Annales Médecine Physique 1972;15:262-74
Articulations interapophysaires
et
pathologie douloureuse commune du rachis
R Maigne
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Si l'on invoque fréquemment la responsabilité
du disque dans la pathologie douloureuse traumatique ou dégénérative de la
colonne vertébrale, on a peu tendance à l'heure actuelle à faire jouer un
rôle aux articulations interapophysaires. Sans doute accuse t’on parfois
l'arthrose articulaire postérieure, ou parle t’on d'entorse vertébrale ou
vertébro-discale, mais cela reste rare.
Il nous paraît cependant qu'il faille
envisager plus largement la responsabilité des articulations
interapophysaires dans bien des algies vertébrales communes. Cela ne
signifie pas que leur atteinte soit forcément primitive. Les arguments dont
nous disposons nous pousseraient au contraire à penser qu'il s'agit le plus
souvent d'une pathologie secondaire à des lésions discales muettes par elles
mêmes.
A) Rappel anatomique
Les articulations interapophysaires ont une
forme et une orientation qui varie selon les différents étages du rachis.
Elles conditionnent l'amplitude et la direction des mouvements
(fig.
1)
de chaque segment vertébral. Leur capsule articulaire est dense, large,
assez élastique et les recouvre comme une coiffe. Elle donne naissance à des
formations méniscoïdes dans 84 % des cas (nous renvoyons aux Rapports de ce
volume pour tous les détails concernant ces formations). La capsule est
l'organe le plus innervé du rachis. Cette riche innervation est nécessaire
pour permettre à l'appareil musculaire de soutien de s'adapter aux
nombreuses variations de tension auxquelles ces articulations sont soumises.
Fig. 1
Sur un plan anatomique, notons que
cette articulation affecte des rapports très intimes avec la branche
postérieure du nerf rachidien qui la contourne. Cette dernière
innerve tous les plans postérieurs du dos : cutanés, musculaires,
articulaires et ligamentaires de l'occiput aux coccyx (Lazorthes).
Sur un plan fonctionnel, soulignons
l'étroite solidarité fonctionnelle au sein du « Segment Mobile » qui va lier
la partie antérieure (le disque) avec la partie postérieure (les
articulations interapophysaires). Celles ci s'écartent dans les mouvements
de flexion, se rapprochent dans les mouvements d'extension ou jouent
asymétriquement dans les mouvements de torsion ou de latéro-flexion.
B)
Anatomopathologie des douleurs articulaires postérieures
La lésion articulaire peut être
dégénérative, mécanique, malformative ou inflammatoire.
1)
Dégénérative
L'arthrose peut être primitive comme
cela peut se voir au niveau du rachis cervical,mais le plus souvent, elle
est secondaire à la détérioration structurale du disque, comme par exemple
dans le syndrome de la post-ménopause (de Sèze et Caroit), où les
articulations lombaires inférieures ont à subir des pressions supérieures à
leurs possibilités par suite de la détérioration discale, de la laxité
ligamentaire et du relâchement musculaire abdominal. Comme toute arthrose,
l'arthrose articulaire postérieure joue le rôle d'une rouille, favorise les
enraidissements segmentaires, les blocages articulaires. En outre elle subit
des poussées inflammatoires. Elle s'accompagne de réactions
périarticulaires.
2) Mécanique
C'est sans doute en modifiant sensiblement la
position du fragment du noyau inclus dans la fissure de l’anulus que la
manipulation peut dans ces cas rétablir un fonctionnement plus normal de
l'articulation et rendre supportables les contraintes qu'elle subit. C'est
ainsi qu'on voit disparaître souvent immédiatement après une manipulation la
sensibilité d'une articulation interapophysaire cervicale ou dorsale.
Il faut ajouter à cette notion purement
mécanique, celle du dérangement fonctionnel (voir l'article sur la
sémiologie). Celui ci double toujours le dérangement mécanique, dans le
système vertébral qui fonctionne entièrement sous le signe de l'automatisme.
