La
Presse Médicale, 1956;64:2022
Un
préalable à la rééducation lombaire : la libération de hanche
J-C
Goussard, Rééducation Fonctionnelle, Hôtel-Dieu, Paris
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Les douleurs
liées à la présence de contractures au sein des muscles pelvi-trochantériens
sont bien connues. Elles font le plus souvent suite à un épisode de lombalgie ou
de lombo-sciatique. Moins connues sont les douleurs lombaires, fessières, ou
pelvi-fémorales en rapport avec une atteinte musculaire consécutive à une
dysharmonie fonctionnelle lombo-pelvi-fémorale.
Notre
mode de vie, trop souvent assis, se traduit au fil du temps par une rétraction
des fléchisseurs de la hanche. Lorsque celle ci devient trop importante, elle
est responsable de la persistance d'une antéversion du bassin lors de la station
debout. Cette antéversion a deux conséquences.
- Elle limite
l'extension de la hanche, ce qui entraîne, au cours de la marche et de la
station debout, une sollicitation excessive de la charnière lombo-sacrée en
lordose. Cette "hyperlordose fonctionnelle" peut être, elle même, source de
lombalgies d'origine articulaire postérieure, ou de douleurs fessières par
irradiations sciatalgiques.
- Les muscles
pelvi-trochantériens, en particulier le pyramidal et l'obturateur interne,
sont en contraction permanente afin de lutter contre l'antéversion du bassin
(schéma).
Ceci confirme la
notion de complexe fonctionnel lombo-pelvi-fémoral.
Fig. 1 :
En station debout, l'activité tonique du couple pyramidal / obturateur interne
assure la rétroversion du bassin antéversé par le groupe antérieur. (iliaque,
droit antérieur, tenseur du fascia lata ou TFL)
Ces rétractions
et contractures doivent donc être dépistées et traitées avant d'entreprendre une
kinésithérapie lombaire. Si ce traitement n'est pas fait, leur présence peut
réduire à néant la rééducation, car elles sont un facteur important de récidives
ou d'échec.
Nous présenterons
ici un moyen de rendre plus efficace et plus durable la rééducation
lombo-pelvienne.
Notre expérience
du traitement de nombreuses lombalgies et lombo-radiculalgies nous a permis
d'apprécier le bien fondé de ces méthodes en préambule à toute kinésithérapie
lombaire.
Les résultats
sont déterminants pour choisir les techniques à appliquer. L'examen doit être
bilatéral et comparatif. Le patient décrit une douleur fessière, uni ou
bilatérale, permanente ou intermittente, apparue isolément ou dans les suites
d'un épisode de lombalgie ou de lombo-radiculalgie.
Interrogatoire.
Cette douleur peut
être augmentée ou provoquée dans certaines circonstances :
- Lors de la
station assise, obligeant parfois le patient à soulever le côté douloureux
pour soulager la douleur ;
- A la marche,
avec sensation de retenue au niveau de la hanche, au déroulement du pas ;
- Au passage
de la station assise à la station debout ;
- Lors de la
mise en antéversion maximale du bassin, lorsque par exemple on demande au
patient de se pencher en avant, jambes tendues.
Il peut exister
une irradiation vers la face postérieure ou la face externe de la cuisse, ne
descendant jamais au dessous du genou. La douleur antérieure, liée à la
contracture du droit antérieur, est moins fréquente dans notre expérience.
Examen
physique.
Le patient est installé en procubitus et nous rechercherons les signes suivants
:
- Une
antéversion précoce du bassin lors de la flexion passive de la jambe sur la
cuisse, traduisant une rétraction ou un défaut d'allongement des muscles
polyarticulaires (TFL ou droit antérieur principalement, fig. 1)
Fig. 1
: Recherche de la rétraction des muscles TFL et droit antérieur
Fig. 2 :Recherche d'une tension douloureuse au niveau du pyramidal.
