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Syndromes de surmenage spondylo-inguino-pubien

Christian BENEZIS - CHU Montpellier


Les syndromes de surmenage spondylo-inguino-pubien ou pubalgies proviennent soit d’une pathologie antérieure d’insertion des adducteurs, soit d’une atteinte de la symphyse pubienne, soit encore d’une pathologie de l’anneau inguinal souvent associée à une pathologie lombo-sacré ou sacro-iliaque.

Au centre du problème, on retrouve les micro-traumatismes répétés, le surmenage et le déséquilibre du couple « adducteurs-abdominaux » associés à l’hyperlordose lombaire et à la bascule antérieure du bassin.

« Le sport français souffre de pubalgie » lit-on dans notre presse spécialisée. La pathologie inguino-pubienne de surmenage, recouvre, en fait, trois pathologies différentes souvent associées ou intriquées, de même éthiopathogénie : pathologie d’insertion, (adducteurs, ischio-jambiers internes), pathologie articulaire (symphyse pubienne), pathologie pariétale orificielle (anneau inguinal) et musculaire (sangle abdominale). Sur le plan mécanique, il existe un couple de rotation et de traction sur la symphyse pubienne exercé par l’ensemble musculo-tendineux formé par les adducteurs, les ischio-jambiers internes de la sangle abdominale. Enfin dans 40% de nos cas, un syndrome douloureux sacro-iliaque ou lombaire est associé au syndrome inguino-pubien.
Cette pathologie survient chez les sportifs jeunes soumis à un entraînement intensif quotidien, (football, tennis, danse, etc….), avec des gestes techniques particuliers (shoot, tacle, écart latéral, contre-pied). Un morphotype « lombo-pelvien », bréviligne, hyper-musclé a été retrouvé.

Le diagnostic positif, est donc basé sur un démembrement du syndrome à la recherche d’une tendinite (avec contracture) des adducteurs, d’une arthropathie pubienne, d’une insuffisance abdominale, d’une béance de l’orifice inguinal. Par ailleurs, une discopathie, une spondylolyse, une atteinte sacro-iliaque, seront recherchées par radiographie, scintigraphie, échographie, scanner ou IRM.
Devant tout syndrome spondylo-inguino-pubien il faut éliminer une lésion articulaire ou osseuse du bassin, de la coxo-fémorale, une lésion rachidienne dorso-lombaire, lombo-sacré, une spondylarthrite ankylosante, mais aussi une pathologie viscérale uro-génital, une lésion musculaire à la face antérieure de la cuisse.

Le traitement curatif est d’abord étiologique, basé sur la correction des troubles bio-mécaniques, musculo-tendineux ou articulaires. De nombreux moyens sont proposés : massage, physiothérapie, « stretching » des adducteurs et des ischio-jambiers, tonification abdominale en raccourcissement. La chirurgie sera proposée devant l’échec de ces traitements conservateurs : elle portera sur l’orifice inguinal et les adducteurs. Le traitement préventif est axé sur les étirements des muscles adducteurs, ischio-jambiers, psoas iliaque et sur la tonification abdominale en raccourcissement. L’hygiène alimentaire sera surveillée (ration hydrique suffisante, alimentation équilibrée). Dosage et progression dans l’entraînement, apprentissage et perfectionnement des gestes techniques, seront autant d’atouts dans la prévention de cette affection.

 
Approche anatomique et biomécanique
 

Sur le plan anatomique, trois éléments participent à la genèse du syndrome spondylo-inguino-pubien :

1) Le cadre osseux de la ceinture pelvienne

La clef de voûte antérieure, (symphyse pubienne) amphiarthrose à mobilité réduite est le point d’absorption des contraintes transmises du pubis aux membres inférieurs.
La clef de voûte postérieure, (charnière lombo-sacrée et articulations sacro-iliaques) est le point d’absorption des contraintes postérieures transmise par le rachis à la ceinture pelvienne.
L’hyperlordose lombaire, fréquente, augmente les contraintes et la transmission des forces de l’arc vertébral postérieur vers les articulations sacro-iliaques et vers la symphyse pubienne.

2) Les éléments musculaires

Les muscles adducteurs, disposés en trois plans, assurent un appui bipodal, l’équilibre transversal du bassin mais aussi l’adduction, la flexion extension, la rotation axiale.
Ils impriment à la symphyse pubienne des contraintes vers le bas, vers l’avant, et en dehors.
Les ischio-jambiers internes participent aux contraintes avec les adducteurs.
La sangle abdominale, formée des muscles grands droits et des muscles grand et petit obliques, imprime à la symphyse pubienne des contraintes vers le haut, vers l’arrière et en dehors.

