Cinésiologie 1973.47:1-24
Diagnostic et
mécanisme d'un dérangement intervertébral mineur
R Maigne
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Résumé:
L'étude des douleurs vertébrales communes, consécutives à des
faux mouvements, des efforts, des mauvaises positions conservées, des troubles
statiques ou posturaux, conduit à concevoir l'existence de « dérangements
intervertébraux mineurs », souvent réversibles par la thérapeutique
manipulative. C'est d'abord l'étude sémiologique de tels dérangements qui montre
leur réalité, si elle ne préjuge pas de leur nature.
Elle est faite d'abord sur des signes locaux où l'on s'efforce de solliciter au
maximum le mouvement intervertébral segmentaire (pression axiale sur les
épineuses, pression latérale sur l'épineuse, pression latérale contrariée sur
les épineuses adjacentes, recherche de la sensibilité du ligament interépineux,
correspondant, recherche de la sensibilité d'un massif articulaire postérieur à
la palpation).
Elle est complétée ensuite par l'étude des signes d'irritation du nerf rachidien
correspondant, au niveau de sa branche antérieure et aussi au niveau de sa
branche postérieure qui innerve tous les plans du dos et les plans
paravertébraux. On recherchera les signes classiques de souffrance radiculaire.
En outre l'auteur attire l'attention sur tout un cortège de manifestations qui
accompagnent souvent ces irritations radiculaires et qu'il appelle le Syndrome
cellulo-tendino-myalgique. Il est fait :
- De plaques de
cellulalgie vivement sensibles au palpé-roulé dans certaines parties du
dermatome de la racine concernée.
- De faisceaux
musculaires indurés et très sensibles (comme des « contractures » localisées)
dans le corps de certains muscles tributaires de la racine atteinte.
- De douleurs
ténopériostées qui ne sont souvent révélées que par la palpation et qui se
trouvent dans le territoire innervé par la racine concernée (épicondylalgie
pour C6, douleur du grand trochanter pour L5, etc.)
Ces zones de sensibilité
cutanée, musculaire ou ténopériostée, généralement méconnues du patient, ne sont
retrouvées que par l'examen systématique. Elles peuvent être responsables de la
persistance de la douleur radiculaire initiale ou si celle-ci a manqué, de
douleurs apparemment isolées, sources d'erreur de diagnostic. Il faut les
rechercher avec attention, car elles sont un élément utile pour le diagnostic et
indispensable pour la thérapie manuelle. Mais si les signes locaux, associés
éventuellement aux signes d'irritation radiculaire mettent en évidence la
souffrance d'un étage vertébral, ils ne préjugent pas de la cause de celle-ci.
Seul l'examen clinique complet associé aux données du laboratoire et à la radio-graphie
pourra apporter la réponse et permettre de poser le diagnostic et de décider de
la thérapeutique.
Enfin, à la lumière de
ces signes d'examens, l'auteur émet des hypothèses sur le mécanisme de ces
dérangements intervertébraux mineurs. Une lésion du disque, clef de voûte du
système vertébral, semble indispensable pour leur survenue. Mais celle-ci peut
parfaitement être elle-même muette et créer la souffrance d'une articulation
interapophysaire — presque toujours concernée — du ligament inter-épineux. C'est
alors l'articulation ou le ligament qui seront l'origine de la douleur ressentie.
Les causes purement articulaires paraissent possibles mais plus rares.
Il est indispensable de
considérer aussi la perturbation fonctionnelle auto-entretenue que crée toute
lésion vertébrale dans le système automatique de fonctionnement qu'est la
colonne, dont l'expression la plus palpable est la contracture musculaire
para-vertébrale toujours présente, même si elle est minime.
Enfin, l'auteur insiste
sur le seuil de sensibilité qui fait que de nombreux dérangements vertébraux
mineurs ne causent aucun désagrément au patient si l'irritation qu'ils
produisent se trouve au-dessous de celui-ci.
Il est en pratique courante
de nombreux cas où l'atteinte rachidienne est évidente (douleur après faux
mouvement, mauvaise position conservée), mais où l'examen attentif ne permet pas
de mettre en évidence des signes de souffrance vertébrale et encore moins de
montrer la responsabilité de tel ou tel étage vertébral.
Un cas typique est celui
des méralgies paresthésiques où l'origine vertébrale est fréquemment suspectée
mais où l'examen classiquement conduit ne montre pas d'atteinte particulière du
rachis lombaire supérieur et où les radiographies les plus fines sont muettes.
On peut ajouter que même si elles montraient une atteinte arthrosique ou
dégénérative du disque correspondant, cela ne pourrait être qu'un signe de
présomption et non un signe de certitude, tant sont fréquentes les atteintes
arthrosiques muettes de la colonne.
Lorsqu'une thérapeutique
mécanique, comme la manipulation vertébrale qui agit directement sur le rachis,
soulage instantanément une douleur persistante d'épicondyle ou une céphalée
rebelle, cela permet de penser à une origine vertébrale de ces manifestations
d'autant que la manipulation inverse les aggrave ou qu'une manœuvre mal faite
peut les provoquer. Mais ce n'est pas sur une simple impression clinique que
l'on doit « tenter » la manipulation ni sur les seules impressions du patient
que l'on doit juger de ses effets. Il faut mettre en évidence ce « dérangement
segmentaire » et en préciser les caractères. Ceci est capital pour l'emploi et
la justification des manipulations, mais ce n'est pas moins important pour la
compréhension des algies vertébrales communes et pour leur traitement, la
manipulation étant loin d'en être la thérapeutique unique.
