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Lombalgies et muscle carré des lombes

J-C Goussard, Rééducation fonctionnelle Hôtel-Dieu, Paris

Les lombalgies aiguës ou chroniques peuvent avoir leur origine au niveau de structures anatomiques variées et présentent alors des aspects différents. Les origines articulaires postérieures, discales, ligamentaires, sont connues. L'origine musculaire semble moins fréquente et moins connue. Nous avons constaté que certaines lombalgies avaient pour origine une atteinte isolée du muscle carré des lombes. Nous développerons les aspects cliniques et thérapeutiques propres à ce syndrome d'origine musculaire.

 
Rappel anatomique et physiologique
 

Le carré des lombes fait partie du groupe moyen des muscles de la région postérieure du tronc. Avec les intertransversaires, il est situé dans le plan des apophyses transverses, en avant des spinaux. Il est aplati, quadrilatère, tendu de la crête iliaque à la douzième côte et à la colonne lombaire. Il est formé par trois sortes de faisceaux : ilio-costaux, ilio­transversaires et costo-transversaires.

Les faisceaux ilio-costaux et ilio-transversaires s'attachent à la partie postérieure de la crête iliaque et au bord supérieur du ligament ilio-lombaire. Ils se dirigent en haut et en dedans. Les fibres supérieures se terminent sur le bord inférieur de la dernière côte, les autres s'insèrent au sommet des apophyses transverses des quatre premières vertèbres lombaires. Les faisceaux costo-transversaires se dirigent en bas et en dedans, du bord inférieur de la douzième côte à la face antérieure des apophyses transverses lombaires.

Innervation

Ce muscle est innervé par des branches collatérales du plexus lombaire. Les nerfs du carré des lombes naissent des deux premières branches antérieures lombaires. Il reçoit également quelques rameaux provenant du douzième nerf intercostal.

Physiologie et testing

Sa contraction unilatérale produit une inflexion latérale du tronc et un abaissement de la dernière côte si le bassin est fixe. A l'inverse, le tronc étant fixé, il élève le bassin de son côté. Il participe à l'élévation du bassin lors de la marche. Il se teste en décubitus ventral, dans son action d'inflexion latérale du bassin, le membre inférieur homolatéral en légère abduction.

 
Les différents aspects cliniques
 

Nous débuterons par un exemple typique :

Observation M.. M., 46 ans. Mécanicien auto, il ressent une vive douleur lombaire droite en ramassant un boulon. La douleur est strictement unilatérale, localisée dans l'espace costo iliaque, en dehors de la ligne des épineuses, sans irradiation. Tout mouvement de flexion et d'inclinaison gauche du tronc est impossible. Les autres mouvements sont un peu douloureux mais possibles, notamment les rotations. La douleur n'est pas impulsive. A l'examen debout, on constate la présence d'une attitude antalgique modérée en inclinaison latérale droite du rachis lombaire. A l'examen dynamique, il existe un réveil de la douleur dès le début de la flexion du tronc, et une impossibilité d'incliner le tronc à gauche, alors que dans l'autre sens le mouvement est normal et indolore. Il est à noter que l'attitude antalgique persiste lors de la flexion du tronc, sans voussure lombaire.

A la palpation, on ne retrouve aucun signe local ou à distance d'un syndrome vertébral segmentaire dorso lombaire ou lombo sacré. Le seul signe physique est un point douloureux exquis situé à environ 5 cm de la ligne médiane, dans l'espace costo-iliaque droit, au sein d'une importante contracture musculaire isolée, verticale, dont la palpation reproduit la douleur spontanée, évoquée par le malade. La mise en tension de cette région en décubitus latéral gauche est douloureuse, de même que la contraction résistée, à un moindre degré. Nous avons alors évoqué une lombalgie due à une contracture isolée du muscle carré des lombes.

Le traitement qui a comporté des étirements progressifs de ce muscle et une infiltration d'anesthésique dans le cordon myalgique a fait disparaître complètement les symptômes en deux séances.

