Les entorses costales
Signes , diagnostic et traitement
R
Maigne
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I) Introduction
Il arrive
fréquemment que des sujets après un traumatisme thoracique, ou plus souvent
après un effort ou un faux mouvement, se plaignent de douleurs le long du
trajet d'une côte.
Le soulagement
immédiat et définitif que l'on peut obtenir dans ces cas par une manoeuvre
simple qui ne vise et ne touche que la côte, semble montrer que ces douleurs
thoraciques sont dues à une entorse costale réductible.
C'est à propos
de 43 observations que nous voudrions attirer l'attention sur cette cause
méconnue, mais non rare, de douleurs thoraciques aiguës ou chroniques, et
montrer comment le diagnostic peut être affirmé sur la preuve d'un seul
signe indispensable, mais suffisant pour le diagnostic.
L'intérêt de ce
diagnostic réside d'une part dans le fait que l'entorse costale bénéficie
d'un traitement manipulatif simple qui amène un soulagement immédiat, et
d'autre part dans le fait qu'un certain nombre de ces entorses costales
chroniques conduisent à pratiquer des investigations inutiles, rénales le
plus souvent, lorsqu'elles sont méconnues.
Comment se
présentent en pratique, ces entorses des côtes ?
II) Observations
Observation
N° 1 : Mme L., 42 ans, ressent une violente douleur en coup de couteau
dans le flanc droit, alors qu'elle est en train de recouvrir son lit. Cette
douleur a son maximum au niveau des fausses côtes, et irradie vers l'aine,
même dit elle, vers la face interne de la cuisse. Elle souffre beaucoup et
doit s'aliter. Peu à peu, la douleur s'atténue, à condition qu'elle ne fasse
aucun mouvement. Après trois jours de lit, elle va un peu mieux, et c'est
alors qu'elle vient consulter. Les mouvements du tronc, la respiration
profonde provoquent la douleur.
Il n'y a pas
d'attitude antalgique. La flexion du rachis est libre, l'extension provoque
la douleur ainsi que la rotation droite du tronc et la latéroflexion droite.
Aucun point
douloureux à la pression des épineuses. Un point douloureux net à deux
travers de doigt à droite de D12. La pression sur la dernière côte est
douloureuse sur tout son trajet, alors qu'elle ne l'est pas sur celle du
côté opposé ou sur la côte sus-jacente.
Elle avait
présenté un an plus tôt, un accident identique. Elle avait alors été dirigée
sur un Service d'Urologie où furent faites des explorations rénales et des
radiographies de la colonne, qui ne montrèrent aucune anomalie.
La douleur
disparut petit à petit, au bout de 5 à 6 mois, ayant été vraiment gênante
pendant un mois.
Observation
N° 4 : M. B., 30 ans, au cours d'un combat de judo, subit un ciseau au
corps (la base du thorax est serrée entre les genoux de l'adversaire) : une
douleur extrêmement vive l'oblige à abandonner. Il est plié en deux,
soutient de ses deux mains son côté gauche, au niveau des fausses côtes. Il
respire avec difficulté, car chaque mouvement est très douloureux.
Examiné
aussitôt, on constate qu'il n'y a pas de point douloureux sur le rachis,
mais le maximum de douleur siège au niveau de la dernière côte gauche qui
est hypersensible sur tout son trajet et surtout à son extrémité.
Manipulation :
soulagement instantané.
Observation
N° 7 : M. M., en fauchant, ressent une douleur soudaine et vive au
niveau de la fosse lombaire gauche. La douleur persiste, très violente. Il
rentre chez lui avec peine, plié en deux. Son médecin fait une infiltration
de novo au niveau de la région sensible (articulation costo-vertébrale D12
gauche) qui le soulage partiellement. Trois infiltrations donnent une
amélioration franche. Il l'adresse à ce moment là pour compléter le
résultat. Là aussi aucun signe de souffrance du rachis qui est souple,
indolore. Par contre, douleur vive sur le trajet de la 12e côte gauche.