Nous nous proposons ici
de montrer qu'il existe un certain nombre de signes d'examen faciles à
rechercher, dont l'association met en évidence la souffrance d'un étage
vertébral, et éventuellement sa responsabilité dans un syndrome douloureux. En
aucun cas ces signes ne sont suffisants pour affirmer la nature bénigne ou
mécanique de l'atteinte. Ils sont simplement l'expression de la souffrance de
l'étage concerné. C'est sur l'anamnèse, l'examen clinique, les données
radiologiques, les examens complémentaires éventuels que l'on pourra poser
l'étiquette de « Dérangement intervertébral mécanique mineur » bénin. Celui-ci
va de ce que l'on pourrait appeler l'entorse vertébrale chronique à la hernie
discale.
Dans un premier temps,
nous allons étudier ces signes. Dans un deuxième temps, nous essayerons de
comprendre à quoi correspondent ces « dérangements » qui sont la base de la
plupart des douleurs vertébrales communes.
Le diagnostic
d'un dérangement intervertébral mineur (DIM)
Nous rechercherons
les signes :
- Au niveau de l'étage
vertébral lui-même.
- Dans le territoire
du nerf rachidien correspondant :
- au niveau de la branche antérieure de celui-ci qui innerve les membres et
les faces antérolatérales du tronc,
- au niveau de sa branche postérieure qui innerve les plans postérieurs du
dos, du vertex au coccyx.
- On n'oubliera pas la
possibilité de douleurs « projetées » ou «rapportées » à partir de la
souffrance de différents éléments de l'étage vertébral (ligament, capsule
articulaire, muscle) comme l'ont montré les travaux de LEWIS et KELLGREN.
Etage vertébral : signes locaux
Les
manœuvres suivantes vont révéler une certaine sensibilité d'une vertèbre que
l'on ne retrouve pas sur les voisines, ce sont les
- pression axiale sur
l'épineuse,
- pression contrariée
latérale des épineuses,
- pression du ligament
interépineux,
- pression sur
l'articulation interapophysaire.
Pression axiale sur
l'épineuse (fig. 1).
C'est la manœuvre la plus utilisée dans l'examen classique du rachis. Elle a un
intérêt si la pression lente médiate de préférence, exercée sur elle, réveille
une douleur profonde, plus encore si elle reproduit ou augmente la douleur
spontanée.
Pression latérale sur
l'épineuse et pression latérale contrariée
Le but de cette manœuvre que nous proposons est de faire accomplir à un Segment
Mobile donné un mouvement électif de rotation forcée à droite puis gauche. On
commence par exercer une pression latérale sur les épineuses de la région
examinée.
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Fig. 1
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Fig. 2
Pression latérale sur l'épineuse (a). Pression latérale
contrariée sur les épineuses (c). La manipulation à faire dans un tel
cas consiste à forcer la rotation de B dans le sens non douloureux, avec
éventuellement un contre-appui sur la transverse gauche de c. (Règle de
la non-douleur). |
Fig. 3
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D'abord de droite à
gauche, puis de gauche à droite. Si l'une de ces manœuvres sur une vertèbre est
sensible dans un sens et plus encore si elle exagère ou reproduit la douleur du
patient, on effectue la manœuvre suivante qui va permettre de savoir si l'étage
responsable est l'étage sus-jacent ou l'étage sous-jacent à la vertèbre sensible
(fig. 2). Tout en maintenant sur B la pression qui provoque la douleur, on va
simultanément faire contre-pression en sens opposé sur l'épineuse A sus-jacente
puis sur l'épineuse C sous-jacente. L'une de ces deux manœuvres (sur C)
augmentera la douleur primitivement provoquée ; l'autre non. Cela nous précise
l'étage qui souffre (étage B C). Dans le système thérapeutique que nous
préconisons, cela va aussi nous donner le sens précis de la manipulation à
utiliser, qui sera exécutée dans le sens de la non-douleur.
Pression sur le ligament
interépineux (fig. 3)
Il est habituel de noter que le ligament interépineux de l'étage concerné est
nettement plus sensible à la pression que les autres. Cette sensibilité
recherchée avec un anneau de clé, peut disparaître après manipulation. Mais elle
peut parfois persister, alors que les autres signes ont disparu. Dans certains
cas, cette souffrance ligamentaire résiduelle entretient une douleur locale ou
projetée rebelle qui disparaît après infiltration anesthésique du ligament. Cela
constitue un test utile et parfois le traitement. Dans les cas rebelles, la
sclérose selon le procédé mis au point après HACKETT par BARBOR et TROISIER,
sera la thérapeutique de choix
.
Signalons qu'isolée, la sensibilité d'un ligament interépineux traduit souvent
une « instabilité vertébrale » que d'autres appellent « hypermobilité ». La
sclérose peut être là aussi un bon traitement, mais il ne faut pas manipuler. On
peut ici trouver des signes de dérangement intervertébral mineur, mais ils ne
sont pas fixes à différents examens : le point postérieur change de côté ou bien
il est bilatéral, ce qui est très rare dans les D.I.M. vrais.
Pression sur
l'articulation inter-apophysaire (fig. 4).
II n'est pratiquement pas de dérangement intervertébral mineur sans un
retentissement direct ou indirect sur une des deux articulations
interapophysaires. La richesse de son innervation, son intimité avec la branche
postérieure du nerf rachidien fait de cette articulation une des sources
principales des troubles qui découlent d'un dérangement intervertébral mineur.
Fig. 4
- Au niveau du rachis
cervical, l'examen des articulations postérieures est facile car elles sont
très accessibles à la palpation. Celle-ci se fera le patient couché sur le
dos, sa tête reposant dans les mains de l'opérateur, les muscles du cou bien
relâchés. On palpera doucement les régions para-vertébrales. Les
articulations interapophysaires sont sous les doigts.
- Au niveau du rachis
dorsal, les articulations interapophysaires sont plus profondes. L'examen se
fait sur le patient assis dos rond, ou couché à plat ventre, très détendu.
La pulpe de l'index qui se promène de chaque côté de la ligne médiane au
niveau du rachis thoracique, à un travers de doigt de celle-ci, appuyant de
demi-centimètre en demi-centimètre, réveille une vive sensibilité
lorsqu'elle appuie au niveau d'une articulation postérieure sensible, à un
travers de doigt de la ligne des épineuses, comme nous avons pu le vérifier
par des contrôles radiographiques.