Les lombalgies basses d'origine dorso lombaire ont été parfaitement décrites. Leurs signes et leurs particularités cliniques sont désormais bien connus. Localisés ou à distance, ils entrent dans le cadre du syndrome vertébral segmentaire (R. Maigne). Ainsi, la présence de cordons myalgiques au sein du muscle carré des lombes lors d'une atteinte aiguë ou chronique de cette charnière n'est pas exceptionnelle. Elle doit être recherchée de manière systématique.

Cependant, nous avons été amené à constater chez un certain nombre de patients présentant une lombalgie (aiguë ou chronique) la présence d'une contracture importante et isolée du muscle carré des lombes, que l'examen vertébral ne permettait pas de rattacher à une atteinte segmentaire. Le traitement local de cette contracture a suffi à faire disparaître tous les symptômes, ce qui a permis d'évoquer l'unique responsabilité de ce muscle.

Nous avons voulu attirer l'attention sur ce type de lombalgie.

 
Forme aiguë
 

Nous décrivons le cas le plus typique d'une atteinte unilatérale, où tous les signes sont présents. Le malade présente souvent une attitude antalgique qui associe une inflexion latérale directe de la région lombaire et une légère cyphose (ou une réduction de la lordose). A l'examen, l'inflexion latérale du côté douloureux est d'une amplitude normale, indolore, alors qu'elle est impossible du côté opposé. La flexion du tronc est douloureuse et limitée (on mesure la distance mains-sol) et l'attitude antalgique en inclinaison latérale se maintient, sans voussure musculaire para­vertébrale. La rotation du côté de la douleur est peu limitée, beaucoup plus du côté opposé, par mise en tension du muscle. L'extension n'est ni limitée, ni douloureuse.

Certains signes sont évocateurs :

  • La palpation de la région costo-iliaque, retrouve, de manière constante, un important cordon myalgique vertical, situé à 4 ou 5 cm de la ligne médiane, à mi-chemin entre la dernière côte et la crête iliaque, parfois plus haut, près de l'insertion supérieure du muscle. Elle reproduit de façon constante la douleur ressentie spontanément par le patient.
  • La mise en tension passive du muscle, qui peut se faire en décubitus latéral du côté opposé à la douleur, en décubitus dorsal par traction sur le membre inférieur homologue ou en station assise, réveille également cette douleur.
  • La contraction résistée est généralement peu douloureuse (elle se fait en décubitus ventral comme la manœuvre du testing).

Point fondamental : il n'existe aucun élément en faveur d'un lumbago d'origine dorso-lombaire. L'examen vertébral segmentaire de la charnière dorso­lombaire est strictement normal, et tous les signes à distance sont absents (pas de point de crête ni de cellulalgie lombo-fessière). Ainsi, l'absence de signes vertébraux, la présence de nombreux signes musculaires locaux ainsi que l'attitude antalgique particulière amènent à évoquer une lombalgie d'origine musculaire.

A ce sujet, DUCHENNE DE BOULOGNE rapporte trois cas d'inflexion latérale directe de la colonne vertébrale par contracture unilatérale du carré des lombes (et peut être des inter­transversaires lombaires). Selon l'auteur, "le carré lombaire incline le tronc de son côté en produisant une flexion lombaire latérale, dont la convexité regarde le côté opposé, sans rotation des vertèbres même après 6 à 8 mois de durée, et provoque une courbure en S qui caractérise la contracture unilatérale des spinaux lombaires et la scoliose parce que, dans ces derniers cas, les spinaux font un relief considérable, du côté correspondant à la convexité de la courbure lombaire, relief qui est occasionné par la rotation des vertèbres lombaires" Toujours selon cet auteur, les transversaires épineux sont les rotateurs essentiels des ver­tèbres qu'il appelle spinaux profonds. Les muscles spinaux superficiels, dorsaux et lombaires n'ont qu'une action d'inclinaison latérale de leur côté et d'extension.(2)

L'atteinte bilatérale est moins fréquente, bien que nous l'ayons retrouvée quelques fois. Dans ces cas, il peut exister une attitude antalgique en légère cyphose lombaire. Hormis l'extension, tous les mouvements sont douloureux et limités, mais l'examen segmentaire rachidien est normal. A la palpation, on retrouve une importante contracture musculaire des paravertébraux et des carrés des lombes.

