguer parmi les
lumbagos aigus d'origine lombo-sacrée trois variétés :
Les deux premières variétés
réagissent bien à la manipulation, 50 % sont complètement soulagés dès la
première séance, la moitié de ceux restants le sont après une deuxième séance
faite deux jours plus tard. La dernière catégorie, avec attitude en cyphose,
représente sans doute une forme d'origine plus souvent discale que les deux
premières. La manipulation se trouve ici assez souvent contre-indiquée, car la
règle de la non douleur et du mouvement contraire est inapplicable.
Sciatique
Le problème est différent, puisque la plupart des sciatiques radiculaires
communes sont la conséquence d'une hernie discale bien montrée par l'imagerie.
La manipulation peut soulager un certain nombre de ces sciatiques, partiellement
ou complètement. La sélection se fait uniquement sur les critères cliniques. Il
faut que l'état du rachis la permette et que la règle de la non douleur puisse
être respectée. Il faut en outre que la manœuvre soit facile à exécuter pour un
opérateur entraîné et qu'il y ait un gain immédiat après la première séance sur
le signe de Lasègue, la flexion antérieure ou la douleur du patient pour se
mouvoir. Lorsque ce gain immédiat est net, deux à quatre séances complémentaires
seront faites et chacune marquera un progrès.
L'indication type est la
sciatique modérée ; mais certaines sciatiques aiguës peuvent être
parfois remarquablement soulagées, au point que le patient oublie trop vite les
règles élémentaires de repos et de prudence.
Les sciatiques
hyperalgiques ne répondent pas, sauf rares exceptions, aux critères de
sélection et sont donc des contre?indications.
Les sciatiques parésiantes
ne sont pas des contre indications. Il n'est pas rare qu'un patient qui présente
une discrète parésie L5 et ne peut redresser le gros orteil contre résistance
puisse le faire immédiatement après la manipulation. De même, on peut parfois
constater la réapparition d'un réflexe achilléen qui était très diminué ou
aboli. En revanche, il faut s'abstenir de toute manipulation dans les
sciatiques paralysantes, qui constituent une contre indication. Il va
sans dire que la suspicion même d'un syndrome de la queue de cheval
contre?indique formellement cette technique.
En pratique sept sciatiques sur
dix peuvent être traitées par manipulation, avec un bon résultat dans deux cas
sur trois.
Lombalgies chroniques
Sous réserve des mêmes critères d'application, la manipulation se révèle être un
bon traitement de nombre de lombalgies chroniques d'origine lombo-sacrée ou
dorso-lombaire. Elle apporte en deux à six séances un soulagement net et
durable, que va conforter ? lorsqu'elle est nécessaire ? une rééducation rendue
plus facile. Une séance d'entretien deux ou trois fois par an est parfois utile.
La lombalgie chronique d'origine
dorso-lombaire (Maigne) constitue la meilleure indication si l'état du rachis le
permet. Elle n'est pas discale.
Certaines lombalgies d'origine
lombo-sacrée qui peuvent être d'origine discale sont assez couramment soulagées
par les techniques manipulatives. Celles ci apportent parfois à elles seules des
améliorations rapides et curieusement durables, malgré les aspects radiologiques
d'arthrose ou de détérioration discale importants qu'on peut parfois constater.
Mais la manipulation constitue surtout un moyen qui, associé aux autres
traitements, permet entre des mains entraînées d'instituer une rééducation plus
brève et plus efficace.
Parmi ces lombalgies d'origine
lombo-sacrée, quelles sont celles qui sont d'origine articulaire postérieure,
quelles sont celles qui sont d'origine discale, et quelles sont celles qui sont
d'origine ligamentaire ? Les tests d'infiltrations peuvent parfois permettre
d'évoquer, mais non de prouver, telle ou telle origine. Et il semble bien que
dans de tels cas, la structure responsable de la douleur n'est pas toujours la
même chez un même patient et varie selon les périodes.
Si on s'en tient seulement aux
critères de l'imagerie, on peut constater que la manipulation peut soulager
parfaitement et parfois durablement des lombalgies où tout porte à croire qu'une
hernie discale joue un rôle. En revanche, il est des cas à imagerie similaire où
toute manipulation est impossible, et d'autres où elle est possible, mais
n'apporte aucune modification... Un cas particulier est l'association d'une
lombalgie d'origine haute dorsolombaire avec une lombalgie basse.
Mécanismes
d’action. Hypothèses
Pour expliquer le soulagement
obtenu dans le cas du lumbago aigu discal, on a évoqué la réintégration vers le
centre du disque (de Sèze) du fragment du nucléus bombant contre l'anneau
fibreux. Ce mécanisme est vraisemblable mais à notre connaissance non démontré
par l'image.
En ce qui concerne les sciatiques dont l'origine discale peut être affirmée, il
est peu vraisemblable que la manipulation puisse faire « rentrer » la hernie.
Chrisman et coll. ont pu étudier 39 malades ayant présenté une sciatique discale
qui avait été soulagée durablement par manipulations. Ils ne trouvèrent aucune
modification des images radiologiques faites avant et après le traitement, même
lorsqu'il semblait exister une compression marquée et que le soulagement se
maintenait. Farfan estime que 30 à 40 % des patients soulagés d'une sciatique
par manipulations présentent le même aspect à la radiculographie après et avant
le traitement manipulatif. Nous avons pu faire des constatations analogues sur
des dizaines de cas.
On ne peut alors qu'avancer des
hypothèses. Il est possible que la manipulation, séparant même passagèrement les
antagonistes, permette pendant cette courte période aux phénomènes congestifs et
inflammatoires de diminuer, atténuant le conflit, tandis que par action réflexe,
elle agisse favorablement sur les contractures qui entretiennent le conflit...
La manipulation est un traitement
qui s'avère assez souvent efficace dans le domaine de la pathologie lombaire
commune même lorsqu'une hernie discale peut être tenue pour responsable, si les
règles d'application sont respectées et si elle est bien exécutée. Il n'est pas
inutile de rappeler ici que pour donner toutes ses possibilités, la manipulation
demande un très long entraînement pratique et un bon sens clinique, même s'il
arrive parfois qu'une technique approximative apporte un résultat spectaculaire.
Le fait que son mode d'action ne soit pas encore très clair ne peut faire le
procès de cette technique. Mais cela pose le problème du mécanisme même de la
douleur.
Bibliographie
1 FARFAN L.H. Mechanical disorders of the low back. Philadelphia, Lea and
Febifer, 1977
2 Mac NAB I. Backache. Baltimore, The Williams and Wilkins Co., 1979
3 MAIGNE R. Origine dorsolombaire de certaines lombalgies basses. Rôle des
articulations interapophysaires et des branches postérieures des nerfs
rachidiens. Rev. Rhum., 1974, 41:781-789
4 MAIGNE R. Low back pain of thoracolumbar origin. Arch. Phys. Med. Rehabil.,
1980, 61:389-395
5 MAIGNE R. Le choix des manipulations dans le traitement des sciatiques. Rev.
Rhum., 1965, 32:366-372.