- L'examen est plus
difficile au niveau du rachis lombaire. Elles sont profondément enfoncées
sous une épaisse couche musculaire Pour cette région, la meilleure position
d'examen est le patient couché à plat ventre, un coussin sous l'abdomen, ou
mieux encore couché en travers de la table. Le médecin appuie avec le pouce
sur la région para-épineuse à un bon travers de doigt de l'épineuse.
L'opérateur entraîné
utilise souvent un mode d'examen tout à fait étonnant pour le non initié. Il
s'agit d'une palpation para-vertébrale, faite rapidement, qui lui permet un
repérage rapide des zones vertébrales perturbées en retrouvant ce que nous
appellerons le « Point para-vertébral ». En effet, la palpation superficielle à
peine effleurée, faite avec la pulpe des doigts qui parcourt de haut en bas les
gouttières para-vertébrales, va permettre à l'opérateur entraîné de retrouver
sur une toute petite surface de moins d'un centimètre carré des signes pour lui
familiers. Cette zone se situe à un travers de doigt de la ligne médiane et
n'existe généralement que d'un seul côté. Le doigt qui palpe a une impression
d'œdème superficiel très localisé et d'une tension des muscles sous-jacents. Ce
signe est particulièrement net dans les dérangements thoraciques cervicaux.
Cette zone correspond à
la projection de l'articulation interapophysaire sous-jacente, dont elle traduit
la souffrance. Si l'opérateur augmente sensiblement la pression sur ce point, il
va effectuer la manœuvre précédemment décrite et provoquer une vive douleur, ce
qu'il ne pourra pas faire sur les zones voisines ou symétriques et cette
pression rappelle souvent au patient sa douleur habituelle. Il est tout à fait
surprenant pour le patient et encore plus pour ceux qui ne sont pas familiarisés
avec les thérapeutiques manuelles de voir l'opérateur repérer ainsi très vite et
avec une grande exactitude l'étage douloureux, sans même interroger le patient.
Et cela en promenant simplement la pulpe de l'index et du médius le long de la
ligne para-épineuse !
La rapidité, la certitude
et la précision millimétrique de la localisation de l'étage perturbé grâce à ce
« Point para-vertébral » ont fait beaucoup pour encourager les Ostéopathes
d'abord et d'autres ensuite à demander à cet examen purement palpatoire plus
qu'il ne peut raisonnablement donner.
Mais aussi étonnant et amusant que soit ce signe, il ne permet qu'un repérage et
non un diagnostic.
Il n'en reste pas moins que cette détection du « Point postérieur » est
extrêmement commode, d'une part pour la localisation de l'étage, mais aussi pour
juger sur sa disparition ou son atténuation de l'efficacité d'une manœuvre
thérapeutique.
Les signes d'irritation radiculaire : signes régionaux et à distance
Rappelons
que la souffrance d'un nerf rachidien se traduit classiquement par
- des
signes sensitifs dans le dermatome correspondant sous forme d'hyper,
hypoesthésie ou même d'anesthésie,
- des
signes moteurs, dans le myotome correspondant et qui se traduisent par une
perte ou une diminution de la force musculaire qui révélera seulement
parfois un testing musculaire bien fait,
- des
signes réflexes : abolition ou diminution d'un réflexe tendineux,
- et
parfois, des troubles sympathiques.
C'est sur la
topographie des signes sensitifs, moteurs et réflexes qu'on détermine l'étage
atteint dans l'examen neurologique classique. Mais l'examen systématique des
plans cutanés et musculaires chez ces patients nous ont amené à montrer que
l'irritation d'une racine nerveuse s'accompagne souvent d'un certain nombre de
modifications de ces tissus que nous appellerons le « syndrome
cellulo-tendino-myalgique des souffrances radiculaires ».
Fig. 5:
Le syndrome cellulo-tendino-myagique des algies radiculaires S1
avec cellulalgie (en hachures fines) et faisceaux musculaires indurés et
sensibles : grand fessier, partie inférieure du biceps crural et jumeau externe
(gros traits).
Fig. 6 : Syndrome L5 avec territoire
cellulalgique sensible au palpé-roulé (en hachures fines), crdons musculaires
indurés (gros traits) : moyen fessier et tenseur du fascia lata, surtout, plus
rarement, extenseurs des orteils et péronier, sensibilité téno-périostée
(cercles) du ttrochanter et de l'articulation tibiopéronière supérieure.
Fig. 7 :
Syndrome C6 avec en hachures fines : zones de cellulalgie, en grosses hachures :
faisceaux musculaires indurés et sensibles (sous-épineux) et cercles : douleurs
ténopériostées : épicondyle, styloïde radiale (épicondylite ou styloïdite
d'origine cervicale).
Ces modifications se
rencontrent avec une grande fréquence dans les algies radiculaires au niveau des
plans cutanés et des muscles. Leur connaissance apporte aussi des éléments
nouveaux pour la compréhension des douleurs vertébrales communes pour leur
diagnostic et pour leur traitement.
Ce « syndrome cellulo-tendino-myalgique » se rencontre :
- accompagnant une
algie radiculaire connue,
- lui survivant et
entretenant des douleurs rebelles ou simulant plus ou moins la douleur
radiculaire,
- mais aussi dans des
cas où il n'y a pas eu de souffrance radiculaire cliniquement évidente. Il
est alors isolé, mais l'examen vertébral permet de retrouver les signes d'un
« dérangement inter-vertébral mineur » au niveau de l'étage vertébral
correspondant. Plus encore, le traitement purement vertébral visant cet
étage fait souvent disparaître instantanément ces manifestations à distance,
permettant ainsi de confirmer leur origine vertébrale.
