Coccygodynies et algies périnéo-coccygiennes
justiciables d'une thérapie manuelle
Didier Besse, Rééducation fonctionnelle, Toulouse |
Les algies de la
région coccygienne sont peu fréquentes au sein d'une consultation de médecine
orthopédique mais posent toujours un problème étiologique et souvent
thérapeutique. On peut distinguer trois entités justiciables d'un traitement
manuel en sachant qu'elles sont souvent intriquées :la coccygodynie vraie
d'origine sacro-coccygienne, le syndrome du releveur, pathologies à forte
prédominance féminine (3 femmes pour 1 homme) et les douleurs sacro-coccygiennes
d'origine lombo-sacrée.
La douleur siège
au coccyx et à l'articulation sacro-coccygienne, présente une irradiation
variable, est accentuée par la position assise obligeant le plus souvent le
patient à s'asseoir de travers alternativement sur chaque fesse.
L'interrogatoire retrouve le plus souvent la notion d'un traumatisme déclenchant
tel qu'un coup de pied, une chute sur les fesses ou encore l'accouchement. La
mobilisation du coccyx, que ce soit par voie externe ou par toucher rectal, est
très douloureuse.
Les radiographies
sont normales ou peuvent montrer une malposition antérieure du coccyx par
rapport au sacrum (Attention : les
radiographies dynamiques sont maintenant indispensables à la prise en charge
d'une coccygodynie)
Traitement manuel
Le traitement
manuel est le plus souvent très efficace. Des mobilisations du coccyx entre
flexion-extension et rotations sont possibles mais souvent douloureuses. CYRIAX
propose des massages transverses profonds au pouce sur les ligaments
sacro-coccygiens et sur la pointe du coccyx durant 20 minutes, 2 fois par
semaine.
La technique proposée par MAIGNE reste la plus efficace et la moins douloureuse,
mais nécessite la participation du patient. Le malade est préalablement placé en
position genu pectorale, l'opérateur applique par toucher rectal la face
palmaire de l'index ou du médius contre la face antérieure du coccyx. Le patient
se laisse ensuite glisser sur le ventre alors que le thérapeute maintient une
pression dans le sens de l'hyperextension par le doigt intra-rectal, sa main
venant prendre appui sur le sacrum. Le médecin doit maintenir son effort de
traction durant une à deux minutes jusqu'à ressentir une impression de
relâchement au niveau du coccyx. 2 à 3 séances peuvent être nécessaires.
Il
réalise le plus souvent une douleur coccygienne à irradiation rectale ou anale,
parfois la douleur irradie au périnée, au pli inter-fessier ou dans la région
fessière. L'irradiation rectale la plus fréquente et la douleur ressentie comme
une pesanteur, voire comme un ténesme, conduisent le plus souvent à une
consultation proctologique. Chez la femme, le motif de consultation peur être
sexologique par l'existence de dyspareunie. L'interrogatoire retrouve
fréquemment une constipation associée avec des douleurs à la défécation,
L'accouchement, des interventions sur le petit bassin chez la femme, ou
prostatiques chez l'homme sont des facteurs favorisants fréquents. Cette
symptomatologie résulte d'un spasme de la musculature périnéale affectant plus
spécifiquement les muscles releveurs de l'anus, soit de manière bilatérale, soit
unilatérale (avec plus de fréquence à gauche) (Fig.1). Cette hypertonie
musculaire striée peut se retrouver au niveau du sphincter anal, réalisant alors
un véritable anisme avec constipation par obstruction terminale.
L'examen clinique
retrouve, au toucher rectal, l'hypertonie des muscles releveurs, perçus comme
une corde douloureuse, de manière uni ou bilatérale. Le sphincter anal peut être
hypertonique. La palpation du coccyx dans sa région antérieure n'est pas
constamment douloureuse, de même que sa mobilisation, mais une coccygodynie
vraie peut s'associer au syndrome du releveur. Le toucher vaginal perçoit
l'hypertonie douloureuse d'un ou des muscles releveurs.
Traitement manuel
Il
est très efficace et doit être réalisé par vole rectale et vaginale chez la
femme. Par voie rectale, différentes techniques de massage ou de relâchement
musculaire sont réalisables, mais la douleur provoquée peut créer une réaction
de défense. Pour éviter ce type de réaction, nous appliquons préalablement par
le doigt manipulateur un gel anesthésique à la lidocaine. Le massage des
releveurs, tel qu'il a été décrit par THIELE est ensuite réa1isé sur un patient
en décubitus latéral ou en procubitus. La face palmaire de l'index ou du médius
de l'opérateur balaye les faisceaux du releveur sur toute la longueur possible.
Ces massages sont le plus souvent insuffisants et des techniques de
contractés-relachés, ou mieux des techniques myotensives permettent d'obtenir un
résultat plus rapide. Dans ce cas, le doigt de l'opérateur maintient un
étirement du releveur contracturé après avoir demandé au patient de réaliser un
léger effort de retenue durant 3 à 4 secondes. L'étirement est reproduit 3 à 5
fois de chaque côté. En cas d'hypertonie du sphincter anal, le même type de
traitement est réalisé sur les deux hémisphincters par un mouvement d'étirement
latéral droit et gauche. En cas de coccygodynie vraie d'origine
sacro-coccygienne, la manipulation du coccyx décrite par MAIGNE vient compléter
le traitement par voie rectale permettant, outre l'effet de mobilisation de
l'articulation sacro-coccygienne, un étirement des muscles releveurs.
