Annales Médecine Physique
1969;12:45-53
La douleur
musculaire dans la
sciatique radiculaire commune
R Maigne
|
Dans les névralgies radiculaires d'origine vertébrale,
telles que sciatiques, névralgies crurales ou névralgies cervico-brachiales,
l'altération des libres nerveuses motrices se traduit par des troubles
amyotrophiques ou moteurs. Même dans les cas où aucune diminution de la
force musculaire ne peut être notée, il est banal de constater que les
muscles de la fesse, de la cuisse ou du mollet sont hypotoniques donc plus
mous à la palpation que ne le sont les muscles du côté sain.
Or l'objet de cet article est de souligner la fréquence
avec laquelle il peut exister, à l'inverse, un état particulier de certains
faisceaux musculaires dont la consistance ferme, voire dure, à la palpation
contraste avec celle du reste du muscle auxquels ils appartiennent. La
moindre pression exercée sur eux produit une douleur très vive alors que les
zones voisines sont de sensibilité normale ; de plus, elle correspond bien
souvent à la douleur habituelle du patient. Si on considère la consistance
de ces faisceaux, on serait tenté de dire qu'il s'agit de contractures
localisées. Mais la présence de "contractures" serait assez étonnante dans
cette atteinte d'un nerf périphérique. Leur nature et leur pathogénie pose
donc un problème et on ne peut manquer d'évoquer leur parenté possible avec
les crampes dont la fréquence dans certaines sciatiques est bien connue.
Mais si on peut discuter de leur nature ou même du nom
qu'il convient de leur donner, on ne peut guère discuter de leur réalité
puisqu'il suffit de palper pour les trouver. Encore faut-il le faire avec
beaucoup d'attention et rechercher ces faisceaux durs dans leurs zones
d'élection. Une certaine habitude du massage facilite les choses. Ces états
musculaires particuliers nous paraissent jouer un rôle dans la douleur
sciatique et être responsables de la persistance de certaines douleurs
sciatiques rebelles. Ils méritent donc attention, d'autant qu'on peut leur
appliquer certaines thérapeutiques efficaces, alors que les traitements
usuels de la sciatique sont sans grand effet. Il est courant de voir des
sciatiques aggravées par des massages alors que d'autres sont
remarquablement soulagées. On peut tenir pour assuré que ces dernières
présentent pour la plupart les caractéristiques que nous décrivons ici.
L'importance de ces faisceaux musculaires indurés dans certaines sciatiques
donnent à celles-ci une tonalité particulière et l'on peut parler de "sciatique
myalgique".
I) Les faisceaux musculaires indurés
C'est dans certaines sciatiques traînantes qu'on
rencontre ces faits de la manière la plus caractéristique. Un patient a
présenté une sévère crise de sciatique. Il a été bien amélioré par le repos
au lit, les traitements médicaux et mécaniques tels que traction on
manipulation. Mais bien que la douleur se soit beaucoup amendée et que les
signes d'examen se soient considérablement atténués, il continue à souffrir
d'une manière continue, avec des poussées d'exacerbation. La douleur se
situe dans la fesse, la cuisse ou le mollet, toujours au même endroit, dans
une région que le patient désigne du doigt. Lors des poussées elle peut
gagner toute la jambe et rappeler au malade les mauvais jours de la crise
aiguë. Les signes rachidiens sont atténués ou ont disparu. Il n'y a plus
d'attitude antalgique ; la souplesse rachidienne est sensiblement normale. A
noter que l'hypoesthésie qui a pu être importante ne s'atténue que lentement,
tandis que les signes déficitaires s'ils ont existé, s'améliorent
progressivement.
Le signe de Lasègue par contre est à 45° ou 60° et ne
s'améliore guère avec les semailles et les mois qui passent. Le repos ne
calme pas et les crises nocturnes ne sont pas rares, déclenchées semble-t-il
par certaines positions. Le patient se plaint de ne pouvoir croiser la jambe
atteinte sur l'autre, tant est douloureuse la pression du mollet contre
l'autre genou. Ou bien il ne peut rester assis sur certains sièges dont le
rebord comprime la partie inférieure de sa cuisse. Il a pu remarquer que
certaines positions conservées, et notamment garder la jambe repliée, en
détente complète des muscles du mollet et de la cuisse peut déclencher une
poussée douloureuse ce qui peut paraître étonnant puisque cela correspond à
une détente totale du nerf. On peut noter que le patient est souvent
amélioré par un peu d'exercice ou de marche. Mais s'il se fatigue, il
provoque une recrudescence de douleurs les jours suivants.