La cellulalgie localisée
Dans le dermatome de la racine atteinte, la manœuvre du pince-roulé pourra
mettre en évidence certaines zones plus ou moins étendues allant de la taille
d'une pièce de monnaie à celle d'une paume de main qui sont le siège d'une «
cellulalgie » où le pli est épaissi. Elles sont surtout très sensibles à la
manœuvre du pince-roulé (à comparer avec les zones voisines et symétriques).
Elles peuvent entretenir des douleurs rebelles (certains cas de sciatiques
prolongées) et être source d'erreur de diagnostic, comme au niveau de la paroi
abdominale où elles en imposent pour des douleurs gynécologiques ou vasculaires
le plus souvent.
Les cordons musculaires
indurés
Dans certains muscles innervés par la racine atteinte, la palpation pourra
révéler l'existence de faisceaux durs, très sensibles à la pression, de
diamètres variables, de celui d'une aiguille à celui d'un cigare, et d'un à deux
centimètres de longueur. Ces cordons myalgiques durs sont assez étonnants clans
une atteinte radiculaire ou l'on trouve généralement le muscle mou, hypotonique.
Mais les crampes ne font-elles pas partie du tableau de souffrance radiculaire
Ces cordons ne sont sans
doute pas sans analogie avec elles sur un plan pathogénique. La pression sur ces
indurations provoque une douleur qui rappelle la douleur spontanée. Ces cordons
indurés peuvent entretenir des douleurs rebelles. Ils sont souvent responsables
de la persistance de la douleur dans des cruralgies ou des sciatiques par
exemple. Ils siègent presque toujours dans le même muscle pour une même racine
et toujours dans la même partie de ce muscle (partie externe du jumeau externe
(S1), droit antérieur (L3 ou L4) partie inférieure du court biceps (S1), etc.
Leur traitement est
d'abord vertébral et ensuite local : étirement maintenu du muscle, infiltration
anesthésique au point le plus douloureux et parfois massages en glissé profond.
Les douleurs
ténopériostées
L'examen systématique permettra enfin de retrouver parfois une vive sensibilité
de certains tendons ou insertions ténopériostées. Cet examen se fera par la mise
en contraction isométrique du muscle contre résistance, que nous associons —
c'est important — à la palpation simultanée, lorsqu'elle est possible, du muscle
et du tendon exploré. C'est ainsi qu'on pourra retrouver dans une sciatique
rebelle, une vive sensibilité de l'insertion du moyen fessier sur le trochanter,
ignorée du patient le plus souvent. La manipulation lombaire, seule ou parfois
associée à l'infiltration locale, soulagera alors la douleur rebelle
pseudosciatique que peut entretenir cette souffrance ténopériostée.
Dans une douleur d'épaule,
l'examen ainsi pratiqué mettra en évidence par exemple la responsabilité du sus,
du sous-épineux ou du biceps. Mais même en l'absence de douleur radiculaire
évidente, il faudra savoir rechercher les signes de souffrance segmentaire du
rachis cervical. Si on les trouve au niveau de l'étage correspondant à
l'innervation du muscle considéré - sus-épineux (C5), biceps, sous-épineux (C6),
épicondyliens (C6 et C7) - on pourra souvent par un traitement purement cervical
soulager instantanément le patient de sa pseudotendinite d'épaule ou de son
épicondylalgie. Dans 60 p. 100 des cas d'épicondylalgie, il y a en effet un
facteur cervical.
Tous ces signes
classiques et non classiques d'irritation radiculaire seront recherchés
systématiquement :
- devant toute douleur
vertébrale,
- en présence d'une
douleur radiculaire,
- et même en l'absence
de douleur radiculaire évidente lorsqu'une douleur du dos, du thorax ou des
membres ne semble pas avoir de cause locale et lorsqu'on suspecte une
origine vertébrale possible.
On les recherchera :
- au niveau de la
branche antérieure du nerf rachidien, qui innerve les membres et les régions
antéro-latérales du cou et du tronc,
- et au niveau de la
branche postérieure qui innerve les plans du corps du vertex au coccyx.
EXAMEN DE LA
BRANCHE ANTÉRIEURE DU NERF RACHIDIEN
Nous n'insisterons pas
sur l'examen des signes sensitifs et des signes réflexes, mais nous rappellerons
que la pratique du testing musculaire est indispensable pour mettre en évidence
une diminution légère de force dans un muscle.
Comme il vient d'être dit plus haut, on recherchera avec attention les signes du
syndrome cellulo-tendino-myalgique en palpant les zones d insertion
ténopériostées, les plans cutanés par le pince-roulé et en recherchant avec
attention les zones d'induration sensibles dans les muscles en recherchant
toujours à reproduire par ces manœuvres une douleur spontanée habituelle connue
du patient.
EXAMEN DE LA
BRANCHE POSTÉRIEURE DU NERF RACHIDIEN
C'est précisément grâce à
ce « Syndrome cellulo-myalgique » qu'on pourra objectiver la souffrance de la
branche postérieure
Ceci est d'autant plus intéressant que le rôle de la branche postérieure nous
paraît avoir été considérablement sous-estime dans le mécanisme des douleurs
vertébrales communes. C'est à G. LAZORTHES que l'on doit d'avoir souligné son
rôle dans la pathologie vertébrale commune et d'avoir montré l'intimité de ses
rapports avec les articulations mterapophysaires qu'elles innervent. Toute
lésion de celles-ci retentit sur elles.
C'est à son irritation que l'on doit la contracture para-vertébrale accompagnant
la plupart des algies vertébrales bénignes ou malignes. Elle résulte d un
véritable réflexe régional en réponse à l'irritation des fibres de la
sensibilité proprioceptive d'origine articulaire.
L'élément sémiologique que nous proposons consiste dans la fréquente existence
d'une bande de cellulagie suspendue qui intéresse le territoire cutané de ce
nerf lorsqu'il est irrité (fig. 8).