Le
traitement par voie vaginale est comparable
Dans ce cas,
médius et index de l'opérateur réalisent, sur une patiente en décubitus dorsal,
un étirement latéral a vers le bas des muscles releveurs. Une séance
thérapeutique dure 15 à 20 minutes. Les techniques doivent être lentes et
progressives pour être efficaces et non douloureuses.
Les échecs du
traitement manuel peuvent bénéficier d'une électrothérapie par voie rectale.
Sohn utilise une électrode intra-rectale et un courant de basse fréquence (80
hertz) obtient 90 % de bons résultats immédiats et 70 % de bons résultats sans
récidive après 3 séances d'une heure chacune. Pour certains, des infiltrations
de Lidocaïne ou de corticoïdes à la pointe du coccyx peuvent être essayées.
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Douleurs sacro-coccygiennes d'origine lombo-sacrée
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Dans certains cas,
la douleur est ressentie comme coccygienne mais le toucher rectal ne retrouve
pas de contracture des releveurs, le coccyx n'est pas douloureux à la palpation
ou à la mobilisation. Il peut alors s'agir de douleurs d'origine lombo-sacrée :
MAIGNE souligne la possibilité de douleurs rapportées d'origine discale
lombo-sacrée pouvant dans ce cas justifier d'une infiltration épidurale. Nous
avons personnellement constaté la fréquence des hyperlordoses lombaires avec
surmenage fonctionnel des articulations postérieures en L4-L5 ou L5-S1,
justiciables de manipulations vertébrales, voire d'une infiltration articulaire
postérieure constituant un test diagnostic et thérapeutique.
Des points gâchettes siégeant dans les muscles multifidus en regard de S1 sont
susceptibles d'entamer une douleur référée au coccyx ; leur traitement est soit
manuel par compression digitale ischémique, soit par infiltration anesthésique
locale (Fig. 2).
Le syndrome du
muscle pyramidal peut également donner des douleurs fessières latéro-sacrées ou
latéro-coccygiennes, la symptomatologie est alors unilatérale.
Le toucher rectal
et le toucher vaginal peuvent être douloureux du côté incriminé (mais l'on ne
perçoit pas de releveur contracturé), la palpation de la région fessière perçoit
la contracture sur toute la longueur du muscle du sacrum au grand trochanter,
l'abduction et la rotation externe de hanche contrariées sont douloureuses.
Le
traitement passe
- par la
correction d'une inégalité de longueur des membres inférieurs,
- une prise en
charge par thérapeutiques manuelles
- le
traitement étiologique spécifique si la symptomatologie s'intègre dans un
syndrome radiculaire S1.
- Dans les cas
rebelles, Chantraine propose d'infiltrer le muscle à son insertion
trochantérienne et dans la région musculaire adjacente, à la partie latérale
du sacrum.
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Autres syndromes douloureux
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Deux autres
syndromes douloureux présentent des caractères pouvant faire évoquer à tort une
algie coccygienne.
LA
PROCTALGIE FUGACE réalise une douleur brutale et fugace, à type de
crampe de la région ano-rectale de quelques secondes à quelques minutes.
L'origine en est vraisemblablement un spasme de la musculature rectale en
particulier à la jonction recto-sigmoïdienne. Le traitement est pharmacologique
(SALBUTAMOL) mais cette pathologie bien comme des proctologues peut s'associer à
un authentique syndrome du releveur justiciable d'un traitement manuel.
LES
NÉVRALGIES PÉRINÉALES PAR SYNDROME DU CANAL D'ALCOCK réalisent une
atteinte canalaire du nerf honteux interne entre l'ischion et l'obturateur
interne. La douleur est le plus souvent à type de brûlure ou de paresthésie dans
la région périnéale. Le siège est donc différent des algies coccygiennes, mais
elles présentent un caractère commun, la recrudescence douloureuse lors de la
station assise prolongée. Le traitement se résume à l'infiltration de
corticoïdes dans le canal d'Alcock sous contrôle tomodensitométrique et la
suppression de facteurs de compression périnéale (cyclotourisme par exemple).
Ainsi, l'examen
prémanipulatif d'une algie coccygienne devra comporter, outre l'examen global et
segmentaire du rachis lombo-sacré, une palpation des tissus mous de la région
rétro-sacrée et fessière, un examen par toucher rectal et vaginal permettant
après avoir éliminé toute atteinte organique sacro-coccygienne ou ano-rectale,
d'envisager une thérapeutique manipulative souvent remarquablement efficace.
Les psychalgies
pures existent, mais la participation psychogène souvent retrouvée résulte
fréquemment du caractère chronique et rebelle de la douleur. Outre, la
coccygodynie vraie d'origine sacro-coccygierine et les douleurs d'origine
lombo-sacrée, le syndrome du releveur apparaît comme une entité moins connue
pouvant justifier favorablement d'une thérapie manuelle.
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