C'est la palpation attentive des masses musculaires qui
est le temps intéressant de l'examen. Il n'est pas douteux qu'une bonne
habitude du massage facilite les choses car si ces petits cordons indurés
sont parfois évidents, il faut souvent savoir les découvrir au sein d'un
muscle et pour cela trouver la meilleure position de palpation.
Il peut être utile pour mieux les percevoir d'exécuter
quelques manœuvres de détente préalable sur le muscle. Le patient signalera
d'ailleurs les zones douloureuses et c'est à leur niveau qu'on trouvera ces
cordons durs si particuliers. L'examen attentif montrera que cette
sensibilité n'intéresse en réalité qu'une toute petite partie du muscle que
le doigt palpera comme un morceau de crayon dur, au sein d'un muscle plus
mou.
Bien entendu, ces cordons musculaires ont la direction
des fibres du muscle. Leur taille peut varier en longueur et en grosseur.
Ils peuvent parfois n'intéresser que quelques fibres, et avoir le diamètre
d'une aiguille à tricoter - et ce sont souvent les plus douloureux - ou au
contraire intéresser une partie plus large du muscle et avoir le diamètre
d'un crayon, parfois d'un cigare. La longueur est généralement de trois ou
quatre centimètres dépassant rarement une dizaine de centimètres. Leur
examen peut être rendu plus facile par le graissage de la peau avec de la
vaseline. La palpation profonde est ainsi beaucoup plus fine.
La moindre pression faite sur ce cordon est très
douloureuse, surtout en son centre. Cette pression déclenche fréquemment une
salve de fasciculations dans le muscle et provoque la douleur habituelle de
crise. Le patient est étonné qu'on ait mis le "doigt "juste sur l'endroit où
il a mal car lui-même s'est rarement rendu compte de l'existence de ce point
précis. Le pincement du cordon entre pouce et index lorsque sa situation le
permet est très pénible, voire intolérable. Si sa petite dimension permet de
l'infiltrer à la novocaïne, cela apporte un soulagement complet immédiat et
le signe de Lasègue disparaît. L'effet favorable peut durer, malgré une
réaction douloureuse fréquente de quelques heures. Deux ou trois autres
injections à quelques jours d'intervalle pourront ainsi avoir raison d'une
sciatique rebelle, durant depuis plusieurs mois. Mais d'autres traitements
peuvent être appliqués que nous verrons plus loin.
II) Localisation de ces faisceaux
Il est curieux de noter que c'est toujours dans les
mêmes muscles et toujours dans la même partie de ceux-ci qu'on trouve ces
"faisceaux indurés".
-
Au mollet : c'est essentiellement le soléaire, plus
rarement le jumeau externe : ce sont presque uniquement les faisceaux
les plus externes de ces muscles qui sont intéressés. Le jumeau interne
n'est jamais concerné. L'atteinte des muscles de la loge antéro-externe
est rare, néanmoins parfois on trouve un tout petit cordon appartenant à
l'extenseur propre ou à l'extenseur commun.
-
A la cuisse : c'est presque uniquement la biceps
qui est concerné et presque toujours à sa partie inférieure. On
pourra entre pouce et Index saisir sa partie intérieure à quelques
centimètres au-dessus de son insertion péronière et percevoir
parfois dans le muscle, une petite olive extrêmement sensible dont
la pression déclenchera une salve de fasciculations et la douleur
irradiée. Ailleurs, il faudra palper en reclinant le tendon vers
l'arrière et palper contre le fémur les faisceaux inférieurs de la
courte portion dans laquelle on découvrira la zone indurée et
sensible. Il est fréquent dans les névralgies crurales de trouver au
niveau de la partie moyenne du droit antérieur une induration
douloureuse de quelques faisceaux musculaires.