Fig. 8 : La branche postérieure de D8, innerve
une zone cutanée située à 3 ou 4 étages vertébraux plus bas. En cas d'irritation
chronique, la manœuvre du palpé-roulé mettra en évidence une bande de
cellulalgie très sensible occupant ce territoire. Le point • sur le schéma
montre le point d'émergence du rameau cutané du nerf.
On la recherchera avec attention par le palpé-roulé des plans cutanés du dos et
des fosses iliaques. Elle aura un intérêt si elle est bien isolée dans un
territoire normal et si elle est unilatérale. La manœuvre du pince-roulé
reproduit assez souvent la douleur spontanée du patient. Cette bande a
généralement quelques centimètres de hauteur et s'étale obliquement à la partie
externe du dos. Il faut se souvenir que le territoire d'innervation cutanée des
branches postérieures dorsales et lombaires se situe généralement à 3 ou 4
étages au-dessous de leur niveau d'émergence. C'est ainsi que les plans cutanés
de la région de la crête iliaque et de la fosse iliaque externe sont innervés
par les branches postérieures de D12, L1 et L2 (fig. 9).
Fig. 9 : Les plans cutanés de la région fessière sont en
partie innervés par la branche postérieure de Ll qui devient superficielle au
niveau de la crête iliaque Son irritation est responsable de lombalgies
ressenties à ce niveau. La manœuvre du palpé-roulé met en évidence la bande de
cellulalgie qui en est la conséquence
C'est à ce niveau et non au niveau de la charnière lombo-sacrée, qu'il faudra
rechercher la cause de certaines lombalgies. La plupart des douleurs dites
sacro-iliaques sont en fait dues à l'irritation des branches postérieures
lombaires qui innervent les tissus de cette région. Il faudra alors examiner
avec soin l'étage vertébral correspondant en se rappelant le décalage d'étage et
en sachant que les superpositions du territoire sont la règle pour les étages
voisins.
L'infiltration de la branche postérieure responsable à son émergence du rachis,
au contact de l'articulation interapophysaire, rend insensible la bande
cellulalgique. On obtient aussi ce résultat, mais plus durable, par manipulation
du segment concerné, lorsque celle-ci est indiquée.
Tels sont les signes
cliniques locaux, régionaux et à distance qui permettent d'évoquer la souffrance
d'un étage vertébral précis.
Il restera à faire la
preuve de la nature bénigne ou maligne, mécanique ou non de cette souffrance,
pour pouvoir finalement poser le diagnostic de « dérangement bénin », et pouvoir
envisager son traitement par manipulations.
C'est à la confrontation de ces données locales avec l'examen clinique général,
les données du laboratoire et surtout celles de la radio qu'on demandera la
réponse.
Dérangement
intervertébral et douleurs projetées
Elles ne font pas partie
de la sémiologie que l'on pourrait qualifier d'objective ; mais il faut
connaître leur possibilité et en tenir compte dans le diagnostic.
KELLGREN et LEWIS ont montré leur réalité et en ont donné une carte. Il s'agit
de douleurs ressenties par le patient en une région donnée à partir de
l'irritation d'un muscle, d'un ligament ou d'une capsule articulaire, sans que
cette projection douloureuse suive un schéma neurologique connu, encore que la
topographie de la projection est sensiblement la même chez la plupart des
individus pour une même structure irritée.
C'est ainsi que les
douleurs du ligament inter-épineux L1-L2 peuvent donner des douleurs irradiant à
l'aine. La souffrance du moyen fessier peut donner des douleurs
pseudosciatiques, ce que l'on constate couramment en faisant des injections
intramusculaires de produits irritants. La souffrance d'une articulation
postérieure L4-L5 ou L5-S1 peut donner une pseudosciatique, comme c'est le cas
dans certaines sciatalgies des spondylolisthésis dont TAILLARD a montré la
réalité. Nous avons d'ailleurs pu, avec RAGEOT, obtenir dans ces cas, des
soulagements durables par la simple infiltration de l'articulation
interapophysaire responsable.
S'il y a souffrance d'un
étage vertébral, les différentes structures ligamentaires articulaires ou
musculaires qui sont concernées peuvent être elles-mêmes la source de douleurs
locales et aussi de douleurs irradiées ou projetées à topographie
pseudoradiculaire dont il ne faut pas méconnaître l'origine. L'infiltration
anesthésique de l'élément responsable fait disparaître la douleur irradiée.
Radiographie et
dérangement intervertébral mineur
Que peut apporter
l'examen radiographique dans le diagnostic d'un dérangement intervertébral
mineur ?
Il est indispensable pour
contribuer au diagnostic de lésion bénigne. La radiographie nous informe de
l'état vertébral général, de l'état du segment considéré : arthrose,
détérioration discale plus ou moins importante, etc. Mais nous savons par
expérience que ce n'est pas parce qu'un segment présente un disque aminci ou une
arthrose articulaire postérieure qu'il est responsable de la douleur cervicale
ou lombaire du patient.
Les signes cliniques que
nous avons décrits et notamment la pression latérale contrariée des épineuses à
la région lombaire ou la sensibilité d'un massif articulaire postérieure à la
région cervicale nous montrent bien souvent que l'étage qui souffre n'est pas
celui qui est radiologiquement le plus atteint. Les discographies lombaires ont
récemment confirmé cette notion bien connue de tous les thérapeutes manuels.
Peut-on mettre en
évidence par la radiographie ces dérangements vertébraux ?
Certains se sont efforcés
de mettre en évidence un dysfonctionnement segmentaire, pour prouver l'utilité
des manipulations vertébrales ! Il est vrai que dans certains cas, on peut par
des séries de radiographies prises en flexion, extension, rotation, montrer —
comme dans le signe du non-pincement ou du non-bâillement de de Sèze et Djian
dans les hernies discales lombaires — que telle vertèbre ne suit pas le
mouvement général, qu'elle semble « bloquée » dans certaines positions. Mais
cela ne prouve pas grand chose en ce qui concerne notre problème. D'abord, une
telle anomalie peut être parfaitement muette, ensuite elle peut persister même
si les symptômes cliniques ont complètement disparu après le traitement.