Le raté dans un mouvement entraîne un circuit parasite, dont la contracture
est l'élément le plus palpable. Il semble même que cet élément fonctionnel
soit souvent plus important que l'élément mécanique et qu'il puisse lui
survivre. La contracture permanente tend ici à verrouiller le conflit et à
entretenir le disfonctionnement segmentaire, donc la souffrance articulaire.
Cela crée un cercle vicieux. La manipulation, en inhibant la contracture par
l'étirement brusque qu'elle apporte, peut la faire cesser. Ailleurs, on
pourra agir par d'autres procédés (étirement, physiothérapie, infiltrations,
etc. ).
Enfin, toute articulation en dysfonction
chronique et à plus forte raison si elle subit des poussées inflammatoires,
présente des réactions périarticulaires, sensibles et enraidissantes. Les
articulations interapophysaires n'y échappent pas. Cela provoque
l'irritation de la branche postérieure du nerf rachidien.
3) Malformations
articulaires
Elles peuvent jouer un rôle de facilitation
dans la pathologie mécanique ou dégénérative de ces articulations. Nous
renvoyons au rapport de C. Gillot qui, étudiant les articulations
interapophysaires lombaires, a pu trouver avec une grande fréquence des
malformations : asymétrie articulaire, existence de crêtes horizontales qui
sont susceptibles de favoriser des blocages articulaires, d'autant qu'à ce
niveau les articulations ont des formes de demi cylindre qui ne peuvent
guère que glisser en flexion extension.
4) Rhumatismes
inflammatoires
Nous ne ferons que mentionner ici, car cela
sort du cadre de cet article, l'atteinte rhumatismale des articulations
cervicales. C'est un signe habituel du Rhumatisme Inflammatoire de l'enfant,
mais elle est assez fréquente dans la polyarthrite rhumatoïde de l'adulte.
Elle peut parfois être précoce, mais c'est le plus souvent un symptôme
tardif survenant chez un rhumatisant traité depuis longtemps. Elle peut
entraîner des manifestations très diverses, de la simple cervicalgie aux
complications neurologiques graves. Elle peut aboutir à des luxations
atloïdo-axoïdiennes, et plus rarement à des luxations cervicales moyennes
(C3-C4 et C4-C5). Dans la pelvispondylite, les articulations
interapophysaires sont régulièrement touchées, l'évolution se faisant en
trois stades : ostéoporose puis érosion des facettes avec pincement de
l'interligne et enfin ankylose avec ossification de la capsule.
C) Douleurs qui peuvent
être liées à une lésion des articulations interapophysaires
Il est intéressant de savoir quelles sont les
douleurs qui peuvent être provoquées par la souffrance d'une articulation
interapophysaire. Il peut s'agir :
1) Douleurs locales :
irritation directe de l'articulation
Celle ci, comme l'a montré Taillard en opérant
sous anesthésie locale au niveau du rachis lombaire, provoque des douleurs
locales, et des douleurs irradiées qui ont une topographie
pseudo-radiculaire, suivant le trajet de la racine du même étage. Certaines
sciatiques des spondylolisthésis trouvent leur origine dans la souffrance
des articulations postérieures, comme l'ont montré Brocher et Taillard. Avec
Rageot, nous avons pu en soulager un certain nombre par la seule
infiltration de l'articulation postérieure.
Il est facile de retrouver ces irradiations
par l'infiltration locale. La seule irritation provoquée par l'aiguille peut
provoquer de telles douleurs irradiées, surtout lorsque l'articulation est
pathologique. Par exemple, dans l'observation no 5, l'infiltration de
l'articulation L5-Sl reproduisant exactement une topographie L5, allant
jusqu'au gros orteil qui était celle de la douleur spontanée.
2) Douleurs régionales
: le syndrome de la branche postérieure du nerf rachidien
Ce syndrome décrit par G. Lazorthes comporte,
le nerf étant mixte une souffrance tout à la fois sensitive et motrice. «La
contracture paravertébrale est la conséquence de l'irritation de ce nerf ;
elle résulte d'un véritable réflexe régional en réponse à l'irritation des
fibres de la sensibilité proprioceptive d'origine articulaire».