-
A la fesse : les manœuvres de pétrissage ou de
palpation profonde des muscles fessiers sont généralement très
désagréables et même très douloureuses chez le sciatalgique. Cette
sensibilité peut être due aux plans cutanés - nous y reviendrons - et il
est facile par la manœuvre du pincé roulé de mettre en évidence leur
responsabilité. Mais si la pression globale des masses musculaires
contre l'os iliaque est très sensible, il est intéressant de noter que
cette sensibilité n'intéresse là aussi qu'une partie du muscle indurée
en cordons plus ou moins gros au niveau duquel la pression va déclencher
une douleur vive irradiant souvent jusqu'au mollet, selon le trajet
habituel. Il est bon de savoir à quels muscles appartiennent ces
faisceaux indurés. Nous utilisons pour cela la palpation du muscle
associée à sa mise en contraction élective contre résistance. C'est
ainsi qu'on palpera d'une main le moyen fessier pendant que l'autre main
s'opposera à l'abduction de la cuisse, le petit fessier pendant
l'opposition à la rotation interne, etc ... Pour le moyen fessier, ce
sont généralement les faisceaux à la verticale du grand trochanter qui
sont intéressés alors que pour le grand fessier ce sont les faisceaux à
insertion sacrée. Parfois le pyramidal (rotateur externe) pourra être
palpé comme un gros cordon transversal dur et tendu.
-
Muscles paravertébraux : si on palpe avec attention les
muscles paravertébraux au cours des syndromes douloureux mécaniques
(lombalgies, dorsalgies, cervicalgies), on peut constater l'existence de
cordons musculaires analogues à ceux que nous venons de décrire. Il faut
que le patient soit en bonne position, les muscles paravertébraux
détendus. Il est bon de graisser la peau pour pratiquer cet examen, ce
qui permet de mieux percevoir les plans profonds. Il est habituel de
trouver au niveau du segment vertébral responsable une vive sensibilité
de la masse musculaire paravertébrale en une région très limitée.
L'examen attentif de cette zone permettra de constater que la douleur
ainsi provoquée est liée à l'existence d'un cordon musculaire de très
petite dimension, dur et très sensible. Ses caractères sont les mêmes
que ceux que l'on rencontre dans les muscles des membres. Ils sont
certainement de même nature et en liaison avec l'irritation de la
branche postérieure du nerf rachidien qui innerve les muscles
paravertébraux.
Relation avec la racine atteinte : Il est assez
logique que les muscles dans lesquels ou trouve ces faisceaux indurés
dépendent de la racine atteinte. On sait qu'il n'est pas de muscle vraiment
mono-radiculaire, mais les « cordons indurés » du biceps ou des muscles du
mollet (soléaire surtout) se rencontrent dans les sciatiques S1 tandis que
ceux beaucoup plus rares des extenseurs des orteils sont l'apanage des
sciatiques L5. Il n'en est pas de même des muscles fessiers où l'atteinte du
moyen fessier parait surtout le fait des sciatiques L5 et celle du grand
fessier des sciatiques S1, mais l'intrication est fréquente et il est très
difficile de systématiser à ce niveau. Dans les névralgies crurales L3 ou
L4, c'est au niveau du droit antérieur, à sa partie moyenne, qu'on les
trouvera.
III) Nature de ces faisceaux indurés
L'impression première qu'on a lorsqu'on palpe ces
faisceaux musculaires sensibles, est qu'il s'agit de contractures partielles
permanentes. Le fait qu'elles peuvent céder à certaines manœuvres faites sur
les muscles accentuent cette idée.
Mais il paraît bien étonnant de trouver une «
contracture » musculaire dans la compression ou l'irritation par une hernie
discale d'une racine rachidienne, D'ailleurs les examens
électro-myographiques que nous avons demandés à Aullas et à Heuleu
n'apportent aucun argument en faveur de cette hypothèse. On ne constate
aucune activité motrice dans ces faisceaux et il n'y a aucune différence
entre le tracé obtenu en ce point et en une autre zone normale du muscle. II
est vrai que ces zones sont bien petites et souvent profondes, donc
difficiles à atteindre avec l'aiguille par l'électromyographiste. Mais parmi
les nombreux essais que nous avons faits, il serait curieux que l'on ait
toujours passé à côté des faisceaux intéressés alors que l'aiguille
d'infiltration arrive bien à les atteindre.
Il y a par contre un rapprochement qu'un certain nombre
d'arguments conduit à faire.