Tout cède
immédiatement après manipulation de la côte.
Ces trois
malades ont pu être immédiatement soulagés par une simple manoeuvre portant
sur la côte sensible.
Mais comment les
choses vont-elles se passer, si l'on ne réduit pas cette «entorse costale »
?
Le plus souvent la gêne douloureuse va disparaître au
bout de quelques jours, et ne réapparaîtra plus. Parfois un petit réveil
douloureux sera déclenché par un mouvement forcé du tronc en rotation ou en
latéroflexion, ou par une secousse de toux. Mais il arrive que la gêne soit
plus tenace et plus marquée, comme par exemple, dans les observations
suivantes :
Observation
N° 3 : Mme D. souffre depuis un an de la région lombaire haute à gauche,
lorsqu'elle vient consulter. Le début a été brutal, en soulevant une
marmite. Mais la douleur a été si vive et s'est réveillée par crise les
jours suivants, que son médecin traitant a pensé à une crise de coliques
néphrétiques.
Elle a été
hospitalisée aux fins d'investigations rénales et tous les examens se sont
montrés normaux, de même que les radiographies vertébrales. Actuellement,
elle reste gênée : en particulier pour soulever le moindre poids, pour se
retourner dans son lit. Parfois, la douleur redevient aiguë, après avoir
fait son ménage ou gardé un certain temps une mauvaise position.
L'examen
clinique rachidien montre une légère scoliose dorso-lombaire. La colonne est
souple, mais la latéro flexion gauche du tronc reste gênée et lui fait mal.
La douleur se situe au niveau des fausses côtes gauches, la dernière étant
très sensible à la pression.
La manipulation
est difficile, car la malade est obèse. Elle réussit cependant, puisque,
aussitôt après, la côte n'est plus sensible à la pression. Revue cinq mois
plus tard, elle n'avait plus souffert du tout.
Observation
N° 17 : M. M., 44 ans. Il y a trois mois, en faisant un faux mouvement
pour éviter un accident, il a ressenti une douleur vive dans la région
lombo‑costale droite. Il est très gêné pendant quelques jours, et doit
garder le lit. Par la suite, il souffre de temps à autre, et certains
mouvements de torsion du tronc déclenchent une douleur vive qui dure
quelques minutes, le clouant sur place.
Il s'agit d'une
entorse de la onzième côte que l'on réduit aussitôt.
Observation
N° 22 : M. M., 18 ans, présente des douleurs lombo-costales droites
depuis huit mois, survenues brutalement lors d'une course de 100 mètres
plats. Cette douleur réapparaît lorsqu'il veut faire un effort ou lors de
certains mouvements du tronc, difficiles à préciser. Elle dure alors
quelques heures, très gênante, et se calme progressivement dans la journée.
Mais il arrive que la douleur soit encore plus durable.
Malgré le début
traumatique, de nombreux clichés pulmonaires ont été pratiqués. De même que
les radiographies du rachis, ils n'ont rien montré d'anormal.
Il s'agit d'une
entorse de la dixième côte.
Observation
N° 25 : M. B., 55 ans, souffre de lombalgies hautes, depuis neuf ans. Il
a fait un effort en soulevant un sac, ce qui a déclenché une douleur très
vive à la base du thorax. Par la suite, cette douleur réapparaît à la
fatigue, s'il reste longtemps assis, ou s'il travaille penché en avant. Il
ne peut plus soulever de charges. On lui a conseillé un lombostat qu'il ne
peut supporter, celui ci prenant appui sur la côte sensible. Au cours de
certains mouvements, la douleur prend un caractère aigu, et dure plusieurs
heures. Elle n'irradie pas ; elle reste sur place au niveau des côtes
gauches et la pression, même modérée, sur la neuvième côte est très
douloureuse.
Il s'agit d'une
entorse de cette côte qui répond immédiatement à la manipulation.