3) L’anneau inguinal

Le canal inguinal est délimité en avant par l’aponévrose du grand oblique, doublé en arrière par le transverse et le petit oblique ; en haut par le tendon conjoint. Les piliers interne et externe du grand oblique limitent l’orifice supérieur.

Sur le plan biomécanique, la mise en tension répétée, uni ou bilatérale des adducteurs sur une sangle abdominale insuffisante et inefficace, entraîne un surmenage de la symphyse pubienne et de la région de l’anneau inguinal surtout lorsque le sportif se trouve en appui unipodal.
Les gestes techniques, les plus prédisposants, sont le shoot, le tacle, l’écart latéral, le contre pied.
Un morphotype prédisposant ou « morphotype lombo-pelvien » a été retrouvé : le sportif bréviligne, avec bassin antéversé (muscles adducteurs ischio-jambiers courts et hyper musclés) hyperlodosé, porteur d’une inégalité de longueur des membres inférieurs, avec anomalie rachidienne dorso-lombaire, lombo-sacrée ou sacro-iliaque, sangle abdominale insuffisante, sera le candidat parfait au syndrome.

 
Démembrement du syndrome
 

Au début, le syndrome spondylo-inguino-pubien, survient de façon progressive, en fin d’entraînement ou de compétition. Il diminue ou cède au repos. Il est unilatéral, bilatéral ou alternatif, épisodique, lié à un geste technique spécifique. La douleur deviendra aiguë, permanente, irradiant parfois en étoile vers la racine de la cuisse, vers le pubis, la sangle abdominale, parfois le testicule ou le raphé scrotal. Il existe toujours un délai, entre la douleur initiale et la consultation. L’examen clinique permet de préciser le syndrome : pathologie d’insertion des adducteurs, pathologie articulaire pubienne, pathologie pariétale abdominale ou orificielle, peuvent être isolées, intriquées, associées. Un examen de la région lombo-sacrée et sacro-iliaque permettra d’isoler le cas particulier du syndrome spondylo-pubien.

1) Pathologie d’insertion des adducteurs

La palpation réveille une douleur exquise à l’insertion du moyen adducteur, siège d’une contracture, d’un empâtement ou d’un nodule, sur un muscle court.
La hanche est libre dans tous ses mouvements passifs et actifs ; l’abduction forcée, l’adduction contrariée, reproduisent la douleur. L’examen doit être comparatif, symétrique, étudiant la symphyse pubienne, l’orifice inguinal, la sangle abdominal et la région lombo-sacrée.

2) L’arthropathie pubienne microtraumatique
La douleur est localisée au pubis, mais peut irradier à la branche ilio-pubienne, aux organes génitaux, à l’insertion des grands droits de l’abdomen. Une instabilité symphysaire avec crissement caractéristique peut-être retrouvée.
La radiographie du bassin de face objective, à la phase aiguë, un aspect flou et irrégulier des surfaces articulaires avec encoches, asymétrie ou amputation des angles du pubis, élargissement de l’espace symphysaire, ostéo-condensation, géodes et lacunes. Plusieurs années d’évolution laissent une bordure articulaire condensée avec remaniements ostéophytiques

3) Pathologie de l’anneau inguinal

Une douleur pubienne irradiant aux adducteurs ou aux abdominaux, exacerbée à l’effort, à la toux ou à l’éternuement, à la défécation, irradiant souvent vers le testicule, doit faire suspecter une pathologie orificielle. La palpation des piliers externe et interne du grand oblique est hyperalgique. L’orifice est distendu, parfois béant, par insuffisance de la musculature oblique abdominale. Il existe une pulsion douloureuse à la toux, traduisant un stade pré-herniaire. Cette pathologie est fréquemment rencontrée chez les sujets de race noire porteurs d’une hyperlordose lombaire, d’une antéversion du bassin, d’une sangle abdominale inefficace, des muscles adducteurs courts et hypertoniques. Une véritable hernie inguinale a été retrouvée dans quelques cas.

