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Quelques conseils pour bien réussir
une manipulation cervicale en rotation

Alain Gourjon, Patrick Juvin


 

 

 

La technique de manipulation en rotation pratiquée sur le patient en décubitus dorsal, dite "menton libre" est une des sept techniques de base dont la parfaite connaissance est indispensable en pratique quotidienne. Technique couramment utilisée, elle s'adresse à une région caractérisée par une très grande mobilité, et au niveau de laquelle les accidents surtout vasculaires, mais aussi osseux, peuvent être redoutables. Pour cette raison, nous rappellerons brièvement les principales précautions à prendre lorsque ce traitement est envisagé.

 
Première règle

 


Les accidents manipulatifs les plus graves concernent habituellement le rachis cervical, il est donc capital d'éliminer une contre-indication d'ordre circulatoire par l'auscultation des vaisseaux du cou, la réalisation des tests de posture et éventuellement par examen écho-doppler. Les tests de posture pratiqués en position assise doivent maintenir le rachis cervical supérieur en hyperextension avec rotation droite puis gauche durant quelques secondes, en association possible à une latéroflexion opposée. La moindre sensation nauséeuse ou vertigineuse doit immédiatement faire relâcher la posture. On complète ces tests de posture par le test de Rancurel qui consiste à comprimer l'artère vertébrale au triangle de Tillaux dans la région sous occipitale. Cette compression se fait à l'aide d'un ou deux pouces d'un côté et de l'autre, puis des deux côtés ensemble, toujours sur le patient debout ou assis (fig. 1). Ce test proposé par Rancurel dans l'étude de l'insuffisance vertébro-basilaire (IVB) hémodynamique contre-indiquerait bien évidemment de façon formelle, toute manipulation cervicale s'il se révélait positif, en reproduisant vertiges, nausées, troubles visuels ou de l'équilibre.

 

Manipulation cervicale

Fig. 1

 

 

 

Cette technique "menton libre" est d'abord une technique en rotation, c'est à dire que l’impulsion manipulative principale se fait en rotation. Celle ci est rarement utilisée pure et il y aura sûrement intérêt à associer les autres composantes accessoires, libres du schéma en étoile, c'est à dire latéroflexion, flexion ou extension de façon à obtenir une mise en tension prémanipulative dans une amplitude de rotation non dangereuse pour l'artère vertébrale

 

Il faut en effet retenir que :

  • Plus la rotation est importante, plus elle est dangereuse pour l'artère vertébrale.
  • Plus la rotation est associée aux autres composantes accessoires (latéroflexion, flexion ou extension), plus vite se fait la mise en tension et moins dangereux est le mouvement manipulatif.
Il faudra donc réaliser la mise en tension avec le moins de rotation possible. En utilisant les deux autres amplitudes nécessairement libres (latéroflexion, flexion ou extension).
 
Deuxième règle

 

Respecter la règle de la non douleur et du mouvement contraire de Maigne, qui signifie que la "manipulation doit forcer le sens libre, opposé au sens douloureux, et non pas chercher à retrouver un jeu segmentaire supposé limité ou perdu".

 
Troisième règle

 

La mise en application pratique de cette règle de base repose sur le "schéma en étoile" de Maigne et de Lesage, où l'amplitude de chaque mouvement de rotation, latéroflexion, flexion et extension sera notée de la manière suivante, telle que nous la pratiquons actuellement à l'Hôtel-Dieu. Un cercle signifie un passage douloureux ; un à trois traits verticaux signifient raideur d'importance croissante ; une à trois étoiles : intensité de la douleur 1 à 3.

 

On note le degré d'apparition de la raideur ou de la douleur pour chaque mouvement considéré.

  • Passage douloureux à la mi latéro-flexion gauche ;
  • Raideur moyenne à la flexion apparaissant à la moitié de l’amplitude normale ;
  • Douleur importante lors de la rotation droite ne survenant qu'en fin de course ;
  • Douleur très importante lors de l'extension rendant celle-ci impossible.
Chaque mouvement est examiné, d'abord dans son amplitude active, puis dans son amplitude passive qui seule est notée sur le schéma en étoile, patient en position assise sur la table d'examen, médecin placé derrière lui, maintenant correctement les épaules (fig. 3). Il n'est pas conseillé, surtout pour un spécialiste non confirmé, de traiter par manipulation si un minimum de trois directions ne sont pas libres.
 

 

Manipulation en rotation

Fig. 3

 

L'ensemble des examens cliniques, radiologiques, éventuellement biologiques ayant permis d'attribuer la qualification de "mineur" au dérangement intervertébral, les tests de posture et les examens radiographiques ayant permis d'éliminer une contre-indication vasculaire ou osseuse, l'examen segmentaire va préciser l'étage exact de la souffrance cervicale. Cet examen est réalisé patient en décubitus dorsal et médecin en position assise.