On ne peut en effet s'empêcher de trouver à ces
faisceaux indurés et sensibles des analogies avec les crampes. Il y a
d'ailleurs une fréquente coexistence des deux et les patients qui présentent
ces cordons musculaires se plaignent souvent de crampes pénibles dans le
même muscle. La pression, le pincement de ces cordons déclenche souvent des
fasciculations et parfois une crampe. La douleur provoquée par cette
pression est très semblable à celle de la crampe et, comme nous le verrons,
un des traitements efficaces de l'un comme de l'autre consiste à faire un
étirement maintenu du muscle (on sait par exemple que la dorsiflexion forcée
du pied, genou étendu, soulage la crampe du mollet). Dans un travail de L.
Wolman sur les crampes dans les sciatiques par hernies discales, cet auteur
constate qu'elles ont leur maximum de fréquence dans les sciatiques opérées
avec radicotomie postérieure sans qu'il puisse donner une interprétation
satisfaisante de cette particularité. Or il nous a paru que les formes des
sciatiques où l'on rencontre ces faisceaux indurés et sensibles sont souvent
celles où les troubles d'hypoesthésie ou d'anesthésie de la jambe et du pied
sont importants. Il y a peut-être là un autre point commun.
Il est un fait sur lequel nous avons déjà insisté dans
cet exposé et qui nous a frappés, c'est que ce sont toujours les mêmes
muscles de la cuisse ou de la jambe qui sont intéressés et c'est toujours
dans la même partie de ceux-ci qu'on trouve ces indurations partielles.
Cela, dépend-il de l'innervation, de la vascularisation locale, elle-même
perturbée par le spasme local, ce qui entretient un cercle vicieux ?
Signalons que nous avons pu obtenir certains succès sur des « indurations »
rebelles par des infiltrations intra-artérielles.
Ces états musculaires particuliers peuvent être
rapprochés de ce que certains auteurs suisses et allemands notamment ont
décrit sous le nom de myogélose (Schade, Lange), hartspann (A. Muller),
ténopériostose (Von Neergaard). Ces auteurs ont décrit sous ces noms des «
troubles musculaires fonctionnels douloureux, aigus ou chroniques,
actuellement sans substratum humoral ou anatomo-clinique connu » (A.
Brugger) qu'on peut rencontrer dans tous les muscles, avec des régions de
prédilection. Ils les attribuent au surmenage d'un ou plusieurs muscles par
des travaux inhabituels, prolongés ou répétés ; ce surmenage pouvant être
aussi le fait de troubles statiques, ou d'une atteinte articulaire
(coxarthrose, gonarthrose) qui va perturber le fonctionnement normal des
muscles et entraîner une fatigue anormale de certains d'entre eux. Gross
note bien la fréquence de douleurs des muscles de la hanche comme séquelle
de sciatique discale. Mais il les attribue à la souffrance des articulaires
postérieures et les traite alors par infiltration de l'articulation
intervertébrale. Le lien avec la souffrance radiculaire n'est pas souligné.
Certains auteurs américains (J. Travell) se sont
beaucoup attachés à certaines douleurs musculaires qu'ils rendent
responsables de douleurs projetées. Ils semblent les considérer comme
isolées et les traitent en infiltrant les points les plus algiques (trigger
point) dont l'irritation déclenche des douleurs projetées.
IV) Traitement
Il faut d'abord traiter le conflit disco-radiculaire.
Même lorsqu'il paraît apaisé et que les signes rachidiens sont au minimum,
il peut persister atténué et être suffisant pour entretenir cette irritation
musculaire.
Il n'est pas rare de voir disparaître une sensibilité
musculaire ou fondre une induration partielle après une manipulation
lombaire bien adaptée. Mais il est aussi fréquent que les traitements
vertébraux quels qu'ils soient, n'aient plus aucune influence sur ces
cordons musculaires dont la persistance sera très longue et qui n'auront
qu'une faible tendance à disparaître avec les mois ou même les années. C'est
alors qu'il convient de pratiquer un traitement local. Celui-ci sera
différent selon les cas. Mais il faut savoir que ces cordons douloureux des
muscles sont souvent très difficiles à traiter. La chaleur, le massage à la
glace permettent parfois des résultats intéressants mais non réguliers.
Les traitements qui nous ont paru les plus fidèles sont
les suivants :
1) L'infiltration
locale est quelquefois un excellent traitement ; nous
utilisons des solutions anesthésiques à 0,5%. Mais cela n'est valable que
dans les formes très localisées et l'effet n'est pas toujours complet. Avec
Le Corre, nous avons traité avec des résultats comparables certains patients
par l'injection de sérum physiologique et même parfois par une aiguille
sèche mise au point le plus tendu du faisceau, réalisant une acupuncture.