4) l’arthropathie pubienne microtraumatique

La douleur est localisée au pubis, mais peut irradier à la branche ilio-pubienne, aux organes génitaux, à l’insertion des grands droits de l’abdomen. Une instabilité symphysaire avec crissement caractéristique peut être retrouvée.
La radiographie du bassin de face objective, à la phase aiguë, un aspect flou et irrégulier des surfaces articulaires avec encoches, asymétrie ou amputation des angles du pubis, élargissement de l’espace symphysaire, ostéo-condensation, géodes et lacunes. Plusieurs années d’évolution laissent une bordure articulaire condensée avec remaniements ostéophytiques.

5) Cas particuliers du syndrome spondylo-pubien

Au syndrome inguino-pubien s’associent parfois, une lombalgie basse, une douleur sacro-iliaque, hyperlordose et bascule antérieure du bassin complétant le tableau.
La radiographie, le scanner ou l’IRM confirment l’hyperlordose (70% des cas), objectivent une discopathie voire une spondylolyse (15% des cas). Dans quelques cas, une scintigraphie a permis de retrouver une hyperfixation sacro-iliaque, lombo sacrée et pubienne, confirmant, en l’absence de modifications biologiques de type inflammatoire, le surmenage biomécanique et micro-traumatique sur les clefs de voûte antérieure et postérieure de la ceinture pelvienne.
Dans notre casuistique, sur 224 cas de pubalgies répertoriés entre 1986 et 1989, 74 sont associés à des syndromes sacro-iliaques ou lombaires, 142 ayant présenté des antécédents lombalgiques dans leur carrière sportive (tableau 1)

Tableau 1. Syndromes spondylo-pubien (casuistique 1986-2000)

Syndrome inguino-pubien
1 224 cas
 
Syndrome spondylo-pubien
394 cas
30%
ATCD de lombalgies
542 cas
45%
Ischios courts
154 cas
65%
Adducteurs courts
612 cas
50%
Abdominaux relâchés
732 cas
60%
Hyperlordose
760 cas
65%
Antéversion bassin
758 cas
65%
Discopathies lombo-sacrées
248 cas
25%
Protrusions discales
37 cas
3%
Spondylolyse
133 cas
15%
Surcharge sacro-iliaque
44 cas
4%
 
Diagnostic différentiel
 

Lorsque survient un syndrome douloureux sponylo-inguino-pubien, même chez un sportif jeune et dans un contexte de surmenage, il faut éliminer :

  • une lésion ostéo-articulaire de la hanche : coxarthrose épiphysiolyse, coxaplana
  • une lésion ostéo-articulaire du pubis : ostéo-arthrite pubienne, arthrite tuberculeuse
  • une lésion musculo-tendineuse traumatique intéressant droits antérieurs, adducteurs, abdominaux
  • une pathologie d’arrachement tendino-périosté de l’enfant
  • une lésion du rachis : dérangement intervertébral mineur dorso-lombaire (Maigne), téno-cellulo-myalgies du nerf abdominal-génital, mais aussi, névralgie crurale, obturatrice ou sciatique
  • une pathologie de voisinage, annexielle, urogénitale, ganglionnaire inguinale
  • un rhumatisme inflammatoire (spondylarthrite ankylosante).
 
Traitement
 

Il est essentiellement conservateur, à visée étiologique, basé sur des moyens médicaux, physiothérapiques et kinésithérapiques. L’échec du traitement conservateur ou l’existence d’une pathologie orificielle au satde pré-herniaire peuvent imposer le recours à la chirurgie.

Le traitement conservateur est basé sur le repos strict et les anti-inflammatoires non stéroïdiens au début ; les thérapeutiques locales (cryothérapie, physiothérapie, massages) et les postures d’étirements des adducteurs et ischio-jambiers, quelquefois les infiltrations locales, sont utilisées dans les atteintes ostéo-tendion-musculaires des adducteurs et des ischio-jambiers. Il faut essayer de corriger tout ou partie de l’hyperlordose.
Une tonification abdominale en raccourcissement, dans le respect des règles de la non-douleur, élective sur les obliques et les grands droits, complète le schéma thérapeutique dans les formes pariéto-abdominales.
Ce traitement est quotidien : 20 séances sont réalisées avec un bilan clinique aux 10ème et 20ème séances. Tonification abdominale et « stretching » seront poursuivis à titre préventif.