Observation
N° 43 : Les ennuis de notre dernier malade ont duré encore plus
longtemps. Il s'agit d'un malade de 28 ans, qui vient consulter parce que,
depuis l'âge de huit ans, il souffre de crises douloureuses durant de
quelques secondes à plusieurs jours, survenant inopinément, mais presque
toujours à l'occasion de certains mouvements du tronc en rotation et latéro-flexion,
et siégeant d'une façon absolument fixe dans la région souscostale droite,
et irradiant, lors de fortes crises, à l'aine. La première crise a eu lieu
alors qu'il avait huit ans. Il en a oublié les circonstances, mais raconte
qu'il a été hospitalisé à plusieurs reprises étant enfant, pour ces crises
qui pouvaient durer quatre à cinq jours. Il a encore été hospitalisé
récemment. Et chaque fois, il subit des explorations rénales, des examens
neurologiques très poussés, qui n'apportent aucun élément positif de
diagnostic.
A l'examen, la
douleur siégeait au niveau de la dernière côte droite, exquisément sensible
à la pression, et si l'accrochant avec la pulpe des doigts, on la tirait
vers le haut, on reproduisait exactement les douleurs de la crise. La
manoeuvre inverse, côte tirée vers le bas, est indolore.
La manipulation
de réduction aussitôt faite apportait à ce malade un soulagement complet.
Les crises ne se sont pas reproduites.
Voici enfin une
observation d'entorse costale antérieure, qui siégeait au niveau de la
jonction chondro-costale
Observation
N° 2 : M. P. P., 38 ans, fait une chute sur une grosse pierre qui la
heurte au niveau de la face antérieure du thorax, sous le sein gauche.
Douleur très vive, syncope. Un chirurgien pose alors le diagnostic de
fracture de côte. Le bandage soulage peu. La douleur persiste, exacerbée par
les mouvements, la toux. Le seul fait de toucher la région traumatisée donne
une douleur syncopale au niveau d'une zone située juste sous et en dehors du
sein gauche. Puis la douleur devient moins vive, mais toujours gênante, et
deux mois plus tard, le chirurgien est conduit à refaire des radiographies
et un examen soigneux. Il pense alors qu'il s'agit d'une douleur
intercostale succédant à une fracture de côte. La douleur va en s'atténuant
les mois suivants, mais les efforts sont impossibles et un point sous le
sein est extrêmement douloureux au moindre contact. La malade fait
constamment attention à protéger cette région et ne peut porter de
soutien-gorge.
Cette malade
souffre donc depuis un an. A l'examen on constate une douleur à
l'inspiration forcée, et si Pon. suit le trajet de la côte avec le doigt,
on constate que toute la côte est sensible, alors que les voisines ne le
sont pas.
L'examen montre
qu'il s'agit d'une entorse costale antérieure. La manipulation amène un
soulagement immédiat.
III) Présentation clinique
L'entorse
costale se présente donc comme une douleur thoracique ou lombaire haute.
Elle survient à la suite d'une contusion, d'un effort ou d'un faux
mouvement. Tantôt cette douleur a un siège costal évident, tantôt ce
caractère est plus difficile à préciser, surtout pour les côtes flottantes
où la douleur irradie parfois aux lombes et à l'aine.
Mais à l'examen,
il n'y a pas de point douloureux rachidien, et au contraire, la douleur à la
pression siège uniquement sur une côte, alors que les côtes voisines, ou
celles du côté opposé, sont indolores. Et cette douleur provoque la douleur
spontanée.
En l'absence du
traitement manipulatif qui amène un soulagement immédiat, l'évolution se
fait en général vers la guérison en quelques jours. Mais il arrive que ces
entorses passent à la chronicité et provoquent des douleurs thoraciques ou
lombaires, portant à des erreurs de diagnostic, surtout lorsqu'il s'agit des
fausses côtes.
1) Siège
Parmi nos 43
observations, 40 étaient des entorses postérieures, 3 seulement siégeaient
en avant, au niveau de la jonction chondro-costale, et étaient dues à des
contusions directes (au niveau des sixième et troisième côtes).