2) Récemment,
nous avons obtenu d'excellents résultats avec un corticoïde à action
percutanée, surtout dans les cas où ces cordons étaient palpables près des
plans cutanés, comme dans ceux du mollet par exemple. Le produit se présente
en ampoules. On arrose la région qui correspond au cordon douloureux avec le
contenu d'une ampoule (sans masser) 4 fois par jour les 4 premiers jours, 3
fois par jour les 6 jours suivants et 2 fois par jour les 10 jours suivants.
Dès le 2e jour, le patient est soulagé pendant les 3 heures qui suivent
l'application du produit, après avoir eu parfois une exacerbation d'une
vingtaine de minutes. Au fur et à mesure, l'effet se complète et au bout de
trois semaines, la zone douloureuse a pratiquement disparu dans 70 % des cas.
De toute manière, ce traitement favorise les manoeuvres d'étirement.
3) Les étirements
: ils peuvent être associés aux traitements précédents ou utilisés
seuls, indépendamment d'eux. Nous avons remarqué que comme dans le cas d'une
crampe, l'étirement longitudinal du muscle
intéressé (ou plus exactement des faisceaux concernés) constituait un moyen
thérapeutique très efficace.
Cela se réalise facilement dans le cas du biceps ou du
soléaire en pratiquant une manoeuvre de
Lasègue, associée à une dorsiflexion du pied, en maintenant le genou en
extension. Arrivé à la limite supportable, on attend une minute et le
patient supporte progressivement un étirement plus prononcé. Il n'est pas
rare en fin de séance de pouvoir lever la jambe à 90° alors qu'au début le
signe de Lasègue était à 50°.
On peut pratiquer cette manoeuvre d'une manière
progressive avec des paliers maintenus sans jamais relâcher l'étirement ou
par séquences successives de deux minutes, entrecoupées de relâchement
complet de trente secondes ou d'une minute.
Il est souvent mieux de monter simultanément les deux
jambes du patient, celui-ci étant à plat dos, les genoux bien tendus. On
maintient une dorsiflexion des pieds, en demandant au patient une détente
générale aussi complète que possible et en augmente progressivement
l'élévation des jambes.
-
S'il s'agit de l'extenseur commun des orteils ou de l'extenseur propre,
c'est évidemment en fléchissant les orteils et en montant le pied en
équinisme qu'on fera l'étirement.
-
S'il s'agit du moyen fessier, on
placera le patient à plat ventre et on attirera en adduction forcée la
jambe du côté intéressé et on la maintiendra ainsi.
Ces séances de postures amènent régulièrement une
détente des faisceaux musculaires indurés et un soulagement du patient. Il
n'en va pas de même si l'irritation du nerf est encore présente. Une
manœuvre telle que le Lasègue forcé va être très pénible et toute tentative
de ce genre aggravera la sciatique et plus on insistera, moins on pourra
lever la jambe du patient, et plus on risquera de déclencher une crise
sévère. Cela peut constituer un test entre la névralgie sciatique vraie et
la forme de séquelle myalgique que nous décrivons ici.
L'étirement transversal
: Parfois une manoeuvre en étirement transversal - comme lorsqu'on veut
faire vibrer une corde de violon - portant sur le faisceau lui-même au sur
le tendon du muscle, amènent sa détente immédiate. Mais si cette manoeuvre
est plus rapide et plus brillante, elle est loin d'être aussi régulièrement
efficace que quelques séances de postures étirées.
4) Les massages :
Il arrive que des massages pratiqués en glissé profond puissent améliorer
ces patients. Ils sont très désagréables et moins efficaces que des
manœuvres de pressions maintenues pendant 15 à 20 secondes (parfois moins)
et entrecoupées de périodes de repos de 5 à 7 secondes. Mais ces manoeuvres
sont délicates, mal exécutées ou mal appropriées elles peuvent irriter
considérablement.
V) Infiltrats cellulalgiques localisés
Bien que cet article soit particulièrement consacré à
ces indurations musculaires localisées, nous signalerons leur coexistence
fréquente avec un trouble trophique que la pratique de la thérapeutique
manuelle nous a habitué à rencontrer dans certaines douleurs radiculaires
rebelles. Il s'agit de certaines infiltrations cellulalgiques très
localisées, rencontrées dans le territoire de la racine qui souffre ou qui a
souffert.