La chirurgie est réservée aux échecs du traitement conservateur et aux cas d’orifice inguinal béant. Elle permet la fermeture de l’orifice inguinal en retendant la musculature oblique. De plus, on réalise souvent une ténotomie de détente du moyen adducteur. La rééducation postopératoire est débutée 20 jours après l’intervention. Elle comporte un nursing de la cicatrice, des massages des adducteurs, une physiothérapie pubienne, abdominale, des postures d’étirement des adducteurs. Cette rééducation est prévue pour 30 à 45 jours. Elle est quotidienne et respecte les règles de la non-douleur. Le reprise du footing et de la préparation physique généralisée (travail de vitesse, footing, musculation, stretching) est possible au 3ème mois postopératoire. Quelques échecs (séquelles douloureuses, récidives) sont à noter, surtout lorsque le syndrome n’a pas été cliniquement démembré.

La prévention est axée sur la collaboration étroite qui doit exister entre sportif, l’entraîneur, le médecin et le kinésithérapeute ; elle comporte trois aspects :

  • un aspect technique : l’entraînement est dosé, progressif, basé sur un échauffement long et global. Le « fractionné » est toujours accompli dans le respect du « paramètre récupération ». musculation abdominale en raccourcissement et stretching des adducteurs et des ischio-jambiers sont inclus dans toutes les séances d’entraînement . les exercices d’étirement sont adaptés aux gestes techniques
  • des règles d’hygiéno-diététique : l’hydratation est abondante et l’alimentation saine et équilibrée. L’Hygiène bucco-dentaire est nécessaire
  • un aspect médical : médecins du sport et kinésithérapeutes effectuent un suivi du sportif, adapté, utile, permanent.
 
Conclusion
 

Les syndromes de surmenage spondylo-inguino-pubien proviennent soit d’une pathologie antérieure d’insertion des adducteurs, soit d’une atteinte de la symphyse pubienne, soit encore d’une pathologie de l’anneau inguinal souvent associée à une pathologie lombo-sacrée ou sacro-iliaque.

La connaissance des « sports à haut risque » avec leurs gestes techniques spécifiques, permet de mieux comprendre le mécanisme de survenue de cette technopathie du sport, bénigne mais invalidante. Au centre du problème, on trouve les microtraumatismes répétés, le surmenage et le déséquilibre du couple « adducteurs-abdominaux » associés à l’hyperlodose lombaire et à la bascule antérieure du bassin.
Qu’il s’agisse de tendinite des adducteurs, d’arthropathie pubienne ou de béance de l’orifice inguinal, le diagnostic clinique s’appuie sur l’existence d’une douleur irradiant à la face interne de la cuisse, exacerbée à l’abduction forcée et à l’adduction contrariée, ainsi qu’à la palpation du pubis et de l’anneau inguinal. Une pathologie mécanique lombaire ou sacro-iliaque vient compliquer ce syndrome inguino-pubien dans 30% des cas.

Le traitement est d’abord conservateur, basé sur des soins locaux de physiothérapie et de massages, et surtout d’étirement musculaires des adducteurs, de tonification abdominale et des ischios-jambiers internes, visant à réduire l’hyperlordose lombaire et la bascule antérieure du bassin. La chirurgie reste une arme de dernier recours. Stretching des adducteurs et tonification abdominale sont les meilleurs moyens de prévention d’une affection fréquente, d’évolution imprévisible, hypothéquant souvent la carrière de ces sportifs.


Bibliographie

1– BENEZIS C : Les accidents musculaires : problèmes pratiques. In : Muscles, tendons et sport. Masson, Paris, p 199-206, 1985.

2– BENEZIS C, SIMON L et D’HOOGE M : L’ostéome musculaire. In : Muscles, tendons et sport. Masson, Paris p. 259-264, 1985.

3– BENEZIS C : Arrachements ostéo-périostés du bassin. In : Muscles, tendons et sport. Masson, Paris, p 60-68, 1985.

4– BOEDA A, COMMANDRE F et VERIT J : La symphyse pubienne et les adducteurs du footballeur. J Méd 12, 1747-1750, 1976.

5– DUREY A : L’arthropathie pubienne du footballeur. Cinésiologie 57-62, 1976.

6– IMBERT JC, BRUNET B, et BRUNET GUEDJ E : Les pubalgies. In : Muscles tendons et sport. Masson, Paris, p 249-259, 1985.

7 LE CRONIER M : Les lésions pubiennes des sportifs. A propos de 4 Thèse méd, Paris 1978.

8– MAIGNE R : Pubalgie, pseudo-tendinites des adducteurs et charnière dorso-lombaire. Ann Méd Phys 24, 313-319, 1981.

9– VIALA C : Le syndrome des adducteurs de cuisse chez le sportif. Thés. Méd, Montpellier 1981.



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