Dans les cas chroniques, on pourra rencontrer
dans son territoire d'innervation le même syndrome cellulo-myalgique que
nous avons décrit dans les atteintes radiculaires telles que sciatiques,
cruralgies ou NCB (voir Rapport sur les Dérangements intervertébraux et leur
sémiologie). C'est surtout sous la forme d'une bande de cellulalgie
suspendue qu'on le trouvera ; elle a quelques centimètres de hauteur et
s'étale obliquement à la partie externe du clos. Il faut se souvenir que le
territoire d'innervation cutanée des branches postérieures dorsales et
lombaires se situe généralement à 3 ou 4 étages au dessous de leur niveau
d'émergence. C'est ainsi que les plans cutanés de la région de la crête
iliaque et de la fosse iliaque externe sont innervés par les branches
postérieures de D12, L1 et L2. C'est à ce niveau et non au niveau de la
charnière lombo-sacrée, qu'il faudra rechercher la cause de certaines
lombalgies. La plupart des douleurs dites sacro-iliaques sont en fait dues à
l'irritation des branches postérieures lombaires qui innervent les tissus de
cette région (fig. 2).
Fig. 2 : Innervation
des plans cutanés du dos par la branche postérieure des nerfs rachidiens
A)
Branche postérieure du 7e nerf rachidien dorsal.
B)
Point d'émergence superficielle du rameau cutané.
C)
Zone d'innervation cutanée de ce nerf (D7).
D)
Branche postérieure du 12e nerf rachidien dorsal.
E)
Point d'émergence superficielle du rameau cutané.
F)
Zone d'innervation cutanée de ce nerf (D12).
Le tracé est schématique. Ne
figure pas sur ce dessin le rameau musculaire qui innerve les muscles
paravertébraux.
D)
Examen clinique
Nous ne reviendrons pas sur l'examen du
segment vertébral exposé dans un autre article de ce même numéro des Annales
; l'examen des articulations interapophysaires n'en n'est qu'une partie.
Rappelons cependant brièvement qu'on mettra en évidence la souffrance
articulaire postérieure e n la palpant ou en faisant une légère pression à
son niveau. Ceci est indolore sur une articulation normale, et très sensible
sur une articulation qui souffre. On reproduit ainsi souvent la douleur
spontanée du patient. C'est avec la pulpe de l'index ou du majeur que cet
examen est le plus commode. A l'inverse, on peut faire disparaître la
douleur locale et irradiée par l'infiltration anesthésique de la capsule
tandis que le début de l'injection augmente souvent cette même douleur ;
L'irritation de
la branche postérieure du nerf rachidien est en pratique la conséquence
directe de la souffrance articulaire et périarticulaire postérieure.
L'examen n'en est pas très facile. Cependant, il est un signe qui nous
parait très évocateur de la souffrance chronique de ce nerf : c'est
l'existence de la bande de cellulalgie suspendue que nous venons de décrire.
On la recherchera avec attention par le palpé-roulé des plans cutanés du dos
et des fosses iliaques. Elle aura un intérêt si elle est bien isolée dans un
territoire normal et si elle est unilatérale. La manoeuvre du pincéroulé
reproduit assez souvent la douleur spontanée du patient. Il faudra alors
examiner avec soin l'étage vertébral correspondant en se rappelant le
décalage d'étage et en sachant que les superpositions de territoire sont la
règle pour les étages voisins.
L'examen radiologique, que nous ne traiterons
pas ici, est le complément indispensable de l'examen clinique.
E) Traitement
Nous rappellerons que l'atteinte articulaire
postérieure est le plus souvent la conséquence d'un dérangement du segment
mobile, dont une lésion discale est responsable. Dans la plupart de ces cas,
le traitement est donc manipulatif. Il rétablit un meilleur équilibre
fonctionnel, par action mécanique ou réflexe sur la contracture ou par
action sur les deux et fait disparaître la souffrance articulaire
postérieure. La manipulation agit aussi comme elle le fait sur les
articulations des membres, sur les raideurs périarticulaires et nous savons
que les lésions traumatiques ou arthrosiques des articulations
interapophysaires s'accompagnent aussi de périarthrite, très facile à palper
au niveau du rachis cervical.