Enfin, même si la radiographie montre un dysfonctionnement segmentaire évident,
elle n'apporte rien pour le sens de la manœuvre à réaliser en ce qui concerne la
manipulation. Il ne s'agit pas en effet comme certains le croient naïvement, de
remettre la vertèbre dans le droit chemin en lui appliquant une manœuvre
correctrice en flexion si elle est apparemment bloquée en extension, ou
inversement. Cette fausse logique, qui est la base de la chiropractie, peut
conduire à des catastrophes.
Toutes ces réserves étant
faites, il est cependant souhaitable que des recherches soient poursuivies dans
le domaine radiologique, car elles pourront aboutir à des notions intéressantes
sur un plan médico-légal et apporter leur contribution sur un plan scientifique.
La palpation du
mouvement intervertébral est-elle un moyen de diagnostic ?
Cet exposé serait
incomplet si nous n'envisagions la place du « diagnostic palpatoire » au sens
ostéopathique du terme, dans la recherche de ces « dérangements intervertébraux
mineurs ». Il résume pour beaucoup d'utilisateurs de thérapeutiques manuelles
l'examen clinique.
Rappelons au passage que
le terme de dérangement intervertébral mineur que nous proposons n'est pas
utilisé par les tenants de l'Ostéopathie ou de ses dérivés. Ils parlent de «
blocages en malposition » ou de « lésions ostéopathiques ».
Le diagnostic de «
blocage intervertébral » ou de « lésion ostéopathique » est essentiellement
porté par eux sur « la restriction de mobilité d'un segment vertébral par
rapport aux autres ». Cette restriction de mobilité n'existant par exemple que
dans la flexion, alors que l'extension est libre ou inversement. Cet examen se
fait en appréciant la mobilité entre les épineuses avec la pulpe de l'index. La
conclusion est que telle vertèbre bouge bien en flexion {bon écartement de
l'épineuse par rapport à la sous-jacente en flexion du segment) mais mal en
extension {mauvais rapprochement des deux épineuses) ou inversement. A partir de
là, il s'efforcera — théoriquement — de faire une manipulation forçant le
mouvement d'extension sur le segment.
Ailleurs, le praticien
fera de la même manière un diagnostic d' « hypermobilité » pour un segment
donné, ce qui contre-indiquerait la manipulation. Cette manière de voir est
celle des Ostéopathes classiques ; c'est aussi celle de nombreux auteurs tels
que LEWITT.
Outre le fait qu'il est
parfaitement impossible d'apprécier ainsi les minimes modifications du mouvement
intervertébral, il ne nous paraît pas sérieux de tenir cette notion de «
restriction de mobilité » comme la justification essentielle de la manipulation
et cet examen palpatoire pour la base du traitement manuel.
Cette conception est une
vue de l'esprit : il est bien évident que le jeu intervertébral n'est pas total
chez tous les individus à tous les étages du rachis. A 15 ans, peut-être ; à 40
sûrement pas. L'usure articulaire, les troubles statiques mineurs, vont créer
des modifications minimes, parfaitement silencieuses et bien tolérées du
mouvement intervertébral sur certains segments. S'il fallait traiter cela, il
faudrait manipuler tout le monde, tout le temps !
Mais surtout, l'examen
qui prétend reconnaître et analyser de tels micro-mouvements est une illusion :
la palpation ne peut permettre d'apprécier des modifications du jeu
inter-épineux aussi subtiles à travers la peau et les plans sous-cutanés et à
plus forte raison les modifications du jeu de rotation sur la palpation du
mouvement des apophyses transverses profondément enfoncées sous les muscles. On
peut sans risque défier quiconque de reconnaître par un tel examen l'existence
d'un bloc vertébral congénital cervical, dorsal ou lombaire par exemple. C'est
pourtant un cas où la « restriction » de mobilité est totale et indiscutable
entre les deux vertèbres concernées.
De plus, les
renseignements que pourrait fournir un tel examen s'il était possible, seraient
trompeurs. Imaginons que ces « restrictions de mobilité » puissent être mises en
évidence par la palpation ou mieux par les radios dynamiques ou la
cinéradiographie. Selon la théorie défendue par les Ostéopathes ou par LEWIT, il
faudrait « restaurer » par la manipulation cette mobilité perdue en insistant
selon le sens restreint {un peu comme on le ferait pour une porte qui ouvre
mal). Or il suffit de prendre un exemple pour comprendre la fausseté d'un tel
raisonnement : Envisageons le cas d'un lumbago dû à un blocage discal postérieur
entre L4 et L5 ; la mobilité du segment L4-L5 sera à peu près normale en
flexion. Mais elle sera très diminuée en extension. C'est un beau cas de «
restriction de mobilité » en extension. Il faudrait donc pour « restaurer » la
mobilité restreinte, forcer le mouvement en extension, ce qui est évidemment
aberrant puisqu'on prendrait ainsi le fragment discal bloqué comme dans un
casse-noisette. Toute tentative réellement faite ainsi serait d'ailleurs
effroyablement douloureuse. En fait, c'est exactement l'inverse que l'on doit
faire pour soulager ce patient. En réalité, ceux qui prétendent être capables de
détecter ces restrictions de mobilité s'illusionnent sur ce qu'ils perçoivent.
Comme nous l'avons exposé, il existe autour du segment dérangé des réactions
tissulaires trophiques ou réflexes. Ce sont d'une part, ces modifications et
d'autre part, la réaction des muscles aux petits mouvements passifs réalisés
lors de l'examen qui sont perçus par l'opérateur. Il les interprète à tort comme
un moindre mouvement intervertébral.
Au plus, la palpation peut permettre un repérage des zones où il y a
disfonctionnement, sans pour autant révéler la cause de celui-ci, ni sa nature
exacte, ni être d'une aide sérieuse dans la détermination du mouvement
thérapeutique.