Les causes les plus fréquemment observées à l'origine de cette forme de lombalgie aiguë sont des mouvements répétés ou des mauvaises positions en inclinaison latérale du tronc. L'exemple type étant une mauvaise installation dans un canapé pour regarder la télévision. La fatigue prolongée ou répétée du muscle, ou une mauvaise synergie musculaire dans certains gestes peut être à l'origine d'une contracture muscu­laire localisée.

Contrairement aux douleurs d'origine dorso lombaire, nous n'avons pas noté le rôle déclenchant des mouvements de torsion du tronc.

 
Forme chronique
 

Dans les formes chroniques, la douleur et l'atteinte musculaire sont le plus souvent unilatérales. Sa localisation est identique, latéro vertébrale, dans l'espace costo iliaque, sans irradiation. Elle est mécanique, réveillée par les mouvements de flexion et d'inclinaison latérale opposée, non impulsive. Dans ces cas, il n'existe pas d'attitude antalgique. L'atteinte musculaire est retrouvée par l'examen spécifique décrit ci-dessus. Elle peut avoir plusieurs causes :

Cause locale : En apparence isolée, conséquence de la fatigue du muscle par des efforts ou des mauvaises positions, elle peut faire suite à un épisode aigu ou apparaître progressivement.

Cause vertébrale : La douleur musculaire peut être secondaire à un dérangement intervertébral mineur (DIM) dorso lombaire traité locale ment, mais dont les conséquences à distance n'ont pas été traitées ou sont passées inaperçues.

Mixte : Des positions ou des mouvements répétés vont fatiguer ce muscle, dont la sensibilité est augmentée par une irritation chronique de la charnière dorso lombaire.

Peut on décrire un syndrome du carré des lombes ?

Dans le cadre d'un syndrome vertébral segmentaire, les cordons myalgiques sont recherchés systématiquement. Leur persistance après traitement de la cause vertébrale peut être à l'origine de douleurs résiduelles. Il ne faut pas les méconnaître (4).

Dans un certain nombre de lombalgies, les données de l'examen confirment la responsabilité isolée du muscle carré des lombes. La preuve est apportée par l'absence de signe d'atteinte rachidienne à l'examen local, la positivité des tests spécifiques sollicitant ce muscle, le réveil de la douleur spontanée à la palpation, ainsi que la remarquable et constante efficacité du traitement local.

Lorsque toutes ces conditions sont réunies, la notion de syndrome musculaire localisé peut alors être évoquée.

 
Traitement
 

La cause purement musculaire des symptômes étant retrouvée, seul le traitement local aura une réelle et rapide efficacité. Deux sortes de traitements sont employés.

Traitement manuel

Les manœuvres d'étirement passif du carré des lombes sont effectuées en décubitus latéral du côté opposé à la douleur (fig. 1) ou en station assise en veillant à stabiliser le bassin (fig. 2).

tirement du carre des lombes
Fig. 1 : Etirement du carré des lombes en décubitus latéral. Fig. 2 : Etirement du carré des lombes en station assise

Nous utilisons également les manœuvres de contracter-relâcher et les manœuvres myotensives réalisées en décubitus ventral, en décubitus latéral ou en station assise. Elles sont répétées 8 à 10 fois environ, isolées ou combinées en fonction de leur efficacité. Trois à quatre séances sont généralement suffisantes pour faire disparaître la douleur et les signes locaux.

Infiltrations locales

Après avoir repéré, par la palpation, le cordon myalgique, nous pratiquons une infiltration d'anesthésique au point le plus douloureux (point gâchette). Ce traitement peut être employé isolément ou en complément du traitement manuel.



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