- L'extension
passive de la hanche, genou en extension, donne les mêmes résultats en cas
d'enraidissement des muscles monoarticulaires et des éléments passifs
antérieurs de l'articulation.
- Une douleur
fessière, horizontale, réveillée par mise en rotation interne passive de la
hanche. Cette manœuvre met en tension le pyramidal du bassin et révèle une
contracture au sein de ce muscle (fig. 2).
- La palpation
des insertions trochantériennes du pyramidal et des obturateurs peut
réveiller une douleur irradiant vers la face externe ou postérieure de la
cuisse, identique à celle que ressent habituellement le patient.
La diminution ou
la disparition de la douleur fessière et de ses irradiations, et les bons
résultats obtenus sur la douleur lombaire après libération de la hanche, sont
des arguments importants en faveur d'une dysharmonie fonctionnelle
lombo-pelvi-fémorale d'origine musculaire.
Le patient est
installé en procubitus, un coussin plat et ferme sous les épines iliaques
antérieures et supérieures pour favoriser la rétroversion. Le bassin est
maintenu par un puissant sanglage (on utilise de préférence une sangle de bassin
à 3 courroies), afin que les exercices n'entraÎnent pas d'hyperlordose
lombo-sacrée. Les muscles seront travaillés dans des positions et selon des
modalités variant en fonction de leur physiologie.
- L'étirement
du TFL se fera en posturant la cuisse en extension-adduction-rotation
externe (fig. 3)
- Une
extension directe de la cuisse, associée à une flexion maximale de la jambe,
provoquera un étirement du droit antérieur
- Les muscles
monoarticulaires de la hanche et le plan capsulo-ligamentaire antérieur
seront étirés par une posture prudente en extension de la cuisse, jambe en
extension.
- Le pyramidal
du bassin sera étiré progressivement par des exercices de "tenu-relâché" à
contractions faibles, afin de ne pas appliquer de contraintes sur le genou,
de préférence à des postures en rotation interne de la cuisse (fig. 4).
Fig. 3 Etirement du TFL (pour
mieux visualiser la manœuvre, le sanglage n'est pas représenté.)
Fig. 4
Travail en "contracté-relâché" du pyramidal du bassin (sanglage non
représenté).
A aucun moment
l'exercice ne doit provoquer de douleur lombaire, et la progressivité des
exercices doit être soigneusement respectée.
Dans la plupart
des cas, l'amélioration est nette dès la première séance et se complète les 2 ou
3 suivantes.
La rééducation de
reprogrammation lombo-pelvienne qui suivra sera de durée variable selon
l'ancienneté des troubles.
Intérêt
du traitement. Le relâchement des muscles polyarticulaires de la hanche
va entraîner la sédation des douleurs musculaires de la cuisse (notamment
celles liées à la contracture du TFL et /ou du droit antérieur). Le bassin
n'étant plus entraîné, ni maintenu en antéversion, les contraintes au niveau de
la charnière L5-Sl vont diminuer et par voie de conséquence les douleurs qui en
dépendent.
Le pyramidal et
l'obturateur interne n'étant plus en contraction permanente dans leur lutte
contre l'antéversion, la douleur fessière va diminuer ou disparaître. Ils
pourront alors reprendre leur fonction d'équilibration du bassin.
La rééducation
personnalisée lombo-pelvi-fémorale sera ainsi plus efficace à long terme, un
facteur de récidive ayant été supprimé.
Les
inconvénients. La technique présente un risque d'aggravation de la
lombalgie si le segment lombaire n'a pas été convenablement protégé par le
coussin et la sangle. L'installation du patient doit faire l'objet d'une grande
attention.
Ces techniques de
libération de l'articulation coxo-fémorale, préalables à la rééducation lombaire,
présentent le double intérêt de faire diminuer ou céder une lombalgie, une
lombo-sciatalgie ou une douleur fessière, et de préparer la région lombaire à
une rééducation appropriée.
D'une grande
efficacité si elles sont appliquées avec prudence, elles sont encore
malheureusement peu connues et méritent d'être approfondies.
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