Que peut être ce
DIM ? Son mécanisme
Un tel dérangement ne
peut évidemment siéger que dans les éléments mobiles du rachis, c'est-à-dire en
ce que JUNGHANNS a appelé le « Segment Mobile » et qui comprend ce qui réunit
deux vertèbres adjacentes, c'est-à-dire le disque, les articulations inter-apophysaires,
les ligaments et les muscles qui les concernent (fig. 10).
Fig. 10
Une telle lésion mécanique ne peut ainsi se situer que dans le disque ou les
articulations interapophysaires. Mais ce dérangement « mécanique » ne peut
exister sans provoquer une perturbation que nous appellerons « dérangement
fonctionnel ».
Nous allons voir d'abord quelles sont les lésions mécaniques (et réversibles)
possibles des articulations intervertébrales et des disques.
Causes discales
II peut s'agir :
- soit de hernie
discale où l'annulus est complètement déchiré et où le nucléus fait saillie
hors du disque,
- soit de blocages
intradiscaux où l'annulus n'est pas complètement déchiré.
- soit enfin
à'insuffisance discale.
Hernie discale
La hernie discale donne dans la majorité des cas un syndrome radiculaire. Le
tableau clinique (sciatique, NCB, etc.) est bien classique : il comporte des
troubles sensitifs, éventuellement des troubles moteurs plus ou moins importants
et des troubles réflexes Nous avons vu qu'il fallait y ajouter le « syndrome
tendino-cellulo-myalgique » (MAIGNE) qui accompagne souvent ces algies
radiculaires.
Rappelons encore que ces
zones de sensibilité (cutanées, musculaires ou ténopériostées) ne sont
retrouvées que par l'examen systématique. Elles peuvent être responsables de la
persistance de la douleur radiculaire initiale ou si celle-ci a manqué, de
douleurs, sources d'erreur de diagnostic.
Blocages intradiscaux
C'est le blocage d'un fragment de noyau dans une fissure incomplète de
l'annulus. On connaît surtout les blocages postérieurs qui, à la région lombaire
sont classiquement tenus pour responsables du lumbago aigu ou de certaines
lombalgies chroniques (De Sèze) (fig. 11 et 12).
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Fig. 11
: Blocage discal postérieur ; ses conséquences
sur les articulations interapophysaires et le ligament interépineux. |
Fig. 12
: Un blocage discal postérolatéral entraîne un
disfonctionnement des articulations postérieures. |
Retentissement d'une
lésion discale sur les autres éléments du « Segment Mobile », notamment sur les
articulations interapophysaires.
Il faut noter que l'existence d'une hernie discale ou d'un blocage intradiscal,
qu'il soit postérieur, latéral ou antérieur, retentit sur le fonctionnement de
l'ensemble du Segment Mobile. Par mauvaise répartition des contraintes, certains
éléments vont donc subir des tractions ou des pressions qu'ils ne peuvent
supporter (ligament, articulation, muscle) et de ce fait vont souffrir.
Cela peut se voir :
- Au cours
d'affections discales cliniquement évidentes, la hernie discale modifie par
sa présence l'équilibre fonctionnel du Segment Mobile, l'axe des forces est
déporté en arrière ; de ce fait les articulations postérieures - une surtout,
si la hernie est latérale - sont soumises à des contraintes excessives et la
douleur issue de cette souffrance articulaire postérieure s'ajoute à la
douleur discale et radiculaire. Il en va de même dans les blocages discaux
postérieurs responsables des lumbagos aigus ou des lombalgies chroniques.
- Au cours de lésions
discales cliniquement muettes. Un blocage postérieur qui ne fait pas une
pression suffisante sur le ligament commun postérieur pour provoquer
directement une douleur ou une hernie discale postéro-latérale qui n'irrite
pas la racine vont perturber de la même manière la dynamique du Segment
Mobile et peuvent donc provoquer aussi la souffrance de l'articulation
postérieure et du ligament inter-épineux. La symptomatologie de cette
souffrance va s'ajouter à celle du disque, si celui-ci provoque par sa
pression des troubles, ou être isolée si le disque ne comprime directement
aucun élément sensible.
Cette souffrance peut se
traduire par des douleurs locales ou irradiées selon une topographie
pseudoradiculaire, comme l'ont montré les expériences de KELLGREN. Rappelons que
celles-ci consistent, après anesthésie de la peau, à injecter dans le ligament
inter-épineux ou dans un muscle paravertébral une solution saline hyper-tonique
à 5 p. 100.
C'est sans doute en
modifiant sensiblement la position du fragment du noyau inclus dans la fissure
de l'annulus que la manipulation peut dans ces cas rétablir un meilleur
fonctionnement de l'articulation et rendre supportables les contraintes qu'elle
subit.
Causes articulaires interapophysaires
Ces causes
articulaires de dérangement peuvent être dégénératives, mécaniques,
malformatives. Ce ne sont pas des causes directes, mais des causes favorisant
les dérangements vertébraux.
Dégénératives
L'arthrose peut être primitive, mais le plus souvent elle est secondaire à la
détérioration structurale du disque, comme par exemple dans le syndrome de la
post-ménopause (De Sèze et Caroit) où les articulations lombaires inférieures
ont à subir des pressions supérieures à leurs possibilités par suite de la
détérioration discale, de la laxité ligamentaire et du relâchement musculaire
abdominal.
Comme toute arthrose, l'arthrose articulaire postérieure :
- Joue le
rôle d'une « rouille », favorise les enraidissements segmentaires et les
blocages articulaires, donc les dérangements inter-vertébraux.
- En
outre, elle subit des poussées inflammatoires.
Mais il est
des articulations arthrosées dont le fonctionnement est parfaitement muet. C'est
même le cas le plus fréquent.
Mécaniques
Nous venons d'évoquer l'enraidissement articulaire postérieur par arthrose.