Si on pratique systématiquement la manœuvre du pincé
roulé sur les plans cutanés du territoire d'une racine atteinte de névralgie
(NCB, névralgie crurale ou sciatique par exemple), on constate qu'il existe
souvent des zones très limitées (quelques centimètres carrés) où cette
manœuvre met en évidence un épaississement des plans cutanés qui sont
extrêmement sensibles à la pression. Cet examen est surtout intéressant dans
les névralgies traînantes, car on peut avoir l'agréable surprise en
infiltrant une petite zone de peau, d'apporter au patient un soulagement que
les traitements antérieurs n'ont pas donné. Il peut arriver que la
sensibilité de telles zones (à la face externe de la jambe par exemple)
disparaisse immédiatement après une manipulation lombaire. Ceci montre la
liaison entre l'irritation radiculaire et ce trouble trophique local.
Mais ailleurs ces infiltrats cellulalgiques persistent
isolés et entretiennent une douleur dont la cause a disparu. Il faut - en ce
qui concerne les sciatiques - savoir les rechercher au niveau de la partie
supérieure de la fosse iliaque externe, à la face externe de la cuisse,
autour de la tête du péroné, an tiers moyen de la face externe de la jambe.
Ces zones n'ont évidemment d'intérêt que si elles n'existent que du côté
douloureux dans le territoire de la racine correspondante. Le test à la
novocaïne montre leur responsabilité dans la douleur spontanée du patient.
Cette infiltration répétée deux ou trois fois. peut constituer un traitement.
Il est généralement plus efficace d'utiliser simultanément des massages en
pincé roulé ou en Wetterwald assez désagréables pour le patient, tout au
moins dans les premières séances. C'est une indication de choix de la
corticothérapie percutanée qui a l'avantage d'être facile et indolore et
remarquablement efficace dans ces cas.
Conclusion
La palpation attentive de certains muscles, notamment
le soléaire, le biceps crural, les muscles fessiers dans les sciatiques, le
droit antérieur dans les névralgies crurales, permet de mettre en évidence
l'existence de certaines zones musculaires particulièrement sensibles à la
pression. Elles se présentent sous forme de cordons durs, de petite taille
et de petit diamètre. Ces indurations partielles du muscle semblent jouer un
rôle important dans la longue persistance de certaines douleurs sciatiques.
Si elles répondent parfois à des traitements vertébraux, il convient surtout
de leur opposer des traitements locaux parmi lesquels l'injection
anesthésique locale ou l'utilisation d'une association cortico-salicylée en
application percutanée sont les plus utiles. Les postures d'étirement
longitudinal du muscle sont le traitement kinésithérapique le plus utile.
C'est ainsi qu'on peut décrire des séquelles myalgiques
de la sciatique. Mais en réalité, dans sa période aiguë une sciatique qui
présentera ces indurations musculaires douloureuses a une allure un peu
particulière. C'est une sciatique extrêmement douloureuse que le repos calme
très mal. Les fasciculations et les crampes y sont nombreuses, les troubles
hypo ou anesthésiques importants et les troubles sympathiques (pied froid)
fréquents.
La palpation des muscles déjà cités y est très
douloureuse. La part de cette myalgie dans la souffrance globale du patient
est au moins aussi importante que celle de la névralgie proprement dite.
Enfin, soulignons aussi l'intérêt qu'il y a dans
certaines sciatalgies traînantes à examiner les plans cutanés par la
manoeuvre du pincé roulé. On peut ainsi découvrir des petites zones
d'infiltrations cellulitiques extrêmement sensibles, dont l'entretien de la
responsabilité de la douleur est démontré par l'efficacité de leur
traitement local.
Bibliographie
LANGE M. Die Muskelbärten (Myogelosen);
ihre Entstebung und Heilung, Lehmann, Munich 1931.
MAIGNE R. Le massage dans les sciatiques. Congrès Nat.
de Médecine Physique, Nice 1961.
MULLER A. Der jeden Menschen angeborene
Hartspann. Munch Med Wschr. 1941;88:1346.
TRAVELL J. Referred pain from
skeletal muscle; The pectoralis major syndrome of breast pain and soreness
and the sternomastoïd syndrome of headache and dizziness. NY. St. J. Med.
1955;55:331.
WOLMAN L. Cramp in cases of
prolapsed intervertebral disc. J Neurol Neurosurg Psychi.
1949;12:251.
|