Le soulagement obtenu par une manipulation est
souvent immédiat : l'articulation n'est plus sensible à la palpation, tandis
que le patient se sent délivré de sa gêne ou de sa douleur. Il arrive même
que la bande de cellulalgie si sensible quelques minutes plus tôt au pincé
roulé, deviennent aussitôt indolore.
Ce sont d'ailleurs de tels tests de contrôle
que nous utilisons au cours des traitements manipulatifs pour juger de
l'effet d'une manoeuvre. Si celle ci est bien choisie, et le cas bien
sélectionné, chaque geste apporte un progrès. Aucun ne doit irriter. Parfois
après trois ou quatre séances de manipulation, on a obtenu une amélioration
appréciable ; mais le patient conserve une gêne ou une douleur. Si l'on
constate que le point articulaire postérieur reste encore très sensible, on
fait à son niveau une infiltration anesthésique. Si celle ci apporte un
soulagement immédiat, le test est positif. Il sera généralement utile de
refaire une infiltration avec un corticoïde retard qui apportera dans la
majorité des cas un excellent résultat. Cela est particulièrement vrai au
niveau du rachis cervical.
Lorsque pour des raisons cliniques ou
techniques, la manipulation ne peut être pratiquée et à plus forte raison,
lorsque l'irritation articulaire n'est pas d'origine mécanique (poussée
inflammatoire d'arthrose, par exemple), nous utiliserons l'infiltration
articulaire (après test anesthésique) en donnant notre préférence à un
corticoïde retard. Cela est tout particulièrement intéressant au niveau du
rachis cervical. Il faut bien entendu que l'atteinte porte sur un petit
nombre d'articulations, ce qui est généralement le cas.
Il est étonnant de constater en effet que dans
les poussées inflammatoires d'arthrose, il n'y a le plus souvent qu'une ou
deux articulations vraiment sensibles, alors que l'atteinte radiologique est
étendue. Cela est rendue plus vrai dans la pathologie traumatique ou
microtraumatique, où il n'y a le plus souvent qu'une articulation touchée.
Il en va tout autrement dans les atteintes du rhumatisme inflammatoire.
Technique de l'infiltration
Elle est simple. Il suffit d'injecter à un
centimètre et demi de la ligne médiane au niveau du point douloureux à la
palpation. L'aiguille est enfoncée perpendiculairement au plan cutané et
l'on rencontre le contact osseux à une profondeur croissante selon qu'on
s'adresse au cou, au dos aux lombes. Bien que l'orientation des
articulations soit différente à chacun de ces niveaux, l'aiguille atteint
facilement la capsule qui est très lâche. L'injection reproduit fréquemment,
ce qui est un signe favorable, la douleur et l'irradiation habituelle.
F) Observations
1) Au rachis cervical,
on trouvera avec une grande fréquence la sensibilité d'une
articulation interapophysaire :
Citons quelques observations typiques :
Obs.
1. M. B, 34 ans.
Cervicalgies post-traumatiques depuis
un accident d'automobile datant de six mois. La
douleur est droite avec forte
limitation de la rotation et de la latéro-flexion droite. A l'examen, on
note une vive sensibilité de l'articulation C5-C6, droite, qui paraît plus
grosse que la gauche, et dont la pression reproduit la douleur habituelle.
La mobilité cervicale a été sensiblement améliorée par trois
manipulations, mais il y a persistance d'une gêne permanente et d'une
douleur à la rotation extrême. L'infiltration intra-articulaire dans
l'articulation C5-C6 droite qui est très sensible à la palpation, d'un demi
centimètre cube d'un dérivé cortisoné, répétée deux fois à une semaine
d'intervalle, supprime complètement la douleur résiduelle et la gêne
fonctionnelle.
Obs.