C'est en dehors des poussées inflammatoires une bonne indication des
mobilisations ou parfois des manipulations vertébrales.
Ces
articulations interapophysaires contiennent dans 84 p. 100 des cas une petite
formation méniscoïde. Certains ont pensé que ces « ménisques » qui n'en sont
pas, pouvaient par leur « coincement » expliquer une pathologie mécanique
mineure du rachis. En fait, leur minceur extrême leur interdit de jouer un tel
rôle (TONDURY, EMMINGER). Mais si le blocage d'une formation méniscoïde est peu
vraisemblable, on ne peut éliminer la possibilité de pincement de villosités
synoviales très richement vascularisées et innervées, de franges graisseuses qui
peuvent alors se gonfler, se congestionner ou même s'infarcir.
De plus ces
articulations n'étant pas différentes fondamentalement des autres articulations,
on peut y rencontrer des entorses (GUILLEMINET et STAGNARA, DECHAUME et
ANTONIETTI, LAZORTHES) avec leurs conséquences articulaires et périarticulaires
(œdème, hydarthrose, périarthrite).
Mais ce qui
nous paraît le plus fréquent, c'est la souffrance secondaire de ces
articulations et généralement d'une seule, lors d'une lésion discale qu'il
s'agisse d'un blocage intradiscal ou d'une hernie discale. Cette souffrance
articulaire peut paraître isolée si le blocage discal responsable est
asymptomatique par lui-même, ce qui nous paraît être très fréquent. De plus,
toute articulation en dysfonction chronique et à plus forte raison si elle subit
des poussées inflammatoires, présente des réactions périarticulaires, sensibles
et enraidissantes. Les articulations interapophysaires n'y échappent pas.
Malformatives
Les malformations articulaires peuvent jouer un rôle de facilitation dans la
pathologie mécanique ou dégénérative de ces articulations ; C. GILLOT étudiant
les articulations interapophysaires lombaires, a pu trouver avec une grande
fréquence des malformations : asymétrie articulaire, existence de crêtes
horizontales qui sont susceptibles de favoriser des blocages articulaires,
d'autant qu'à ce niveau les articulations ont des formes de demi-cylindre et ne
peuvent guère que glisser en flexion-extension.
Le
dérangement fonctionnel
Notons que si la hernie
discale entraîne souvent une irritation de la branche antérieure du nerf
rachidien, la souffrance mécanique ou inflammatoire de l'articulation
interapophysaire entraîne une souffrance de la branche postérieure de ce même
nerf rachidien car celle-ci affecte comme l'a montré G. LAZORTHES des rapports
intimes avec l'articulation postérieure.
Il est un point essentiel
sur lequel il convient d'insister : la colonne fonctionne sous le signe de
l'automatisme intégral. Toute lésion ou souffrance d'un élément riche en
récepteurs proprioceptifs va donc avoir une répercussion sur le tonus musculaire
local, provo-quant la mise en jeu de contractures de vigilance. Ainsi est
perturbé le fonctionnement harmonieux normal. Dans nombre de cas, ce dérangement
fonctionnel, dont le spasme musculaire est l'élément le plus objectif, en tout
cas le plus palpable, peut être déclenché par un dérangement mécanique minime et
même peut survivre à l'élément provocateur.
Cet auto-entretien du dérangement vertébral par un circuit parasite local est
sans doute l'un des aspects les plus importants de ces dérangements
intervertébraux mineurs.
Le traitement qui va leur
être opposé pourra être suffisant dans certains cas s'il coupe le cercle vicieux
(repos, chaleur, physiothérapie, antalgique, etc.).
Ailleurs, ce sera insuffisant si le dérangement mécanique est trop important. Si
celui-ci ne dépasse pas certaines limites, la manipulation sera le traitement de
choix. Il paraît que son action essentielle soit de modifier suffisamment — sans
obligatoirement le corriger, ce qui est le plus souvent impossible — le
dérangement mécanique pour qu'il n'y ait plus d'irritation anormale des
récepteurs proprioceptifs, ce qui rétablit un fonctionnement automatique normal
du segment et explique la relative stabilité du résultat que l'on obtient
souvent.
Il faut noter aussi que
la manipulation a certainement une action réflexe inhibitrice puissante, par
l'étirement brusque qu'elle produit sur les ligaments et les muscles intéressés,
ce qui contribue aussi à rompre le cercle vicieux. Mais il faut pour cela que la
manœuvre soit indolore, c'est-à-dire aille dans le sens qui diminue le conflit
(règle de la non-douleur).
La
notion de seuil dans les D.I.M.
Si l'on examine
attentivement les rachis avec la technique que nous proposons, il arrive souvent
que le praticien mette en évidence les signes d'un D.I.M. entraînant pour le
patient une gêne légère et épisodique ou nulle. C'est une notion importante sur
laquelle il convient d'insister ?
- Les signes d'un
D.I.M. existent même en dehors des périodes douloureuses. Il deviendra
gênant, autrement dit passera au-dessus du seuil, sous l'influence :
- De causes mécaniques
qui vont augmenter le dérangement (mauvaise position, effort, faux mouvement,
etc.).
- De causes externes,
qui vont augmenter la sensibilité des tissus (froid, courant d'air, etc.).
- De causes internes
qui rendent le patient plus réceptif à la douleur : fatigue, mauvais état
général, psychasthénie, état dépressif, etc. ou encore de causes qui vont
potentialiser l'irritation vertébrale, épisode digestif ou gynécologique par
exemple, comme c'est fréquemment le cas dans les céphalées cervicales.
Enfin une irritabilité
neuro-musculaire abaissant le seuil et augmentant les réactions de contracture
musculaire. C'est pourquoi les spasmophiles sont souvent des algiques vertébraux.
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* Chef de Service,
Etablissement National Hospitalier de St-Maurice (94). Chargé du Centre de
Rééducation Fonctionnelle de l'Hôtel-Dieu (Paris).
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