 
Position du patient

 

Celui-ci est en décubitus dorsal, bras le long du corps sur la table. La tête repose habituellement sur la table, mais en cas de cyphose dorsale importante du patient, il faudra relever l'extrémité de la table, ou bien placer une serviette roulée suffisamment épaisse pour diminuer la lordose naturelle du rachis cervical (fig. 4).

Manipulation cervicale Manipulation cervicale
Fig. 4
Fig. 5

 

 

Penser également, surtout pour des cous brefs et courts à dégager la région supérieure souvent difficile à examiner, en maintenant une flexion suffisante en plaçant par exemple la tête du patient sur la cuisse fléchie de l'examinateur (Fig.5). En cas de pathologie lombaire associée on pensera à faire replier les jambes du patient.

 

 
Position du médecin

 

Pour l'examen, le médecin est assis sur un tabouret, avant-bras posés sur le rebord de la table d'examen, les mains placées naturellement de chaque côté de la nuque (Fig. 6).

Manipulation cervicale

Fig. 6

 

Les doigts qui examinent de façon symétrique toujours comparative, allant de la zone indolore à la zone sensible de chaque côté de la ligne des épineuses mais pas trop latéralement, restent bien dans la gouttière para épineuse exerçant unie pression modérée faite avec l'index et le majeur de chaque main. Cette pression homogène, régulière et surtout lente, essaiera de distinguer la tension musculaire proprement dite de la congestion articulaire, parfois minime. Dans un cas, sensation de cordon douloureux plus ou moins étagé et dans l'autre, perception plus localisée de tension rénitente ponctuelle.

Pour manipuler, le médecin est debout en position de bon équilibre, jambes demi-fléchies. En cas de rotation gauche, c'est la main droite qui sera la main manipulatrice active, tandis que la main gauche sera la main porteuse ou accompagnatrice. Le rôle de cette main gauche est très important puisqu'elle doit maintenir la tête au dessus du plan de la table, les doigts suffisamment écartés de façon à ce que la surface portante soit maxima. doigts décontractés et non rigides. Cette surface portante doit accompagner le mouvement de rotation effectué sous l'impulsion de la main droite. Elle ne doit pas s'y opposer mais elle ne doit pas non plus l'accentuer.

Toute la difficulté est dans le bon dosage de l'action de cette main accompagnatrice dont nous dirons qu'elle doit observer une "neutralité active". Le rôle de la main manipulative n'en demeure pas moins capital puisque c'est elle qui donnera l'impulsion manipulative après avoir réalisé la mise en tension.

Précisons que les deux avant bras de l'opérateur doivent être suffisamment écartés de façon à réaliser un volant suffisant permettant un bon dosage de impulsion manipulative.

La main manipulatrice. C'est l'index qui prend contact par l'ensemble des phalanges, sur l'étage qui sera manipulé. La pression manipulative se fait cependant par l'ensemble des quatre derniers doigts dont la résultante se manifeste au niveau de l'index (fig. 7).
 

 

Manipulation cervicale

Fig. 7

 

 

La répartition sur les quatre derniers doigts, permettant ainsi une surface active plus importante, rendra cette pression indolore. Quant au pouce, il faudra veiller à ce qu'il reste strictement neutre et ne vienne pas s'appuyer trop énergiquement sur la mâchoire du patient.

La main étant placée de cette façon correcte sur l'étage à traiter, le mouvement de manipulation devra associer les autres composantes libres du schéma en étoile.

La mise en tension ainsi obtenue avec la moindre rotation, cette dernière sera légèrement accentuée lors de la poussée manipulative en prenant garde de ne pas relâcher la mise en tension.

 
Erreurs fréquentes

 

  • Volant trop rapproché réalisant un bras de levier trop étriqué entraînant un mauvais contrôle de la poussée manipulative.
  • Relâcher la mise en tension, et "lancer" la manipulation sans en contrôler l'amplitude. Le maintien constant de la mise en tension, qui doit rester brève et indolore, est le meilleur garant d'un mouvement manipulatif bien contrôlé.
  • Une autre très grave erreur que nous n'avons de cesse de combattre chez nos étudiants, est la recherche systématique d'un craquement articulaire lors de cette manœuvre manipulative, risquant de forcer le mouvement au delà des limites physiologiques, avec le risque que l'on connaît pour l'artère vertébrale. Il faut toujours ne se préoccuper que du seul mouvement, jamais du craquement.
  • Appui ponctuel sur l'étage à manipuler par le seul index de la main manipulatrice entraînant une pression douloureuse sur une zone déjà sensible, et une réaction de défense du patient.
  • Ne pas avoir fait précéder la manipulation d'une détente suffisante des tissus mous, se privant ainsi d'un appoint irremplaçable. Il n'y a pas de bonne manipulation sans bonne préparation des tissus mous.



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