2. M. S, 65 ans.
Présente une importante
cervicarthrose étagée de C4 à Dl portant sur les uncus et les articulations
interapophysaires. Il souffre depuis quatre mois. Il a été transitoirement
un peu calmé par le port d'une minerve puis par des anti-inflammatoires
pris d'une manière quasi continuelle depuis deux mois, qu'il supporte de
plus en plus difficilement. Deux ans plus tôt une longue poussée avait
finalement été calmée par la radiothérapie anti-inflammatoire. Deux cures
thermales sulfureuses avaient été faites par la suite. A l'examen, la
rotation droite est impossible, la rotation gauche fortement limitée, de
même que les mouvements de flexion et surtout d'extension. Mais ce qui
frappe, c'est qu'à la palpation seule l'articulation C6-C7 à droite est
vraiment très sensible, elle paraît augmentée de volume ; on a l'impression
d'une importante réaction péri articulaire. L'articulation gauche du même
étage est un peu sensible mais moins atteinte. Cependant, radiologiquement,
cet étage n'est pas le plus atteint. Il l'est moins que C4-C5 et C5-C6. Une
première infiltration intra articulaire C6-C7 droite provoque une vive
réaction de 24 heures puis une amélioration très marquée de la douleur. En
cinq infiltrations (quatre à droite et une à gauche, le patient est
complètement soulagé et la mobilité satisfaisante.
Obs. 3. Mme S, 30 ans.
Elle présente depuis l'âge de 14 ans des
céphalées occipito-orbitaires dont les crises sont allées en se rapprochant
et en augmentant de durée et d'intensité. Elles ne sont pas influencées par
les règles et l'on De retrouve aucune cause déclenchante particulière. Des
examens et explorations nombreuses, y compris une artériographie, ont été
pratiqués à différentes reprises car ces céphalées provoquent un handicap
sérieux chez cette jeune femme très active. Point capital, elles ont
toujours la même topographie occipito sus-orbitaire droite (cette
topographie occipito sus-orbitaire unilatérale est pour nous la topographie
la plus fréquente des céphalées cervicales). Elles se déclenchent souvent le
matin. Elles durent un ou deux jours. Elles sont très mal calmées par le
Pyramidon qui était efficace il y a quelques années. Les multiples
traitements essayés, y compris relaxation et psychothérapie, ont été des
échecs. Il n'y a pas de prodrome, pas de pâleur, pas de vomissements, mais
souvent des nausées. Seul point de l'examen clinique, l'extrême sensibilité
de l'articulation C2-C3 à droite et l'existence d'une importante cellulalgie
localisée à la région sous-occipitale droite. Toutes précautions étant
prises, on entreprend un traitement par manipulations. A la troisième
séance, nette amélioration ; la cellulalgie est très diminuée, la
sensibilité articulaire atténuée, et il n'y a eu qu'une crise par semaine.
Mais malgré la continuation du traitement manipulatif (six séances en tout),
on marque le pas ; l'amélioration reste très appréciable mais les crises
persistent au rythme de deux ou trois tous les quinze jours et
l'articulation C2-C3 reste encore très sensible et paraît encore augmentée
de volume à la palpation. C'est alors qu'on pratique une injection
intra-articulaire de corticoïdes, ce qui déclenche une crise aiguë de
céphalée de 24 heures, puis la patiente reste trois semaines sans souffrir,
une deuxième injection la laisse un mois sans douleurs ; après une troisième
injection, il n'y a plus en de céphalées (quatre mois de recul).
2) Au rachis dorsal,
la plupart des douleurs dorsales communes sont comme nous l'avons montré des
douleurs d'origine cervicale. Elles se présentent alors avec un point
douloureux très caractéristique retrouvé à l'examen à un travers de doigt de
l'épineuse de D5 ou de D6, et dont la pression reproduit la douleur
habituelle même lorsque le patient croit la ressentir plus haut ou plus bas.
C'est le mécanisme le plus fréquent des
douleurs dites « des couturières ». On rencontre cette algie inter
scapulaire d'origine cervicale avec une grande fréquence dans les
traumatismes cervicaux mineurs ou dans les séquelles de névralgies
cervico-brachiales. En fait, ce point douloureux para D5 ou D6 est
l'expression d'une souffrance cervicale quelle qu'en soit l'origine (bénigne
ou maligne) et semble t’il qu'elle soit discale, articulaire postérieure ou
même intra rachidienne. Il va sans dire que dans l'immense majorité des cas,
elle est de nature bénigne et mécanique.