Sur les 40
entorses postérieures, 31 intéressaient les fausses côtes et 6 les huitième,
neuvième et dixième côtes. Les entorses des côtes moyennes ou hautes sont
sans doute plus fréquentes que ne le feraient croire ces chiffres. Mais
elles s'accompagnent en règle d'entorses vertébrales, et les manipulations
qu'on peut leur opposer ne sont pas purement costales.
Anatomiquement : les côtes s'articulent avec le rachis par deux
articulations : la costo-vertébrale, la costo-transversaire. Seules
articulations de l'organisme qui, de la naissance à la mort, ne connaissent
pas de repos.
Le mouvement
des côtes : Rappelons que physiologiquement, les côtes s'élèvent et
s'abaissent lors de la respiration. En s'élevant, la côte se porte en avant,
en dehors, et sa face interne s'incline vers le bas. En s'abaissant, elle se
porte en arrière, en dedans, et sa face interne se tourne en dedans.
Où se produit
l'entorse ? Pour les fausses côtes, la question ne se pose pas,
puisqu'il n y a pas d'articulation costo-transversaire. Mais pour les autres
? Théoriquement, on pourrait imaginer deux types d'entorses celle qui
siégerait au niveau de la costo-vertébrale, la costo-transversaire étant le
point fixe ; et celle réalisant le mécanisme inverse, l'entorse siégeant sur
la costo-transversaire, la costo-vertébrale étant le point fixe. Ce dernier
mécanisme semble anatomiquement le moins vraisemblable.
2) Causes
a) Des
traumatismes directs :
b) Des faux
mouvemernents ou efforts :
Il s'agit
presque toujours, parmi nos 43 observations, de faux mouvements en rotation,
parfois minimes. Deux cas en fauchant ; un athlète en prenant un départ de
ioo mètres (un bras est violemment projeté en avant au moment du départ,
tandis que l'autre est projeté en arrière) ; trois cas en faisant un lit ;
un cas en pelletant, etc. Plusieurs cas en se retournant, étant assis (par
exemple, conducteur qui veut fermer la porte arrière de sa voiture, cause
fréquente, 4 cas).
Ou alors,
c'est une contraction musculaire violente qui le provoque, en soulevant, en
éternuant.
3) Diagnostic
Il est facile
d'y penser en présence d'un malade qui présente, après un faux mouvement ou
un effort, une douleur thoracique aiguë. Mais il faut aussi y penser devant
une douleur intercostale plus ancienne, à type de précordialgie, ou de point
de côté, souvent catalogué « point pleural » ou névralgies intercostales. Il
n'est pas rare qu'un traumatisme ayant provoqué une fracture de côte réelle
ait créé sur la même côte une entorse responsable de douleur durable.
C'est
cependant au niveau de la fosse lombaire que les entorses costales sont
responsables des plus grands nombres d'erreurs de diagnostic : Sur 31
observations d'entorses des fausses côtes qui sont rapportées ici, 9 étaient
aiguës, 22 chroniques. Sur ces 22 malades, 14 avaient subi des
investigations rénales et 3 de ces malades avaient même été hospitalisés à
plusieurs reprises dans des services d'Urologie.
Il existe
souvent un fond douloureux, ou plutôt une sensibilité permanente de l'angle
costo-vertébral, s'aggravant lors de certains mouvements ou de certaines
positions, et pouvant avoir tous les caractères, de la simple gêne jusqu'à
la douleur pénible, de la lombalgie chronique.
Parfois
surviennent des crises déterminées par un faux mouvement, un effort. Mais
cet élément n'est pas toujours mis en évidence par le malade, et l'intégrité
du rachis, cliniquement et radiologiquement, fait que c'est toujours vers le
rein que s'orientent les recherches (deux malades avaient même eu, sans
succès, des néphropexies).
Ces éléments
doivent conduire à penser à la possibilité d'une entorse costale, et à en
rechercher le signe essentiel, que nous appelons la « manoeuvre de la côte »
Manoeuvre de la côte