Ce point para D6 correspond à l'émergence de
la branche postérieure de D2, toujours plus importante que ses voisines.
L'infiltration de celle ci à son émergence fait disparaître le point
inter scapulaire et parfois, surtout dans les formes aiguës, la douleur
dorsale. Les relais entre le rachis cervical inférieur et cette branche ne
sont pas clairs. Il semble s'agir du nerf sinuvertébral et d'anastomoses
entre les branches postérieures cervicales et dorsales supérieures.
Mais ce qui est intéressant ici, c'est qu'il
ne faut pas prendre le point inter scapulaire pour la souffrance de
l'articulation interapophysaire sous-jacente. C'est au contraire en
infiltrant l'articulation interapophysaire cervicale si elle est responsable
que l'on peut faire disparaître parfois instantanément le point douloureux
et la dorsalgie.
Voici un cas de dorsalgie d'origine cervicale
:
Mme. Bou... 30 ans.
Traumatisme cervical par accident d'auto il y a 6 mois. Présente depuis des
cervicalgies gauches et surtout une dorsalgie inter scapulaire fort gênante.
Il y a eu échec des traitements médicaux et aggravation par un essai de
rééducation. Radiologiquement : cyphose cervicale, et à l'examen vive
sensibilité de l'articulation C3-C6 gauche qui paraît augmentée de volume.
Une infiltration de Triamcinolone soulage
immédiatement la cervicalgie, et une demiheure plus tard, le point para D6,
si sensible à la pression, avait disparu. Revue quinze jours plus tard, elle
ne souffrait presque plus. Une deuxième infiltration la débarrassait de ses
cervicalgies et de sa dorsalgie rebelle.
Le cas suivant est une dorsalgie d'origine
dorsale :
Mlle Ch…, 42 ans. Dorsalgie
depuis une chute de cheval ayant provoqué nu tassement de D8, il y a 2 ans.
L'examen met en évidence une vive sensibilité au niveau de la région para
vertébrale D8-D9 droite. Le point douloureux semble bien correspondre à
l'articulation interapophysaire. Une injection de Novocaïne soulage
immédiatement la douleur pour quelques heures. Huit jours plus tard, on fait
une deuxième injection de Triamcinolone retard et on obtient un soulagement
définitif de cette douleur résiduelle qui était due à l'entorse articulaire
survenue en même temps que la fracture vertébrale.
3) Au niveau du rachis
lombaire, ce sont surtout des lombalgies, mais parfois des
syndromes pseudo-radiculaires trompeurs qui sont liés à la souffrance des
articulations interapophysaires.
Obs. 4. M. B,
54 ans. Il présente
depuis de nombreuses années des lombalgies à dominante droite qui vont en
s'aggravant. Il souffre surtout assis, en auto et debout. Il n'a jamais eu
de sciatique aiguë, mais présente fréquemment des irradiations à la face
postérieure de la cuisse droite. Radiologiquement, discopathie modérée L4-L5
et L5-S1. La flexion antérieure est limitée (doigt-sol 40 cm.) ; il y a
parfois douleur à la toux. Les muscles de la fosse iliaque externe droite
sont très sensibles à la palpation.
Traité par cinq
manipulations, il est nettement amélioré sur le plan de la mobilité
(doigtsol 10 cm.). Il n'a plus d'irradiations douloureuses. Les muscles de
la fosse iliaque externe ne sont plus sensibles. La douleur est moins forte,
mais persiste et est maximale au niveau de la crête iliaque droite, où l'on
note au palpé roulé une zone de cellulalgie très sensible dont la pression
rappelle la douleur résiduelle.
On pense alors à la possibilité de
l'irritation de la branche postérieure de D12. Effectivement, on trouve au
niveau de l'étage D12-L1 une douleur à la pression latérale contrariée des
épineuses et une douleur à la pression au niveau de l'articulation
interapophysaire droite. Une infiltration de cette articulation avec un
corticoide retard atténue la douleur lombaire qui disparaît complètement
après la troisième injection. Cette lombalgie de charnière se doublait donc
d'une lombalgie d'origine vertébrale haute, ce qui est loin d'être
l'exception.
Obs.
5. M. T, 55 ans.
Il présente une douleur sciatique
gauche qui dure depuis deux mois. La topographie est très précise. Elle suit
un trajet L5 irradiant jusqu'au gros orteil. Il a été traité par
infiltrations anti-inflammatoires, repos de 20 jours au lit, corset plâtré,
sans amélioration. Il était plutôt mieux dans le corset plâtré, mais le
repos allongé a été très pénible et on a du utiliser des calmants puissants.
A l'examen, le rachis est
très enraidi, avec une contracture " cordée" des gouttières paravertébrales
à la flexion antérieure qui est très limitée et déclenche aussitôt la
douleur sciatique. Le Lasègue est seulement à 70°. Réflexes et force
musculaire sont normaux. Pas de troubles sensitifs objectifs.
Radiolographiquement :
importante discarthrose L5-S1 et arthrose articulaire postérieure ; l'espace
L4-L5, tout en étant un peu mince, ne présente aucune lésion visible. Une
radiculographie a été conseillée et c'est avant de la faire qu'il vient nous
consulter.
A l'examen, on note une
très vive sensibilité de la région paravertébrale gauche au niveau de L5. En
un point très précis qui semble correspondre à l'articulation
interapophysaire, la pression du doigt déclenche en gâchette la douleur
irradiée. Nous pensons alors à la possibilité d'une pseudo-sciatique par
douleur articulaire postérieure et nous infiltrons l'articulation. Le seul
contact de l'aiguille avec la capsule provoque en éclair une vive
irradiation, ainsi que l'injection d'un demi centimètre cube de
Triamcinolone retard. Cette irradiation suit exactement le trajet habituel
de la douleur jusqu'au gros orteil. Dès l'infiltration, le patient est mieux
; la flexion antérieure est possible (la contracture s'atténue). Il présente
rapidement une petite réaction douloureuse dans la nuit. Trois jours plus
tard, il souffre beaucoup moins, le rachis est plus souple, il n'y a plus de
Lasègue. Une deuxième infiltration est faite. Un mois plus tard, il déclare
n'avoir plus souffert depuis cette deuxième infiltration et le rachis est
parfaitement souple et indolore.
G) Conclusion
La souffrance des articulations
interapophysaires, et le plus souvent d'une seule, nous paraît être d'une
grande constance dans les algies vertébrales communes. La richesse
d'innervation de la capsule, sa contiguité avec la branche postérieure du
nerf rachidien, font que cette souffrance est particulièrement « parlante ».
Cette souffrance se manifeste par des douleurs locales, des douleurs
régionales par irritation de la branche postérieure du nerf rachidien,
qui affecte avec elle des rapports étroits et des douleurs irradiées,
ces ces dernières ont souvent une topographie pseudo-radiculaire.
La preuve de leur responsabilité peut être
avancée sur les résultats obtenus par l'infiltration locale. Elles sont
particulièrement faciles à explorer au niveau du rachis cervical.
Leurs lésions peuvent être rhumatismales.
Elles peuvent être le siège de poussées inflammatoires d'arthrose. Elles
peuvent être atteintes dans les rhumatismes inflammatoires. Mais en matière
de pathologie vertébrale commune, les lésions sont essentiellement
mécaniques, favorisées éventuellement par la détérioration arthrosique ou
des malformations. Il peut s'agir de lésions primitives, blocages
intra-articulaires ou entorses vertébrales, dont l'existence reste encore
hypothétique. Mais c'est leur souffrance secondaire qui paraît la plus
vraisemblable, conséquence de lésions discales ou de hernies discales qui ne
sont pas toujours directement symptomatiques.
Le traitement sera souvent manipulatif, mais
dans bien des cas, l'infiltration intra-articulaire rendra de grands
services.
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